oct-nov 2005 web (Page 5)
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EQUIPES DE «RÉUSSITE ÉDUCATIVE» La charité selon Borloo Le très médiatique ministre vient de lancer «l’un des dispositifs phares» de son plan de cohésion sociale : dans 185 communes, 200 équipes de «réussite éducative», réunissant les professionnels de l’enfance vont, dès la rentrée, apporter à 60000 enfants «un soutien individualisé et personnalisé» prenant en compte «la globalité de leurs difficultés scolaires sanitaires et sociales.» dans les trente-cinq années suivantes en dépenses d’insertion, de santé, de justice… Hélas, les pauvres quand ils se multiplient coûtent cher si on ne leur apprend pas à êtres dociles au berceau. Quand ils ressortiront de leurs «internats de réussite éducative», les heureux élus du plan Borloo accepteront-ils, sans rechigner, l’avenir de précarité, de chômage et de travail forcé que leur concocte le ministre dans ses maisons de l’emploi ? C’est ce qu’il espère… Le ministère de l’Education nationale est tenu pour le moment à l’écart de ce dispositif et les enseignants des villes candidates n’ont pratiquement pas été associés à ces initiatives. Deux exemples de projets validés : un programme de lutte contre l’illettrisme à Vaulxen-Velin, un autre de prévention de la dyslexie-dysphasie à Nancy. Le danger dans ces deux cas : les missions de l’école sont externalisées. On a constaté, ces dernières années, une réduction constante des moyens accordés à l’Ecole publique pour lutter contre l’échec scolaire. Le plan Borloo va plus RYTHMES SCOLAIRES Le transfert généralisé de la classe du samedi au mercredi n’aura pas lieu dans le Loiret L e projet de l’IA du Loiret d’instaurer la semaine continue dans une majorité des écoles du département vient d’être rejeté par la plupart des conseils d’écoles d’Orléans. A la différence du projet de transfert du samedi au mercredi à Paris en 2002 ; il s’agissait d’un transfert pur et simple sans aménagement global de la journée. Une «proposition» ou un «diktat» ? Fin 2003, dans un courrier aux directeurs d’écoles, l’IA «invitait» les équipes enseignantes et les conseils d’écoles à engager la réflexion sur la semaine scolaire en prenant en compte «l’évolution de la vie des familles et la cohérence avec le fonctionnement du collège de secteur». En avril 2004 il publiait dans la presse locale un projet de transfert des cours du samedi au mercredi matin pour le premier degré, sans libération d’un mercredi sur trois. Trois secteurs de collèges allaient l’expérimenter à la rentrée 2004, la généralisation étant espérée pour la rentrée 2005 ! De façon spécifique, puis en l’intersyndicale, Sud éducation Loiret s’est opposé à ce projet contestable sur la forme. La volonté affichée d’imposer le changement, le mépris total et le contournement des enseignants par le biais des conseils municipaux, de “sondages” auprès des parents, les pressions directes de la hiérarchie et des élus locaux sur les collègues rendaient la méthode inacceptable. Suites aux pressions de l’intersyndicale, un simulacre de réflexion fut proposée début 2005 dans quelques circonscriptions : un samedi matin banalisé consacré à la question des rythmes. Devant l’absence totale d’arguments allant dans l’intérêt des enfants, une large majorité des collègues refusaient de se voir imposer un changement de rythmes. Pour beaucoup, cela signifiait un accroissement de la pénibilité des conditions de travail et une accélération du processus de municipalisation du premier degré au travers de la question des rythmes. De plus, la semaine continue sans coupure le mercredi, revenait à cumuler les inconvénients de la semaine de 4 jours avec l’accumulation de la fatigue le vendredi après-midi (1). Cela impliquait également des animations ou réunions pédagogiques le mercredi aprèsmidi, le soir, voire le samedi matin une semaine sur trois ! loin. Il entend agir à l’extérieur de l’école sur une base idéologique douteuse : retour à la notion de «handicap culturel», catégorisation précoce des élèves «fragiles». On part de l’idée que ce qui fait problème, ce sont les élèves, leurs familles, et non un système sco- laire incapable de prendre en compte leurs difficultés. Une fois de plus, ce gouvernement joue les illusionnistes, en braquant les projecteurs médiatiques sur une action qui ressemble plus à un geste de charité envers quelques élèves à maintenir «dans le droit chemin». Une façon de masquer l’état actuel de délabrement de l’Ecole publique, des Services de santé et des Services sociaux. Ce sont tous les élèves de ce pays qui ont droit à un suivi scolaire médical et social de qualité ! Rentrée 2005 : Que restet-il du projet de l’IA ? l’IA et l’adjoint aux affaires scolaires, semblent vouloir remettre le mercredi travaillé sur la table. Dans ce contexte la proposition d’un samedi libéré sur deux, avec non-récupération des six samedis libérés supplémentaires que cela représente, est à prendre sérieusement en considération. Pour cela, il est nécessaire de faire sauter un certain nombres de verrous. En cause : l’article 10-1 du décret 91-383 du 22 avril 1991 qui stipule que «les aménagements prévus ne peuvent avoir pour effet de réduire ou d’augmenter sur une année scolaire le nombre d’heures d’enseignement.» Faire sauter le tabou de la réduction du temps d’enseignement pour tous permettrait de répondre aux aspirations légitimes des parents et des enseignants, tout en prenant en compte l’intérêt des élèves. Le dernier rapport de l’OCDE (Regards sur le système éducatif français. Rapport 2004) montre que les résultats scolaires ne sont pas directement liés au temps passé à l’école. On peut sans crainte, envisager «moins d’école» en terme de volume horaire et «mieux d’école» en intégrant contenus et conditions d’enseignement dans la réflexion. En France 70% des écoles pratiquent la semaine classique, 25% celle de 4 jours et 5% le mercredi travaillé. La question des rythmes est récurrente et nous interpelle syndicalement. Si une certaine souplesse dans le fonctionnement des écoles peut sembler séduisante, prenons garde à ne pas sombrer dans la flexibilité et la déréglementation la plus totale : à chacun ses rythmes selon sa région, son quartier ou son groupe social… et au bon vouloir des élus locaux qui font souvent du scolaire et du périscolaire une vitrine éphémère de leur politique municipale. Un cadrage national semble nécessaire. L’équation n’est pas simple à résoudre. Elle mérite un large débat sans a priori. La confrontation loyale entre les parties prenantes peut faire évoluer les points de vue. La discussion mérite en tous cas mieux que les débats tronqués, la non prise en compte de l’avis des collègues, les arguments fallacieux (3) et démagogiques qui ont prévalu dans notre département (4). Treize nouvelles écoles pour la plupart en zone rurale ont opéré le transfert. Avec un peu plus de 530 écoles publiques, le Loiret continue de fonctionner majoritairement selon la semaine traditionnelle. De fait, la semaine actuelle n’est sûrement pas la meilleure mais est perçue comme la moins mauvaise (2). Sur le terrain, force est de constater que le projet de l’IA a considérablement dégradé les relations entre écoles et municipalités, entre collègues au sein des écoles, voire entre parents et enseignants. Par delà un sentiment de gâchis, d’autres aspirations ont pourtant pu s’exprimer qui prennent en compte l’intérêt des enfants, celles légitimes des parents mais aussi des enseignants en matière de réduction du temps de travail. La non- récupération d’un samedi libéré sur deux peut être l’une d’entre elles. Un débat loin d’être clos Les écoles qui le souhaitent ont déjà la possibilité d’aménager la semaine. Le décret du 22 avril 1991 en définit le cadre. En 2000, l’Inspection générale recommandait le transfert au mercredi tout en précisant de veiller à une bonne organisation de la journée scolaire et en dénonçant dans le même temps l’impact négatif des 4 jours notamment sur les enfants les plus défavorisés et l’absentéisme important sur les périodes de récupération des jours non travaillés. De Robien a laissé entendre qu’il était favorable à la semaine continue… Là où une majorité d’écoles, comme à Lyon, pratiquent la semaine de 4 jours depuis 1991, Sud éducation Paris Sud éducation Loiret premier degré B orloo est grand prince : On vous donne l’argent ; utilisez-le au mieux pour les enfants, et l’on contrôlera a posteriori… Quand un enfant a besoin de voir un ophtalmo, s’il faut faire 50km pour avoir un rendez-vous rapide, on lui paiera le déplacement et la visite. Chaque équipe recevra 500000 euros ; il annonce une dotation de 1,47 milliards d’euros d’ici 2009 (si le budget suit, ce qui n’est pas garanti.) Cette générosité contraste singulièrement avec le régime de pénurie imposé à l’Education nationale. Le ministre s’est inspiré de programmes menés en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pays où l’Etat s’est massivement désengagé de l’éducation, de la santé et des services sociaux. Se poser la question de l’intérêt de cette dotation semble légitime. James J. Heckman, prix Nobel d’économie, fournit la réponse : il estime que chaque dollar investi pour assurer un minimum de bien être à un enfant défavorisé permettra à la collectivité d’en économiser 17 (1) F.Testu, dossier Snuipp Paris, aménagement du temps de l’enfant, nov. 2001 : «La pause en milieu de semaine est une spécificité franco française. Elle a des effets positifs. Nous n’avons jamais vu un effet de désynchronisation en semaine sauf quand les enfants sont trop occupés. Par contre le week end de 2 jours à une incidence qui se répercute sur le lundi.» (2) F.Testu 1989, la Nouvelle République du Centre : «Momentanément, en l’absence de données objectives, sur les avantages d’un changement, je propose de maintenir les cours le samedi.» (3) Lu dans un document de l’IA, Aménagement des temps de l’enfant : «S’agissant du report du samedi au mercredi, les études ont montré que cette modification avait une incidence positive sur les enfants ayant des difficultés scolaires.» Rares études chronobiologiques à l’appui, c’est bien sûr le contraire qu’il fallait lire… (4) H. Montagner, revue MGEN, oct. 1993, à propos du samedi libéré par la semaine de 4 jours : «S’il faut attendre le samedi matin pour favoriser la vie familiale, permettez-moi de penser que nous sommes dans une bien triste société ! Les échanges entre enfants et parents sont une affaire quotidienne, que ce soit au réveil, au petit déjeuner, le soir autour d’un livre d’histoires.» éducation / Le journal / numéro 14 / octobre-novembre 2005 5