Interview de Luis Enrique, un jeune cireur de

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Interview de Luis Enrique, un jeune cireur de
Interview de Luis Enrique, un jeune cireur de chaussures de Lima.
Luis Enrique a 13 ans. Il travaille dans les rues de Lima comme cireur de
chaussures. Il gagne peu. C'est pourtant avec cela qu'il nourrit sa mère et ses cinq
frères et sœurs. Il ne va pas à l'école : il doit travailler toute la journée, jusque tard le
soir pour assurer ce maigre gain.
Parlons un peu de ton travail de cireur de chaussures. Comment as-tu appris à
le faire ?
J'ai regardé comment les adultes s'y prenaient : au début, je n'y arrivais pas bien. Je
tachais toutes les chaussettes.
Travailles-tu seul ?
Au début, je travaillais avec d'autres cireurs de chaussures, mais ils me devançaient
toujours. Une fois, ma mère me l'a fait remarquer. A partir de ce moment-là, je me
suis mis à travailler tout seul. J'ai appris à nettoyer impeccablement les chaussures
et j'ai commencé à offrir mes services dans les restaurants. Ainsi, on me donnait de
temps en temps quelque chose de chaud à manger. Mais un jour, je me souviens, j'ai
mis du cirage rouge sur les chaussettes d'un monsieur.
T'a-t-il fait une remarque ?
Il m'a demandé pourquoi je n'avais pas fait attention. Malgré tout, il m'a donné à
manger et a payé 10 soles.
Dis-moi, qu'est-ce qui est le plus rentable pour toi : le travail de cireur de
chaussures ou celui de vendeur de journaux ?
Pour vendre des journaux, il faut d'abord que j'en achète et je ne gagne que très peu
en les revendant. Maintenant, j'ai déjà récupéré l'argent que j'ai dépensé pour l'achat
de ma caisse de cirage.
Cette caisse, tu as dû l'acheter ?
Oui, je l'ai achetée, en même temps que le cirage et les brosses.
A supposer que je vienne vers toi pour faire nettoyer mes chaussures. Par quoi
vas-tu commencer ?
J'enlève d'abord la poussière des deux chaussures, je les nettoie avec un chiffon
humide puis je les essuie. J'étends ensuite le cirage avec une éponge sur une
chaussure et je le laisse sécher pendant que je m'occupe de la même façon de la
deuxième. Entre-temps, la première chaussure est prête à être polie. J'y passe
d'abord la brosse, puis un chiffon. La brosse sert à enlever le cirage superflu, le
chiffon à faire briller.
Dis-moi, quand pars-tu de la maison, le matin ?
A huit heures.
Jusqu'à quand cires-tu des chaussures ?
Environ jusque vers neuf heures du soir. Je compte ma monnaie, arrive à dix heures
à l'arrêt du bus que je dois prendre et suis de retour vers onze heures.
N'as-tu aucune difficulté avec les autres cireurs de chaussures ?
Parfois, je m'apprête à servir un client et au même moment, un garçon m'appelle
pour me distraire. Cet instant d'inattention suffit pour que mon client disparaisse chez
un autre cireur de chaussures. De temps en temps aussi, ils me battent : ils refusent
de me laisser nettoyer les chaussures au même endroit qu'eux.
Que fais-tu dans ces cas-là ?
Je me déplace.
D'après une interview réalisée par Stephan Kaspar dans Le petit "Presque-au-ciel"
Collection: Dis-moi comment ils vivent…Dossier pédagogique