Oser une didactique actionnelle du CECRL dans les manuels de

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Oser une didactique actionnelle du CECRL dans les manuels de
Séminaire d’études doctorales sur les manuels scolaires et journées Pierre Guibbert – Université de Montpellier, Université Paul Valéry Montpellier 3
ESPE de la COMUE de Montpellier - Équipes d’accueil 739, Didaxis, et 3749, LIRDEF (avec le concours de l’AREF 2013), Centre
d’Études, de Documentation et de Recherches en Histoire de l’Éducation de la Faculté d’Éducation de Montpellier 2 et Amis de la
Mémoire pédagogique - Journée du 3 février 2016
DOUZIEME JOURNEE PIERRE GUIBBERT – 3 FEVRIER 2016
L’EUROPE ET LES EUROPEENS DANS LES MANUELS SCOLAIRES
Oser une didactique actionnelle du CECRL
dans les manuels de FLE en Italie
MILHET Prescillia
RESUME :
L’école se veut être l’auteur de la construction de l’homme-qui-pense (Coïaniz,
2001). C’est dans cette perspective que les auteurs des manuels de FLE œuvrent pour
l’adaptation des exigences du Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues
(CECRL) qui préconise l’approche actionnelle (Robert, Rosen, Reinhardt, 2013) afin de
créer un enseignement-apprentissage commun et surtout optimal. La perspective
actionnelle abandonne donc progressivement les méthodes dites traditionnelles (Besse,
2005) qui sont pourtant malheureusement encore répandues et prônées comme solution
d’enseignement-apprentissage dans les classes de langue.
L’analyse minutieuse des « méthodes » employées par Fil Vert, un manuel de
FLE italien (édition Principato, 2011), et de Alter Ego, un manuel de FLE français
(édition Hachette, 2006), conjuguée à l’interprétation du CECRL, nous permettra de
questionner l’adaptation et l’expression de l’approche actionnelle dans les manuels de
FLE destinés aux apprenants italiens. Ce questionnement ne serait pourtant satisfaisant
sans l’étude des besoins et des exigences des apprenants concernés.
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Introduction
« [...] on peut se demander pourquoi faire tant de bruit autour du CECRL s’il n’y
a presque rien qui change ! Il est vrai que ce ‘presque rien qui change’ se reflète dans les
manuels scolaires. » (Bourguignon 2010 cité dans Neves Soares 2012 )
Cette citation de Bourguignon dans Neves Soares semblerait soulever un
problème : l’application des propositions du CECRL n’est pas respectée dans le contenu
des manuels scolaires. Dernièrement, le CECRL qui tente d’harmoniser l’enseignement,
l’apprentissage et l’évaluation des langues au niveau européen propose une perspective
actionnelle. Celle-ci considère l’apprenant comme l’acteur social qui agit avec autrui à
travers des projets concrets. L’apprenant s’implique et s’engage pour résoudre des
problèmes exposés en langue cible.
Nous nous demanderons donc si cette perspective actionnelle mentionnée
dernièrement apparaît dans le contenu des manuels de FLE utilisés en Italie.
Le manuel de FLE est l’outil prédominant et le matériel indispensable puisqu’il
a le « rôle de médiateur dans la transposition didactique entre le CECRL et les
enseignants de FLE » (Neves Soares, 2014). Il est donc omniprésent dans les classes de
langue et par conséquent, l’enseignement-apprentissage se base sur cet outil. En
considérant une telle habitude, il est légitime que les innovations didactiques y
apparaissent afin d’être divulguées et utilisées dans les classes.
Afin de savoir si la perspective actionnelle figure bien dans les manuels de FLE
utilisés en Italie, nous verrons dans une première partie le matériel et la méthode
employés pour obtenir un constat, puis dans une deuxième partie nous discuterons des
résultats obtenus.
1. Matériel et méthode
Nous avons analysé le contenu de deux manuels très utilisés dans l’enseignement du
FLE en Italie afin de constater si une perspective actionnelle était bien présente. Les
réponses au questionnaire distribué au public concerné sont également très importantes
pour déterminer si la perspective actionnelle répondait à leurs besoins.
1.1
Les manuels
Le premier manuel étudié est « Fil Vert » d’une maison d’édition italienne. Il est
principalement utilisé dans les classes de lycée. Il se destine donc à des lycéens
débutants et faux-débutants de niveaux A1 et A2.
- ROSSI, E. ; CAMERINI, Maia. ; GALEY, M. ; PONZI, F. ; DANFLOUS, F.,
Fil vert : cours de langue française 1. Milano, Principato, 2011.
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Le deuxième manuel analysé est « Alter Ego » d’une maison d’édition française.
Il est quant à lui utilisé en particulier dans les écoles de langue et les Alliances
Françaises. Il se destine aux apprenants (grands adolescents et adultes) de niveau A2.
-
BERTHET, A. ; HUGOT, C. ; KIZIRIAN, V. ; SAMPSONIS, B. ;
WAENDENDRIES, M., Alter Ego : méthode de français A2. Paris, Hachette,
2006.
1.2
Le questionnaire
Le questionnaire, conçu dans le cadre du mémoire de recherche, a été complété
par 32 lycéens du lycée Virgilio (à Milan) de classes équivalentes en France à la
Seconde, Première et Terminale. Ils ont répondu à 13 questions. À partir de leurs
réponses nous avons établi des pourcentages que nous verrons par la suite à travers
deux graphiques.
1.3
Corpus retenu
1.3.1
Le manuel : outil de base de l’enseignement des langues.
1.3.1.1
Objectifs généraux
Nous avons privilégié l’analyse de deux manuels de FLE pour les italiens dans
la perspective de vouloir répondre à notre problématique puisqu’il semble évident que
« le manuel assure (…) aux enseignants une sorte de « prêt à enseigner-apprendre » »
(PUREN, 2011). Par conséquent, la plupart des enseignants, pour ne pas dire tous, base
leur cours de langue sur le manuel. Ce dernier devrait donc être en rapport avec les
éventuelles nouvelles perspectives pour ne pas créer un décalage entre la théorie et la
pratique ; la recherche et l’application. Il devient ainsi l’outil de référence dans les
classes de langue pour les enseignants, mais également pour les apprenants.
En analysant l’outil didactique nous constaterons si la perspective actionnelle est
bien présente dans le manuel de FLE.
1.3.1.2
Choix méthodologique de l’étude
La sélection de ces manuels a été faite de manière aléatoire. Ce choix s’est arrêté
sur deux des manuels les plus utilisés dans l’enseignement du FLE en Italie. Notre
recherche n’exclut évidemment pas la possibilité que d’autres manuels de FLE utilisés
en Italie mettent en avant la perspective actionnelle mais ces deux manuels présentent
déjà une tendance globale des méthodes utilisées dans cet enseignement.
Dans un souci de synthèse, il ne sera présenté que l’étude d’un seul chapitre
pour chaque manuel : le dernier. Le chapitre choisi est représentatif des autres chapitres
qui composent l’ensemble du manuel puisqu’ils suivent le même schéma et répondent à
la même méthode.
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1.3.2
Le questionnaire : témoignages de l’apprenant
Un questionnaire a été fait dans l’optique de s’intéresser aux avis des apprenants
afin de mieux connaître leurs exigences et leurs besoins. Puisque le manuel est destiné à
être l’outil de travail pour l’apprenant, il semble donc juste et intéressant de connaître
leur point de vue et de comprendre si le manuel répond à leurs attentes. La
retranscription du questionnaire ne se veut pas exhaustive : nous ne présentons
seulement que deux graphiques, intéressants et décisifs pour notre sujet.
2. Résultats et discussions
2.1
Divergence entre l’avant-propos et le CECRL
Nous commencerons par l’analyse de l’avant-propos de chaque manuel afin de
constater si, dès la présentation de celui-ci, une éventuelle perspective actionnelle
apparaît et serait donc considérée.
2.1.1 Fil Vert
L’avant-propos du manuel Fil Vert détermine le manuel comme, citons :
« construit selon les objectifs du CECRL : niveau A1/A2 et A2/B1». Pourtant, essayer
de concevoir avec précision les objectifs dont il est question est difficile car ils ne sont
pas réellement et concrètement spécifiés ici.
En revanche, nous pouvons imaginer que le choix didactique penche vers une
méthode communicative grâce à certaines indications : chaque chapitre est présenté
avec une partie « lexique et communication ». De plus, selon l’avant-propos, le manuel
tend à faire « prendre conscience des objectifs communicatifs (…) et linguistiques ».
Mais l’avant-propos reste relativement vague, il présente le manuel mais ne met
pas en évidence les particularités de ses choix : par exemple, il indique que le manuel
est « comme requis par les nouveaux programmes ». On ne comprend pas bien ici de
quels nouveaux programmes il s’agirait. Nous pouvons penser qu’il s’agit du CECRL.
Dans ce cas, que spécifie-t-il exactement ? Les intentions et les objectifs restent
indéfinis et peu clairs.
Bien qu’on pourrait reprocher à l’avant-propos le manque de clarté dans le choix
de ses procédés, le manuel affirme offrir aux élèves « une activité de support et
d’agrandissement pour le travail autonome ». Le CECRL dans sa présentation de la
perspective actionnelle préconise effectivement une autonomie de l’apprenant dans un
travail d’apprentissage et de découverte de la langue.
Bien que cette dernière observation sur l’autonomie de l’apprenant soit positive
et encourageante, la méthode employée n’est pas clairement spécifiée même si on peut
deviner qu’elle s’oriente vers une méthode communicative. Les objectifs sont vagues
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mais ils semblent les mêmes que ceux préconisés par le CECRL dont on ne cerne
pourtant pas non plus le contenu.
2.1.2 Alter Ego
L’avant-propos de Alter Ego cible le public, il présente une « méthode » qui
serait suivie tout au long du manuel et se dit viser l’acquisition des compétences décrites
dans le CECRL.
Il déclare également que la place de l’apprenant est très importante mais nous ne
relevons pas de définition de l’apprenant comme « un acteur social » , comme l’invite à
le faire le CECRL nottament dans la perspective actionnelle.
L’approche communicative est également prédominante avec de multiples
références comme par exemple : « tâches communicatives », « objectifs
communicatifs », « contenus communicatifs », « instrument de communication » etc. Il
est évident que les tâches sont seulement communicatives et qu’il n’y a pas de réelle
prise de considération de la perspective actionnelle.
La présentation de ce manuel est plus précise et fait plusieurs fois références à la
méthode communicative. Cependant, les nombreuses citations du CECRL ne rendent
pourtant pas plus claires ses intentions. Nous pouvons également constater que dans cet
avant-propos il n’y a pas de références à une perspective actionnelle.
Nous pouvons déduire dans Fil Vert, ou constater dans Alter Ego qu’une
approche essentiellement communicative sera adoptée dans le volume de ces deux
manuels. Par contre, il est plus qu’évident que l’approche actionnelle est complètement
absente dans ces manuels de FLE et cela dès leur présentation.
2.2
Divergence entre le contenu des manuels étudiés et
le CECRL
L’avant-propos des deux manuels de FLE étudiés ne contient pas la perspective
actionnelle attendue selon les « directives » du CECRL. Bien que le CECRL ne milite
pour aucune méthode en particulier mais se tient à présenter et proposer les recherches
en didactique, on devrait s’attendre tout de même à ce que ses propositions soient prises
en considération dans une éventuelle intégration de celles-ci dans l’outil de base pour la
classe de langue afin de divulguer les nouvelles possibilités pour l’enseignementapprentissage. Suite à cette analyse de l’avant-propos des deux manuels étudiés où on a
constaté une absence notable de références à la perspective actionnelle, nous pouvons
nous attendre à ce que le contenu-même des manuels ne se réfère pas aux propositions
du CECRL.
2.2.1 Fil Vert
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La double page du dernier chapitre de Fil Vert est presque seulement constituée
de vocabulaire ou d’images. On peut décrire la page comme figée, factice et banale :
c’est une double page commune sans réelle innovation didactique.
Avec un simple coup d’œil, on se rend déjà compte que la « méthode »
employée ne correspond pas à la perspective actionnelle puisque l’objectif prédominant
est d’apprendre le vocabulaire.
En effet, il ne peut qu’en être ainsi avec des consignes qui invitent
spécifiquement à apprendre et retenir le vocabulaire. Il est question de compléter des
phrases à l’aide du vocabulaire donné ; de regarder la carte et de compléter le texte avec
des propositions de réponse ; d’écouter un audio et de choisir la bonne réponse parmi
celles proposées etc.
Un peu d’autonomie est consentie à l’apprenant à travers certains exercices :
« prépare-toi à répondre aux questions d’un copain ». Cependant, cette autonomie reste
encore extrêmement guidée par des consignes bien spécifiques puisque les questions
posées sont déjà proposées par le manuel.
Les exercices présentés dans ce chapitre sont des exercices essentiellement
d’application : grâce à l’exemple donné, on recopie, on répond par des mots, on répète.
Il n’y a pas de place à pour l‘imagination, l’erreur, l’avancement, la responsabilité, la
création, les questions, l’échange, la découverte : c’est-à-dire à l’apprentissage d’une
langue dans toutes ses dimensions. Il est plus qu’évident qu’ici, comme on pouvait déjà
l’imaginer, il n’y a aucune influence de la perspective actionnelle dans les exercices
relevés.
De plus, à aucun moment l’apprenant n’est confronté à une situation
authentique, c’est-à-dire à un problème donné en langue étrangère qu’il doit résoudre
comme le suppose la perspective actionnelle. L’apprenant et la langue sont
décontextualisés de toute réalité. Il ne fait que répondre à des consignes scolaires et
contraignantes.
2.2.2 Alter Ego
Le document du dernier chapitre d’Alter Ego occupe la page entière. Ce
document est particulièrement intéressant car il représente un site internet que
l’apprenant « consulte ». On pourrait donc supposer que c’est un document authentique,
cependant, après vérification, le site n’existe pas.
Le travail consiste à analyser et à comprendre les documents à travers divers
exercices : c’est un travail de réflexion sur les documents puis sur le lexique.
Une des consignes est « vous appréciez la poésie ». L’affirmation est
contraignante car elle demande à l’apprenant de faire semblant et donc de « faire
comme s’il appréciait la poésie ». Cela semble logique dans l’apprentissage d’une
langue étrangère de « faire comme si ». On crée des situations pour amener l’apprenant
à parler et par conséquent, l’amener à apprendre.
Mais deux approches sont possibles :
- « créer des situations » dans le sens de provoquer et d’engendrer afin de mettre
en évidence des besoins langagiers pour répondre à une situation comme le
propose la perspective actionnelle.
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« créer des situations » dans le sens d’imposer, de construire dans l’absolu des
savoirs de manière méthodique, structurée et semblable d’un manuel à un autre.
De plus, un autre exercice propose dans l’optique d’« en savoir plus » de lire la
foire aux questions du site internet, puis d’associer les réponses aux questions. Cette
activité est intéressante mais elle représente un faux objectif puisqu’il est question de
faire semblant « d’en savoir plus ». En effet, l’exercice est en fait seulement de
compréhension car la lecture de la foire aux questions ne répond pas à une curiosité ou à
un désir d’en savoir plus de la part de l’apprenant, mais seulement une nécessité pour
faire l’exercice demandé. L’activité présentée comme authentique est alors seulement
qu’un prétexte.
Bien qu’ici des situations plus variées et plus réelles sont proposées à
l’apprenant, on peut se demander si les mises en pratique correspondent aux intentions
de la perspective actionnelle. Les apprenants ne sont pas engagés dans un projet ou dans
un problème à résoudre. Ils travaillent sur la langue, la compréhension, la description, la
répétition. Les activités restent plus ou moins déconnectées entre elles : travail axé sur
une nécessité de compréhension et de production qui se révèlent être l’unique projet : il
faut parler et il faut écrire. Cette contrainte de « il faut » se traduit par les activités
proposées parfois inadéquates ou présentées trop brusquement.
L’apprentissage est encore très accès sur la découverte des mots et dont l’unique
but est d’apprendre le lexique. « Logiquement la Perspective Actionnelle amène les
manuels les plus récents à faire agir les apprenants avec leur identité et dans leur réalité,
c’est à dire entre eux en classe » (Puren, 2011). À partir de ces deux manuels, les
apprenants travaillent séparément et il n’y a pas de réels échanges entre eux. La
méthode, surtout pour le manuel FIL VERT, est orientée vers l’apprentissage du
vocabulaire présenté. On est donc très loin des intentions de la perspective actionnelle
proposée dans le CECRL.
2.3
Le manuel à travers le regard des apprenants
Le CECRL considère dans la perspective actionnelle les apprenants comme des
acteurs sociaux (Trim, 2002). S’ils sont acteurs de leur apprentissage ce rôle doit être
pris en considération aussi bien dans la classe que dans la conception de leur outil de
travail : le manuel. Le manuel, destiné aux lycéens, devrait répondre à leurs exigences,
leurs besoins et leurs attentes pour optimiser leur apprentissage. Si leur matériel de
langue les intéresse et éveille leur curiosité, leur motivation sera stimulée et leur
apprentissage n’en sera que plus facile. Dans cette optique nous avons décidé de les
interroger
Le premier graphique présente les réponses des lycéens à la question : « qu’estce qu’un bon manuel ? » Ils ont répondu entre-autre, qu’un bon manuel contient de la
grammaire et du vocabulaire varié et qu’il est clair. Dans la catégorie « autre », nous
avons regroupé les réponses à faible pourcentage : comme l’efficacité, la culture et un
intérêt pour le monde.
Les réponses ne semblent pas éloignées du contenu des manuels étudiés
puisque leur préférence pour la présence de grammaire et de vocabulaire est bien
satisfaite. En revanche la perspective actionnelle ne semble pas correspondre à leurs
aspirations : par exemple aucun travail sur projet n’a été suggéré. On pourrait en
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revanche se demander si on peut s’attendre à des réponses que les apprenants ne
soupçonnent même pas. En effet, il est difficile d’imaginer des propositions qu’on ne
sait possibles en classe de langue.
Qu'est-ce qu'un bon manuel?
contient de la
grammaire
17%
Autres
27%
contient du
vocabulaire
17%
il est clair
17%
contient des
contient de exercices
l'histoire du 11%
pays
11%
Le deuxième graphique expose leurs réponses à la question : « quel genre de
documents stimule votre apprentissage et votre intérêt ? ». Ils ont principalement
répondu : des documents de lecture et d’écoute sans pour autant donner des thèmes en
particulier. Dans la catégorie « propositions », ils ont suggéré d’autres types de
documents : les tags, la poésie, le dessin…
Quel genre de documents stimule
votre apprentissage et votre intérêt?
Propositions
7%
Historique
8%
Autres
15%
Lecture
39%
Audio
31%
Enfin, le tableau présenté est un bilan afin de comprendre si les deux manuels
étudiés sont en adéquation avec les réponses des lycéens. Bien sûr, il serait plus
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pertinent et intéressant de faire une analyse sur l’ensemble des deux volumes. Dans Fil
Vert, les exercices suivent une structure extrêmement scolaire de compréhensionproduction avec des types de documents conditionnés par le besoin de faire mémoriser,
de faire connaître la langue et de faire répéter. Pourtant, le CECRL propose de nouvelles
recherches et de nouvelles applications possibles de la didactique. Aucune des
exigences des lycéens n’est satisfaite dans ce manuel. Dans Alter Ego il n’est pas
question d’informer en langue, - alors que le document tend à le faire croire :
« consulter un site » -, mais de fournir du matériel pour permettre à l’apprenant de
parler et d’écrire. Il y a bien le thème de « la poésie » mais ce n’est pas l’étude d’une
poésie alors qu’elle constituerait pourtant un bon moyen de faire découvrir la culture de
la langue étudiée. Il y a également des extraits de romans ou de contes mais ils sont
présents toujours dans l’optique et la nécessité de faire écrire l’apprenant.
Dans l’esprit d’une perspective actionnelle, le manuel devrait bien sûr contenir
des projets en rapport aux intérêts des apprenants mais également des projets qui
offrent des connaissances effectives sans que les activités requises soient
conditionnées ou déterminées uniquement par l’apprentissage de la langue.
Le concept de la perspective actionnelle propose d’apprendre et d’apprendre à faire
à travers une langue.
Conclusion
Pour conclure, sans faire une généralité mais d’après les manuels analysés, il
semblerait que les manuels de FLE, utilisés notamment en Italie ne respecteraient pas ou
ne s’inspireraient pas du CECRL. La perspective actionnelle, dernière proposition
d’enseignement-apprentissage des langues du CECRL, n’a jamais été spécifiée, ni dans
l’avant-propos des deux manuels étudiés, ni représentée dans leur contenu didactique.
Cependant, il est aussi vrai que le CECRL « ne milite pour aucune méthode en
particulier » (Trim, 2002), il est « descriptif et non prescriptif » (Trim, 2002) puisqu’il
« n’est pas un document politique » (Trim, 2002).
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Il ne peut donc pas obliger à faire appliquer ses propositions dans les manuels de
FLE. Ainsi, il est normal et légitime que l’intégration d’une perspective actionnelle n’ait
été faite dans le contenu des manuels de FLE. Cette affirmation engendre pourtant une
question : dans ce cas, quel est l’intérêt des études, des actions et des propositions du
CECRL si elles ne sont pas mises en application ?
Manuels cités :
-
ROSSI, E. ; CAMERINI, Maia. ; GALEY, M. ; PONZI, F. ; DANFLOUS, F. Fil
vert : cours de langue française 1. Milano, Principato, 2011
BERTHET, A. ; HUGOT, C. ; KIZIRIAN, V. ; SAMPSONIS, B. ;
WAENDENDRIES, M. Alter Ego : méthode de français A2. Paris, Hachette,
2006
Bibliographie :
-
-
-
-
-
-
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-
-
-
-
Disponible
sur :
http://www.academia.edu/3848483/La_perspective_actionnelle_et_lautonomie_
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actionnelle. En ligne: http://www.christianpuren.com
PUREN, C. (2006). De l'approche communicative à la perspective actionnelle.
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cas du manuel de langue de spécialité face aux nouveaux enjeux de la
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Communication présentée à la IXe Rencontre
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l’espagnol de spécialité grâce aux ressources technologiques », Université
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Philippe Liria. L’approche actionnelle dans l’enseignement des langues : Onze
articles pour mieux comprendre et faire le point. Paris : Maison des langues.
PUREN, C. (2009) Mise en œuvre de la perspective actionnelle : analyse
comparative de la « tâche finale » dans deux manuels de FLE, LATITUDES 2
(2009)
&
VERSION
ORIGINALE
1.
Disponible
sur
http://www.christianpuren.com/mes-travaux/
ROBERT, JP ., ROSEN, É., REINHARDT, C. (2013) Faire classe en fle. Une
approche actionnelle et pragmatique. Paris : Hachette.
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