Françafrique, les acteurs coté Français Charles Pasqua Robert Bourgi

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Françafrique, les acteurs coté Français Charles Pasqua Robert Bourgi
Françafrique, les acteurs coté Français
(source http://www.afrique2010.fr)
Loin de vouloir nier la corruption coté africain, il nous a paru important de rappeler le rôle de la
France et sa responsabilité dans la situation économique, sociale, politique et environnementale
de bon nombre de pays africains. La Françafrique est une véritable pieuvre occulte désignant
l’ensemble des relations personnelles et des mécanismes politiques, économiques et militaires qui
lient la France à ses anciennes colonies ainsi qu’à un certain nombre d’autres pays africains. Ci
dessous, un panorama qui illustre la partie émergée de l'iceberg, de cette nébuleuse terrifiante qui
aujourd'hui encore, après 50 années de sois-disant indépendance, écrase les populations
d'Afrique pour la plus grande gloire de la France, qui continue de piller les ressources
économiques, et pour le plus grand bonheur des élites françaises, de gauche comme de droite,
qui perpétuent un système décidément bien lucratif...
Charles Pasqua
tion confirmée en appel pour financement illégal de sa
campagne européenne de 1989, et surtout condamnation à un an de prison ferme dans l’affaire de l’Angolagate. Ce pourrait n’être qu’un début, puisque Pasqua
doit comparaitre en 2010 devant la Cour de Justice de
la République en sa qualité d’ancien ministre pour trois
affaires dont celle de la Sofremi, société d’exportation
d’armes dépendant du ministère de l’Intérieur. Il est
également toujours mis en examen dans l’affaire franco-irakienne « Pétrole contre nourriture ».
Né à Grasse, Charles Pasqua entre d’abord chez Ricard, où il devient en 10 ans le n°2 du groupe en
charge des exportations. Il bâtit par la suite sa carrière
politique dans les Hauts-de-Seine. Entré dès 1947 au
RPF, il participe en 1959 avec Foccart à la création du
SAC, la police politique de De Gaulle. Proche de Chirac, il participe à la fondation du RPR en 1976, et sera
ministre de l’Intérieur sous les gouvernements Chirac
et Balladur. Son soutien à Balladur en 1995 lui vaut Et dire qu’il réclamait fin 2009 la levée du secretd’ailleurs d’être écarté du premier cercle des chira- défense...
quiens, tant et si bien qu’il crée en 1999 son propre
parti souverainiste, le RPF.
Pourtant, Pasqua fut le pilier central de la politique
françafricaine de Chirac - avant de tenter sans succès
de devenir calife à la place du calife,. Dès 1970, il dispute à Foccart une partie des réseaux françafricains. Il
les développera en accentuant les passerelles avec la
mafia corse et le Proche-Orient, qui compte beaucoup
d’expatriés en Afrique.
Impossible d’énumérer toutes les affaires que ses adversaires ont contribué à révéler par presse interposée.
Citons seulement la fourniture d’armes à des régimes
comme le Soudan raciste ou le Zaïre de Mobutu ; l’approvisionnement de la guerre civile en Angola ; les
montages financiers avec ses amis d’Elf ; ou encore le
développement du monopole corse sur le secteur très
juteux des jeux, paris et casinos en Afrique.
Robert Bourgi
Né en 1945 à Dakar, Robert Bourgi est le fils d’un
riche commerçant libanais. Après une expérience de
professeur coopérant en Afrique, Bourgi se rapproche,
par l’intermédiaire de son père, du sulfureux Jacques
Foccart. Celui-ci l’introduit dans le cercle très fermé
des dirigeants africains et des cadres du RPR.
Dans les années 80, il devient ainsi conseiller de
Jacques Chirac à la mairie de Paris puis du ministre de
la coopération Michel Aurillac. C’est grâce à son aide
que Jacques Toubon prend le contrôle des Clubs 89, un
satellite du RPR devenu un véritable creuset françafricain. A la mort de Foccart, en 1997, il gagne en influence, Chirac lui confiant la mission d’initier Dominique de Villepin à l’Afrique...
A ce niveau on ne parle plus de casseroles, mais d’une
véritable batterie de cuisine, dont les suites judiciaires
sont pourtant bien timides. Mais l’impunité du respectable sénateur des Hauts-de-Seine semble peu à peu
prendre l’eau.
Avant la présidentielle de 2007, Bourgi « lâche » les
Chiraquiens, pour rejoindre Sarkozy. Lors de la cérémonie d’investiture du nouveau président, Bourgi est
dans le cercle réservé à la famille et le 27 septembre
2007, il reçoit la légion d’honneur des mains de
Les jugements défavorables se multiplient : condamna- Nicolas Sarkozy, son « ami de 24 ans ».
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Sur l’éviction du secrétaire d’Etat à la Coopération
J.M. Bockel, déclassé en 2008 pour avoir voulu « signer l’acte de décès de la Françafrique », Bourgi explique d’une manière remarquablement décomplexée :
« Je suis allé voir le Président [...] et je lui ai passé le
message ferme et voilé de menaces du Président Bongo. Il m’a dit : écoute, dis à Omar et aux autres chefs
d’État que M. Bockel partira bientôt et sera remplacé
par un de mes amis. Ce nouveau ministre prendra ton
attache, [...] tu l’initieras à l’Afrique ».
Jacques Foccart
Elevé aux Antilles, dans la France d’Outre-Mer,
l’homme d’affaires Foccart est devenu dès 1944 l’un
des tout premiers adjoints officieux de De Gaulle - ce
qui suppose d’importants contacts antérieurs. Il a été
immédiatement chargé de l’essentiel de la face cachée
du gaullisme : liens avec les services secrets (dont il a
été le patron de fait), constitution de réseaux d’influence et de groupes de militants aguerris (un service
A la veille de l’élection gabonaise de 2009, Bourgi, qui d’ordre musclé, frayant avec le grand banditisme), fiappellait Omar Bongo « papa », déclarait : « Au nancements occultes (via l’Afrique coloniale notamGabon, la France n’a pas de candidat mais le candi- ment).
dat de Robert Bourgi c’est Ali Bongo, or je suis un ami C’est donc tout naturellement qu’il a été chargé, au
très écouté de Nicolas Sarkozy ». Et c’est vrai : Bourgi tournant des indépendances africaines (1966-1962), de
est bien devenu l’un des principaux hommes d’in- concevoir et diriger la Françafrique, cet ensemble de
fluence de la Françafrique décomplexée.
dispositifs inavoués destinés à confisquer les indépendances africaines. Inavoués parce qu’illégaux : De
Gaulle concédait officiellement l’indépendance, mais
chargeait Foccart d’organiser le maintien de la dépenL’homme du discours de La Baule sur une hypothé- dance (politique, économique, financière, militaire,
tique démocratisation (1990) est aussi un des artisans etc.).
majeurs de la perpétuation de la politique néo- En même temps, Foccart organise le parti gaulliste
coloniale française en Afrique. Dès 1948, il voyage en RPF puis son avatar l’UDR. Il veille aussi au service
Afrique dans les traces de Foccart, y nouant des d’ordre du RPF, qui constituera un vivier de recrues
contacts qui lui permettront de conforter sa position pour le célèbre SAC (Service d’action civique), qu’il
politique, grâce à des députés locaux.
crée en 1959.
Il devient ainsi ministre de la France d’Outre-Mer Parallèlement, il exerce l’activité de patron d’une en(entre 1950 et 1951), puis ministre de la Justice en treprise d’import-export, la Safiex. Installer la França1956, et, à ce titre, l’un des hauts responsables de la ré- frique dans les bottes de la France coloniale est une
pression en Algérie.
lourde mission. L’accès au pouvoir de dirigeants
Dès son arrivée à la Présidence, en 1981, il charge son « amis » ne se fera pas sans casse : du massacre des
conseiller spécial François de Grossouvre de rassem- Bamilékés du Cameroun aux assassinats ciblés de
bler les éléments d’un réseau mitterrandien sur le grands leaders africains et d’opposants aux dictatures continent. Sa cellule élyséenne est chargée d’exhiber éteignant en même temps de grands espoirs pour
une capacité de nuisance envers la Françafrique chira- l’Afrique. « Monsieur Afrique » de De Gaulle, Foccart
quienne, qui octroie du coup à la Mitterrandie une part le restera à l’Élysée au côte de Pompidou.
du gâteau, via l’ami Pasqua.
En 1974, Giscard n’en voudra plus tandis que le PreMonté rapidement en puissance, le fils Jean-Christophe mier ministre Chirac fait équipe avec Pasqua, pour les’inscrit dans le sillage des choix et des réseaux pas- quel Foccart n’a que mépris. Mais Chirac finira par réquaïens. Ainsi, les Mitterrand père et fils apporteront cupérer ce grand talent, l’installant comme conseiller
un soutien indéfectible aux dictateurs Mobutu, Sassou lorsqu’il regagne Matignon en 1986 et prenant à son
(que son proche, Jacques Attali, défendra à la moindre égard la posture de « fils spirituel ».
occasion), Eyadéma, Biya, Déby, Gouled Aptidon... Jusqu’à sa mort en 1997, Foccart restera un conseiller
Les membres de la garde élyséenne se recyclent rapi- écouté.
dement en créateurs de firmes de sécurité (viviers à
mercenaires).
François Mitterand
Le génocide de 1994 au Rwanda, « pas trop important » selon François Mitterrand, est le point d’orgue
de sa politique africaine tant le soutien aux génocidaires est effarant.
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CRETS chargée de mener des opérations armées à
l’étranger. Cette officine privée de mercenariat sera
La carrière politique de Jacques Toubon démarre avec sollicitée par la veuve du président Rwandais Habyaril’arrivée de Jacques Chirac à Matignon. En 1976, Tou- mana pour enquêter sur l’attentat ayant entrainé la
bon participe à la fondation du RPR dont il deviendra mort de celui-ci en 1994.
le secrétaire général en 1984. En 1981, il est élu député Dans ce cadre, Barril fait porter la responsabilité de
puis, en 1983, maire du XIIIè arrondissement de Paris. l’attentat sur les FPR, contribuant ainsi à la stigmatisaDe 1993 à 1995, il est ministre de la Culture, et dès tion des Tutsi par le gouvernement provisoire hutu.
l’élection de Jacques Chirac en 1995, il devient Garde Barril aurait également pris une part active à l’ « opédes Sceaux jusqu’en 1997.
ration insecticide ». Cette opération, dont le nom fait
Il recevra à ce titre une lettre « indignée » du ministre référence aux Tutsi désignés comme des cafards par la
de la Justice belge à propos des fréquents séjours en propagande des génocidaires, a été organisée à la deFrance du colonel Bagosora, cerveau du génocide mande du gouvernement intérimaire rwandais afin de
rwandais. Loïc Le Floch Prigent l’accusera même de former au tir et aux techniques d’infiltration des élélui avoir demandé de ne pas répondre à la convocation ments de la garde présidentielle rwandaise, connue
de la juge Éva Joly le 4 juillet 1996, en pleine instruc- pour sa participation très active aux massacres des premiers jours du génocide.
tion de l’affaire Elf.
Jacques Toubon
Incontournable des barbouzeries politico-militaires
françafricaines, Paul Barril est également connu pour
ses activités au Congo Brazzaville, en particulier le recrutement par sa société de mercenaires pour le compte
de Denis Sassou-Nguesso dans le but de défendre les
intérêts d’Elf dans le pays. Mis en examen pour
« association de malfaiteurs, en vue de la commission
d’extorsion en bande organisée, en vue de la
commission d’assassinat et de corruption » dans le
En 2009, Jacques Toubon a également été observateur cadre de l’affaire du cercle parisien de jeux Concorde,
de l’élection présidentielle du Congo Brazzaville. Fin il est écroué en décembre 2007.
connaisseur des élections françafricaines, après la victoire de Sassou Nguesso, il commente : « Beaucoup Il sort un mois plus tard contre le paiement d’une caud’urnes n’étaient pas fermées, faute tout simplement tion, mais reste mis en examen.
de cadenas (...) il est probablement plus difficile
d’avoir des cadenas à Brazzaville qu’à la Samaritaine
à Paris ». Toujours selon Toubon « ce sont des élections qui correspondent à l’état de la démocratie dans « Nous ne soutiendrons ni les dictateurs ni les pays diun pays comme le Congo ».
rigés par des régimes corrompus ». Si le programme
Fidèle Chiraquien, Jacques Toubon semble avoir réussi électoral sur lequel s’est fait élire Nicolas Sarkozy
son passage à la Sarkozie : il a en effet été nommé pré- étendait la volonté de rupture aux relations franco-asident de la mission interministérielle « Afrique fricaines, les actes posés depuis son élection ont rapi2010 », qui a notamment pour but de célébrer « Une dement relégué ces promesses au rang de vœu pieux.
décolonisation qui s’est faite (...) par consentement Ainsi, outre la poursuite inconditionnelle du soutien
mutuel. Une indépendance pleine et entière d’États économique, diplomatique et militaire aux dictateurs
souverains secondés par la France ».
« historiques » du pré-carré français (Biya au
Cameroun, Compaoré au Burkina-Faso, Déby au
Tchad, ...), l’Élysée a activement soutenu les putschs
survenus en Mauritanie et à Madagascar, validé la réAncien commandant du GIGN, Paul Barril participe élection frauduleuse de Sassou Nguesso au Congo et le
notamment à la création de la cellule anti-terroriste de coup d’État constitutionnel de Mamadou Tandja au
l’Elysée en 1982. Après sa retraite précoce de l’armée, Niger, ou encore le coup d’État électoral et dynastique
il se consacre à des activités dans le domaine de la sé- d’Ali Bongo au Gabon.
Depuis 1993, Toubon préside le « Club 89 », une instance Gaulliste, véritable concentré de Françafrique,
animé par Robert Bourgi et financé par les amis dictateurs africains, comme l’a montré en 1998 l’arrestation
à Roissy du porteur d’une valise de billets en provenance du Gabon et destinée à ce « club »... Le porteur
et sa précieuse mallette seront d’ailleurs libérés sur
ordre de l’Élysée !
Nicolas Sarkozy
Paul Barril
curité privée.
Rien de très étonnant de la part d’un héritier des réIl prend notamment la direction de la société SE- seaux politiques de Charles Pasqua, intime du sulfu3
reux Patrick Balkany et des prédateurs françafricains
Martin Bouygues et Vincent Bolloré : pour lui, la défense de la démocratie et des droits de l’Homme pèse
en effet bien peu face à la préservation de l’influence
économique et stratégique française...
de prédilection reste les Comores où, de 1975 à 1995,
il organise nombre de coups d’État, élimine des personnalités politiques et organise divers trafics à même
de financer sa troupe. Lors de ses procès, Denard est
chaque fois soutenu par d’anciens hauts personnages
L’imprégnation “françafricaine” de Nicolas Sarkozy des services secrets venus certifier que le « Corsaire
ne se mesure pas qu’à ces attitudes complaisantes vis- de la République » officiait bien pour la France.
à-vis des dictateurs et des entreprises. Elle est égale- En 1999, il sera absous par les assises de Paris du
ment mesurable à l’aune des discours tenus à l’égard meurtre du président comorien Abdallah - la moindre
de l’Afrique et des Africains. La criminalisation de des choses après plus de 50 ans de bons et loyaux serl’immigration, le rejet de la repentance, le regard pater- vices. Poursuivi depuis 2001 par la justice italienne,
naliste et les relents racistes du discours de Dakar, ou Denard n’assistera pas à son procès, invoquant la malaencore la culpabilisation des Africains, qui seraient die d’Alzheimer dont il souffrait depuis plusieurs anseuls responsables de leurs malheurs, sont au cœur de nées. Il meurt d’un arrêt cardiaque, en novembre 2007.
la réthorique sarkozienne.
Seule spécificité de la politique françafricaine de Sarkozy, son caractère « décomplexé », c’est à dire éhonté,
qui le pousse notamment à décorer de la légion d’honneur Robert Bourgi et et Ali Bongo, ou encore à garantir au dictateur angolais Dos Santos qu’aucun de ses
compatriotes ne sera poursuivi dans le cadre du procès
de l’Angolagate afin de faciliter l’accès de Total au pétrole angolais...
Jacques Chirac
Chirac personnifie l’hypocrisie françafricaine. Côté
pile, il est l’homme des beaux discours sur la France
éternelle, patrie des droits de l’Homme et amie des
peuples africains. Côté face, il apporte son soutien aux
régimes les moins respectables et a compté nombre de
dictateurs comme amis : Hassan II, Omar Bongo, SasDernière trouvaille : une « réunion de famille » avec sou Nguesso, Gnassingbé Eyadema et Paul Biya...
les dictateurs africains pour célébrer sur les Champs- En 1970, Charles Pasqua, second de Jacques Foccart,
Élysées le cinquantenaire des « indépendances » le 14 se dresse contre son patron et s’allie au néogaulliste
juillet 2010.
Jacques Chirac. Le tandem conquiert l’essentiel de la
Françafrique entre 1974 et 1976 (à commencer par
Elf), en même temps qu’il s’empare du parti gaulliste.
Chirac devint ainsi durant trois décennies le pivot de la
Pour le compte de la République, Bob Denard, sur- Françafrique. Il s’est même payé le luxe de récupérer
nommé « le Corsaire de la République », a très tôt Foccart en retournant à Matignon en 1986, réunifiant
commencé à saboter les volontés indépendantistes des ainsi les réseaux Foccart et Pasqua.
Robert "Bob" Denard
colonies françaises.
En 1953, il est policier dans une « brigade antiterroriste » au Maroc, après avoir été commando dans la
marine en Indochine. En 1954, il prend part à une tentative d’assassinat contre Pierre Mendès-France, accusé de brader les colonies.
Il n’a jamais lésiné dans le soutien à ses « amis », pour
ne pas dire ses « frères ». Denis Sassou Nguesso, par
exemple, a bénéficié de coups de main militaires en
1974 et en 1988, puis durant les guerres civiles de
1997 à 2003. Il a couvert les criminels contre l’humanité et les faux-monnayeurs, tel Idriss Déby qui est à la
fois l’un et l’autre. Au point que personne n’est surpris
lorsque, suite au procès de l’Angolagate, Pasqua déclare à son propos que « le président de la République
était au courant » des ventes d’armes à l’Angola. Véritable parrain de la Françafrique, Jacques Chirac n’avait
de cesse de réconforter, littéralement, les dictateurs
françafricains par les larges accolades qu’il leur accordait sur le perron de l’Élysée.
Sa carrière de mercenaire commence au Katanga (riche
région de l’ex-Congo belge dont la sécession contre
Lumumba a été encouragée par la France, entre
autres), il oscillera selon le bon vouloir de Foccart
entre les sécessionnistes et Mobutu (1965). Il poursuivra sa carrière au Biafra (après un séjour à Paris où il
combat la génération 68 avec des membres du Service
d’Action Civique créé par De Gaulle), au Gabon, où il
"fait le ménage" chez les opposants à Omar Bongo, en Même à la retraite, « tonton Chirac » conserve son
costume de Tartuffe bienfaiteur de l’Afrique, reconAngola, ou au Bénin.
naissant même qu’« une grande partie de l’argent qui
Il recrute sans difficultés dans les milieux d’extrême- est dans notre porte-monnaie vient précisément de
droite, en osmose avec ses milices successives. Sa terre l’exploitation, depuis des siècles, de l’Afrique ». Il
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s’investit d’ailleurs courageusement dans sa fondation, à la Sarkozie comme sous-traitant d’une Françafrique
en particulier sur la lutte contre les faux médicaments, qu’il qualifie de « communauté sentimentale ». Toudont il fait une priorité... bien compréhensible puisque chant...
le principal distributeur de médicaments sur le continent n’est autre que le groupe PPR, de son proche ami
François Pinault.
Claude Guéant
Bernard Kouchner
Le parcours de celui qui se présentait dans sa jeunesse
comme « communiste et Rastignac », affirmant que ce
mélange était « étonnamment efficace », nous a prouvé
qu’il avait raison. Le héros ultra-médiatique de l’humanitaire est devenu avec son accession au ministère
des Affaires Étrangères un rouage essentiel de la Françafrique actuelle. Il reconnaît d’ailleurs la « contradiction permanente entre les droits de l’Homme et la politique étrangère d’un État, même en France ». Surtout
en France, non ?...
La carrière humanitaro-politico-médiatique du French
Doctor démarre au Biafra où il se distingue en sortant
de la réserve imposée par la Croix-Rouge, reprenant le
terme injustifié de« génocide », lâché aux médias par
les services secrets français afin de poursuivre leurs livraisons d’armes et ainsi d’alimenter ce conflit. Mais
le docteur Kouchner ne sera pas échaudé par cette
grave maladresse : Il réitérera ainsi l’usage excessif du
mot à propos du Kurdistan, du Liban, ou encore du
Darfour, ouvrant la voie aux actions irresponsables de
l’Arche de Zoé.
Actuel bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant
partage avec ce dernier le même mentor : Charles Pasqua.
Celui-ci l’appelle en effet à ses côtés comme directeur
adjoint de cabinet au Ministère de l’Intérieur, puis
comme directeur général de la police nationale,
quelques semaines seulement avant les attentats islamistes de 1995.
L’énarque y établit déjà un épais carnet d’adresses avec
les services français et étrangers. Il le complètera dès
2002, rappelé Place-Beauvau par le ministre Sarkozy,
sur conseil de Pasqua. Dés lors, il ne sortira plus de
l’ombre de Nicolas Sarkozy, jusqu’à l’Élysée où il obtient naturellement le poste stratégique de Secrétaire
Général. Rapidement, il enfile le costume d’un illustre
prédécesseur : un haut-fonctionnaire dit de lui qu’il « a
désormais la haute main à la fois sur les questions
africaines et sur celles de renseignement. Comme du
temps de Jacques Foccart ».
Lorsque les journalistes s’étonnent de sa bouillonnante
activité diplomatique, Guéant minimise : « ça a toujours été comme cela, non ? » . Car, comme son patron, Guéant est omniprésent, y compris sur la politique étrangère, multipliant discrètement les rendezvous parisiens avec les chefs d’État ou leurs émissaires
(dont l’influent Robert Bourgi) et les voyages en dehors de tout agenda officiel. Au point d’en agacer les
diplomates : « Ses virées, on les découvre par hasard
au cours des réunions. Ou jamais ».
Addict de l’attention médiatique, il rompra avec Médecins Sans Frontières, qu’il avait contribué à fonder, sur
la question de l’anonymat et du devoir de réserve, auquel il oppose son « devoir d’ingérence ». Il connaitra
par la suite son apogée médiatique à l’occasion de la
famine en Somalie, posant à l’envi avec un sac de riz
Celui pour qui « nous n’avons pas vocation à nous
sur l’épaule.
brouiller avec ceux qui sont historiquement nos amis
En parallèle, sa carrière politique s’accélère et il parti- et nous ont rendu de grands services », a peu à peu fait
cipera à la quasi-totalité des gouvernements socialistes remplacer les diplomates « rénovateurs » de l’Élysée
entre 1988 et 2002. Malgré ses orientations fluctuantes, par des tenants des réseaux françafricains qui lui sont
il ne pourra éviter quelques périodes de vaches maigres acquis.
en politique. Il saura cependant les occuper avantageusement grâce à son travail de consultant pour Total, Omnipotent de la politique africaine de la France, il est
qu’il disculpera des accusations pourtant fondées de directement intervenu pour négocier la libération des
travail forcé en Birmanie, mais également pour les dic- infirmières bulgares en Libye, recoller les morceaux
tateurs Omar Bongo et Sassou Nguesso, pour lesquels avec l’Angola suite à l’Angolagate, coordonner les efil réalisera de juteux rapports sur le système de santé. forts commerciaux de ventes d’armes, maintenir
S’il dit n’en retirer que de la fierté, les gabonais et les « l’amitié » élyséenne avec le Gabon des Bongo père
congolais n’ont guère vu leur système de soins s’amé- et fils, rétablir les relations diplomatiques avec le
liorer. Le compte en banque de Kouchner doit en re- Rwanda… sans oublier ses liens permanents avec les
putschistes mauritaniens et malgaches, ainsi assurés du
vanche être en pleine santé.
« soutien de la France ».
Dernier épisode en date, son ralliement peu surprenant
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prise de fonction est édifiante quant aux rapports entre
le nouveau Secrétaire d’Etat à la Coopération et les
Jusqu’à sa nomination comme Secrétaire d’Etat à la dictateurs françafricains.
Coopération et à la Francophonie, Alain Joyandet
n’avait aucun lien particulier avec l’Afrique. Cet entrepreneur de la presse et de l’édition a un parcours politique essentiellement local : maire de Vesoul et député Ancien disciple de Charles Pasqua dans les Hauts-dede la haute Saône il sera nommé secrétaire des fédéra- Seine, Patrick Balkany y a été plusieurs fois vicetions de l’UMP de 2002 à 2008.
président du Conseil Général, maire de LevalloisSa méconnaissance de la coopération et de l’Afrique Perret, député à l’Assemblée Nationale. Il est aujourchoque à chaque interview. Tout juste nommé, il dé- d’hui membre de la Commission des Affaires Etranclare : « J’ai créé ma première boîte à 24 ans, sans un gères à l’Assemblée et vice-président des groupes
rond, c’était bien plus compliqué de faire cela que de d’amitié avec la RDC et le Tchad.
s’occuper de l’Afrique ! ». Interrogé sur les droits de Il est surtout connu en France pour les casseroles judil’Homme il répond : « J’ai des convictions mais je ciaires qu’il traîne : condamnation à de la prison avec
veux aussi défendre notre pays et ses parts de mar- sursis et deux ans d’inéligibilité pour prise illégale
ché. »
d’intérêts. Mais Patrick Balkany est aussi l’un des
Sur la coopération, les objectifs sont clairs « Il faut émissaires officieux de la Françafrique.
renforcer l’influence de la France, ses parts de mar- En juillet 2007 il accompagne Nicolas Sarkozy dans
ché, ses entreprises. Ne pas avoir peur de dire aux son voyage en Libye et au Gabon. En octobre 2007, il
Africains qu’on veut les aider, mais qu’on veut aussi entreprend seul une tournée africaine, du Congoque cela nous rapporte. ». Dans les faits, M. Joyandet Brazzaville à la République Centrafricaine, en passant
se comporte surtout en VRP des entreprises françaises par la RDC, pour jouer les entremetteurs pour Areva.
auprès des dictateurs françafricains, y compris en
Lybie où il a été le seul représentant officiel des pays Depuis 2008, il participe à la légitimation du putsch
occidentaux pour l’anniversaire des 40 ans de règne de d’Abdel Aziz en Mauritanie, allant jusqu’à le renconKhadafi. Sa principale innovation : la volonté de créer trer à Paris un mois avant sa vrai-fausse élection de
« un Bingo pour l’Afrique » sonne comme une juillet 2009. Ce n’est pas le seul putchiste de son carnet
provocation quand on connaît l’implication des d’adresses : selon lui, la candidature à l’élection présidentielle de Moussa Dadis Camara, chef de la junte
réseaux Pasqua dans les jeux de hasard africains.
guinéenne, ne posait « pas de problèmes », le considéAu final, Joyandet apparaît principalement comme un rant comme « un citoyen guinéen comme les autres ».
gage de confiance et de continuité apporté aux dicta- Un mois et 150 morts plus tard suite à la répression
teurs africains par Sarkozy pour calmer la colère de sanglante d’une manifestation pacifiste, Patrick
ceux-ci suite à la nomination du trop véhément Jean- Balkany est-il toujours de cet avis ?
Marie Bockel qui affirmait vouloir « signer l’acte de
décès de la Françafrique ». La cérémonie d’adoube- L’expression sibylline de Robert Bourgi définit parfaiment par feu Omar Bongo à laquelle s’est soumis tement le rôle de Patrick Balkany en Afrique : « il
Joyandet (chaperonné par Claude Guéant) lors de sa n’est pas en mission, mais il est l’ami du Président. »
Alain Joyandet
Patrick Balkany
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