Dans un passé très lointain, selon la légende, les hommes parlaient

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Dans un passé très lointain, selon la légende, les hommes parlaient
Dans un passé très
lointain, selon la légende, les hommes parlaient tous la même langue, et
pouvaient donc aisément communiquer entre eux. Un jour, ils eurent l’idée de construire
une gigantesque tour (non, ce n’est pas Disneyland !), qui s’élèverait tellement haut qu’ils
pourraient côtoyer Dieu, et lui être en tous points égaux. Et les hommes commencèrent la
construction de ce gigantesque édifice, qu’ils nommèrent « tour de Babel » (encore un
nom de meubles chez Ikea...). Mais notre cher papi barbu, qui ne voyait pas les choses de
cette façon, n’était pas favorable au bon déroulement de leurs affaires, et décida que
désormais, il y aurait plusieurs langues, et que les humains ne pourraient plus
communiquer entre eux. Ne se comprenant plus, ils abandonnèrent la construction, se
séparèrent, et se répartirent un peu partout sur la surface du globe. Les jeunes, eux, pour
fuir leurs parents divorcés à cause de leurs différences linguistiques, allèrent se réfugier dans
des endroits sans intérêt pour leurs modestes personnes. Des endroits appelés « collèges
». Mais, n’ayant pas le même dialecte, ils s’inventèrent une langue bien spécifique, que eux
seuls pourraient comprendre. Et c’est ainsi que naquit la langue d’aujourd’hui...
Peut-être qu’en marchant dans la rue, vous
avez déjà entendu ce genre de phrase :
« Ouaiche, man ! Matte les bollos ! »
N’ayez pas peur, il ne s’agit pas d’une
invasion d’extra-terrestre, ni d’une
publicité pour Panzani.
Ce sont juste deux adolescents s’exprimant
en langue d’aujourd’hui, et parlant
d’enfants de 6 ans jouant au gendarme et
au pompier en face d’eux. Pour vous faire
la traduction, cela peut donner en
français :
« Ouah, mon ami ! Porte ton regard sur
ces simplets ! »
Si, dans un autre cas, vous entendez :
« Ouaiche, LOL ! MDR ! »
Non, ce n’est pas un touriste chinois en colère, c’est juste un ado qui rit à une blague. En
français, cela donne : « Ah ah ah, j’suis mort de rire ! »
La langue d’aujourd’hui a aussi des mots pour désigner une action. Par exemple, quand un
ado voit quelqu’un courir, il peut avoir un réflexe aussi bizarre qu’illogique ; il
crie: « Court, Forest, court ! », alors qu’il ne sait pas si la personne qui court s’appelle
Bertrand, Josiane ou Philibert. Et que ce soit une femme, un enfant, ou un papy ; du
moment qu’il court, il ou elle s’appelle Forest. Dans ce cas, aucune traduction n’est
possible, car ce texte, mesdames et messieurs, est bien du Français (et même plus, c'est
sortit d'un film!), et que les gens normaux ne crient pas ça (à part quand ils sont bourrés)
quand ils assistent à quelque course que ce soit.
Un dernier exemple : Si vous demandez à un ado si il a trouvé un film bien, il ne vous
répondra pas « Ouais, c’était cool », ni « Grave, c’était trop bien ! », mais uniquement
« Ouaiche, grave, c’était trop excellent ! ». Je n’ai sans doute aucun besoin de vous
traduire cette phrase, car elle reste quand même abordable, même pour une personne à
lente compréhension.
La langue d’aujourd’hui est aussi une langue à intonation : Nos chères usines à acné se
servent souvent de leur voix pour montrer qui est le patron. Prenons le cas d’un ado qui
rigole. En fonction de son taux d’amusement et de virilité, il fera en sorte d’exagérer plus
ou moins le rire, dans le but de faire écouter à tout l’établissement sa belle et envoûtante
voix chevrotante, et de montrer à ses congénères féminines qu’il est le plus fort, le plus
viril (vous n’êtes pas d’accord ? Lors de longues séances d’observation, j’ai pu remarquer
que l’ado rit plus fort quand des filles se trouvent à sa proximité que quand il n’y en a pas).
La seule différence avec les animaux, c’est qu’ils utilisent leur « cri » à toutes les périodes
de l’année, et pas qu’au Printemps.
Mais cet art oral se pratique beaucoup dans la gestuelle, tout comme sa cousine, la langue
des signes. Par exemple, pour dire : « Je suis beau, fort, poilu et viril », un ado doit
s’asseoir de préférence sur un banc, et c’est ensuite tout un rituel : d’abord, il écarte les
jambes à 90°. Ensuite, il met ses bras en arrière, les passe derrière le dossier du banc, puis il
s’avachit d’un coup en ré-écartant les jambes pour former un angle à environ 110°, de
manière à s’écarteler tel un martyre chrétien. Vient ensuite le quasi-traditionnel tic qui
consiste à agiter le pied droit ou le pied gauche de bas en haut, tout en mâchant son
chewing-gum et en ouvrant grand la bouche à chaque articulation de la mâchoire, de
manière à imiter un poney qui broute (Et en plus, le côté viril de ce geste est totalement
absent: trop d’air avalé, ça fait péter !).
Mais le plus ridicule dans la langue d’aujourd’hui, c’est le style à avoir pour la pratiquer
(chez les garçons, en tout cas. On peut d’ailleurs parler de « Politique du caleçon »).
Impérativement, si vous voulez engager la discussion, vous devez vous acheter un caleçon
qui tape à l’œil (comme si on n’avait que ça à regarder), le mettre, et ensuite baisser votre
pantalon jusqu’au milieu de votre humble et soyeux postérieur, de manière à ce que toute
personne vous croisant puisse admirer votre zouli caleçon fluo. Vous adoptez du coup une
démarche de canard, puisque, votre pantalon ayant été descendu d’au moins 10 cm, vous
vous dandinez tel un canard. Autre élément vestimentaire : Le blouson-sac-poubelle. Ce
vêtement (si on peut appeler ça comme ça), consiste à tailler un sac poubelle bien luisant
de façon à ce qu’on puisse l’assimiler à un manteau, et à le porter, tout simplement. Vient
ensuite la casquette N.Y. Pour la porter, visualisez-vous d’abord un beau et gros
champignon. Imaginez maintenant ce champignon sur votre tête. Voilà, vous savez à quoi
vous ressemblerez si vous mettez une casquette à la « jeun’s », ou tout bonnement si vous
voulez vous habiller en « jeun’s »: à un gros champignon tatoué des lettres N.Y, avec un
sac poubelle sur les épaules et imitant la démarche d’un canard, tout en portant un caleçon
fluo.
Voilà. Si vous avez lu ce texte, vous connaissez l’essentiel des choses à connaître quand
vous conversez avec nos « chères » petites choses boutonneuses et atrocement
irrésistibles. Cependant, les filles ont été épargnées dans cet article, pour la bonne raison
qu’elles en font trois fois moins (À part les « Ouaiche non mais oh ! », les « Ouiaiche
Manu », ou les « Il est trop LOL, ce mec » - phrases qui, notez-le, sont des notions
abstraites dans la bouche de toute personne normalement cultivée – nos adorées tas de
maquillage se comportent mieux oralement.)
Fini le « verlan », les « veugra », les « Tu me kiffes ? Je t’kiffes ! » Et même les
cerveaux (pour un adolescent typique de nos jours, le seul moyen de penser, c’est le
portable); nos ados changent, linguistiquement et vestimentairement, mais
malheureusement, dans la plupart des cas, n’évoluent que très rarement...
Gardons tout de même une note optimiste : Un ado boutonneux de 15 ans à la Justin
Bieber vous enverra peut-être vous faire voir, mais passé 20 ans, vous sautera au cou,
remontera son pantalon, et se mettra à porter des strings léopard. Et quand vous penserez
à lui ou elle à 15 ans, vous pourrez enfin dire : « Mais ça, c’était avant...».
Jo'

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