Etude CLEMATIS - Trisomie 21 France
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Etude CLEMATIS - Trisomie 21 France
Etude CLEMATIS La société pharmaceutique ROCHE a développé un médicament agissant sur le cerveau qui pourrait avoir un effet favorable sur les fonctions intellectuelles des personnes avec une Trisomie 21. Pour tester cette molécule, ROCHE a mis en place un essai thérapeutique international auquel la France participe (ainsi que les USA, le Canada, le Mexique, l’Argentine, le Royaume uni, l’Espagne, l’Italie, Singapour et la Nouvelle Zélande). La molécule testée est le RG1662, c’est un « agoniste inverse du récepteur alpha5 du GABA ». Pourquoi cette molécule ? Dans notre cerveau il y a des neurotransmetteurs : ce sont des molécules naturelles qui servent aux cellules nerveuses à communiquer entre elles. Certains neurotransmetteurs sont plutôt excitateurs, d’autres plutôt inhibiteurs (calmants). Ces neurotransmetteurs, pour agir, se fixent sur des récepteurs à la surface des cellules nerveuses : la fixation sur le récepteur entraîne alors une réponse de cette cellules, un peu comme lorsqu’on appuie sur une sonnette (figure 1). Le « calmant » principal est le GABA, « l’excitant » principal est le Glutamate. Pour que le cerveau fonctionne bien, c’est à dire mémorise, apprenne … il faut un bon équilibre entre les deux (figure 2). Dans le cerveau des personnes avec une Trisomie 21, il y a un excès de GABA : il y a trop d’inhibition. Ceci est vrai aussi chez les souris « trisomiques ». On améliore le fonctionnement du cerveau des souris « trisomiques » en rétablissant l’équilibre entre GABA et Glutamate, avec des médicaments qui diminuent la quantité de GABA ou les effets du GABA. Il y a plusieurs molécules qui peuvent diminuer l’effet du GABA, mais certaines ont une action trop large, ne sont pas assez spécifiques et ont des effets secondaires, par exemple des crises d’épilepsie (le Pentylenetetrazol par exemple). Mais si on utilise une molécule plus spécifique (plus spécifique d’une action particulière du GABA), on risque moins les effets secondaires. C’est pourquoi la molécule testée par ROCHE est spécifique du récepteur alpha5 du GABA. Elle va diminuer l’effet du GABA spécifiquement sur ce récepteur. Ainsi, aux doses prévues, le RG1662 n’a pas déclenché de crises d’épilepsie. De plus, le RG1662 a permis une amélioration des capacités des souris « trisomiques ». Le laboratoire ROCHE connait bien ces neurotransmetteurs et ces récepteurs, en effet le Valium (développé par ROCHE il y a plus de 60 ans) est un facilitateur de l’effet du GABA : il augmente l’inhibition, c’est un « calmant ». En quelque sorte, la molécule testée dans l’essai CLEMATIS est un anti Valium. Premiers essais D’autres essais d’amélioration du fonctionnement du cerveau chez des personnes avec une Trisomie 21 sont en cours ou en projet. Ce ne sont pas les mêmes molécules et ce ne sont pas les mêmes voies biologiques qui sont visées, en particulier dans l’état actuel de nos connaissances, il n’y a pas de lien entre le système GABA ici visé et ce que peut faire l’EGCG (extrait de thé vert) actuellement testé dans d’autres études. On a donc passé la première phase chez l’animal (souris, rat, mais aussi singe) : a priori cela peut être actif et a priori ce n’est pas toxique. Deuxième phase chez l’homme : des doses croissantes n’ont pas entrainé de toxicité, y compris chez des volontaires avec une Trisomie 21 (études BP25129, WP25366 and BP25543)1. Il a également été 1 Des information sur ces études peuvent être trouvées sur le site : http://clinicaltrials.gov vérifié par une technique d’imagerie cérébrale (IRM fonctionnelle) (étude BP25611) que l’administration de RG1662 chez des personnes avec une Trisomie 21 bloquait effectivement une majorité des récepteurs alpha5 du GABA. Confirmant que les doses prévues étaient potentiellement efficaces. Mais l’objectif de ce premier essai chez une trentaine de personnes trisomiques n’était pas de déterminer si le RG1662 est efficace ou pas, mais simplement s’il n’est pas toxique et si la dose parait adaptée. Par ailleurs, il y a aussi eu une étude sans médicament (étude BP25612) pour tester différents tests et questionnaires chez des personnes trisomiques, dont en France (à l’Institut Lejeune et au CHU de Saint Etienne). L’objectif était de sélectionner des tests et questionnaires adaptés qui permettraient, si la molécule est active, de voir un effet. En particulier si un test est trop difficile et que la plupart des sujets ne peuvent pas y répondre, il n’est pas utilisable. Egalement, s’il est trop facile, il n’a aucun intérêt. Certains d’entre vous ont participé à cet essai de tests, je les remercie encore. En pratique CLEMATIS (Cognition, Learning, Effective functioning, Memory, Attention, Time, Independence, Speech) : C’est donc la troisième étape : est-ce que cette molécule, le RG1662, est active et permet d’améliorer le fonctionnement intellectuel des personnes trisomiques ? Pour répondre à cette question il faut un essai « randomisé contre placébo, en double aveugle ». Ce qui veut dire que certains participants prendront la molécule, le RG1662, et d’autres un placebo (c’est à dire une substance sans effet). Et personne, ni le participant, ni sa famille, ni le médecin ne saura durant toute l’étude si c’est le RG1662 ou le placébo. C’est seulement à la fin de l’étude que les codes sont ouverts et qu’on sait qui avait le RG1662 et qui avait le placébo. C’est randomisé, c’est à dire tiré au hasard entre RG1662 et placébo, mais il y aura environ 1/3 sous placébo et 2/3 avec le RG1662. Plus précisément il y aura 2 doses différentes de RG1662, et là aussi bien sûr on ne sait pas durant l'étude si c’est la dose faible ou la plus ou la plus élevée. Donc tous les participants auront les mêmes choses pendant l’étude (figure 3) : - Des comprimés (ou une poudre en sachet) à prendre matin et soir, tous les jours, pendant 26 semaines (6 mois) - Des visites médicales (10 au total) avec des tests et des prises de sang. Il y a deux visites avant de commencer, puis deux autres, 1 semaine et 1 mois après l’arrêt du traitement. Cela dure donc pour chaque participant 8 à 9 mois. - Pendant ce temps, vie normale, si possible pas de changements (par exemple ne pas reprendre l’orthophonie en cours d’étude, mais si il y a déjà des séances avant le début de l’étude, pas de problème, il faut continuer). Organisation de l’étude Au total 180 personnes pourront participer à cette étude, réparties dans les différents pays. En France, il y aura environ 20 participants : 5 dans chacun des 4 centres : - Paris : Institut Lejeune, Dr N. Dorisson, Dr C. Mircher (01 56 58 63 00) - Lyon : Service de Génétique, CHU de Lyon, Prof D. Sanlaville (04 27 85 55 73) - Montpellier : Service de Génétique, CHU de Montpellier, Prof P. Sarda (04 67 33 65 64) - Saint Etienne : Service de Génétique, CHU de Saint Etienne, Dr R .Touraine, Dr B. de Fréminville (04 77 82 81 16) Cette étude va débuter en Juin 2014, et les participant pourront être inclus jusqu’en Décembre 2014. La dernière visite du dernier participant sera donc fin 2015. Les personnes avec une Trisomie 21 qui pourront participer doivent être en bonne santé (il y a des critères d’exclusion), âgées entre 12 et 30 ans (maximum 30 ans et 12 mois moins 1 jour au moment de la signature du consentement), capables de passer un premier test de niveau de langage. Il est indispensable aussi que le participant n’habite pas trop loin du centre où a lieu l’étude puisqu’il y a beaucoup de visites et pour passer les tests il vaut mieux ne pas être fatigué par un long trajet. Pour les questionnaires qui ne sont pas adressés à la personne elle-même, mais à ses proches, il faut que ce soit toujours le même proche qui le connait bien qui réponde (donc par exemple toujours son père ou toujours sa mère, …). Ce proche devra normalement accompagner la personne trisomique à toutes les visites. Bien entendu comme toute étude médicale, avant de participer, celle-ci sera expliquée en détail à chaque candidat et à sa famille, et un consentement devra être ensuite signé. La participation à l’étude peut bien sûr être arrêtée à tout moment si la personne le souhaite ou s’il y a un événement inattendu. Enfin, tout ceci est très réglementé et cette étude a reçu l’accord des autorités Françaises (ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de Santé) et d’un comité de protection des personnes (CPP). Les frais de déplacements seront remboursés. Toutefois, a priori il n’y a pas de compensation possible des jours de travail manqués pour la personne trisomique. Dr Renaud TOURAINE CHU-Hôpital Nord – Saint Etienne Service de Génétique Figure 1 : Le récepteur alpha5 du GABA Figure 2 : Bon équilibre entre les systèmes inhibiteurs (GABA) et excitateurs (Glutamate) Figure 3 : Schéma de l’étude