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LIVRES
L I V R E S
DPRK
de Alain Gardinier
Paris, Daphnis et Chloé, 2014, 296 p.,
18,00 €
L
es amateurs de romans d’espionnage
feront peut-être la fine bouche. Les
connaisseurs de la République démocratique et populaire de Corée (acronyme
français : RDPC, DPRK en anglais) émettront sans doute quelques réserves, tout
en reconnaissant la valeur de la documentation, très approfondie.
Mais tous suivront avec avidité ce récit de
la mission d’un agent de la D GSE , le
contre-espionnage français, chargé de
récupérer un scientifique enlevé par les
Nord-Coréens pour le faire travailler sur
le site nucléaire de Yongbion.
Les dernières pages, en particulier, sont
menées tambour battant. La conclusion
proposée est originale et même astucieuse.
La littérature permet d’accéder à une
L’homme qui aimait
les chiens
de Leonardo Padura
Éditions Métaillé, Paris, 2013, 742 p.,
14,00 €
C
onstruit comme un thriller – l’auteur
est un des maîtres du polar cubain –,
L’homme qui aimait les chiens réussit à
N° 55
atmosphère, à un vécu que ne rendent
pas facilement les meilleures analyses
politiques et géopolitiques. DPRK nous le
permet.
À lire, donc, sans oublier qu’il s’agit d’une
fiction, pour mieux comprendre cette
forme de totalitarisme archaïque qu’est le
système politique nord-coréen.
PR
créer un suspens à partir d’événements
connus. Sur les traces de Ramon
Mercader, l’assassin de Trotski, il nous
conduit en Espagne durant la guerre
civile, en URSS dans une école d'agents du
NKVD, dans la Cuba castriste et la Russie
post-stalinienne. Avec les déportations de
masse, la liquidation des compagnons de
Lénine et celle des liquidateurs euxmêmes, il dresse un catalogue des
mensonges, des trahisons, des horreurs et
des crimes staliniens.
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histoire & liberté
Ivan le narrateur, écrivain cubain, victime
à ce titre du castrisme dont il avait été
l’ardent zélateur dans sa jeunesse, en a la
révélation par le récit que lui fait sur une
plage de Cuba un mystérieux personnage
accompagné de deux chiens. Ce récit est
l’histoire de Ramon Mercader del Rio,
jeune communiste espagnol, devenu, sous
la pression de sa mère, agent du NKVD, et
chargé d’assassiner Trotski. Il s’exécute
pour servir «la Cause», dont il découvre
finalement la duplicité.
aux multiples identités ; les peintres
Siqueiros et Diego Rivera ; Frida Kahlo,
qui aurait eu une brève liaison avec
Trotski, sur laquelle Isaac Deutscher, un
de ses biographes, reste discret; la naïve
Sylvia, «amie» de Ramon… Si le roman
décrit les sentiments, les doutes, les
inquiétudes de Trotski et ceux de son
assassin, il n'incite cependant pas pour
autant à la compassion. À la fois bourreaux et victimes, tous deux, comme les
autres personnages, sont des fanatiques
aveuglés par la passion politique et
idéologique.
Le seul qui mérite compassion est Ivan,
jamais bourreau, mais toujours victime,
et incarnant toutes les victimes. Le récit
qu’il écrit lui est volé par la mort, et celui
que nous lisons n’en est que le fantôme.
Les principaux rôles se manifestent à
travers des montages parallèles. Caridad,
la mère de Ramon ; Kotov, son mentor
Ce roman est donc avant tout le procès
du fanatisme. Il est passionnant malgré
quelques longueurs. À ceux qui connaissent ces événements, il donnera matière à
réflexion. Aux autres, il révélera des
éléments fondamentaux sur l’histoire de
l’illusion et du totalitarisme communistes. Un bon roman est parfois plus
instructif qu’un savant traité.
Charles-Michel Cintrat
w w w. s o u v a r i n e . f r
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OCTOBRE 2014

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