Le Bâillon - 100 Détours pour changer le monde

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Le Bâillon - 100 Détours pour changer le monde
Cinq minutes de lecture pour apprendre à mieux lire la société
Des mots pour des maux
Un outil d’éducation populaire Autonome du MÉPACQ
numéro du 13 décembre 2006
Le Bâillon
Ou quand la majorité cadenasse les minorités
Le mardi 12 décembre 2006, le gouvernement québécois a imposé un bâillon à l’Assemblée nationale pour
pouvoir adopter, de manière accélérée, quatre projets de loi « urgents ». C’est au moins la cinquième fois que
le gouvernement Charest utilise cette stratégie qui, on le verra plus loin, choque plus par l’attitude qu’elle met
en valeur que par le résultat du vote... Prenons quelques instants pour mieux comprendre ce qu’est un bâillon
parlementaire.
Avant d’aller plus loin, trois définitions nécessaires
1. La ligne de parti
La ligne de parti est un concept très important dans la politique en général.
C’est lorsqu’un parti politique demande à tous ces députéEs de voter pour ou contre
une loi. Donc, aucune exception n’est tolérée, tout le monde vote pareil. C’est le rôle du
« whip », qui se traduit littéralement par « fouet », de s’assurer de l’application, par tous,
de la ligne du parti. Le whip est une fonction officielle dans un parti politique.
En clair, les députéEs ne représentent pas toujours leurs concitoyenNEs, ils représentent,
le plus souvent, les idées mises de l’avant par leur parti.
2. La majorité au parlement + la ligne de parti = un résultat prévisible
Voilà une équation nécessaire pour comprendre le fonctionnement du gouvernement.
S’ils ont la majorité (donc plus de la moitié des députéEs éluEs présentEs) et qu’ils se
servent de la ligne du parti, ils sont sûrs, en bout de course, de gagner tous les votes.
Sauf s’il y a des absentEs ou des députéEs contestataires.
3. La suspension des règles de procédures
À l’Assemblée nationale, l’adoption de projet de loi est soumise à un ensemble de règles. Ces
règles, que l’on peut facilement comparer à nos règles de fonctionnement en assemblée générale,
contrôlent la façon dont se font les débats. Dans ce cas-ci, suspendre les règles de procédures,
c’est mettre de côté ces règles normales pour les remplacer par des règles qui favorisent le parti
majoritaire. Au diable la démocratie, le parti majoritaire a le pouvoir et il s’en sert.
Qu’est-ce qu’un bâillon parlementaire?
Le bâillon, c’est une procédure usuelle utilisée à l’Assemblée nationale. Elle permet à un gouvernement
majoritaire de suspendre les règles de procédures afin d’adopter une série de projets de loi à la fin d’une session
parlementaire.
En imposant le bâillon, la majorité empêche l’opposition d’utiliser diverses tactiques pour retarder l’adoption
des projets de loi. Sans le bâillon, l’adoption de plusieurs projets de loi, qui ne font pas l’unanimité, pourrait être
reportée à une session ultérieure, ce qui retarderait l’action du gouvernement.
Depuis 1985, les gouvernements successifs ont eu recours au bâillon à 49 reprises. Si nous comptons le bâillon
de la présente session, les péquistes l’ont utilisé 28 fois et les libéraux 21 fois (en date du 13 décembre 2006). Ce
sont les libéraux qui ont imposé un bâillon qui visait le plus grand nombre de projets de loi, soit 28 en 1992.
Définition tirée et adaptée de « Projets de loi controversés - Le bâillon au nom de
l’urgence », par Robert Dutrisac, Le Devoir, 16 décembre 2003.
En clair, qu’est-ce que ça change?
Pour le gouvernement en place (les libéraux, depuis le 14 avril 2003)
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Aucun des projets de loi adoptés sous le bâillon ne sera rediscuté durant la prochain session parlementaire, qui
devrait commencer au milieu de l’hiver 2007.
L’opinion publique ne peut plus influencer les résultats du vote puisqu’une fois la loi adoptée, la loi entrera
nécessairement en vigueur. Donc, notre pouvoir citoyen de contestation est considérablement limité.
Cela met donc fin aux manifestations contre les projets de loi, aux éditoriaux contestataires et à tout ce qui
pourrait nuire à la réélection du gouvernement en place.
Pour nous, les citoyenNEs
• Par rapport au résultat du vote des projets de loi, ça ne change presque rien. Comme nous l’avons expliqué
à la page précédente, un parti majoritaire peut faire ce qu’il veut s’il utilise la ligne de parti et que tous ses
députéEs sont présentEs.
• Quelquefois, c’est à force de déranger le gouvernement qu’il change d’idée et qu’il accepte nos points de vue.
Cependant, avec le bâillon, le gouvernement nous coupe l’herbe sous le pied et nous empêche de faire monter
la pression.
• L’attitude d’un gouvernement, qui utilise le bâillon comme une mesure normale, nous semble autoritaire et
anti-démocratique. Si la démocratie parlementaire n’est pas parfaite, que devient-elle si on limite le rôle de
l’opposition (parlementaire et citoyenne) à celui de plantes vertes qui attend l’imposition d’un bâillon?
Que faut-il en déduire?
Puisque le bâillon suspend les règles de fonctionnement normal de l’Assemblée nationale, c’est une mesure
antidémocratique qui ne doit être utilisée que pour adopter des projets de loi urgents. Donc, pour évaluer si un
bâillon est une bonne mesure, il faut évaluer si l’urgence commande une adoption accélérée du projet de loi et si le
gouvernement majoritaire n’a pas intérêt à mettre fin au dossier et à la contestation qui entoure le projet en question.
N’oublions pas que le gouvernement paie le prix de l’utilisation du bâillon (il se montre anti-démocratique et
autoritaire). Donc, il a avantage à utiliser cette mesure pour les projets de loi importants ou pour ceux qui risquent de
lui coûter sa réélection. Le bâillon est très rarement une bonne chose et le gouvernement doit comprendre que nous ne
l’appuyons pas lorsqu’il se sert de son pouvoir pour limiter l’exercice du pouvoir citoyen et parlementaire.
Pour aller un peu plus loin...
Quelques projets de loi adoptés sous un bâillon depuis 2003
Décembre 2003
• La loi 31, qui révise le Code du travail pour faciliter la soustraitance. Les opposants craignent que le nouveau régime
de travail ne menace la sécurité d’emploi et le niveau de
salaire des salariés qui tomberont sous la coupe d’un soustraitant.
• La loi 25 sur les fusions d’établissements dans le réseau
de la santé et la disparition des régies régionales. Certains
croient que la vocation de prévention des établissements
sera sacrifiée par cette réorganisation.
• La loi 30, qui fusionne des syndicats dans les hôpitaux.
• La loi 32, qui permettra la hausse des tarifs de 5 $ à 7 $ par
jour dans les garderies.
• Les lois 7 et 8, qui empêchent la syndicalisation des
personnes qui font de l’hébergement en milieu familial.
• La loi 34, qui accorde aux seuls élus municipaux le contrôle
du développement régional.
• La loi 9, qui permet les défusions des villes constituées en
2001.
Juin 2004
• Le projet de loi 55 modifie les structures de la SAAQ et
ouvre la voie à une hausse importante des tarifs.
• Les projets de loi 61 et 63 créent respectivement l’Agence
des partenariats public-privé et Services Québec, un guichet
unique regroupant plusieurs services gouvernementaux.
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Le projet de loi 75 prévoit la reconstitution des villes
défusionnées.
Le projet de loi 78 modifie quant à lui la mission de la
Caisse de dépôt et placement, qui privilégiera désormais la
rentabilité plutôt que le développement économique.
Décembre 2005
• La loi 124 sur les centres de la petite enfance (CPE).
• La loi 142, la loi spéciale imposant les conditions de travail
des 500 000 employés du secteur public.
Juin 2006
• Le projet de loi 23 sur la privatisation partielle du Parc
national du Mont-Orford
• Le projet de loi 9 sur les véhicules hors route.
Décembre 2006
• Le projet de loi 57 sur les heures d’ouverture des marchés
d’alimentation.
• Le projet de loi 33 (découlant du jugement Chaoulli), qui
ouvre la voie au secteur privé en santé.
• Le projet de loi 49 sur les transferts de contrats
d’aménagement et d’approvisionnement forestier
(CAAF).
• Le projet de loi 52 sur la mise en oeuvre de la stratégie
énergétique du Québec.
Les Tables régionales...
Abitibi-Témiscamingue - REPAT
(819) 762-3114
Montérégie - TROVEP
(450) 443-9330
Centre-du-Québec - AGEPA
(819) 795-4441
Montréal - TROVEP
(514) 527-1112
Côte-Nord - Table des groupes
populaire
(418) 589-2809
Outaouais - TROVEP
(819) 771-5862
Estrie- TROVEP
(819) 566-2727
Lanaudière - MÉPAL
(450) 752-4770
Mauricie - ROM
(819) 379-2889
Québec et ChaudièreAppalaches - RÉPAC
(418) 523-4158
Saguenay- Lac-St-Jean
- Chibougamau-Chapais
MÉPAC
(418) 547-2102 #234
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