Quelles pratiques informationnelles pour soutenir la créativité
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Quelles pratiques informationnelles pour soutenir la créativité
Business School WORKING PAPER SERIES Working Paper 2014-280 Quelles pratiques informationnelles pour soutenir la créativité organisationnelle? Dorota Leszczyńska http://www.ipag.fr/fr/accueil/la-recherche/publications-WP.html IPAG Business School 184, Boulevard Saint-Germain 75006 Paris France IPAG working papers are circulated for discussion and comments only. They have not been peer-reviewed and may not be reproduced without permission of the authors. Résumé Cette publication présente la comparaison des rôles distinctifs d’une communauté créative et d’une communauté virtuelle dans une optique de créativité organisationnelle. Le principal axe d’investigation concerne les mécanismes informationnels adopté respectivement par les communautés créatives et par les communautés virtuelles pour faire face aux contraintes spécifiques au contexte de leur activité. La méthodologie de recherche est celle de l’étude de cas suivie de la recherche-intervention. Le cas d’une ancienne communauté créative, largement reconnue depuis plusieurs générations, est comparé au cas d’une communauté virtuelle constitué grâce à l’avènement des technologies de transmission des parfums par l’Internet. Ces exemples relèvent certains éléments des échanges créatifs comme: les savoirs sensoriels humains, le contexte émotionnel, l’émotion partagée, la communication tacite, etc. Mots clés Communauté créative, communauté virtuelle, mécanisme informationnel, connaissance tacite, transmission des parfums par Internet. Abstract This publication presents a comparison of the distinctive roles of innovative communities and virtual communities, in the perspective of organizational creativity. The main line of investigation concerns the informational mechanisms chosen respectively by innovative communities and virtual communities, in order to match the specific features of the environment of their activity. The research methodology is that of a case-study followed by a process of research/intervention. The case of a long-standing innovative community, widely acknowledged for several generations, is compared to the case of a virtual community which has been set up thanks to the advent of new technologies of fragrance transmission via the Internet. These examples highlight some aspects of creative exchanges, such as human sensorial knowledge, emotional environment, shared emotions, tacit communication etc… Keywords Innovative community, virtual community, informational mechanism, tacit knowledge, fragrance transmission via the Internet. Communauté créative versus communauté virtuelle. Quelles pratiques informationnelles pour soutenir la créativité organisationnelle? Innovative communities versus virtual communities: what informational practices may be used to support organizational creativity? Dorota Leszczyńska Ingénieur agronome INA P-G Docteur en Sciences de Gestion GREDEG - Groupe de recherches en droit, économie, gestion Université de Nice-Sophia Antipolis CNRS 250, rue Albert Einstein Bt. 2 06560 Sophia Antipolis Valbonne – France Professeur en management à l’IPAG 4, bd Carabacel 06000 Nice Tél. : 04.93.13.39.22 Fax : 04.93.13.39.13 [email protected] Introduction Les recherches sur la créativité représentent un domaine relativement nouveau et émergent en sciences de gestion. Les études longitudinales qui explorent la créativité collective dans un contexte organisationnel, comme celle de Hargadon et Bechky (2006), restent exceptionnelles. D’une part, les psychologues s’intéressent à la créativité au sein d’une communauté et poursuivent des recherches pour approcher la créativité en tant que phénomène collectif (Paulus et Nijstad, 2003), tandis que les recherches en management se focalisent principalement sur la créativité individuelle (Shalley et alii., 2004). D’autre part, si les apports théoriques existants rassemblent les résultats concernant les incitations et les freins de la créativité collective (Cohen et Bailey, 1997), de nombreux auteurs (Runco, 2004; Shalley et alii., 2004; Zhou et Shalley, 2003) inclinent à penser que la recherche d’un dispositif de management de la créativité en entreprise est toujours considérée comme un vrai défi en sciences de gestion. Un courant des travaux théoriques se dégage alors pour démontrer que les relations sociales et affectives sousjacentes aux communautés professionnelles facilitent le partage des expériences, augmentent la confiance et ont pour conséquence la création de nouvelles connaissances. (Alter, 2000; Forgas, 2003; Herz et alii, 2004; McFadyen et Cannella, 2004; Côté, 2005; Hinds et Mortensen, 2005; George et Zhou, 2007). Le but de cette publication est de mettre en perspective ces éléments théoriques par une comparaison des rôles respectifs d’une communauté créative et d’une communauté virtuelle dans une optique de créativité organisationnelle. Sawhney et Prandelli (2000) proposent le concept des communautés créatives ou « communities of creation » dans le domaine du management du processus d’innovation. Le lieu de la créativité organisationnelle se situe au sein d’une communauté créative qui agit dans un contexte favorable. Ces auteurs soulignent l’importance de la construction d’un contexte spécifique, d’un espace d’expérience commune, pour le partage des connaissances explicites et tacites1. Pour leur part, Gibson et Cohen (2003) définissent la communauté virtuelle à partir de trois caractéristiques: a) b) 1 Il s’agit d’une communauté réelle composée d’un ensemble d’individus interdépendants dans la réalisation de leurs tâches et qui partagent la responsabilité de leurs résultats. Cette communauté est perçue comme une unité sociale à part entière encastrée dans un ou plusieurs systèmes sociaux. Elle manage collectivement ses attitudes par rapport aux contraintes (Hackman et alii., 2000). Il s’agit d’individus séparés géographiquement pour réaliser leur travail. «Within the community (of creation), explicit knowledge as well as tacit knowledge can be shared because participants build up a common context of experience allowing them to socialise knowledge developed in specific contexts.» (Sawhney et Prandelli, 2000, p. 2). c) Ainsi, le travail est réalisé virtuellement, par l’intermédiaire des technologies de l’information et de communication, plutôt qu’en face-à-face. Nous focaliserons la présente communication sur le processus d’innovation « produit », et plus précisément sur la phase créative située en extrême amont du processus, alors même que le processus n’a pas encore réellement démarré. Dans un premier temps, nous nous intéresserons à la vision contextuelle, située, de la communauté créative. Cette approche nous amènera à nous pencher sur les mécanismes informationnels touchant l’émotion au sein de la communauté. Si les auteurs s’accordent aujourd’hui pour montrer que les acteurs développent les relations directes au sein d’une communauté afin d’échanger les informations et le savoir, le but étant de créer de nouvelles connaissances, le contexte « émotionnel » de ce développement est laissé sans explication approfondie. Dans un deuxième temps, nous nous interrogerons sur les facultés créatives d’une communauté virtuelle. De nombreux chercheurs sont aujourd’hui conscients des multiples obstacles auxquels doivent faire face les membres d’une communauté virtuelle. Certains auteurs (Metiu, 2006) inclinent à penser que la dispersion géographique et la distance sociale entraînent principalement des conséquences négatives pour la coopération au sein de la communauté virtuelle (p. 420). Enfin, deux exemples concrets permettent de comparer empiriquement la conceptualisation respective de la communauté créative et de la communauté virtuelle. Ainsi, nous comparerons le cas d’une ancienne communauté créative, largement reconnue depuis plusieurs générations, à celui des communautés virtuelles constituées consécutivement à l’avènement de la transmission des fragrances par l’Internet. 1. L’approche comparative de la communauté créative et de la communauté virtuelle Dans cette première partie, nous tentons d’éclairer un problème central du management de la créativité : quels modes d’échange informationnel doivent adopter les communautés à vocation créative pour faire face aux contraintes spécifiques au contexte de leur activité ? En effet, il est maintenant devenu possible pour un nombre de personnes plus élevé que jamais auparavant, d’engager une collaboration et une compétition en temps réel avec un nombre d’autres personnes également de plus en plus élevé, ceci dans une diversité croissante de types de travail et de lieux sur la planète, et dans une réciprocité fondée sur une égalité professionnelle jamais atteinte par le passé. (Friedman, 2005). Dans certains pays, les entreprises recherchent les bénéfices générés par une baisse des coûts ; dans ce but elles améliorent la performance de leurs systèmes d’information, et réalisent plus d’activité par l’intermédiaire de leurs équipes travaillant à distance. Quelles contraintes devront alors surmonter ces communautés virtuelles pour engager un effort créatif ? Quelles vont être les répercussions du développement des communautés professionnelles en ligne sur le fonctionnement des communautés créatives traditionnelles ? (George et Zhou, 2007) suggèrent une influence réciproque entre le comportement des subordonnés et le soutien des managers. 1.1.Les mécanismes informationnels au sein d’une communauté créative. La vision située de cette communauté Schön (1983) souligne la dimension communicationnelle du processus de création des connaissances. Le lien entre la situation et la communication est aussi présent dans les travaux de Zarifian (1995), eux-mêmes enracinés dans la perspective théorique d’Habermas sur l’agir communicationnel. Cette partie de notre recherche est centrée sur l’approche des communautés créatives (Sawhney et Prandelli, 2000). Ajoutons que nous nous intéresserons, plus précisément, à la dimension située des communautés créatives (Greeno, 1998; Journé et Raulet-Croset, 2004). Nonaka et Konno (1998) proposent le concept de «l’espace d’action commune», nécessaire pour le développement des relations interpersonnelles qui servent de base à la création des connaissances utiles pour la créativité organisationnelle. La participation à cet espace est un moyen de dépasser les limites des perspectives habituelles et contribue ainsi au processus dynamique de développement et de partage des connaissances. Ainsi, le lieu, parce qu’il procure l’espace d’action commune (Nonaka et Konno, 1998), parce qu’il est le contexte d’une activité en commun (Suchman, 1987), fournit le cadre nécessaire au partage des connaissances au sein d’une communauté de créateurs (Sawhney et Prandelli, 2000). Quelles sont les caractéristiques d’un tel lieu ? De quelles connaissances s’agit-il ? Et quels sont les mécanismes informationnels de ce partage de connaissances ? Pour la plupart des auteurs le lieu de la créativité ne se situe pas à l’intérieur d’une entreprise, d’une façon générale et banale, mais au sein d’une communauté composée de membres qui agissent dans un contexte favorable (Nonaka et Konno, 1998). Le caractère, souvent informel, des communautés s’avère propice à l’apprentissage, la maîtrise croissante et le développement de nouvelles connaissances utiles pour la créativité organisationnelle. L’engagement des membres, qui se trouve être le moteur de la communauté créative, rend son fonctionnement beaucoup plus efficace que les procédures traditionnelles de travail. Plusieurs auteurs (Oh, Chung et Labianca, 2004) soulignent que les employés qui participent aux communautés informelles se retrouvent confrontés aux conflits de pouvoir au sein de leurs organisations. Dans ses analyses, Smith (2003) incline à penser que les communautés de créateurs se forment de préférence en dehors des structures formelles et rigides qui caractérisent l’entreprise, en raison des difficultés particulières relevant du système de management de l’entreprise et de l’enjeu de pouvoir que représentent les communautés. La nature tacite des communautés créatives les rend résistantes à la supervision et à l’interférence. En effet, pour s’engager dans le partage des connaissances, les créateurs doivent pouvoir s’affranchir des enjeux de pouvoir et des différences entre départements. De manière plus générale, les auteurs mettent en cause la capacité d’une organisation hiérarchique à stimuler sans l’étouffer une forme originellement clandestine. Les études récentes concernant le rôle des superviseurs Côté (2005) présente les modèles de l’interaction sociale pour démontrer les effets de la régulation mutuelle émotionnelle dans les conditions du travail. Par l’analyse des rencontres interpersonnelles, ces modèles démontrent que les personnes qui émettent des messages émotionnels communiquent une information riche et importante aux récepteurs de ces messages. L’exercice de la créativité exige d’un collectif la capacité à gérer des situations d’incertitude. La génération des idées créatives conduit en effet vers de nombreuses pistes, mais certaines d’entre elles ne sont pas nouvelles alors que certaines autres ne sont pas vraiment utiles. La créativité représente souvent un risque pour les membres d’une communauté créative, car elle peut entraîner une sorte de challenge par rapport au statu quo. La créativité est par ailleurs périlleuse car elle est toujours associée au risque de l’erreur et de l’échec. (George et Zhou, 2007). Alter (2000) souligne que la coopération et le soutien mutuel permettent de gérer des situation à forte incertitude dans un contexte de créativité : "une qualité supplémentaire caractérise ces relations. L’affectivité des échanges, la manifestation de l’émotion permet le soutien mutuel, nécessaire à l’exercice d’activités professionnelles réalisées en situation de forte incertitude. Lors de situations techniquement ou socialement complexes, l’entraide et la coopération s’accompagnent ainsi souvent de convivialité, […] elles supposent la manifestation de la sympathie, de similitude des sentiments pour être dépassées." (p. 219). McFadyen et Cannella (2004) démontrent que les relations suivies, établies au sein d’une communauté créative, produisent un effet favorable sur la création de nouvelles connaissances. Ces relations facilitent le partage des expériences et augmentent la confiance. Elles favorisent le développement du langage commun, du système de communication silencieuse et des liens d’amitié. 1.2. L’approche de la communauté virtuelle Le terme de « communauté virtuelle » est devenu coutumier dans les apports théoriques en management au début des années 1990. Rheingold (1993) a popularisé le premier la notion de « communauté virtuelle » en se référant aux agrégations sociales émergeant en ligne sur les réseaux à base de TIC. Le terme sera ensuite largement repris, notamment par Wenger (1998). La nature virtuelle de ces communautés s’explique, d’une part par leur dispersion géographique et, d’autre part, par leur dépendance par rapport aux technologies de l’information et de communication (Griffith et Neale, 2001; Axtel et alii., 2004). Les membres d’une communauté virtuelle peuvent assurer les mêmes fonctions au sein de leur organisation, ou alors appartenir à des organisations distinctes. « C’est en interagissant pour échanger des informations, produire une œuvre commune ou générer des transactions que les individus constituent ce que l’on qualifie de communauté en ligne » (Benghozi, 2006, p. 69). Von Hippel (1994) propose le terme « stickness » 2 pour évoquer le caractère « adhésif » de l’information au sein de l’organisation, et pour traduire ainsi la difficulté de transfert des connaissances d’une unité à l’autre à l’intérieur d’une entreprise, et d’une entreprise à l’autre. Ces contraintes sont accentuées dans le contexte des communautés virtuelles. Les résultats des recherches soulignent en effet que les membres des communautés virtuelles doivent faire face aux difficultés créées par la distance géographique et physique et aux problèmes liés à la cohésion de la communauté, aux conflits, à la confiance, à l’attribution des résultats, à la connaissance contextuelle mutuelle et à l’accès à la connaissance distribuée (Griffith et Neale, 2001, Axtel et alii., 2004). Compte tenu de l’absence de la proximité, les membres d’une communauté virtuelle dispersée géographiquement interagissent entre eux plus faiblement et utilisent des formes de communication moins riches que les membres d’une communauté créative qui interagit en face-à-face (McGrath et Hollingshead, 1994). L’attractivité interpersonnelle et l’amitié apparaissent alors moins souvent, les relations à distance sont plus stéréotypées et les membres éprouvent de la difficulté à s’identifier à leur communauté virtuelle. Les communautés à orientation individualiste s’avèrent alors plus efficaces que les communautés à l’orientation collectiviste ayant reçu le même objectif de créativité (Goncalo et Staw, 2006). Les communautés virtuelles à vocation collectiviste apparaissent ainsi plus conformistes que les communautés créatives classiques. La capacité des différentes organisations à recueillir l’information personnelle est devenue grandissante. Les membres de plus en plus nombreux des communautés virtuelles doivent se demander si l’extension de cette mise en place de systèmes d’information indiscrets de collecte des données personnelles est nécessaire et légitime, ou si elle est fantasque et ne représente qu’une violation des droits fondamentaux de la propriété. Ainsi, la propriété de l’information représente, dans le contexte contemporain des communautés virtuelles, un facteur critique de sécurisation. La propriété de l’information correspond à un certain niveau de liberté qu’une organisation accorde à ses employés pour toutes les pratiques liées à la collecte, au stockage, à la diffusion et à l’utilisation de leur information personnelle, tant que ces pratiques sont perçues comme légitimes. Alge et alii., (2006) démontrent que la propriété de l’information améliore le niveau des facultés psychologiques et contribue ainsi à la créativité en entreprise. Ainsi, la propriété de l’information entraîne l’absence du contrôle critique du superviseur et d’un monitoring étroit, absence déterminante pour la créativité. Etant donné l’importance de l’identité commune et du savoir partagé pour une communauté virtuelle, il devient intéressant de s’interroger sur les mécanismes 2 «Sticky information» d’adaptation et les stratégies de contournement développés par ces communautés pour remédier à leurs difficultés. 2. La méthodologie de recherche Notre recherche, profondément « compréhensive » implique un rapport très étroit au terrain et une approche descriptive, neutre, qui s’abstient de toute tentation d’évaluation ou de normativité. Simon (1991) souligne que nous ne pouvons comprendre un système qui existe dans un environnement ou prédire son comportement, à moins de connaître la méthode et l’histoire de son évolution. La méthodologie de recherche est celle de l’étude de cas suivie de la recherche-intervention (Claveau et Tannery, 2002, Hlady-Rispal, 2002). Une première étude de cas a été conduite en 2004-2007 au sein des PME de l’industrie aromatique de la région de Grasse. Cette recherche avait pour but de décrire le fonctionnement des communautés créatives contribuant à l’émergence de l’innovation dans ce secteur industriel et de soutenir, dans un deuxième temps, les projets créatifs par une recherche-intervention. Nous avons interrogé, au cours d’entretiens semi-directifs approfondis sur l’innovation, trente huit acteurs très fortement impliqués dans le processus d’innovation travaillant dans huit PMEPMI de l’industrie aromatique. La liste des structures sollicitées est la suivante : Haarmann&Reimer, Art&Parfum, Albert Vieille, Robertet, Perlarom, Sentaromatique, Fragrances Essentielles, Galimard. La répartition des entretiens selon le rôle en entreprise de la personne interrogée est la suivante : – la direction : sept entretiens – le syndicat professionnel : quatre entretiens – la recherche (les parfumeurs-créateurs et les aromaticiens) : treize entretiens – les services marketing et commercial : quatre entretiens – la production : quatre entretiens Cette phase qualitative s’est appuyée sur des entretiens semi-directifs de deux heures environ en face-à-face. Le matériau retranscrit fut traité par l’analyse thématique du contenu. Pour le codage des données, nous nous sommes concentrés sur les représentations liées aux mécanismes informationnels. Une deuxième étude de cas a été conduite en 2008-2009 par l’analyse de trois communautés virtuelles : www.fragranceforyou.com www.olfacom.com et www.scentv.tv. Cette recherche avait pour objectif d’approcher les mécanismes informationnels mis en jeu pour favoriser la créativité. 3. L’étude de cas de la communauté créative Le concept de l’espace d’action commune favorable à la créativité (Nonaka et Konno, 1998) trouve son illustration dans le contexte spécifique de la région grassoise qui favorise la mémorisation et la transmission des connaissances tacites de génération en génération, depuis des siècles. Il est à ce titre significatif de noter que cette région a été le lieu choisi par l’État et les pouvoirs publics régionaux pour la mise en place en 2006 du pôle de compétitivité « Parfums, Arômes, Senteurs, Saveurs ». Le concept de « communauté créative » (Sawhney et Prandelli, 2000) trouve de nombreuses illustrations dans l’industrie aromatique de la région de Grasse. Les informations et les connaissances se diffusent ainsi très facilement, par exemple entre les aromaticiens de Grasse, bien qu'ils travaillent pour des entreprises concurrentes. Les relations sociales fortement empreintes d’affectivité, sous-jacentes au fonctionnement d’une communauté professionnelle à vocation créative (Alter, 2000, McFadyen et Cannella, 2004) sont bien éclaircies par la communauté professionnelle des parfumeurs - créateurs. Ainsi, les liens de camaraderie très forts unissent les parfumeurs de Grasse, quelles que soient leurs entreprises respectives. La construction d’un espace d’expérience commune nécessaire pour le partage des connaissances tacites (Nonaka et Konno, 1998, Sawhney et Prandelli, 2000) est illustreé par l’exemple de cette communauté créative qui révèle l’importance de la transmission des connaissances tacites liées aux facultés sensorielles humaines afin d’initier le processus créatif. La proximité réelle dont bénéficient les membres de cette communauté créative facilite les interactions directes et favorise les formes de communication riches en émotion. Ainsi, l’identification des membres avec leur communauté créative est très forte. 3.1. Les mécanismes informationnels au sein de la communauté créative La transmission des connaissances est liée à l’existence de communautés partageant les savoirs. (Sawhney et Prandelli, 2000). Par exemple, dans le cas de l’olfaction, la connaissance tacite est transmise grâce à un contact personnel, lorsqu’une communauté de praticiens sent ensemble un produit et échange des appréciations. « On ne peut créer à partir de rien, et la richesse de nos compositions olfactives sera le résultat de nos échanges et critiques réciproques. Un créateur décrira l’huile de myrrhe avec ces mots : une touche de résine, chaude et amère. Un autre : une fragrance intense et sèche de froment et de bois. Ainsi, la combinaison de nos perceptions ne fera qu’ajouter à la richesse de notre palette. Nous croyons que, là où le créateur de parfums produit de nouvelles idées, ses pairs seront, eux aussi, bien présents au stade de l’application – non pas pour faire remarquer qu’il y a un peu trop de telle ou telle substance – mais plutôt pour aider à la clarification de la pensée menant à l’accomplissement plus rapide et plus limpide de la forme olfactive que le créateur a dans son esprit. Si nous avons l’esprit ouvert les uns vis-à-vis des autres, nos échanges permettront à tous de progresser. […] Lorsqu’ils veulent acheter un parfum, les gens ont tendance à utiliser seulement quelques mots vagues qui, hors de leur contexte, peuvent avoir différentes significations. Que veut-on dire par un parfum « frais » ? Frais comme le citrus ? Frais comme la menthe ? Frais comme le lilas ? Qu’il a un toucher frais ? Qu’il donne une sensation de fraîcheur ? Ou bien qu’est-ce qu’un parfum doux ? Doux sucré ? Doux comme la vanille ? Qui donne une sensation de douceur ? Doux comme le musc ? Doux par opposition à fort ? » (Témoignage d’un parfumeur - créateur). Les perceptions olfactives des parfumeurs - créateurs s’expriment dans un vocabulaire bien spécifique et propre à cette profession. L’apprentissage de ce vocabulaire repose sur une communication tacite établie au contact direct d’un parfumeur. Ainsi, le fait de co-construire un vocabulaire très spécifique autour des perceptions olfactives conditionne le fonctionnement créatif collectif de cette communauté. « La manière la plus efficace d’exercer la parfumerie est le travail de groupe; dans ce contexte, chaque composition se discute ouvertement en équipe, celle-ci étant à l’origine du développement de la formule de parfum la plus efficace et la plus économique. Le dialogue et la communication sont de toute première importance au sein de notre équipe de créateurs de parfums. De cette façon, la création olfactive est étroitement liée à notre capacité à relier entre eux des éléments d’information olfactive qui n’avaient jamais été associés auparavant (imagination). » (Témoignage d’un parfumeur - créateur). 3.2. La dimension émotionnelle des mécanismes informationnels au sein de la communauté créative Le modèle de transmission des connaissances tacites au sein d’une communauté de métier par « socialisation » (Nonaka et Konno, 1998) ne permet d’approcher que partiellement la transmission des connaissances tacites dans cette situation de la communauté créative, où le métier de compositeur de parfums repose sur le « savoir sentir » et nécessite de l’intuition. La transmission des connaissances tacites repose ici sur les relations personnelles directes et implique des échanges émotionnels entre les membres de la communauté créative. Le mécanisme de l’injection affective s’opère par l’intermédiaire du processus de l’information. L’affectivité influence non seulement les souvenirs mais aussi de manière très importante l’apprentissage et l’interprétation de nouvelles informations (Forgas, 2003). Les percepteurs ont tendance à interpréter la nouvelle information de manière approprieé à leur état affectif, ils engagent le processus de traitement de nouvelles informations plus lentement et plus profondément quand ils sont sous l’emprise de l’affectivité (Forgas, 2003). « Selon mon expérience de création de parfums, le besoin de création vient du désir de s’exprimer, de dire quelque chose à l’autre selon sa propre forme d’expression, pour se prouver sa propre existence. (On n’existe pas sans «l’autre». Je suis «je» parce que tu me dis «tu»). Pour moi, toute expérience en absence de sensibilité est très pénible. Je recherche le plaisir des contacts humains dans la construction d’un parfum. La promotion d’un produit auprès de tierces personnes passe par un processus de séduction. Ce processus suppose suffisamment de croyance en le produit créé, pour le défendre en laissant un peu de place à un doute. La personne en face sentira le nouveau parfum et prendra l’offre par ce côté incertain qui, en fait, rend l’offre plus facile à adopter. Le succès de mes parfums dépend avant tout de l’apparition d’un coup de cœur contagieux. La décision du lancement dépendra dans ce cas de l’émotion partagée, du ressenti commun, qui pourra, s’il est sincère, devenir transposable à d’autres personnes. Certains clients (entreprise du secteur de la parfumerie) n’acceptent pas le processus de séduction et leur choix est conditionné par une approche pragmatique, approche basée sur les tests, avec toutes les variantes de calcul possibles. Les clients sont rassurés par les chiffres. Il est difficile de trouver l’intersection entre les deux démarches. » (Témoignage d’un parfumeur - créateur). L’essentiel de l’activité des parfumeurs – créateurs reste fondamentalement tacite. « L’approche du parfumeur est fondée sur l’essence même de la vie : un échange permanent d’informations. Le parfum, le langage des senteurs, qui va de la simple et unique odeur, des formules simples en vogue au XVIIIe siècle, aux mélanges sophistiqués d’aujourd’hui, représente aussi une forme de communication. » (Témoignage d’un parfumeur - créateur). Le cas des communautés créatives de la région grassoise illustre la situation de communautés très anciennes, largement reconnues depuis plusieurs générations et qui innovent continuellement. La problématique de la construction des mécanismes informationnels qui facilitent la création de nouvelles connaissances n’est pas la même dans le cas des communautés virtuelles. Nous allons approcher cette problématique dans le cas qui suit. 4. L’étude de cas de la communauté virtuelle Les parfumeurs - créateurs reconnaissent le rôle des technologies de l’information et de communication : « L’informatique a rationalisé notre façon de penser, avec une nouvelle habitude d’anticiper les réponses escomptées à des questions spécifiques. » (Témoignage d’un parfumeur - créateur). Si la cohésion de la communauté créative repose en premier lieu sur les relations interpersonnelles, cette communauté peut être soutenue par le développement de technologies de l’information et de communication. Ainsi, le site Web de création des parfums en ligne (www.fragranceforyou.com), destiné à l’usage du grand public, existe depuis 2000. Ce site est destiné aux femmes américaines de tout âge qui recherchent en ligne des propositions de parfums personnels pour ellesmêmes, leur famille et leurs amis. Afin d’obtenir l’offre d’une fragrance personnelle, ces femmes communiquent en ligne les informations concernant leur personnalité, leur disposition affective, leur attitude psychologique, leurs caractéristiques physiques et leur style de vie. Elles conçoivent par ailleurs le flacon de leur parfum, décoré d’une photo et d’une inscription personnelle. Ces informations personnelles et intimes sont communiquées plus facilement dans un espace virtuel de création extérieur à une organisation hiérarchisée. En absence de proximité, les membres d’une communauté virtuelle interagissent entre eux plus faiblement que les membres d’une communauté créative qui fonctionne en face-à-face. (McGrath et Hollingshead, 1994). Ainsi, l’échange transversal d’informations au sein de la communauté virtuelle « fragranceforyou.com », dispersée géographiquement, rendu possible par l’intermédiaire d’un blog, reste relativement réduit. Le développement récent des technologies électroniques de la transmission des parfums par Internet a contribué au développement des communautés virtuelles. Ainsi, les équipements de métrologie neurosensoriels mettent en œuvre des capteurs sensibles au message olfactif qui émane de la source odorante, et délivrent des signaux électriques, numérisés et traités pour devenir représentatifs du message olfactif, et exploitables à des fins de comparaison, d'archivage ou de transmission. Un brevet de la société France Télécom, déposé en septembre 1999, concerne toute diffusion de fragrances via un réseau de télécommunication mettant en jeu le téléchargement puis l’utilisation d’un algorithme en temps réel pour piloter les diffuseurs de parfums (France Télécom R&D). La restitution des parfums est réalisée par l’intermédiaire d’un périphérique informatique, le diffuseur. Le boîtier du diffuseur, contenant les fragrances sous forme de cartouches amovibles, est relié à un terminal d’ordinateur pour être piloté par une application logicielle spécifique qui assure la synchronisation entre la diffusion des fragrances et les images, sons et données qui y sont associés. La transmission de ces informations nécessaires à la diffusion des senteurs peut s’effectuer via un réseau de télécommunications commuté (Internet) ou diffusé (télévision). La participation de plusieurs industriels (Ruetz Scents Systems®, AC2®, Osmooze®) a conduit à la mise en place de prototypes opérationnels de diffuseurs d’odeurs. Ainsi, la fiabilité technique de ce dispositif a été démontrée pour la première fois en Europe. En parallèle, trois start-up américaines (Digiscents, Aromajet et Trisenx) proposent à partir de 1999 la diffusion des fragrances par voie électronique. Une de ces start-up, Trisenx, s’associe en 2000 avec le leader des entreprises grassoises, la société Mane et fils, par l’intermédiaire de sa filiale aux USA. La coopération concerne l’utilisation d’un logiciel (SENXWare Scent Design Studio(MC)) permettant l’intégration de fragrances aux sites Web, aux courriels, aux applications multimédias, aux méthodes d’aromathérapie et à d’autres contenus en ligne. Progressivement les entreprises de Grasse intègrent ces avancées technologiques; à partir de 2003 la société Robertet collabore au développement d’un nouveau diffuseur pour la création des parfums. Les sites Web de diffusion olfactive multimédia destinés à l’animation, la communication et au bien être olfactif, par exemple www.olfacom.com, apparaissent en France en 1999. La diffusion des parfums est réalisée par l’intermédiaire de cartouches amovibles. Olfacom.com propose à la communauté des professionnels une expérience olfactive bâtie autour du concept d’interactivité numérique entre les images les sons et les parfums. Les informations olfactives échangées, de nature sensorielle, assurent une synchronisation avec : - un spectacle audiovisuel, - l’ambiance et l’animation d’un espace de vente, - un spot publicitaire, - un support pédagogique… Enfin, la communauté constituée autour du site Web www.scenttv.tv présente l’exemple de la dernière étape dans l’évolution de l’échange d’information sensorielle au sein d’une communauté virtuelle. Cette communauté créée en 2007 travaille autour des contenus olfactifs de films, de jeux vidéo et de sites Internet. La perception élaborée est globale. Les sens visuel, auditif et olfactif se mêlent pour une même impression. La connaissance du contexte devient plus précise dans ces conditions. La transmission des parfums par Internet favorise l’avènement de la communication spontanée (Hinds et Mortensen, 2005). La communication spontanée engendre des liens sociaux particuliers entre les membres d’une communauté virtuelle. Les membres de cette communauté virtuelle communiquent librement au sein d’un espace de communication virtuelle dédié : « My Scent Life ». Les membres créatifs de « Scenttv.tv » ont la possibilité de télécharger leurs propres compositions parfumées et d’échanger leurs propositions créatives avec d’autres membres de la communauté. 5. Discussion L’approche de créativité collective dans un contexte organisationnel soulève des questions de méthode pour le chercheur en sciences de gestion. Comment identifier une communauté créative située ? Dans notre étude, une communauté créative largement établie a été approchée par la méthodologie de l’étude de cas. Les recherches futures pourraient s’appuyer sur la méthodologie de la recherche-action et/ou de la recherche-intervention. Ces recherches, basées sur les analyses contextuelles et historiques, ouvrent la possibilité d’une transposition contrôlée des savoirs 3 obtenus d’une situation à une autre . Nous pourrons ainsi compléter nos connaissances sur les effets bénéfiques de la proximité pour le fonctionnement des communautés créatives, par une étude des difficultés engendrées par d’autres types de distances (la distance culturelle, la position hiérarchique) existantes entre les membres d’une communauté. L’avènement très récent des communautés virtuelles consécutif à l’apparition des technologies de transmission des parfums par Internet est suivi d’une évolution très rapide. Les avancées technologiques les plus récentes de la téléphonie mobile ouvrent la perspective d’une production de téléphones mobiles capables de transmettre des parfums (opérateurs téléphoniques japonais: NTT Communications, unité de solutions Internet de Nippon Telegraph et Telephone Corp.). Ainsi, le contenu audiovisuel téléchargé par les utilisateurs d’un téléphone mobile sera associé à des parfums spécifiques grâce à un service à la disposition des clients de NTT à partir de mars 2009 (Yasuko Oka, porte parole de NTT). Plusieurs voies de recherches futures s’ouvrent dans cette perspective : - comment élucider le fonctionnement interne d’une communauté virtuelle qui est réellement à l’œuvre dans son activité créative ? - comment observer/capturer les échanges au sein d’une telle communauté ? Les études futures permettront de répondre aux interrogations sur la capacité des communautés virtuelles de s’adapter et d’innover sans cesse pour faire face aux difficultés de son fonctionnement, pour trouver les voies permettant de réduire la distance. Conclusion Les possibilités des technologies modernes d’information et de communication contribuent à la formation, de plus en plus fréquente, de communautés virtuelles. Ces communautés se distinguent par rapport aux communautés créatives travaillant en face-à-face par la nature virtuelle de leur activité. Les membres de la communauté virtuelle sont séparés par la distance géographique et restent fortement dépendants des technologies de l’information et de communication pour la réalisation de leur tâches de travail. Les conséquences de cette absence de proximité, aussi bien affective que cognitive, révèlent la difficulté d’une communauté virtuelle à partager les savoirs contextuels et opérationnels et à assurer la cohésion de la communauté virtuelle autour d’une identité partagée. Tandis qu’une communauté créative traditionnelle que nous avons nommée « communauté créative située » bénéficie des interactions de proximité dans une situation propice aux rencontres et aux échanges créatifs, la communauté virtuelle doit fournir intentionnellement un effort pour ériger les ressources collectives et pour élaborer une identité partagée au sein d’une communauté séparée par les distances géographiques. La communauté virtuelle construit ainsi les stratégies permettant de contourner la distance géographique, d’y remédier ou de s’adapter. La transmission des fragrances représente ainsi la possibilité de contournement des difficultés de fonctionnement d’une communauté virtuelle par la création d’une association émotionnelle positive avec d’autres membres de la communauté (Herz et alii, 2004). Les technologies électroniques de la transmission des informations sensorielles, et notamment de la diffusion des fragrances par Internet, contribuent à l’avènement de la communication spontanée et renforcent ainsi les interactions au sein de la communauté virtuelle. Cette communication informelle, non planifiée est naturelle pour les membres d’une communauté créative située. Dans le cas d’une communauté virtuelle la communication spontanée doit être créée par l’intermédiaire d’une action concertée de ses membres. Dans nos exemples nous avons rencontré : - les éléments des échanges créatifs suivants, à notre connaissance jamais mentionnés par les auteurs : les savoirs sensoriels humains, le contexte émotionnel, l’émotion partagée, la communication tacite, la communication silencieuse… - une problématique non évoquée dans les apports théoriques mais fortement présente sur le terrain : quelles pratiques informationnelles adopter pour soutenir la vocation créative d’une communauté virtuelle ? 3 «Detailed attention to cases, context and history is essential to the development of science, and that in the most meaningful way to proceed in developing a social science that respects the diversity of situations while also developing an understanding of the processes found in many situations and that can be used to explain what happened in each case.» (Greenwood et Levin, 1998, p. 85) Références Alge, B. J., Ballinger, G. A., Tangirala, S ., & Oakely, J. L. (2006). 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