S`épanouir quand on est un adulte surdoué
Transcription
S`épanouir quand on est un adulte surdoué
dimanche Ouest-France 20 novembre 2011 Modes de vie familles 3 S’épanouir quand on est un adulte surdoué Les personnes à haut potentiel vivent dans un monde qui leur est mal adapté. Cette différence peut être source de souffrances, mais aussi, lorsqu’elle est reconnue, d’une immense créativité. Jean-Marc, 60 ans, inventeur J’ai été très doué en maths très tôt. Je ne faisais rien à la maison : ma religion, c’était les copains ! En primaire, j’étais premier partout, mais après, je suis devenu très mauvais… sauf en maths et en physique. Je regrette un peu que personne ne m’ait cornaqué à cette époque. J’ai fait Central Nantes pour suivre une copine, et j’ai eu un métier extraordinaire qui m’a fait beaucoup voyager. Puis j’en ai eu marre, alors je suis devenu prof de maths. Ça me plaisait bien, mais je m’en suis lassé aussi… Ensuite j’ai eu un déclic et je me suis mis à inventer des choses. J’ai conçu un système d’aide au démarrage, un mécanisme qui conserve le coca-cola gazeux… et d’autres ! Je marche beaucoup au « t’es pas cap’ », quand on me pose un problème insoluble. Benjamin, 28 ans, chef d’entreprise J’ai fait ma première dépression en CE1. Au début, j’adorais l’école et puis j’ai compris que c’était du formatage, que je n’apprenais rien. En 6e, j’ai commencé à jouer et à programmer un peu mon premier PC. J’ai fait une nouvelle dépression après mon BTS et on a fini par découvrir que j’étais surdoué. Le fait de savoir, ça a été un vrai « booste ». J’ai monté plein de projets autour d’un jeu vidéo qui me passionnait. J’ai été repéré par leur société et ils m’ont proposé de travailler pour eux. Aujourd’hui je me consacre à Charles Dutertre Témoignages l’entreprise que j’ai montée en parallèle. Je viens aussi de me marier. C’est très important que ma compagne ait aussi cette vivacité, cet intérêt pour tout. On construit notre propre vision du monde, sans reprendre juste les idées des autres ! Cécile, 44 ans, professeur de musique J’ai passé le test il y a seulement six ans, parce que je me posais beaucoup de questions dans mon parcours personnel et professionnel. J’ai consulté des sites sur les surdoués et je me retrouvais dans les critères de sensibilité et d’émotion. Le test a tout changé pour moi. Ça nous ouvre à nous-mêmes et on accepte mieux notre différence. On passe par une période où on en veut à tout le monde à cause de ce gâchis, puis on se demande ce qu’on va faire de tout ce potentiel. On comprend mieux aussi pourquoi notre cerveau a besoin de s’intéresser à plein de choses variées, sinon il s’ennuie ! Je suis professeur de musique mais je m’occupe aussi d’ados surdoués. Je me rends compte à quel point le moule qu’on leur propose est inadapté. Si les adultes surdoués se sentent mal, c’est à cause d’une inadéquation au système, et non d’un problème intrinsèque à notre intelligence. Emma, 20 ans, peintre, étudiante en psychologie Petite, on me disait que j’étais naïve à cause de cette soif de justice qui « Ceux qui souffrent sont ceux qui n’ont pas été reconnus » DR Entretien Monique de Kermadec, psychologue clinicienne et psychanalyste. (1) Comment détecte-t-on un adulte surdoué ? Il ressent et provoque un sentiment de différence qui le démarque. La personne est plus rapide, elle trouve facilement des solutions, ses idées sont plus originales et plus perspicaces. Les surdoués perçoivent plus de choses que la majorité des gens, ce qui les amène à tirer des conclusions que les autres ne voient pas. Mais le potentiel est une chose et ce que l’on en fait en est une autre. Ils ne sont pas toujours les plus performants où ils se trouvent. Ils peuvent connaître de grandes difficultés dans un système qui ne leur convient pas, surtout quand leur don n’a pas été détecté. On les dit souvent malheureux… Ceux qui souffrent sont ceux qui n’ont pas été reconnus et sont arrivés à la conclusion qu’il y avait quelque chose de négatif en eux. Certains sentent qu’ils sont appréciés pour une personne qu’ils ne sont pas, qu’ils ont construite en voulant s’adapter à ce que l’on attendait d’eux. Au contraire, ceux dont le potentiel a été décelé et qui ont bénéficié d’un soutien affectif ont pu développer une image positive d’eux-mêmes. Comment remédier à ces problèmes ? Une aide extérieure peut permettre à la personne de mieux comprendre les situations difficiles qu’elle a vécues, et les mécanismes de protection qu’elle a érigés. On détricote quelque chose pour libérer l’adulte surdoué de ses entraves en lien avec le passé. Le diagnostic est une première étape qui apporte de la confiance en soi. Mais il ne suffit pas. La personne doit ensuite découvrir ce qu’elle peut faire de ce potentiel, comment l’intégrer à son projet. Il y a un sentiment de devoir d’utiliser ce don. Pourquoi les relations avec les autres sont-elles si compliquées ? La personne voudrait s’intégrer, mais elle perçoit bien qu’elle est différente. Les surdoués ont une très grande intensité affective. Ils vivent les choses caractérise les surdoués. À la fac, je n’avais pas du tout les mêmes préoccupations que les autres. En janvier, j’ai failli faire une grosse fugue à New York. Je croyais que j’étais folle. Un ami m’a conseillé de m’inscrire au test de Mensa et j’ai été reçue. Énormément de choses m’intéressent : la physique quantique, l’astrophysique… et bien sûr l’art. J’étais contente de rencontrer des gens comme moi, et qui avaient le même humour ! J’avais l’impression d’avoir rejoint une famille. Il n’y a que la politique et l’actualité que je ne peux pas suivre : regarder les infos me fait pleurer. J’ai toujours cette envie de défendre… Dossier : Jasmine SAUNIER. Repères de manière forte, ce qui dérange parfois les autres. La personne se sent alors malmenée et incomprise. C’est notamment vrai dans le couple. La plupart des hommes et des femmes que je vois ont eu des relations frustrantes, car l’autre n’arrivait pas à suivre. La « douance ». Ce terme venu du Canada désigne la possession et l’utilisation d’un haut potentiel naturel, qui se manifeste spontanément dans au moins un domaine d’aptitudes. Ces capacités n’ont rien à voir avec un quelconque entraînement. En quoi la société leur est-elle inadaptée ? On leur demande trop souvent de se fondre dans un rythme qui n’est pas le leur. Il faut les connaître pour leur donner une place dans laquelle ils pourront exprimer tout leur potentiel de manière créative. Par exemple, ils aiment s’engager à fond dans un projet. Mais une fois qu’ils ont tout donné, ils se lassent et veulent passer à autre chose. Les laisser au même endroit provoque une importante démotivation ! Certaines personnes ont des projets à moyen ou à long terme, eux ont besoin de se dire que les choses restent dans le redéfinissable, qu’elles vont changer au fur et à mesure. Dans tous les cas, apprendre à se connaître débloque de nombreuses situations difficiles. Les tests de QI (quotient intellectuel). Ces tests évaluent les capacités intellectuelles globales de chaque individu, son aptitude à s’adapter à des situations nouvelles et à trouver des solutions aux difficultés qui se présentent à lui. Les résultats vont de 0 à 150, la note de 100 étant considérée comme la moyenne. Ils sont effectués par des psychologues. Les tests que l’on trouve sur Internet ne sont pas valides, et ils représentent souvent une arnaque ! (1) Auteure de L’adulte surdoué, Albin Michel, 200 pages, 14,90 €. Les individus à haut potentiel. Leur QI est supérieur à 130, ce qui représente environ 2 % de la population. À voir. L’association Mensa pour les adultes surdoués. Présente dans une centaine de pays, elle propose différentes activités pour ses membres éligibles sur un test d’admission. www.mensa.fr