l`affaire coincoin29.04.10 - Le blog de glace
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l`affaire coincoin29.04.10 - Le blog de glace
L’AFFAIRE COINCOIN Ou comment j’ai appris à ne pas m’en faire et à aimer le réchauffement climatique Un projet de Sébastien Laurier Photo: Alberto Behar [email protected] 36, rue fonfrède 33800 Bordeaux 06 87 03 15 88 Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 1 29/04/2010 . A U X O R I G I N E S D E L’ A F F A I R E « Le 13 avril 2009, je viens de faire théâtre d’une enquête que j’ai menée sur les révoltés du Bounty. L’histoire d’un type à la recherche illusoire de la vérité historique. Je tombe sur un article : en septembre 2008, la NASA a lâché 90 canards en plastique jaune dans les crevasses d’un glacier au Groenland pour étudier les effets du réchauffement climatique. Depuis, aucune nouvelle. Ils ont disparu… Quoi !? c’est génial cette histoire ?! Je « googlise », je prends contact avec la NASA, avec une océanographe de l’Ifremer, j’achète le National Geographic sur la disparition du monde arctique, je vais à une expo sur les expéditions polaires, tous les jours je lis que le réchauffement climatique est pire que prévu : il y a du théâtre à faire avec cette histoire de canards !!! » « la complexité de son esprit [ l’homme de l’an 2000] sera sans commune mesure avec les générations précédentes et il affrontera des problèmes inconnus des sociétés passées ». Henry Adams, The education of Henry Adams, 1900. Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 2 29/04/2010 Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 3 29/04/2010 PROJET ET NOTE D’INTENTION J’ai décidé de partir à la recherche des canards de la NASA et de faire théâtre de cette quête et de leur épopée. Où sont passés les canards ? Sont-ils encore prisonniers du glacier ? Ou ont-ils commencé une errance dans l’océan glacial arctique ? Et si on retrouvait un canard sur un bout de banquise avec un phoque ? Si les canards nous apprenaient que les glaces fondent beaucoup plus vite que prévu ? ou nous révélaient des changements dans la dynamique des courants marins ? Ou que le niveau des mers va augmenter de manière plus forte et plus rapide que prévu ? Et si on découvrait un canard sur une nouvelle terre, une île apparue libérée des glaces ? A qui appartiendrait cette terre ? Et si cette terre était un champ pétrolifère ? Et si on retrouvait nos canards au milieu d’exercices annuels de guerre de l’otan ? sur un sous-marin nucléaire américain ? ou russe ? ou chinois ? Et d’abord que viendrait faire un sous-marin chinois dans cette zone ? Et si l’on découvrait que le pentagone s’est déjà préparé à un scénario catastrophe du réchauffement climatique et que les petits canards jaunes révélaient un scénario encore pire ? Qu’est-ce qu’ils nous diraient des basculements de notre monde ? Un processus d’écriture au long cours Pour ce projet d’écriture, j’ai contacté Frédéric Ferrer (auteur-metteur en scène de la Compagnie Vertical Détour) pour travailler ensemble. Nous avons commencé à rencontrer des scientifiques et des spécialistes du monde arctique, avons travaillé un moment au cours d’une résidence d’écriture dont bénéficiait Frédéric à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon en mars 2010. Où sont-ils donc passés ? Aujourd’hui je veux continuer cette quête en allant sur les lieux de l’expérience, au Groenland. Partir à la recherche des coincoins signifie mener cette enquête et effectuer un véritable travail d’investigation : tenter de reconstituer/imaginer ce que pourrait être le parcours théorique/réel/imaginaire de ces fameux volatiles. Partir des réalités scientifiques et des sources documentaires pour créer une fiction. Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 4 29/04/2010 Mon projet précédent a été le résultat d’une enquête sur le sort de fameux mutins Mais que sont les révoltés du Bounty devenus ?1. J’ai rencontré des historiens, ethnologues, sociologues. Je suis allé en Polynésie à la rencontre de descendants des révoltés du Bounty et d’autres hommes et femmes de Tahiti. Pour cette nouvelle quête-enquête, j’entends utiliser la même méthode. Résidence d’écriture à La Chartreuse, Villeneuve-lez-Avignon- mars 2010 L’Affaire Coin-Coin nous a déjà amené à rencontrer ou échanger avec plusieurs spécialistes et scientifiques: - une paléoclimatologue, Valérie Masson-Delmotte (du laboratoire de glaciologie de Gif-sur-Yvette) pour connaître la structure interne des glaciers et comprendre le parcours des canards, - une océanographe, Pascale Lherminier (de l’Ifremer/Brest) pour connaître les courants marins auxquels les canards peuvent être soumis, - des membres de l’industrie plastique pour en savoir plus sur la résistance et le sort possible du plastique en mer, - des ethnologues spécialistes du monde inuit; comme sylvie Téveny ou Guy Bordin, qui travaille sur la nuit et la disparition des rêves dans le monde Inuit, - un ornithologue, David Gremillet (du CNRS) qui travaille sur les bouleversements des écosystèmes en milieu arctique, - des spécialistes de la région, comme Nicolas Dubreuil, ou Emmanuel Hussenet et les Robinsons des glaces. Je voulais d’ailleurs partir à la dérive sur les glaces avec eux, pour me 1 Création mars 2009 au théâtre Jean Vilar de Suresnes/ en tournée à partir de juin 2010 Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 5 29/04/2010 retrouver à la place d’un coincoin perdu, mais je ne pourrai malheureusement pas être des leurs en juin prochain. D’autres entretiens sont à venir avec des spécialistes du monde arctique, pour mieux appréhender les conséquences du réchauffement climatique dans cette région. En particulier avec Alberto Behar (via skype), Pierre Taverniers, météorologiste qui travaille sur les effets de la fonte de la banquise chez les habitants de la baie de Disko, ainsi qu’avec les auteurs du livre La bataille du grand nord a commencé et bien d’autres encore. L’arctique cristallise effectivement toutes les questions et tous les enjeux du monde de demain. Le texte et le spectacle seront en partie le fruit de ce travail d’investigation qui réunira différents matériaux : témoignages, entretiens, documents audio-visuels et multimédias, etc A droite, l’un des rescapés du cargo chinois de 92 après un séjour de quatorze ans en mer Comme la chasse au phoque, la chasse aux coincoins nécessite patience, engagement et connaissance fine du terrain. Donc, pour prolonger cette enquête, je veux me rendre sur place, rencontrer et parler avec les Inuit de la région ( ceux et celles avec qui la barrière de la langue ne seront pas insurmontables en tout cas). Loin de toute idée d’exploit sportif, le parcours envisagé consisterait simplement à partir de Nuuk, remonter par le bateau côtier jusqu’à Ilulissat et rester en baie de Disko. J’imagine cette « résidence » d’une durée d’au moins un mois pour m’immerger dans le pays, soit à partir de fin octobre 2010, soit en mars, avril ou mai 2011. Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 6 29/04/2010 Le but : ramener des séquences images et sons : paysages certes, mais surtout, groenlandais avec un canard à la main, des scènes de chasse, de pêche, de vie quotidienne à Ilulissat, centre touristique du pays, interviews de différentes personnalités du pays. Ces entretiens seront axés sur les changements de leurs vies, liés à la fonte de la banquise d'une part, et sur leur projection dans l'avenir d'autre part. C'est-à-dire, comment les Inuit voient-ils leur avenir? Les Inuit sont des champions de l'adaptation. Ils ont toujours survécu en s'adaptant aux changements de leur milieu naturel; comment pensent-ils s'adapter et inventer ce nouveau monde né de la disparition des glaces? Quelle confrontation entre le rêve de devenir les nouveaux rois du pétrole et celui de trouver une autre voie? Je voudrais également partir chasser avec eux. Tout ce matériau documentaire sera utilisé pour construire une fiction. Point de départ de la fiction : un jour, un homme découvre dans le journal que les coincoins de la NASA ont disparu. Il décide de partir à leur recherche. Que va-t-il découvrir ? Jusqu’où cette quête peut-elle l’emmener ? Ne cherche t-il pas quelque chose dont il n’est finalement même pas conscient ? Toute l’écriture part de là et se construit à partir de deux axes. • Première thématique : la quête Cette partie découle de la quête des canards. Un homme enquête et traverse les interrogations les plus prosaïques lui permettant de suivre la piste des palmipèdes. En allant à leur recherche sur les glaces du Groenland, ce détective part sur les traces de la débâcle d’un monde. Au sens propre: la débâcle est la saison au cours de laquelle la glace fond. Et au sens figuré aussi bien sûr. Nous sommes en train d’assister à la fin d’un monde. Ce monde va disparaître. Après l’histoire d’un type à la recherche illusoire de la vérité historique sur le mythe d’un paradis perdu, voici l’histoire d’un type à la recherche des basculements d’un monde. Mais que peut bien couver la disparition de ce monde ? • Deuxième thématique : l’épopée Cette partie de l’écriture découle de la déclinaison de cette simple question : Et si on retrouvait un coincoin à tel moment, à tel endroit ? Qu’est-ce que cela signifierait ? Quelles conséquences cela pourrait avoir sur la société des hommes ? Aujourd’hui, si un monde meurt, il va bientôt donner naissance à un autre, dont personne ne peut aujourd’hui affirmer avec certitude ce qu’il sera. La première référence qui m’est apparue pour traiter des conséquences que pourraient provoquer ces palmipèdes est le film de Stanley Kubrick Docteur Folamour, rare exemple de comédie-catastrophe. Mais plus que d’écrire un vrai scénario catastrophe, il s’agit dans l’écriture de véritablement jouer au jeu enfantin de : et si on disait que… et de tisser les fils narratifs induits par cette question. Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 7 29/04/2010 Le traitement relèvera plus de l’imagination et du rêve que de la réelle politiquefiction et on peut penser que notre enquêteur, au cours de sa quête, va imaginer, entendre, rêver les conséquences que pourraient avoir les changements climatiques. Même si en l’occurrence le rêve a toutes les chances de devenir un cauchemar. Que peuvent bien nous raconter ces coincoins ? Que peuvent-ils nous révéler de la folie des hommes ? • pour une nouvelle embâcle Ces deux thématiques, comme deux blocs de glace, peuvent se détacher comme lors de la débâcle, voguer parallèlement, ensemble ou séparément, se heurter, se frotter, s’affronter ou comme à l’embâcle se rejoindre et se réunir. Comme les glaces, le texte est en mouvement et bouge un peu chaque jour. Des séquences ou des bouts de séquences peuvent changer de place, disparaître, d'autres apparaître. Des dialogues aussi peuvent changer, être supprimés, déplacés. Des personnages peuvent apparaître ou disparaître. Aujourd'hui est désenchanté. Ici est désenchanté. Là-bas est désenchanté. Comment ce jouet d’enfant peut-il nous permettre de poser un regard décalé, absurde ou loufoque, onirique et burlesque sur notre monde désenchanté ? Je veux continuer de rêver et en faire théâtre, pour réenchanter le monde. En toute simplicité et en toute mégalomanie bien sûr. Coincoin Sébastien Laurier, 29 avril 2010 Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 8 29/04/2010 D’un geste auguste, Alberto Behar lance l’expérience des coincoins Sébastien Laurier/L’affaire coincoin Page 9 29/04/2010