Fritz David Pierre c. Fédéral Express Canada ltée et Procureur

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Fritz David Pierre c. Fédéral Express Canada ltée et Procureur
Dossier no 97 11 31
FRITZ DAVID PIERRE,
demandeur,
c.
FÉDÉRAL EXPRESS CANADA LTÉE,
entreprise,
et
PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC,
mis en cause.
__________________________________________________________________
DÉCISION PRÉLIMINAIRE
__________________________________________________________________
L'OBJET DU LITIGE
Le 20 juin 1997, M. Fritz David Pierre demande à l'entreprise, Fédéral
Express Canada ltée, (« FedEx »), de lui fournir :
[...] une copie du résultat de l’enquête interne que vous
avez faite à Fédéral Express suite à mes plaintes contre
M. X et M. Y. [...]
N'ayant pas reçu de réponse de FedEx dans les délais prescrits par la Loi
sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé1 (la « Loi
sur le secteur privé »), M. Pierre sollicite, le 21 juillet 1997, une demande
d’examen de mésentente auprès de la Commission d’accès à l’information
(la « Commission »).
Le 18 août 1997, la Commission fait parvenir à FedEx une lettre l’avisant
de la demande d’examen de mésentente de M. Pierre.
1
L.R.Q., c. P-39.1.
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-2-
Le 18 novembre 1997, Me Sean McNamee, conseiller juridique chez
FedEx, informe la Commission que celle-ci refuse l'accès à M. Pierre à un rapport
préparé par et pour l'entreprise, à la suite du dépôt d'une plainte formulée par ce
dernier en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés2. Selon
Me McNamee, ce document ne peut pas être communiqué puisque sa divulgation
pourrait avoir une incidence sur une éventuelle poursuite judiciaire. De plus, il
ajoute que compte tenu qu'il s'agit d'un litige relatif à des relations de travail au
sein d'une entreprise de compétence fédérale, FedEx se réserve le droit de
contester l'applicabilité de la Loi sur le secteur privé.
Le 5 décembre 1997, invoquant l'article 95 du Code de procédure civile3,
les procureurs de FedEx font signifier au Procureur général du Québec (le
« Procureur général ») un Avis l'informant de l'intention de leur cliente de faire
déclarer inapplicable constitutionnellement, à son égard, la Loi sur le secteur privé
compte tenu qu'elle est une entreprise soumise à la juridiction fédérale. Une copie
de cet avis est transmise à la Commission.
L'AUDIENCE
L’audience de cette cause a été fixée pour la première fois au 6 janvier
1998 pour être ensuite reportée au 26 juin 1998 et au 16 août 2002. Cette cause a
été entendue à Montréal, le 23 octobre 2002, en présence de M. Pierre et des
témoins de FedEx.
Les objections préliminaires
À l'audience, Me Robert Dupont, procureur de FedEx, soumet trois
objections préliminaires pouvant se résumer comme suit :
2
3
Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982 [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (1982,
R.-U., c. 11)].
L.R.Q., c. C-25.
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-3-
1. Non-respect du délai de présentation de la demande
d'examen de mésentente : M. Pierre a produit à la
Commission sa demande d’examen de mésentente hors du
délai prescrit par la Loi sur le secteur privé. M. Pierre a fait sa
demande d’accès initiale à FedEx le 30 mai 1995 qui ne lui a
pas répondu dans le délai prévu à cette loi. Il a préféré
présenter d’autres demandes et soumettre à la Commission
une demande d’examen de mésentente, le 20 juin 1997;
2. Secret professionnel : Le rapport recherché par M. Pierre est
préparé par FedEx, dans le but de présenter sa défense, à
l’encontre d’une poursuite éventuelle que ce dernier pourrait
présenter devant les tribunaux. Il s'agit d'un document
confidentiel, couvert par le secret professionnel.
3. Inapplicabilité de la Loi sur le secteur privé à FedEx : Bien
que cette loi soit constitutionnellement valide, elle ne peut pas
s’appliquer à FedEx qui est de compétence fédérale.
Les motifs d’inconstitutionnalité et d’inapplicabilité de la Loi sur le secteur
privé à FedEx sont invoqués en ces termes dans l’Avis d’intention signifié au
Procureur général :
Plus précisément, Fédéral Express prétend que ces
dispositions sont inapplicables à une entreprise de
compétence fédérale aux termes des paragraphes 91(29)
et 92(10) de la Loi constitutionnelle de 1867 puisqu’elles
portent atteinte à sa spécificité en tant qu’entreprise
fédérale et constituent une immixtion indue dans le
domaine de sa gestion et de ses opérations. En particulier,
et sans toutefois restreindre la généralité de ce qui
précède, le litige opposant le demandeur à Fédéral
Express porte sur une question de conditions de travail et
de relations de travail.
LES TÉMOIGNAGES
M. Steve Morgan, témoin pour FedEx
M. Morgan, qui témoigne sous serment, a occupé diverses fonctions chez
FedEx depuis 1989 dont celle de gérant des opérations au bureau de « district »
situé à Ville Saint-Laurent, en 1994-1995, soit à l'époque où M. Pierre y travaillait.
Depuis le mois de février 2002, M. Morgan occupe un poste similaire au bureau de
Mirabel.
M. Morgan indique que FedEx assure le transport, la cueillette et la
livraison de colis, par voie aérienne et terrestre au Canada et à travers le monde,
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incluant les États-Unis. Il explique que FedEx emploie plus de 150 000 personnes
réparties au Canada et dans plus de 210 pays où elle possède des points de vente
(pièce E-1, onglet 3). Ses opérations canadiennes sont divisées entre quatre
districts : région métropolitaine de Toronto, Ontario (excluant Toronto), Est
canadien (excluant l'Ontario) et Ouest canadien.
FedEx opère dans 59 grandes villes canadiennes et dessert plusieurs
aéroports; elle traite plus d’un million de colis quotidiennement et douze de ses
avions quittent ou arrivent à Mirabel à tous les jours.
M. Morgan explique certaines terminologies utilisées par l’industrie
aéronautique pour identifier les aéroports. Par exemple, YVR représente
Vancouver, YUL : Saint-Laurent, YMX : Mirabel, YQB : Québec; YYZ : Ontario.
M. Morgan ajoute que FedEx dessert quotidiennement trois aéroports américains,
à savoir : MEM : Memphis, AOK : Oakland et EWR : New Jersey.
M. Morgan fournit, à titre d'exemple, le trajet effectué par un colis entre
Los Angeles aux États-Unis et Terre-Neuve au Canada; et ensuite, un autre trajet
de Montréal à Toronto, en passant par Saint-Laurent (YUL). Il affirme que les
employés de FedEx procèdent au transfert, au chargement, au dédouanement de
ces colis durant tout leur trajet, et ce, jusqu’à leur livraison aux destinataires.
Selon M. Morgan, environ 10 % de colis sont livrés au Québec, tandis
que 90 % des colis qui transitent par Mirabel, sont livrés à l’extérieur de cette
province et à travers le monde.
Il ajoute que FedEx est reconnue comme « courtier en douanes » au
bureau de douanes de Toronto, tel qu’il est indiqué à l’ « Agrément de courtier en
douane » délivré par le Ministre du Revenu national (pièce E-1, onglet 8). Les
principaux compétiteurs de FedEx seraient : Purolator, DHL, UPS et Loomis.
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-5-
Contre-interrogatoire de M. Morgan par Me Jean-François Boulais, pour le
Procureur général
M. Morgan réitère que FedEx fait le transport, la cueillette et la livraison
de colis à l'échelle nationale et internationale. À la suite d'une question de l’avocat
du Procureur général qui demande au témoin une preuve selon laquelle cette
entreprise serait de compétence fédérale, l’avocat de FedEx intervient et réfère
Me Boulais à certains documents contenus à la pièce cotée E-1 et correspondant
aux onglets 8, 16, 17, 19 et 32. Me Dupont ajoute que, pour la province de Québec,
les frais d’employeur sont acquittés à la Commission de la santé et de la sécurité
au travail (« CSST »), au taux imposé aux entreprises fédérales (pièce E-1,
onglet 21).
En réponse à une question de Me Boulais, M. Morgan souligne que
FedEx applique des tarifs qui diffèrent à l'échelle pancanadienne de ceux destinés
à l'échelle internationale (pièce E-1, onglet 3).
Mme Giovanna Pisani, témoin pour FedEx
Mme Pisani témoigne sous serment et déclare qu’elle travaille chez FedEx
depuis le mois de février 1991; elle est responsable des Ressources humaines
pour la province de Québec et assiste les gestionnaires dans l’application des
politiques corporatives. Elle rend compte de ses activités professionnelles à sa
supérieure immédiate, Mme Sue Singleton, responsable des relations avec les
employés; cette dernière relève de Mme Donna Brazelton, directrice de la gestion
du personnel. Leurs bureaux sont situés à Toronto (pièce E-1, onglet 5).
Mme Pisani déclare que le dossier permanent d’un employé est conservé
au bureau de Toronto, mais qu'une copie est disponible sur son lieu de travail. Elle
souligne que FedEx est régie par le Code canadien du travail4 (le « C.c.t. ») et par
4
L.R.C. [1985], c. L-2, mod. par L.R.C. [1985], c. 9 (1er supp.).
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ses règlements (pièce E-2). Le « Manuel de l’employé » énonce les conditions de
travail de tous les employés au Canada et mentionne l'existence d'une politique de
FedEx contre le harcèlement en milieu de travail, mise à jour en 1993 (pièce E-1,
onglet 2, p. 93; onglets 22 et 23).
Par ailleurs, Mme Pisani explique qu’un employé peut faire une demande
verbale ou écrite pour avoir accès à son dossier (pièce E-1, onglet 11). Elle précise
cependant que FedEx ne possède pas de protocole établissant les règles pour
répondre à ces demandes.
Mme Pisani déclare avoir reçu les plaintes que lui avait adressées
M. Pierre en date des 23, 29 mai et 6 juillet 1995 (pièce E-1, onglets 24, 25, 26 et
28), lesquelles ont trait à des allégations de discrimination contre certains de ses
supérieurs. Elle ajoute avoir reçu ses demandes d’accès datées du 30 mai et
10 juillet 1995 (onglets 27 et 29) et ne pas avoir répondu à M. Pierre.
Mme Pisani déclare ne pas se rappeler avoir reçu la demande d’accès
datée du 20 juin 1997 de M. Pierre et prétend ignorer si un autre représentant de
FedEx a donné suite à cette demande.
Elle explique que, sur réception des allégations de M. Pierre, elle a
immédiatement mené une enquête interne et a rédigé un rapport ayant pour but de
présenter une défense dans l’éventualité où celui-ci intenterait des procédures
judiciaires contre FedEx. Elle considère ce document comme étant confidentiel et
s’engage à le communiquer à la soussignée sous le sceau de la confidentialité.
Mme Pisani déclare qu’un exemplaire de ce rapport a été transmis à quatre
personnes dont au conseiller juridique de FedEx à l’époque, Me McNamee; au
directeur régional et au cabinet d’avocats pour lequel travaille Me Dupont à titre de
procureur pour l'entreprise.
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Mme Pisani précise avoir aussi transmis le rapport à la direction du
personnel à Toronto, à Mme Brazelton qui, le 10 juillet 1995, a informé M. Pierre
qu’un comité avait examiné ses allégations et avait conclu à l’absence de
discrimination de la part de FedEx (onglet 30).
De plus, Mme Pisani indique avoir été interrogée par un représentant de la
Commission canadienne des droits de la personne (« CCDP »). Elle explique que
FedEx a refusé de remettre une copie de ce rapport à la CCDP car il contenait des
informations privilégiées. Elle ajoute que l’enquête de la CCDP s'est conclue en
décembre 1997 par le rejet de la plainte de M. Pierre (onglet 32).
Contre-interrogatoire de Mme Pisani par Me Boulais, pour le Procureur général
En contre-interrogatoire, Mme Pisani précise que :
ƒ
le rapport interne est daté du 1er juin 1995;
ƒ
l'interrogatoire pour la CCDP a été mené par M. Charles
Théroux, directeur des plaintes et enquêtes;
ƒ
sa supérieure hiérarchique, Mme Donna Brazelton, a écrit à
M. Théroux, le 30 avril 1997, pour l'informer que FedEx lui
refusait l'accès au rapport interne car ce dernier revêtait un
caractère privilégié, protégé par le secret professionnel.
M. Pierre, demandeur
M. Pierre témoigne, sous serment, qu’il a travaillé pour FedEx durant
l’année 1994-1995. Il déclare détenir un diplôme en génie mécanique et avoir suivi
une formation en informatique. En ce qui concerne sa demande d’accès, M. Pierre
affirme en avoir soumis plusieurs à FedEx sans jamais avoir obtenu de réponse.
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PLAIDOIRIES ET DÉCISIONS SUR LES TROIS OBJECTIONS PRÉLIMINAIRES
Première objection préliminaire : Non-respect du délai de présentation de la
demande d'examen de mésentente
Me Robert Dupont, procureur pour FedEx
Me Dupont argue que M. Pierre a soumis, le 30 mai 1995, une demande
d'accès à FedEx, à l’attention de Mme Pisani, qui n'y a pas répondu. M. Pierre
aurait dû alors présenter sa demande d’examen de mésentente à la Commission
dans un délai de trente jours tel que le prévoit l'article 43 de la Loi sur le secteur
privé pour le cas du refus par une entreprise d’acquiescer à une demande ou en
l’absence d’une réponse.
L’avocat argue que le non-respect de ce délai devrait mener au rejet de
cette demande. Il plaide qu’aucun élément de preuve n’a démontré que FedEx
avait reçu la demande d’accès de M. Pierre datée du 20 juin 1997. À son avis,
M. Pierre ne peut prétendre à ce que la Commission soit valablement saisie de
cette nouvelle demande et qu'elle accueille sa demande d'examen de mésentente
datée du 21 juillet 1997.
Me Dupont rappelle que Mme Pisani a déclaré ne pas se rappeler avoir
reçu la demande d’accès datée du 20 juin 1997.
L’avocat admet cependant qu’une personne peut soumettre à une
entreprise plusieurs demandes d’accès pour un même document, comme dans le
cas en l’espèce; il considère toutefois que la demande de M. Pierre devant la
Commission est hors délai, pour les motifs ci-dessus indiqués.
Me Boulais, pour le Procureur général
Me Boulais n’a pas de commentaires à émettre quant à cette première
objection. Il cite et commente cependant une lettre datée du 18 novembre 1997
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que Me McNamee, alors conseiller juridique de FedEx, avait fait parvenir à la
Commission au sujet du rapport recherché par M. Pierre :
[...] Nonetheless, in the course of his complaint, Mr. Pierre
has requested production of a report which was prepared
by the Company after the filing of his complaint and
specifically for the purpose of defending, the complaint
Federal Express has maintained from the outset that this
report, being prepared in contemplation of litigation, is a
priviledged document which the Company cannot be
compelled to produce. [...]
Décision sur la première objection
La preuve non contestée démontre que, le 30 mai 1995, M. Pierre a
demandé à Mme Pisani une copie de son rapport interne en prenant le soin de
préciser « quand ce sera terminé ». Malgré l'absence d'une réponse de FedEx, il
n’a pas soumis à la Commission une demande d’examen de mésentente dans le
délai de trente jours prévu à l'article 43 de la Loi sur le secteur privé.
La preuve non contestée démontre également que M. Pierre a soumis
une nouvelle demande, le 6 juillet 1995, qui est demeurée elle aussi sans réponse.
Toutes ces demandes ont été adressées à Mme Pisani, à l’exception de celle datée
du 20 juin 1997 qui le fut au « Bureau du personnel » de FedEx dont elle est la
responsable. Celle-ci a souligné ne pas se rappeler avoir reçu cette dernière
demande d’accès.
Cependant, la soussignée constate que lorsque FedEx a été informée de
la demande d’examen de mésentente de M. Pierre datée du 21 juillet 1997, elle ne
s’y est pas opposée et n’a pas demandé de précision. FedEx, par l’intermédiaire
de son conseiller juridique, Me McNamee, a plutôt fait connaître à la Commission,
le 18 novembre 1997, sa position et les motifs qu'elle invoquait pour refuser à
M. Pierre l’accès au rapport.
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- 10 -
Un extrait de cette réponse a été lu et commenté, à l’audience, par
l'avocat du Procureur général.
Par ailleurs, la soussignée est d’avis que la Loi sur le secteur privé
n’interdit nullement à M. Pierre de présenter à FedEx plusieurs demandes pour
avoir d’accès à un même document, comme l’a si bien rappelé Me Dupont.
Cependant, l’article 46 de cette loi permet à une personne qui exploite une
entreprise de demander à la Commission à ne pas tenir compte des demandes qui
lui sont adressées si elle les considère abusives, notamment par leur nombre;
cette demande n'a pas été faite. La première objection préliminaire est donc
rejetée.
Deuxième objection : le secret professionnel
Me Dupont, procureur de FedEx
Me Dupont plaide que le document recherché revêt un caractère privilégié
et qu'il est protégé par le secret professionnel en vertu de l’article 9 de la Charte
des droits et libertés de la personne5. Il ajoute que FedEx possède une politique
contre le harcèlement en milieu de travail dans laquelle il est précisé que le
Service juridique exige que toute enquête soit faite en prévision d'un éventuel litige
pour lequel l'entreprise aurait à se défendre (onglet 22).
À cet effet, Me Dupont réfère la Commission à un jugement rendu par la
Cour du Banc du Roi dans Montreal Street Railway Co. c. Feigleman6, par lequel la
Cour a statué notamment que les documents rédigés pour l’information des
avocats, à l’occasion ou en prévision d’un procès, sont d’une nature confidentielle
et participent à l’immunité du secret professionnel.
5
6
L.R.Q., c. C-12.
[1913] 22 B.R. 102, 110.
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Le fait que le rapport n’a pas été fait à la demande des
procureurs de la compagnie, ne saurait affecter la
question. [...] il importe peu que le document ait été, ou
non, préparé à la demande de l’avocat; il suffit qu’il ait été
préparé pour être communiqué à l’avocat, au cas du
procès, afin de lui permettre de préparer et de conduire la
défense.[...]
Dans le cas en l’espèce, l’avocat argue qu’effectivement, Mme Pisani a
préparé et rédigé le rapport à cette fin et qu'elle l'a remis à quatre personnes, dont
au conseiller juridique et au procureur de FedEx. Celle-ci a refusé de remettre une
copie de ce document à la CCDP. Me Dupont commente la décision Cité de Côte
St-Luc c. Vecsei et Commission d’accès à l’information7, par laquelle la Cour
supérieure a confirmé la décision de la Commission qui avait refusé à la
municipalité l’accès à un rapport d’experts. D’autres jugements et notes d’autorités
ont été commentés par l’avocat de FedEx, notamment :
•
Rondeau c. Fafard et Bellehumeur8;
•
L’administration de la preuve9 de Léo Ducharme;
•
AL-Zand c. Select Security inc.10;
•
Sécurité Assurances générales c. Gravel et Commission
d’accès à l’information11;
•
Fédération des travailleurs du papier et de la forêt c.
Commission d’accès à l’information 12.
Me Boulais, pour le Procureur général
L’avocat du Procureur général déclare rejoindre les arguments de FedEx
sur la question du secret professionnel protégeant le rapport interne. Il ajoute avoir
déjà communiqué avec M. Pierre qui n’a pas nié avoir besoin du document dans le
contexte d’un litige éventuel contre FedEx, tel qu'il est mentionné au deuxième
7
8
9
10
11
12
[1989] C.A.I. 85.
[1976] C.S. 1148.
Léo DUCHARME, 3e édition, Wilson et Lafleur ltée, 2001.
[1996] C.A.I. 157.
[2001] C.A.I. 408.
[1998] C.A.I. 565 (C.S.).
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- 12 -
paragraphe de la lettre envoyée, le 18 novembre 1997, par Me McNamee à la
Commission.
Me Boulais estime que la Commission doit faire preuve de retenue avant
de se prononcer sur une question constitutionnelle, s’agissant d’un rapport identifié
qui risque d’avoir un effet sur une procédure judiciaire.
M. Pierre, demandeur
M. Pierre, pour sa part, souligne qu’il souhaite obtenir une copie de ce
rapport car il désire connaître la version des témoins qui ont été rencontrés par
FedEx dans le cadre de son enquête interne.
Décision sur la deuxième objection
La soussignée est d’avis qu’avant de statuer sur le caractère confidentiel
du document que FedEx considère être protégé par le secret professionnel, une
preuve complète est nécessaire et que les parties impliquées à ce litige auront
l’occasion de faire connaître leur point de vue lors de l'audience qui se tiendra sur
le fond de la demande d'examen de mésentente. Cette objection préliminaire est
donc rejetée.
Troisième objection : l’inapplicabilité de la Loi sur le secteur privé à FedEx
Me Dupont, procureur de FedEx
ARGUMENTS ET JURISPRUDENCE
Me Dupont rappelle que FedEx, étant de compétence fédérale, est
assujettie au C.c.t., dont particulièrement aux articles 2 et 252, et à ses règlements
(pièce E-2 précitée). Pour étayer cette position, l’avocat fait ressortir les éléments
essentiels de la déposition de chacun des témoins de FedEx.
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- 13 -
Il argue qu’il ne met pas en doute la validité de la Loi sur le secteur privé
adoptée par l’Assemblée nationale du Québec. Il met plutôt en cause l’applicabilité
de cette loi à FedEx.
Pour étayer cette position, l’avocat plaide que :
1. L’entreprise est assujettie au parlement fédéral;
2. La nature et l’objet de cette entreprise ne sont pas assujettis à la
Loi sur le secteur privé;
3. Compte tenu la nature et l’objet de cette loi, celle-ci constitue une
immixtion dans le pouvoir législatif du parlement fédéral.
Me Dupont argue que lorsqu’une loi provinciale a un impact sur
l’administration et sur la gestion d'une entreprise fédérale, cette loi ne doit pas
s’appliquer à ladite entreprise.
L’avocat rappelle les fonctions de FedEx qui fait du transport
interprovincial de colis, sur un territoire qui s’étend au-delà des frontières
canadiennes et à l'échelle internationale. L’avocat plaide à cet effet que les articles
91(29) et 92(10a) de la Loi constitutionnelle de 186713 traitent des pouvoirs
exclusifs du parlement du Canada auquel FedEx est assujettie. Cette dernière
opère ses activités, par voie terrestre ou aérienne, sur une base continue et
régulière à l'échelle interprovinciale et internationale. À cet égard, l’avocat fournit
en exemple les éléments factuels présentés à l’audience.
De plus, Me Dupont plaide que puisque le caractère continu et régulier de
son service va au-delà d’une frontière, FedEx, dans son ensemble, sera qualifiée
comme
une
entreprise
interprovinciale,
indépendamment
du
volume
de
marchandises échangées, tel qu'il est statué au jugement Regina c. Toronto
13
30 & 31 Vict., R.-U., c. 3.
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- 14 -
Magistrates, Ex Parte Tank Truck Transport Ltd14, confirmé par la Cour d’appel de
l’Ontario15.
Dans la même lignée, l’avocat de FedEx cite et commente également
d'autres décisions et de la doctrine, notamment :
•
Constitutional Law of Canada16, publié par M. Peter W. Hogg,
selon lequel une entreprise faisant du transport interprovincial
relève de la compétence exclusive du parlement fédéral;
•
Regina c. Cooksville Magistrate’s Court, Ex Parte Liquid
Cargo Lines Ltd17;
•
Section locale 362 du syndicat des Teamsters c. Transport
Rapide International DHL Ltée18;
•
Office and Technical Employees’s Union, section locale 15
c. Emery Worldwide, Richmond (B.C.)19;
•
Johannesson and Johannesson and Rural Municipality of
West St-Paul c. Attorney General of Manitoba20.
Dans le cas en l’espèce, Me Dupont rappelle que la preuve a démontré
que FedEx offre un réseau intégré de cueillette et de livraison de colis à travers le
Canada et à l'échelle mondiale; elle dessert plus de 210 pays (pièce E-1, onglet 3).
Il rappelle notamment que FedEx possède 59 établissements principaux avec ses
propres employés (onglet 6).
L’avocat rappelle également que les employés de FedEx font du
dédouanement de marchandises en vertu des pouvoirs qui lui sont accordés par
Revenu Canada – Douanes et Accises (pièce E-1, onglet 8).
14
15
16
17
18
19
20
[1960] O.R. 497.
Re Tank Truk Transport Ltd, [Court of Appeal] [1963] 1 O.R. 272.
Peter W. HOGG, Volume 1, Toronto, Carswell, Thompson Professional Publishing, 1997, 22.5.
[1965] 1 O.R. 84.
[1994] 96 di 106, décision no 1101.
[1989] 71 di 79, décision no 768.
[1952] R.C.S. 292.
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- 15 -
LA LOI SUR LE SECTEUR PRIVÉ ET COMMENTAIRES
Me Dupont argue que l’article 1 de la Loi sur le secteur privé ci-après
mentionné s’applique aux renseignements personnels qu’une personne recueille,
détient, utilise ou communique à autrui à l’occasion de « l’exploitation d’une
entreprise » au sens de l’article 1525 du Code civil du Québec21 (« C.c.Q. ») :
1. La présente loi a pour objet d'établir, pour l'exercice
des droits conférés par les articles 35 à 40 du Code civil du
Québec en matière de protection des renseignements
personnels, des règles particulières à l'égard des
renseignements personnels sur autrui qu'une personne
recueille, détient, utilise ou communique à des tiers à
l'occasion de l'exploitation d'une entreprise au sens de
l'article 1525 du Code civil du Québec.
Elle s'applique à ces renseignements quelle que soit la
nature de leur support et quelle que soit la forme sous
laquelle ils sont accessibles: écrite, graphique, sonore,
visuelle, informatisée ou autre.
1525. [...]
Constitue l'exploitation d'une entreprise l'exercice, par une
ou plusieurs personnes, d'une activité économique
organisée, qu'elle soit ou non à caractère commercial,
consistant dans la production ou la réalisation de biens,
leur administration ou leur aliénation, ou dans la prestation
de services.
Il indique que l’objet de cette loi consiste en la cueillette, la détention,
l’utilisation et la communication de renseignements personnels des individus
« dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise ». Ces renseignements sont
nécessaires et font partie intégrante de la gestion et de l’administration de cette
entreprise.
Me Dupont fournit en exemple d’autres articles de cette loi provinciale : la
constitution d’un dossier (article 4); la cueillette, la détention, l’utilisation ou la
communication de renseignements (articles 6 et 9 à 14); les circonstances pour
lesquelles un consentement est ou n'est pas requis (article 12 et 20), etc. L’avocat
21
L.Q. 1991, c. 64.
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- 16 -
ajoute que lorsqu’une entreprise constitue un dossier sur son personnel, la Loi sur
le secteur privé vient interférer sur sa gestion et son exploitation.
Me Dupont plaide également que la Loi sur le secteur privé est une loi
provinciale, d’application générale, qui affecte les relations et conditions de travail
des employés de FedEx. En effet, elle crée des obligations à celle-ci, quant à la
cueillette, la détention, l’utilisation ou la communication de renseignements
personnels concernant ses employés.
Il ajoute que lorsque cette loi touche, dans un contexte fédéral, un
élément essentiel à la gestion, aux relations et conditions de travail d'une
entreprise, elle ne doit pas s’appliquer.
L’avocat commente en ce sens la décision de la Cour suprême dans
l'affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail et Bilodeau c. Bell
Canada22. Il cite et commente également le professeur Henri Brun :
Le critère qui marque la limite de ce domaine d’application
du droit provincial est donc une norme importante en droit
constitutionnel. Sauf pour ce qui est du gouvernement
fédéral, à l’endroit duquel la Cour suprême applique un
critère d’immunité absolue24, c’était jusqu’en 1988, un
« critère fonctionnel » qui était appliqué. Il s’agissait de
savoir, dans chaque cas, si l’application envisagée du droit
provincial était ou non susceptible d'empêcher de
fonctionner l’entreprise fédérale ou encore, de façon plus
générale, de produire un effet essentiel ou déterminant sur
ce qui relève du fédéral.23
24
Alberta c. Commission canadienne des transports (1978) 1
R.C.S. 61, p. 72; P.G. Québec et Keable c. Procureur général
du Canada (1979) 1 R.C.S. 218, p. 244.
Dans ces circonstances et selon Me Dupont, la Loi sur le secteur privé ne
peut donc pas s’appliquer. La Commission doit donc décliner compétence.
22
23
[1988] 1 R.C.S., 749.
H. BRUN, « L'évolution récente de quelques principes généraux régissant le partage des
compétences entre le fédéral et les provinces », dans Congrès annuel du Barreau du Québec
[1992] 28.
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- 17 -
Par ailleurs, l’avocat souligne que, dans l’éventualité où la Commission
rejette l’objection préliminaire de FedEx sur l'un ou l'autre des trois points, celle-ci
serait prête à soumettre sa preuve lors d’une prochaine audience quant au
caractère confidentiel du rapport sur lequel est invoqué le secret professionnel
comme motif de refus d’accès à M. Pierre.
Me Boulais, pour le Procureur général
ARGUMENTAIRE SUBSIDIAIRE
Me Boulais fait un résumé de la déposition des témoins incluant celle de
M. Pierre. L’avocat souligne, entre autres, le témoignage de Mme Pisani qui déclare
que le rapport interne est daté du 1er juin 1995. Il réfère à l’onglet 32 de la liste des
pièces (pièce E-1) soumises à l’audience par FedEx et à la lettre par laquelle elle a
refusé à la CCDP l’accès au rapport en invoquant le secret professionnel.
De façon subsidiaire, Me Boulais fait remarquer que FedEx ne conteste
pas les dispositions du C.c.Q. et les droits des citoyens à avoir accès aux
renseignements les concernant et détenus par une entreprise. Cette dernière
conteste plutôt l’application d’une loi provinciale valide sur FedEx qui, elle, est
régie par le parlement fédéral et par le C.c.t.
Me Boulais commente l’arrêt Bell24 précité où la Cour suprême traite de
« la partie essentielle d’une entreprise » sans toutefois définir ce terme. Cette cour
devait statuer notamment sur le retrait préventif que la CSST, créée par la Loi sur
la santé et sur la sécurité au travail25, avait accordé à une femme enceinte à
l’emploi de Bell Canada, entreprise fédérale.
24
25
Précité, note 22.
L.R.Q. c., S-21.
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- 18 -
Dans le cas sous étude, Me Boulais insiste pour dire que la Loi sur le
secteur privé ne touche pas une partie essentielle de FedEx telle le transport, la
cueillette et la livraison des colis. Cette loi ne touche que de façon accessoire à la
gestion de FedEx.
Il indique que la loi provinciale n’a pas pour effet véritable de régir les
relations de travail tel qu’il en est ressorti au jugement Transport Robert ltée c.
Société québécoise de développement et de la main-d’œuvre26.
Dans le cas en l'espèce, l’avocat du Procureur général souligne que
M. Pierre était un employé de FedEx et qu'il ne l’est plus. Il considère que la Loi
sur le secteur privé s’applique tel que l'a statué la Commission dans les décisions
Jabre c. Middle East Airlines-Airliban27 et De Bellefeuille c. Canpar Transport
limitée et Procureur général du Québec28. Dans ces deux cas, la Commission a
décidé que la Loi sur le secteur privé ne touche pas l’une ou l’autre des parties
essentielles de l’entreprise et qu'elle n’affecte pas un élément vital de sa gestion
ou de son exploitation (par exemple : les relations et conditions de travail).
ARGUMENTAIRE PRINCIPAL
En argumentaire principal, Me Boulais invite la soussignée à faire preuve
de retenue et à ne pas statuer sur une question constitutionnelle
[...] lorsqu’il n’est pas nécessaire de le faire pour trancher
le litige qui lui est soumis. [...] La jurisprudence dans son
ensemble préconise donc la prudence des juges devant le
plaidoyer d’inconstitutionnalité29.
26
27
28
29
C.A. Québec 200-09-001773-974, 11 septembre 2000, j. Michaud, Otis et Forget.
[1998] C.A.I. 404
[1998] C.A.I. 178.
A. TREMBLAY, Droit constitutionnel - Principes, Montréal, Les Éditions Thémis, 1993, 203.
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Le même raisonnement est ressorti des décisions Philips c. NouvelleÉcosse30 (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray) et Procureur
général du Québec c. Cumming31.
Me Boulais ajoute que la Commission est un tribunal administratif créé
par sa loi constituante. Elle a notamment pour fonctions de rendre justice aux
citoyens qui souhaitent avoir accès à des documents, comme dans le cas en
l’espèce, sous réserve des restrictions législatives.
Réplique de Me Dupont, avocat de FedEx
Me Dupont réplique que la Loi sur le secteur privé a un impact majeur sur
la gestion de FedEx qui est régie par le parlement fédéral et le C.c.t.; il réfère à cet
effet à la définition qu’accorde l’article 1 de cette loi à « l’exploitation d’une
entreprise ».
En ce qui concerne l'affaire Jabre32 précitée, l’avocat mentionne que,
dans cette décision, la gestion de l'entreprise n’a pas été abordée. Il réitère que,
dans le cas sous étude, toutes les informations recueillies par FedEx relatives à
ses employés, l’ont été dans le cadre de sa gestion et de son administration.
Décision sur la troisième objection
L’article 1 de la Loi sur le secteur privé définit l’objet de cette loi qui est de
compétence provinciale, d’application générale, pour l’exercice des droits
fondamentaux accordés à un citoyen en conformité aux articles 35 à 40 du C.c.Q.
en matière de protection des renseignements personnels qu’une entreprise
recueille, détient, utilise ou communique sur lui à l’occasion de l’exploitation de
cette entreprise telle qu'elle est définie à l’article 1525 dudit code.
30
31
32
[1995] 2 R.C.S. 97.
[1978] 2 R.C.S. 605.
Précitée, note 27.
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La preuve non contestée démontre que FedEx fait du transport, de la
cueillette et de la livraison de colis à l'échelle pancanadienne et mondiale.
Par ailleurs, il importe de mentionner que les dispositions législatives
décrites à l'article 94 de la Loi sur le secteur privé ci-après mentionné indiquent
leur primauté sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient
contraires, à moins que celles-ci ne prévoient clairement s'appliquer malgré cette
loi.
94. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles
d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient
contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce
expressément s'appliquer malgré la présente loi.
Toutefois elles n'ont pas pour effet de restreindre la
protection des renseignements personnels ou l'accès
d'une personne concernée à ces renseignements,
résultant de l'application d'une autre loi, d'un règlement,
d'un décret, d'une convention collective, d'un arrêté ou
d'une pratique établie avant le 1er janvier 1994.
En faisant référence à l'article 168 de la Loi sur l'accès aux documents
des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels33 (la
« Loi sur l'accès »), dans la décision Conseil de la magistrature du Québec
c. Commission d'accès à l'information et Robert34, le juge Beaudoin a décidé qu'« il
s'agit d'une loi quasi constitutionnelle » que la doctrine adopte sans détour. Il
ajoute que :
[50] La loi, par son rattachement à certains droits
fondamentaux protégés par la Charte des droits et libertés
de la personne (droit à la protection de la vie privée
(art. 5); droit à l'information (art. 44)) a donc un caractère
législatif fondamental.
La soussignée considère que, dans un contexte similaire, ces
commentaires peuvent se transposer à l'article 94 de la Loi sur le secteur privé,
lequel est analogue à l'article 168 de la Loi sur l'accès. Le caractère fondamental
33
34
L.R.Q., c. A-2.1.
[2000] C.A.I. 447 (C.A.).
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de cette loi et son caractère quasi constitutionnel laissent croire qu’elle en est une
d'application générale, tel qu'il est ressorti, à une enquête menée par la
Commission dans l'affaire Lamarre c. Banque Laurentienne et Konaté35.
Dans la présente cause, la soussignée considère que la Loi sur le secteur
privé en est une d’application générale qui interfère, de façon accessoire, dans la
gestion de cette entreprise; cette loi n’a ni pour objet ni pour effet de régir les
relations de travail des employés de FedEx. M. Pierre ne travaille plus pour cette
entreprise depuis 1995.
Le juge André Forget, de la Cour d'appel du Québec, à la décision
Transport Robert36, s’exprime comme suit :
[…] D'ailleurs, comme le souligne le juge en chef Dickson
dans l'affaire Irwin Toy, l'effet accessoire d'une loi
provinciale sur une entreprise fédérale n'a pas pour effet
de la rendre inapplicable à cette dernière :
[…] Le gouvernement fédéral a compétence
exclusive en ce qui concerne les « éléments vitaux
ou essentiels » d’une entreprise fédérale, y compris
sa gestion, parce que ces aspects forment le
« contenu de base minimum et inattaquable » du
pouvoir établi par l’application du par. 91(29) et les
exceptions du par. 92(1) de la Loi constitutionnelle
de 1867. Aucune loi provinciale qui touche ces
aspects ne peut s’appliquer à une entreprise
fédérale. Toutefois, lorsque la loi provinciale n’a pas
pour objet de s’appliquer à une entreprise fédérale,
son effet accessoire, même à l’égard d’un élément
essentiel de l’exploitation de l’entreprise, n’aura
normalement pas pour effet de rendre la loi
provinciale ultra vires.
(Le juge Forget a souligné.)
Ainsi la soussignée fait siens les commentaires des commissaires, dans
l'affaire Lamarre37 précitée :
35
36
37
C.A.I. Montréal no PV 99 09 63, 21 août 2002, cc. Boissinot, Laporte et Stoddart.
Transport Robert c. Société québécoise de développement de la main
précitée, note 26, p. 13.
Lamarre c. Banque Laurentienne et Konaté, précitée, note 35, p. 11.
d'oeuvre,
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La Commission n'a pu retrouver, dans la loi qui nous
concerne, les dispositions qui pourraient entraver ou
menacer les aspects vitaux ou essentiels de la Banque.
La Commission est d'avis, à la lumière de la preuve, de la
jurisprudence étudiée et de l'interprétation qui peut en
découler, que la Loi sur le secteur privé est applicable en
l'espèce et n'est pas, comme le prétend le procureur de la
Banque, inopérante.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION :
REJETTE les première et troisième objections préliminaires soulevées
par Féréral Express Canada ltée, à savoir sur le non-respect par M. Pierre du délai
de présentation à la Commission de sa demande d’examen de mésentente et sur
l’inapplicabilité de la Loi sur le secteur privé à cette entreprise;
DÉCLARE que la Commission est compétente pour entendre la
demande d’examen de mésentente de M. Fritz David Pierre;
CONVOQUE les parties à l’audience `sur le fond de cette cause traitant
du caractère confidentiel du document que FedEx considère etre protégé par le
secret professionnel ; l’avis de convocation pour cette audience leur sera
communiqué à une date ultérieure par la Commission.
CHRISTIANE CONSTANT
Commissaire
Montréal, le 20 février 2003
Me Robert Dupont
Heenan Blaikie
Procureurs de FedEx
Me Jean-François Boulais
Bernard, Roy & Associés
Procureurs du Procureur général