La Nuit du chasseur (en 15 œuvres d`art contemporain !)
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La Nuit du chasseur (en 15 œuvres d`art contemporain !)
La Nuit du chasseur (en 15 œuvres d’art contemporain !) Penser une exposition qui déroulerait le fil d’un récit. La Nuit du chasseur (The Night Of The Hunter) – Unique film de Charles Laughton et roman noir de Davis Grubb. C’était l’idée. Nous avions bien en tête le film : le noir et blanc, l’errance des deux enfants sur la rivière, la confrontation à une figure malfaisante et perverse, la poupée, la mère devenue sirène. En se racontant cette histoire, des scènes et des dialogues, des figures et des motifs ont émergé de notre mémoire. Nous avons vagabondé dans le souvenir du récit pour passer d’un objet à l’autre, les relier ou les délier. Il nous fallait déplier et retrouver le monde de l’œuvre dans un autre espace, dans un autre temps, et ainsi éprouver le récit sombre et lumineux de John et Pearl, les deux héros. C’est la crise… Une histoire d’enfants perdus… ou comme l’écrit Davis Grubb à la fin de son ouvrage : « Le Seigneur préserve les petits enfants ! Car en même temps que tout enfant qui naît du sein d’une femme se profile un temps ou il fuira au travers d’un lieu ombreux, se dessine un chemin sans portes, et se dresse un chasseur dont le bruit de pas sonne clair sur les pavés derrière lui. Pour tout enfant, riche ou pauvre, quels que soient ses privilèges, quelque douillette et sûre que soit sa chambre, il arrive un temps de solitude aux vastes résonnances, où nul ne pénètre, nul n’écoute, et les feuilles desséchées qui sont entraînées au hasard de la rue deviennent le bruissement de la Mort de même que le tic-tac dans la vieille maison et le son du fusil qu’arme le chasseur. Car même quand les aïeules aiment les tout–petits, en prennent soin et se tourmentent à leur sujet, leur action est faible alors qu’elles recherchent à pénétrer ces yeux graves et blessés qui sont une chambre de gosse frappé de terreur, placée en dehors de tout secours, de tout réconfort. Pour Rachel, la chose la plus terrifiante et la plus émouvante de toutes, c’était la grâce humble avec laquelle ces petits acceptent leur sort. Le Seigneur préserve les petits enfants ! (…) » On assiste alors à la présence concomitante de tous les éléments de significations (œuvressignes), au lieu d’un déroulé narratif au cinéma ou dans le roman (de ce point de vue, convergence entre littérature et cinéma, mais pas arts visuels, sauf à considérer un parcours du spectateur forcément limité…). Par contre, l’exposition ouvre peut-être sur d’autres « suggestions », laisse le spectateur plus libre d’ajouter ses propres fantasmes entre les œuvres. L’histoire devient plurielle, subjective, pleine de trous ! Une forme d’humour intervient dans ce qui est autant une construction qu’une déconstruction. L’exposition paraît d’un côté une élaboration « littérale » mais, si on y regarde de plus près (ou de plus loin…), elle est complètement « arbitraire » : elle souligne un « malentendu » entre les formes et leur signification supposée commandée par un « propos »… Dans l’absolu, on peut continuer à regarder – et apprécier ! – chaque œuvre individuellement (séparément des autres). Tisser des liens permet de se raconter quelque chose : on n’oublie pas qu’il y a des coupures permanentes, que la Totalité n’est jamais atteinte et que c’est cette impossibilité qui conserve la liberté et préserve de la folie ! (Le Chasseur c’est le Diable !) Marie-Dominique Bidard et Emmanuel Latreille 1 La nuit du chasseur. Le film Ohio, 1930. C'est la Crise, la famine sévit. Ben Harper a volé pour nourrir sa famille. Avant d'être arrêté et condamné à mort, il confie à son fils John le secret de la cachette du butin qu'il a eu le temps de dissimuler. En prison, Ben partage sa cellule avec Harry Powell… Plus tard, celui-ci – faux prêcheur, tout de noir vêtu – s'introduit dans la famille Harper, bien décidé à récupérer l'argent. Il parvient à épouser Willa, la veuve, puis la tue quand celle-ci réalise enfin ce qu'il cherche. Powell persécute et poursuit les deux enfants, John et sa petite sœur Pearl qui traîne avec elle son inséparable poupée de chiffons… mais Pearl a juré à John de ne pas livrer le secret du trésor. Les deux enfants s'enfuient sur le fleuve, leur barque dérive puis échoue chez une vieille dame, Rachel. Ils y trouvent refuge, comme d'autres jeunes déshérités. Mais le prêcheur ne se décourage pas et son ombre vient bientôt rôder… « Montrer un film en 15 œuvres d’art contemporain », dans un lieu de formation des enseignants, qu’est ce que ça veut dire ? Parler d’un film est-ce le décrire plan par plan ? En donner un synopsis ? En faire une analyse critique ? Le remettre dans son contexte historique, économique, politique ? Parler d’un roman pour en faire un commentaire composé ? Décrire une œuvre, est-ce passer par toutes les étapes de l’analyse iconographique ? (Composition, lignes couleurs, motifs, etc.) On pourra bien évidemment garder ces grandes catégories de description et d’analyse de l’œuvre mais il n’en reste pas moins que la question de la rencontre avec l’œuvre continue de se poser. Si l’on considère que l’œuvre d’art est un objet complexe, il nous faudra concevoir des approches complexes. Et alors, la scolarisation de l’œuvre avec des méthodes trop figées doit nous questionner. Il nous faut réinventer d’autres manières de parler de l’œuvre, ou de parler avec l’œuvre. Dans cette exposition on retrouvera des évocations du film : le voyage, la nuit, les meurtres, le trésor, l’enfance… Le plaisir de l’interprétation, du jeu des correspondances sont au cœur de cet essai de transposition d’un champ artistique à un autre, d’un langage vers un autre. 2 Pistes pédagogiques: Des questions L’œuvre a-t-elle un effet sur vous en tant que spectateur (regardeur)? Exprime-t-elle ou évoque-t-elle une humeur ou un sentiment que vous avez déjà vécu? L’œuvre est-elle silencieuse ou bavarde, réconfortante ou troublante, joyeuse ou sombre? Quel est le sujet de l’œuvre? Le sujet aborde-t-il des problèmes sociaux, religieux, moraux, économiques ou politiques? L’artiste a-t-il basé son sujet sur quelque chose qu’il a observé directement, dont il s’est rappelé, qu’il a inventé ou imaginé? L’artiste traite-t-il le sujet de manière figurative ou l’a-t-il intentionnellement amplifié, déformé ou rendu abstrait? À votre avis, pourquoi? Processus Décrivez l’agencement des couleurs. Y a-t-il des contrastes? Les couleurs sont-elles subtiles ou vives? Y a-t-il une couleur dominante? Décrivez la variété ou l’unité de la ou des textures. Décrivez les différentes étapes qui ont mené à l’achèvement de l’œuvre. Selon vous, l’artiste a-t-il exécuté l’œuvre rapidement ou peu à peu au fil du temps? Divergences Quelle histoire l’exposition raconte-t-elle ? Une histoire pour une œuvre Quelle couleur(s) pour chacune des œuvres, -pour l’ensemble de l’exposition ? Quelles odeurs ? Un mot / une œuvre. Un objet / une œuvre 3