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Les temps modernes Charlie Chaplin, 1936
http://www.youtube.com/watch?v=YDrmKbOgAbk
L’affiche
Analyse : Le corps de Chaplin devient par moitié une machine. Attitude stéréotypée du
mime // machine, automate
La canne de Charlot (= objet emblématique) en // avec la clé de l’ouvrier.
La partie libre du corps : le baluchon (= la liberté), le couple ( l’amour parviendra à
libérer Charlot)
Cf d’autres affiches des temps modernes.
TITRE : Modern times = les temps modernes
Film américain
Année : 1936
Réalisé par : Charlie Chaplin
Scénario : Charlie Chaplin
Musique : Charlie Chaplin
Avec : Charlie Chaplin
INTRODUCTION :
Contexte historique du film :
Les Temps Modernes (1936) est un film sorti pendant la période de l’entre-deux-guerres.
Au niveau économique, les Etats-Unis puis l’Europe sont frappés par une crise économique et
sociale : le krach boursier d’octobre 1929 à New York a entrainé une crise bancaire (faillite
de banques), puis une crise industrielle (fermeture d’usines), et enfin une crise sociale
(chômage, misère, faim). C’est la « Grande Dépression ». La politique du New Deal (« Nouvelle
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Donne ») lancée par Roosevelt à partir de 1933 a pour objectif de relancer l’activité
économique grâce à l’impulsion de l’Etat (grands travaux…).
Taylorisme (rentabilisation maximale du travail)
En France, c’est l’époque du Front populaire et des congés payés.
Présentation du film :
Les Temps Modernes est une comédie dramatique en noir et blanc. Le film a été écrit, réalisé,
mis en musique et produit par Charlie Chaplin chez United Artists. C’est un film muet (le
dernier du réalisateur), ce qui était anachronique pour l’époque car l’apparition du cinéma
parlant en 1927 avec Le Chanteur de Jazz a entrainé un déclin rapide et irréversible du muet
(et de la plupart de ses stars…). En réalité, ce film est « muet et sonore » à la fois, puisque
des voix, des bruitages et même le chant clownesque du héros ont été intégrés au film et
contribuent à sa dramaturgie. C’est aussi le dernier film de Chaplin dans lequel intervient le
personnage de Charlot, mondialement connu.
Tourné en 1934-35, le film sort en salles aux Etats-Unis le 5 février 1936 sous le titre
Modern Times. Il bénéficie d’une sortie mondiale dans les semaines qui suivent.
Grand succès populaire, le film a reçu un accueil mitigé de la critique.
Synopsis du film :
Ouvrier dans une usine dont le patron teste de nouvelles techniques visant à améliorer la
productivité, Charlot (Charlie Chaplin) perturbe la chaine de montage par sa distraction.
Rendu fou par la cadence infernale des machines, il est hospitalisé.
séquence d’ouverture jusqu'à 2min50
CORPUS
DOCUMENT N°1 Photogrammes extraits du début du film de Chaplin, Les Temps
Modernes, 1936
Rappel des plans du 1er acte du film :
La scène commence avec une vue en plongée sur un troupeau de moutons se dirigeant du haut
vers le bas du cadre succède d’un fondu enchainé ouvrant sur un plan similaire dans lequel les
moutons sont remplacés par une foule d’hommes.
Les plans fixes ensuite s'enchaînent selon de multiples points de vues pour nous amener à
comprendre que la foule est faite des travailleurs se rendant à l’usine le matin.
Vient ensuite le premier mouvement de caméra, un panoramique qui va suivre les mouvements
d’un personnage permettant au spectateur de comprendre qu’il s’agit d’un personnage
important et dont les actions ont un effet dans le déroulement de l’histoire.
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Générique (1): gros plan sur une horloge et la course de son aiguille ; titre et générique
défilent, s'achevant par un avertissement au spectateur : « Les Temps modernes ; ceci est
l'histoire de l'industrie, de l'entreprise individuelle, de l'humanité à la conquête du bonheur.
»
► Quel rapport établir avec l’arrière-plan des images 1 et 2 ?
L’arrière-plan montre une énorme pendule en plan fixe qui dépasse de l’écran. Elle égrène
inexorablement ses secondes. Ce qui symbolise le temps compté : L’homme des temps
modernes vit à la pendule, est soumis au temps, paramètre essentiel du rendement dans le
monde du travail.
► Lisez le carton de l’image 2 : Un récit sur l’industrie, l’initiative individuelle et la
croisade de l’humanité à la recherche du bonheur." Puis confrontez-le aux images 3 et 4
: que constatez-vous ?
Les propos du carton et les images suivantes se contredisent complètement ; les images
illustrent l’esprit moutonnier, non l’initiative individuelle. Est-ce là l’humanité à la poursuite du
bonheur ? Quel procédé Chaplin utilise-t-il dans l’incipit?
L'arrivée à l'usine (3 et 4)
Musique très cadencée. Un troupeau de moutons en marche ; puis fondu enchaîné sur une
masse d'hommes sortant d'une bouche de métro se pressant vers une usine (plongée :
abattement des ouvriers et des animaux), reconnaissable à ses cheminées fumantes, ses
bâtiments imposants.
Contre plongée (= effet écrasant)
► Que viennent faire ici ces moutons ?
Chaplin veut montrer que la société moderne fait des hommes une masse à l’instinct grégaire,
conformiste et docile, soumise, privée d’initiative individuelle. Le mouton noir représente celui
qui est différent : grâce à ce symbole, Chaplin annonce le rôle de Charlot, l’exclu, l’inadapté.
Quelle place pour Charlot dans cette société moderne ?
La représentation du lieu : comment les images montrent-elles l’usine ?
Recherches
Que voit-on ?
Photogramme 5
Vue extérieure
de l’usine
Cadrage
- Plan général
Angle de vue
- Usine vue
en contreplongée
Ecrasement
Effet produit
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Photogramme 6
Vue intérieure :
l’entrée de
l’usine ; la foule
des travailleurs
pointe
- Plan
d’ensemble
Photogramme 7
Vue d’un atelier
Photogramme 8
Vue d’une
machine qui
occupe toute
l’image
- Plan
d’ensemble
- Plan
d’ensemble
- Angle de vue
en plongée
- Angle de vue
en plongée
Angle de vue
normal
Mise en
- Ecrasement
- Ecrasement
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des hommes
par l’usine
imposante,
énorme
évidence d’une
foule d’hommes
faisant
le même geste :
pointer
des hommes
- Gigantisme de
la machine
des hommes
- Gigantisme de
la machine
Interprétation : A l’aide des procédés de cadrage et d’angles de vue, Chaplin met en évidence
l’écrasement des hommes par les machines, gigantesques et envahissantes, et leur «
embrigadement » dans un système.
A l'intérieur, même empressement ; plan sur des machines. (7)
Une sonnerie retentit. Un homme à l'allure imposante, torse nu, lève des manettes dans une
salle qui semble contrôler les machines. (// le mécanicien de F Léger)
Carton : porte du bureau « Président Electro Steel Corp. »
On passe d’un montage en fondu enchaîné (produisant un effet comique en faisant une
analogie entre les moutons et les hommes) à un montage cut (traduisant le dynamisme de
l’usine)
Le Président dans son bureau (9)
Un inter-titre vient signifier qu’un nouveau lieu est présenté au spectateur.
Silence. Le Président de la compagnie, dans son bureau ; fait un puzzle ; lit le journal de
Tarzan ; visionne sur un écran géant les différents postes de son usine ; des ouvriers affairés
apparaissent.
Pourquoi un tel cadrage ?
Un plan rapproché nous renseigne sur la manière dont il passe son temps en réalité. Si le
cadrage est rapproché c’est pour amener le spectateur dans la zone d'intimité du personnage
et donc le rapprocher de la vérité.
Puis le cadre s'élargit, une secrétaire vient donner un verre d’eau et repart, le président
semble avoir été sorti de son paisible moment par cette intervention. Il appuie sur les boutons
d’une machine et derrière lui s’allume un écran géant lui permettant de voir l'activité des
postes de travail.
(Au cinéma quand on voit une image dans une image c’est un sur-cadrage.)
A travers cet écran le président appelle ensuite le contremaître pour augmenter les cadences.
Sonnerie. Salle de contrôle des machines, (11) où le contremaître accourt ; le visage du
directeur apparaît sur un grand écran, il donne des ordres brefs et autoritaires : «Atelier 20,
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plus vite !», Saluts militaires du contremaître qui s'exécute. Un bruit d'accélération
correspondant aux manettes manipulées par le contremaître.
Le travail à la chaîne (12, 13)
Musique frénétique, Les ouvriers travaillent à la chaîne : un tapis roulant défile, les ouvriers
s'activent avec leurs outils (clé pour serrer des écrous, marteaux et burins). Intervention de
la voix du directeur qui semble omniprésent ( «(...) Attention, j'aperçois un écrou mal serré ».
Charlot, vêtu d'une salopette d'ouvrier : n'arrive pas à suivre le rythme de travail (se gratte,
veut parler au chef de chaîne, est gêné par un insecte, s'essuie, n'arrive pas à serrer un
boulon) : il gêne les autres, provoque l'arrêt de la chaîne. Il se plaint d'un autre ouvrier,
sermonné par le chef de chaîne. Conflit avec son voisin, coups de pieds mais l'altercation
s'arrête brutalement car la chaîne repart. Sonnerie et écran où apparaît le directeur pour
ordonner d'aller encore plus vite.
Le temps d'une pause (16-17)
Charlot passe le relais à un autre ouvrier. Il quitte la chaîne avec des tics, se rend à la
pointeuse surmontée d'une horloge. La musique se fait douce, réconfortante (violons). Dans
les sanitaires, il allume une cigarette, s'assoit sur le rebord d'un lavabo, sourit. Apparition
derrière lui du président sur un écran qui ordonne de retourner au travail. Il pointe de
nouveau et retourne vers la chaîne.
Comment est rendue l’impression de vitesse ?
Même la «pause» de Charlot est interrompue par le président (elle paraît très courte : 12
secondes dans le film).
- l'impression de vitesse, de frénésie dans le travail est amplifiée par un procédé technique :
une grande partie de l’acte a été tournée à une vitesse de 18 images par secondes mais est
projetée à une vitesse de 24 images par secondes ce qui amplifie la rapidité des actions.
La machine à nourrir (15)
Bureau du président. On lui présente par l'intermédiaire d'un phonographe une machine à
nourrir les ouvriers pour qu'ils puissent continuer de travailler en mangeant. Carton :
La pause-déjeuner (18)
La chaîne s'arrête, Charlot s'écarte d’elle mais ne peut arrêter son geste répétitif et ses
tics: il serre les boutons de la robe de la secrétaire qui passe, renverse l'assiette de son
voisin. Choisi pour tester la machine à nourrir, il est enserré dans celle-ci et doit suivre le
rythme du repas imposé par la machine ; cela fonctionne tout d'abord puis l'accessoire pour
manger le maïs s'emballe ; le rythme devient incontrôlable ; la soupe est renversée. Des
écrous sont posés par mégarde dans l'assiette, la machine les pousse dans la bouche de
Charlot. Le directeur refuse la machine, qu'il juge «pas pratique» .
Carton : Le temps passe jusqu'à la fin de l'après midi
Fin : la séquence de folie 13m15 à 14m40
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La crise de folie : comment les images montrant la folie de Charlot à la chaine
participent-elles à la critique ?
Procédé comique et poétique du
détournement des objets Outil
Outil de serrage
Burette d’huile
Crochet
Levier de machine
Utilisation par Charlot fou
Cornes d’une bête sauvage
Jouet mitrailleur
Corde de Tarzan ou de justicier ??
Appui de danseur
+.
Dans cette séquence Charlot devient fou et les mouvements de caméra vont accompagner ses
mouvements. Il va résister contre la folie et contre son incapacité à suivre la cadence
accélérée des machines. La caméra balaiera d’avant en arrière pour se retrouver avec le
personnage brusquement embarquée dans les entrailles de la machine. Charlie Chaplin entre au
milieu des rouages et son corps ondule comme dans une danse créant un effet comique. A
l'intérieur, il continue à boulonner comme si de rien n’était.
La folie
Le contremaître, en salle de contrôle, est sorti de la lecture de son journal par une sonnerie
et l'apparition du président sur l'écran, ordonnant d'accélérer la cadence. Sur la chaîne de
montage, Charlot ne suit pas le rythme, son visage est fermé ; le chef de chaîne le harcèle
pour qu'il accélère ; il s'obstine à visser un écrou, monte sur le tapis ; un ouvrier le retient par
les jambes.
Carton : « II est fou ! ». (19-22)
Il lui échappe et se fait absorber par le tapis roulant. Il passe par les différents rouages
d'une machine puis ressort. Il sourit, danse, cherche à resserrer tout ce qui lui semble être
un boulon (nez, boutons de la robe de la secrétaire). Il la poursuit jusqu'au dehors mais elle
s'échappe. Apparition d'une femme marchant dans la rue, boutons au niveau de sa poitrine ;
Charlot la prend en chasse mais il se heurte à un policier. Il s'enfuit, retourne dans l'usine,
pointe. Arrivé dans la salle de contrôle, il se heurte au contremaître, dérègle les machines,
joue avec les manettes : flammes sortant des machines. Charlot s'empare d'une burette à
huile et en asperge tous ceux qu'ils croisent. Scène de poursuites avec les ouvriers de la
chaîne. Il s'accroche à une poulie, le Directeur l'attend en bas, avec des policiers.
On parvient à le faire descendre. Une sirène d'ambulance : celle-ci se gare devant l'usine et
Charlot y est conduit de force par un policier et un ouvrier. L'ambulance s'en va, emportant
Charlot.
Grâce aux procédés du comique burlesque, Chaplin dénonce les contraintes physiques
(perte de la liberté de mouvement) subies par Charlot : son corps ne lui appartient plus.
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Son corps finit par s’emmêler dans les rouages de la machine : Charlot en devient un
rouage, image symbolique de sa déshumanisation.
Réflexion sur le film et son rapport avec la servitude volontaire
De quelle façon le héros du film est-il aliéné ?
ALIÉNÉ, ÉE, part. passé, adj. et subst.
Etymologie : du latin alienus, étranger, venant de alius, autre.
1. En parlant d'une pers. considérée dans ses rapports avec elle-même
Devenu étranger à soi-même.
a) PSYCH. Devenu fou.
b) PSYCHOL. [Sans idée de folie] Devenu autre, privé de sa personnalité.
2. En parlant d'une pers. considérée dans ses rapports avec la nature ou avec autrui.
PHILOS., SOCIOL. [Surtout dans la philos. marxiste]
Devenu esclave des choses ou d'autrui.
Lisez ci-dessous la définition du mot « aliénation » puis complétez la liste des exemples
en vous appuyant sur le thème du film :
ALIÉNATION, subst. fém.
PHILOS., SOCIOL. Privation de libertés, de droits humains essentiels éprouvée par une
personne ou un groupe social sous la pression de facteurs qui l'asservissent …
P. extension., langue commune. Toute limitation ou tout conditionnement imposés à l'individu
par le fonctionnement actuel de la société, et éprouvés comme une atteinte révoltante aux
droits humains fondamentaux.
- L'aliénation de l'humanité soumise... aux mass-médias
- L'aliénation de la femme traitée comme objet
- L'aliénation ………………………………………………………………………………………..........................
En résumé, dans son film « Les temps Modernes, Chaplin aborde une question de
société : l’homme dans son rapport au travail. Il dénonce l’aliénation, l’oppression de
l’homme par le système productiviste moderne du XXème siècle qui le déshumanise.
Les ouvriers sont présentés comme les esclaves des machines.
Même lorsque ses collègues veulent attraper Charlot qui les arrose avec de l'huile, la
poursuite se fait au rythme des «marche/arrêt» de la chaîne.
Les ouvriers sont montrés entièrement dépendants de celle-ci
automatiquement se remettre au travail lorsque la chaîne redémarre.
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et
semblent
Les machines imposent leur rythme aux hommes, y compris celle servant à nourrir.
Celle-ci devient même un objet de torture quand elle s'emballe ; Charlot en est la
victime.
La machine n'est pas synonyme de progrès mais d'aliénation (elle rend fou Charlot) ;
tous les équipements modernes apparaissent comme des éléments renforçant la
soumission des ouvriers
(machines à pointer, écrans et caméras de surveillance).
Conclusion :
Dans ce premier acte des Temps modernes, Chaplin donne une dimension politique à son
oeuvre en dénonçant les conditions de travail découlant du taylorisme. Il montre la
déshumanisation du travail, de la société moderne et revendique le droit de pouvoir vivre
libre, à son rythme.
Grâce au procédé comique et poétique du détournement des objets, on voit Charlot se
transformer en bête brute, en enfant indiscipliné, en Tarzan et en danseur. Comme si sa
folie avait libéré son corps et sa créativité de façon incontrôlée.
Cette libération prend une dimension contestataire : il installe le désordre dans l’usine et
l’empêche de fonctionner en arrêtant les machines. Chaplin veut nous faire comprendre
par cette situation symbolique que l’homme domine la machine : quand il danse avec la
machine, il la mène. Le système et ses rouages ne sont rien sans l’homme : Chaplin
replace l’homme au centre du monde (= humanisme)
CONCLUSION :
L’analyse des procédés satiriques montre que Chaplin ne se limite pas à critiquer
l’aliénation de l’homme par le productivisme moderne mais délivre un message humaniste :
aucun système ne peut enchaîner l’esprit et l’imagination de l’homme.
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