Tribunal administratif - Juridictions administratives

Transcription

Tribunal administratif - Juridictions administratives
Tribunal administratif
du Grand-Duché de Luxembourg
N° 20741 du rôle
Inscrit le 7 décembre 2005
Audience publique du 21 juin 2006
Recours formé par Monsieur ..., … , et la société ... s.àr.l., …,
contre une décision du ministre de la Justice
en matière d’armes prohibées
___________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 20741 du rôle et déposée au greffe du tribunal
administratif en date du 7 décembre 2005 par Maître Gerry OSCH, avocat à la Cour, inscrit au
tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur ..., …, demeurant à L-…, et
de la société ... s.à r.l., établie et ayant son siège social à L-1940 Luxembourg, 486, route de
Longwy, représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce
de Luxembourg sous le numéro … tendant à l’annulation d’une décision du ministre de la Justice
du 23 novembre 2005, portant retrait à Monsieur ... de différentes autorisations de port et de
détention d’armes ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 23 février 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mars
2006 par Maître Gerry OSCH au nom des demandeurs ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 23 mars 2006 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision ministérielle attaquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport et Maître Yves MURSCHEL, en remplacement de
Maître Gerry OSCH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs
plaidoiries respectives à l’audience publique du 8 mai 2006.
Vu l’avis du tribunal administratif du 11 mai 2006 ;
Vu le mémoire additionnel du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal
administratif en date du 15 juin 2006 ;
Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin
2006 par Maître Gerry OSCH au nom des demandeurs ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire à l’audience publique du 19 juin
2006, en présence de Maître Yves MURSCHEL, en remplacement de Maître Gerry OSCH, ainsi
que de Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK.
______________________________________________________________________________
Par arrêté du 23 novembre 2005, le ministre de la Justice révoqua deux autorisations de
port d’armes délivrées à Monsieur ... respectivement les 24 janvier et 21 mars 2005, une
autorisation de détention d’armes délivrée à celui-ci le 15 avril 2005, ainsi qu’un agrément
ministériel lui délivré le 13 avril 2005 l’autorisant à exploiter le commerce d’... sous l’enseigne
« ... XXX », ladite décision étant libellée comme suit :
« Vu l’autorisation de port d’armes no. 22-2-507781 du_24 janvier 2005 délivrée à M. ...,
né … , domicilié à L- …, en vue de lui permettre le port et le transport d’armes à feu et de
munitions dans le cadre de l’exercice de son travail au sein de l’armurerie «... XXX », établie à
L-1940 Luxembourg, 486, route de Longwy ;
Vu l’autorisation de port d’armes de sport no. 22-2-509152 du 21 mars 2005 délivrée à
M. ... afin de lui permettre l’exercice du tir sportif avec 19 armes à feu ;
Vu l’arrêté ministériel no. 22-2-501.089 du 13 avril 2005 par lequel M. ... a été autorisé à
reprendre de la part de M. Yyy, né le 28 août 1961, domicilié à L-8216 Marner, 48, chemin de
Bertrange, le commerce d’... établi à L-1940 Luxembourg, 486, route de Longwy et exploité
actuellement sous l’enseigne «... Luxembourg s.à r.l. », anciennement « ... XXX SA », société
déclarée en faillite sur aveu de son gérant, M. Yyy, par un jugement du tribunal de commerce du
1er juillet 2005 ;
Vu l’autorisation de détention d’armes no. 22-2-509837 du 15 avril 2005 délivrée à M.
Monsieur ... en vue de lui permettre la détention à domicile de 22 armes à feu et de 15 armes
blanches ;
Considérant que sur mandat du juge d’instruction, une perquisition a été effectuée par le
Service de Police judiciaire de la Police grand-ducale en date du 22 novembre 2005 dans les
locaux de l’armurerie « ... XXX » à L…, ainsi qu’au domicile de M. ... à L- …;
que cette perquisition a permis d’établir les faits suivants :
1.
2.
3.
4.
depuis octobre 2004, M. ... ne tient plus le registre des armes obligatoirement prévu
par l’article 12 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les ... ;
au cours de l’année 2005, M. ... a transformé sur une carabine l’indication du calibre
.223 en .222, afin de pouvoir exporter cette arme à feu en Espagne, pays où les armes
à feu du calibre .223 sont interdites, ces faits ayant d’ailleurs été reconnus par
l’intéressé lors de la perquisition précitée ;
au cours de l’année 2005, M. ... a produit, respectivement a fait produire, notamment
par un dénommé Sss dans les locaux de l’armurerie au moins 20.000 pièces de
munitions spéciales, sans que ni M. ..., ni M. Sss ne disposent de l’autorisation requise
aux termes de la loi du modifiée du 15 mars 1983 précitée ;
il a été constaté que des quantités appréciables de poudre et d’autres produits
chimiques, notamment du potassium, destinés à la production des munitions visées sub
3, étaient stockés en plusieurs barils dans les locaux de l’armurerie sans que les
mesures les plus élémentaires en matière de sécurité n’aient été prises et sans que le
stockage de ces produits dans les locaux de l’armurerie ne soit couvert par une
autorisation prévue par la loi modifiée du 10 juin 1999 sur les établissements classés ;
5.
6.
M. ... a, au moins à deux reprises, transporté respectivement a fait transporter par M.
Yyy les pièces de munitions spéciales visées sub 3 des locaux de l’armurerie vers
l’aéroport de Luxembourg-Findel sans respecter les dispositions du règlement grandducal modifié du 31 janvier 2003 sur les transports par route de marchandises
dangereuses ;
M. ... a stocké à son domicile privé des ... en grandes quantités, et en tout cas
supérieures à celles autorisées en vertu du permis de port d’armes de sport no. 22-2509152 du 21 mars 2005, respectivement de l’autorisation de détention d’armes no.
22-2-509837 du 15 avril 2005, sans que les mesures de sécurité adéquates n’aient été
prises;
Considérant qu’au vu de l’ensemble de ces faits, il est établi que M. ... n’a pas observé les
dispositions de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les ..., qu’il ne dispose par conséquent plus
de l’honorabilité nécessaire pour être titulaire des autorisations en matière d’... no. 22-2-507781
du 24 janvier 2005, no. 22-2-509152 du 21 mars 2005 et no. 22-2-509837 du 15 avril 2005 et
qu’il est à craindre qu’il ne fasse un mauvais usage des armes à feu en sa possession au sens de
l’article 16 alinéa 2 de la loi du 15 mars 1983 sur les ... ;
Vu l’article 9 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par
les administrations relevant de l’Etat et des communes et considérant qu’il y a urgence, cette
urgence résultant à suffisance de droit des éléments de la perquisition précitée et de l’enquête
judiciaire menée à l’égard de M. ... ;
Vu notamment les articles 7, 16 et 18 de la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les ... ;
Arrête:
er
Art. 1 . Sont révoqués :
1. l’autorisation de port d’armes no. 22-2-507781 du 24 janvier 2005 ;
2. l’autorisation de port d’armes de sport no. 22-2-509152 du 21 mars 2005 ;
3. l’agrément ministériel no. 22-2-501.089 du 13 avril 2005 autorisant M. ... à exploiter le
commerce d’... « ... XXX », établi à L-…;
4. l’autorisation de détention d’armes no. 22-2-509837 du 15 avril 2005.
Les autorisations en cause ainsi que les armes à feu inscrites sur les autorisations visées à
l’alinéa 1er points 2 et 4, de même que les munitions y afférentes, sont à remettre entre les mains
de la Police grand-ducale au moment de la notification du présent arrêté.
Art. 2. Le présent arrêté peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le tribunal
administratif, à introduire dans un délai de trois mois à partir de sa notification par une requête
signée par un avocat à la Cour.(…) »
Par requête déposée le 7 décembre 2005, inscrite sous le numéro 20741 du rôle, Monsieur
... et de la société ... s.à r.l.,, ayant repris le commerce ... XXX s.a. et se servant de l’agrément
ministériel de Monsieur ... pour l’exploitation de son commerce, ont introduit un recours en
annulation contre le prédit arrêté ministériel du 23 novembre 2005.
Le délégué du Gouvernement conclut en premier lieu à l’irrecevabilité du recours pour
défaut d’intérêt dans le chef du demandeur ..., au motif qu’à l’heure actuelle le demandeur ne
serait plus gérant de la société ... s.à r.l..
Par avis du 11 mai 2006, le tribunal a encore invité les parties à prendre position par rapport
à la question de la recevabilité du recours 1) tant dans le chef de ... que dans celui de la société ...
s.à r.l. compte tenu du fait que les autorisations révoquées n° 22-2-507781 du 24 janvier 2005 et
n° 22-2-501-089 du 13 avril 2005 ont été établies en considération du commerce « ... XXX s.a. »,
personne morale distincte de la société ... Sàrl et déclarée en faillite par jugement du 1 er juillet
2005, c’est-à-dire antérieurement au dépôt du recours en annulation et 2) dans le chef de la
société ... s.à r.l. compte tenu du fait que les autorisations révoquées n° 22-2-509152 du 21 mars
2005 et 22-2-509837 du 15 avril 2005 ont été délivrées à Monsieur ... à titre personnel.
Force est en effet au tribunal de constater que les autorisations révoquées n° 22-2-507781
du 24 janvier 2005 et n° 22-2-501-089 du 13 avril 2005 ont été spécifiquement établies en
considération de l’activité de la société ... XXX s.a., l’autorisation n° 22-2-507781 mentionnant
explicitement que le demandeur ... ne peut porter les armes autorisées « que dans le cadre de
missions effectuées pour le compte de l’armurerie XXX s.a. de Luxembourg », tandis que
l’autorisation n° 22-2-501-089 autorise le demandeur à « exploiter un commerce d’armes et de
munition sous l’enseigne ... Xxx ».
Il s’avère encore que ladite société ... XXX s.a. a été déclarée en faillite par jugement du 1er
juillet 2005, c’est-à-dire antérieurement au dépôt du recours en annulation en date du 7 décembre
2005.
Il convient de rappeler à ce sujet que le juge est appelé à examiner si l’intérêt que le
demandeur met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante
pour ce faire.
Il s’ensuit que l’intérêt à agir du demandeur ..., qui dans le cadre d’un recours en annulation
est à apprécier au moment de l’introduction du recours, fait défaut, une éventuelle annulation de
la décision litigieuse en ce qui concerne les autorisations accordées explicitement dans le cadre
de la société faillie ... XXX s.a. étant dépourvue de tout effet concret.
Il est à ce sujet sans pertinence que lesdites autorisations aient été délivrées
personnellement à Monsieur ... ; en effet, s’il est vrai que ces autorisations ont été délivrées
intuitu personae dans le chef de Monsieur ..., il n’en demeure pas moins qu’elles l’ont également
été en vue de l’activité d’une personne morale déterminée, à savoir la société ... XXX s.a., qui du
fait de sa déclaration en faillite n’est plus à même d’exercer son activité. Le tribunal ne saurait à
ce sujet suivre l’argumentation initiale étatique selon laquelle le changement de la personne
morale exploitant le commerce d’armes serait irrelevant, cette argumentation étant contraire au
libellé explicite des autorisations en question.
Il s’ensuit que la société demanderesse ... s.à r. l., personne morale distincte de la société
faillie ... XXX s.a. , n’est pas recevable à agir en annulation de la décision révoquant les
autorisations n° 22-2-507781 du 24 janvier 2005 et n° 22-2-501-089 du 13 avril 2005, celles-ci,
comme relevé ci-dessus, ayant été spécifiquement établies en considération du commerce d’une
personne morale tierce, à savoir la société ... XXX s.a..
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation des demandeurs selon laquelle la
société ... s.à r.l. aurait fonctionné « grâce à l’autorisation de Monsieur ... », la demanderesse ...
s.à r l. ne pouvant tirer un intérêt à agir d’une situation manifestement illégale.
En ce qui concerne les deux autres autorisations visées par la décision de révocation, à
savoir les autorisations de port d’armes de sport n° 22-2-509152 du 21 mars 2005 et de détention
d’armes n° 22-2-509837 du 15 avril 2005, il s’avère que la première autorisation a été délivrée
pour permettre au demandeur ... de s’adonner au tir sportif, tandis que la seconde autorisation a
été délivrée en vue de lui permettre la détention d’armes à feu et d’armes blanches déterminées à
son domicile. Il en résulte que ces deux autorisations doivent être considérées comme délivrées
non seulement à titre personnel à Monsieur ..., mais encore à titre privé, de sorte que le recours
déposé par la société demanderesse ... s.à r. l. contre la décision de révocation de ces autorisations
doit être considéré là encore comme irrecevable pour défaut d’intérêt, la société en question étant
étrangère aux activités privées du demandeur, fût-il ou non gérant de la société.
Il résulte de ce qui précède que du point de vue de l’intérêt à agir, le recours déféré au
tribunal est uniquement recevable dans le chef de Monsieur ..., et ce dans la seule mesure où il est
dirigé contre la révocation des autorisations lui délivrées à titre privé, à savoir les autorisations de
port d’armes de sport n° 22-2-509152 du 21 mars 2005 et de détention d’armes n° 22-2-509837
du 15 avril 2005.
Enfin, étant donné que ni la loi modifiée du 15 mars 1983 sur les ..., ni aucune autre
disposition légale ne prévoient la possibilité d’introduire un recours de pleine juridiction en la
matière, seul un recours en annulation a pu être introduit, de sorte que le recours en annulation est
recevable, dans les limites tracées ci-avant, pour avoir été introduit dans les formes et délai de la
loi.
En ce qui concerne les motifs avancés par le ministre pour justifier sa décision de refus, il y
a lieu de rappeler que le juge administratif vérifie les faits formant la base de la décision
administrative qui lui est soumise et examine si ces faits sont de nature à justifier la décision. Cet
examen amène le juge à vérifier si les faits à la base de la décision sont établis et si la décision
prise est proportionnelle par rapport aux faits établis.
Les dispositions pertinentes des articles 16 et 18 combinés de la loi modifiée du 15 mars
1983 sur les ... disposent, d’une part, que « l’autorisation (...) de porter (...) des ... est délivrée
par le ministre de la Justice ou son délégué, si les motifs invoqués à l’appui de la demande sont
reconnus valables. L’autorisation peut être refusée lorsqu’il est à craindre que le requérant,
compte tenu de son comportement, de son état mental et de ses antécédents, ne fasse un mauvais
usage de l’arme » et, d’autre part, que « les autorisations accordées sont essentiellement
révocables (...) ».
Il résulte de la combinaison des deux dispositions légales précitées que la révocation ou le
refus d’une autorisation de porter des ... est possible, d’une part, lorsqu’il est établi que l’intéressé
n’a plus de motifs valables pour requérir l’autorisation de port d’armes, et, d’autre part, même au
cas où des motifs valables persisteraient, sur base de considérations fondées sur le comportement,
l’état mental ou les antécédents portant à craindre que le titulaire fasse un mauvais usage de
l’arme.
En l’espèce, il échet de constater que le ministre de la Justice s’est basé sur le deuxième cas
de figure lui permettant de révoquer une autorisation de porter, respectivement de détenir des
armes.
En matière d’armes prohibées, le ministre de la Justice est juge de l’opportunité d’octroyer,
de refuser, voire de retirer l’autorisation de porter des armes, à condition que son appréciation
repose sur des critères objectifs et s’opère d’une manière non arbitraire. (trib. adm 27 mars 1997,
n° 9597; Pas. adm. 2005, v° Armes prohibées, n° 1, et autres références y citées).
Il résulte des éléments du dossier administratif librement discutés en cause et des mémoires
échangés de part et d’autre que le demandeur ... s’est, notamment, vu reprocher par le ministre de
ne pas avoir tenu le registre des armes obligatoirement prévu par l’article 12 de la loi modifiée du
15 mars 1983 sur les .... Force est au tribunal de constater que si le demandeur entend se
prévaloir, pour s’exonérer de cette accusation, de la faute de son prédécesseur aux fonctions de
gérant de la société ... XXX s.a., il n’est en l’espèce ni contestable, ni contesté que Monsieur ...
n’a pas, personnellement, tenu ledit registre depuis le 13 avril 2005, date de la délivrance à
Monsieur ... de l’autorisation n° 22-2-501-089 l’autorisant à « exploiter un commerce d’armes et
de munition sous l’enseigne ... Xxx », le demandeur se contentant à ce sujet d’affirmer avoir
attendu « la remise des registres de son prédécesseur afin de pouvoir commencer à tenir le
sien ».
Or, aux termes du prédit article 12, « les armuriers et commerçants d’armes et de munitions
sont tenus de tenir un registre, répondant au modèle à fixer par règlement grand-ducal, dans
lequel ils inscriront sans blanc ni rature l’entrée et la sortie des armes, c’est-à-dire les marque,
calibre, numéro de fabrication de chaque arme, ainsi que les nom et adresse du fournisseur et de
l’acquéreur. Le registre doit indiquer en outre les numéro et date d’établissement de
l’autorisation ministérielle. Il doit être exhibé à toute réquisition des agents de l’autorité
publique. Les armuriers et commerçants d’armes peuvent être tenus à délivrer une copie de leur
registre au Ministre de la Justice ».
Il s’ensuit que le ministre a valablement pu retenir que Monsieur ... a violé l’obligation lui
imposée par le prédit article 12.
Force est encore de constater que le demandeur s’est vu reprocher avoir transformé sur une
carabine l’indication du calibre .223 en .222, afin de pouvoir exporter cette arme à feu en
Espagne, pays où les armes à feu du calibre .223 sont interdites, ces faits étant d’ailleurs
expressément reconnus par le demandeur, qui explique cependant avoir procédé à une telle
modification « légère » « pour rendre service au client ».
Il s’ensuit que ce motif de la décision ministérielle est également vérifié en fait.
Il résulte encore des écrits des parties demanderesses que le demandeur ... reconnaît avoir
toléré la fabrication illicite de munitions dans les locaux de commerce, mais entend là encore
s’exciper de sa responsabilité en affirmant avoir toléré ce fait sur ordre de la société ... s.à r. l.
dont il aurait été salarié.
Il ressort cependant du dossier administratif que si Monsieur ... était à l’époque des faits lui
reprochés bien titulaire d’une autorisation en vue d’ « acquérir, détenir, vendre, porter,
transporter, importer, exporter et mettre en dépôt » des ... déterminées dans le cadre de
l’exploitation du commerce d’armes ... XXX s.a., il reste cependant en défaut de rapporter la
preuve d’avoir détenu une quelconque autorisation en vue de la fabrication d’armes telle que
requise par l’article 7 de la loi modifiée du 15 mars 1983 précitée, respectivement d’avoir été
habilité à tolérer, en violation de l’article 11 de la même loi, que des tiers manipulent des armes
ou munitions dans les locaux de commerce.
Or tout comme la gravité de la décision d’accorder une autorisation de porter une arme
impose au ministre de faire application de critères très restrictifs pour la reconnaissance de motifs
valables y relatifs (trib. adm. 11 novembre 2002, n° 4888, confirmé par arrêt du 4 février 2003, n°
15655C, Pas. adm. 2005, V° Armes prohibées, n° 2), celle de renouveler pareille autorisation, et a
fortiori celle de maintenir une telle autorisation appelle une démarche également rigoureuse de la
part de l’autorité administrative amenée à statuer, imposant au ministre d’exiger du candidat à
une telle autorisation une attitude irréprochable ainsi qu’un sens aigu des responsabilités.
Aussi, au regard des faits avérés retenus ci-avant, le ministre a valablement pu, à travers sa
décision déférée, retenir que compte tenu de ce comportement, caractérisé par une attitude peu
respectueuse de la législation en la matière, l’intéressé ne fasse un mauvais usage d’armes, de
sorte que c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que le ministre a pu
valablement prendre la décision de révocation des autorisations, au regard des faits et motifs par
lui énoncés de façon étayée ainsi qu’au vu de la nécessité pour chaque détenteur d’armes
prohibées – et tout particulièrement pour un commerçant d’armes à feu - de présenter une attitude
particulièrement respectueuse de la législation afférente ainsi qu’un sens aigu des responsabilités,
sans qu’il y ait lieu d’examiner plus en avant les autres motifs de révocation invoqués à l’appui
de la décision litigieuse, ainsi que les moyens y afférents.
Le tribunal tient tout particulièrement à souligner que la seule non-tenue régulière du
registre des armes témoigne à suffisance de la légèreté et de l’attitude peu responsable du
demandeur ... qui ne pouvait ignorer en tant que professionnel que l’exigence de traçabilité des
armes constitue un élément fondamental du commerce d’....
S’il est vrai que les faits retenus ci-avant concernent le comportement professionnel de
Monsieur ..., la gravité de ces faits, témoignant comme retenu ci-dessus d’une attitude
incompatible avec le comportement responsable que le ministre est en droit d’exiger d’un
détenteur d’armes prohibées, et spécialement d’un professionnel, a pu valablement amener le
ministre à retenir que l’intéressé présente également un risque de faire mauvais usage des armes
détenues à titre privé, de sorte que le ministre n’a pas excédé les limites de son pouvoir
d’appréciation dans le cadre des attributions lui conférées par la loi modifiée du 15 mars 1983 en
révoquant également les autorisations délivrées à titre personnel et privé au demandeur.
Il s’ensuit que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé.
Par ces motifs,
le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable pour défaut d’intérêt dans le chef de la société ... s.à r. l.
déclare le recours encore irrecevable dans le chef du demandeur ... dans la mesure où il est
dirigé conte la décision révoquant les autorisations révoquées n° 22-2-507781 du 24
janvier 2005 et n° 22-2-501-089 du 13 avril 2005 spécifiquement établies en considération
de l’activité de la société ... XXX s.a.,
pour le surplus reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 juin 2006 par :
Mme Lenert, vice-président,
Mme Lamesch, premier juge,
M Sünnen, juge,
en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit
s. Lenert