Mai. 2012 VIDEOPROTECTION PUBLIQUE ET LIBERTES

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Mai. 2012 VIDEOPROTECTION PUBLIQUE ET LIBERTES
Développement de la vidéoprotection
publique et libertés fondamentales :
Annibal ad portas ?
Article paru dans La Revue administrative, n°386, mai 2012
Guillaume FARDE
«I
Ancien élève de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne et de
Sciences Po Paris, Guillaume Farde est spécialiste des questions de
sécurité, de défense et d'intelligence économique. Docteur en
sciences de gestion, il accompagne les ministères, les collectivités
territoriales et les grands groupes industriels dans la collecte et
l’analyse de l’information stratégique.
Il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles consacrés aux
questions de sécurité et de défense qu’il enseigne par ailleurs à
Sciences Po, à l’Université Paris I Panthéon Sorbonne, à l’Université
Paris II Panthéon Assas et au Collège d’enseignement supérieur de
l’Armée de terre (CESAT).
Régulièrement consulté par la presse sur les questions économiques
liées à la sécurité et à la défense, il est également auditeur de l’Institut
des Hautes Etudes de la Sécurité et de la Justice (INHESJ) et
membre du Conseil d’administration de l’Association nationale des
auditeurs.
Guillaume Farde est, enfin, officier de réserve de la Gendarmerie
nationale. Affecté à la direction financière de la DGGN, il contribue à
la réflexion sur le financement des équipements des forces.
l fut un moment tenté de rentrer dans un water et de le lire tout de suite.
Mais il savait bien que cela aurait été une épouvantable folie. C’était
l’endroit où on était le plus certain d’être continuellement surveillé par
les télécrans1 ».
Dans 1984, George Orwell décrit une société britannique fictive où les libertés
fondamentales sont abolies. Les citoyens y sont surveillés jusque dans leur vie la plus
intime et partout dans l’espace public, d’immenses affiches leur assènent un slogan
aussi violent que déshumanisant : « Big Brother is watching you2 ». Le personnage
orwellien habite un monde effrayant où l’espace privé succombe à l’hyperphagie d’un
espace public qui le phagocyte lentement. Dépossédé de son existence,
inlassablement pisté et continuellement épié, il est condamné à contempler
l’insoutenable : le spectacle de la violation quotidienne de sa vie privée par les yeux
impudiques de l’administration d’Etat. Privé d’intimité, il expérimente le processus de
déshumanisation décrit par Hannah Arendt dans Le système totalitaire, celui là même
où l’intrusion systématique de l’Etat dans la vie privée des citoyens finit par les installer
dans la négation destructrice de leur humanité.
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2
Extrait de 1984, chapitre I.
En français : « Big Brother vous regarde ».
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D’aucuns sont alors fondés à considérer 1984 comme une œuvre de science-fiction et
à en circonscrire la portée au débat philosophique classique relatif à la conciliation des
objectifs de sécurité publique et des droits et libertés fondamentaux des citoyens. En
définitive, le monde orwellien n’est qu’une dystopie dont la dimension effrayante tient
davantage à la stigmatisation du totalitarisme soviétique dans un contexte de Guerrefroide, qu’à la mise en garde des citoyens britanniques face aux possibles dérives
sécuritaires de leur propre régime démocratique.
Pourtant, à l’heure où le Président de la République appelle au triplement, d’ici à la fin
2012, des quelques 20.000 caméras de vidéosurveillance/vidéoprotection3 de la voie
publique, l’inquiétude des associations de protection des droits et libertés
fondamentaux grandit. Selon elles, il y aurait dans l’augmentation du nombre de
caméras sur la voie publique, une forme d’orwellisation d’une société française
aujourd’hui en proie à un « Etat policier ». Acquis à la vidéoprotection, l’Etat serait
redevenu Léviathan et vampiriserait progressivement le droit fondamental au respect
de la vie privée 4 , jusqu’à lui ôter toute substance. Référence intellectuelle des
détracteurs de la vidéoprotection, G. Orwell inspire : chaque année désormais, les élus
réputés les plus liberticides se voient décerner un « Big Brother award5 », forme de
mise en garde humoristique où les références orwelliennes alertent le citoyen face aux
dérives sécuritaires de l’Etat. G. Orwell est ainsi érigé au rang d’écrivain prophète et
ses manuscrits doivent aviser l’opinion du risque de montée des périls : Hannibal ad
portas…
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La référence systématique à 1984 par ceux qui en font une exégèse pour le moins
originale, met en lumière la dimension passionnelle du débat public. Utile pour son
retentissement dans l’imaginaire collectif, la référence au roman d’Orwell est sanscesse convoquée par les détracteurs de la vidéoprotection. D’ailleurs, en 1994, lors de
la discussion du projet de Loi d’Orientation et de Programmation relatif à la Sécurité
(LOPS), Charles Pasqua, alors ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, pourfendait déjà
« ceux qui feignent de croire à l’apparition de je ne sais quel Big Brother6 ».
La convocation de la référence orwellienne permet d’outrer le caractère supposé
liberticide de la vidéoprotection et ce, quand bien même l’angle d’approche du débat
serait biaisé et exagéré. Alors même que le cas français n’est en rien comparable à
l’univers fictionnel de 1984 où l’usage de l’outil vidéo n’est contrebalancé par aucun
Selon que les dispositifs vidéo soient considérés comme protecteurs ou liberticides, le suffixe varie. Le 14
mars 2011, l’article 17 de la Loi n°2011-267 d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la
Sécurité Intérieure (LOPPSI II) a rebaptisé la vidéosurveillance de façon plus laudative et lui a
définitivement préféré le terme de vidéoprotection.
4 En droit civil français, le droit au respect de la vie privée est garanti par l’article 9 du Code civil. Sur le plan
pénal, les articles 226-1 à 226-7 du Code pénal fixent les peines prévues en cas d’atteinte à l’intimité de la
vie privée d’autrui.
5 Les Big Brother Awards sont un prix décerné aux gouvernements, élus et entreprises jugés les plus
attentatoires, par leur action ou par leurs mesures, au respect de la vie privée. La cérémonie est organisée
annuellement (et dans plus d’une dizaine d’Etats) par l’association Privacy International.
6 Journal Officiel de la République Française, Débats parlementaires du Sénat, Troisième session
extraordinaire de 1993-1994, Compte-rendu intégral, 3ème séance, mardi 5 juillet 1994, page 3509.
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mécanisme, même le plus sommaire, de protection des libertés individuelles, la
référence au roman d’Orwell permet de déporter le débat sur un terrain plus
idéologique. La discussion se vide progressivement de sa dimension technique et
s’enferme dans un schéma manichéen qui oppose le camp des gardiens des droits à
celui des forces obscures qui voudraient insidieusement les leur ravir. Circonscrire le
débat à sa dimension la plus passionnelle l’éloigne ainsi de son cœur véritable : la
question de l’encadrement et des conditions d’utilisation de cet outil qu’est la vidéo.
Or, en réalité, le débat afférent à la vidéoprotection ne se pose pas tant en termes
philosophiques ou éthiques qu’en termes pratiques. A l’occasion d’une conférence
consacrée à la sécurité du Grand Paris le 7 décembre 2011 dernier à l’Assemblée
Nationale, le député du Finistère Jean-Jacques Urvoas rompait avec la stérilité d’un
débat dépourvu de substance technique en déclarant habilement : « il n’existe pas de
vidéosurveillance, ni de vidéoprotection, il y a seulement de la vidéo 7». Car, avant
d’être l’objet de la cristallisation, voire de la crispation, des idéologies, la vidéo est en
premier lieu un outil et c’est à ce seul titre qu’il faut appréhender sa dimension
potentiellement attentatoire aux libertés fondamentales.
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D’une manière générale, la vidéoprotection peut se définir comme la surveillance d’un
espace8, au moyen de caméras vidéo. Des premiers enregistrements analogiques
effectués dès le début des années 1980 aux programmes à forte intelligence artificielle
(biométrie, identification et filatures programmables, système LAPI9) en passant par la
généralisation du numérique et de la fibre optique, les progrès techniques ont
considérablement augmenté les potentialités de l’outil. Parallèlement, le recours à la
vidéo, alors même qu’elle était originellement présentée comme un moyen de
prévention et de dissuasion, a été étendu aux missions de répression (identification
d’auteurs d’infractions notamment). Cette extension de son domaine d’usage a été
encouragée par le pouvoir politique dans un contexte où les moyens technologiques
sont parfois perçus comme un substitut possible à la présence humaine sur la voie
publique.
Avant même le rappel des objectifs en termes de nombre de caméras déployés sur la
voie publique par le Président N. Sarkozy en 2009, le ministère de l’intérieur avait, dès
2008, diffusé des instructions aux préfets dans le sens d’un développement de la
vidéosurveillance. En déplacement à Villeneuve-La-Garenne le 2 octobre 2009, le
Premier ministre François Fillon a fait du développement de la vidéoprotection un des
axes forts du Plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes et,
dans la même année, le ministère de l’intérieur publiait un Guide méthodologique de
la vidéoprotection à destination des élus locaux.
Propos tenus publiquement par le député Jean-Jacques Urvoas à l’Assemblée Nationale, le 7 décembre
2011.
8 Le présent article limite son champ d’étude aux seuls espaces publics.
9 Le système de Lecture Automatisée des Plaques d’Immatriculation (LAPI) est une des manifestations des
progrès technologiques de la vidéosurveillance nouvelle génération.
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Cette conjonction d’éléments (progrès technologique, usage répressif de l’outil et
volontarisme politique) accroît alors l’inquiétude des associations qui, fortes d’un
rapport du Conseil de l’Europe rendu public le 11 avril 2007 10 , ont unanimement
réaffirmé leurs craintes face à un développement massif de la vidéoprotection.
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Sur un plan strictement juridique, l’installation d’un dispositif de vidéoprotection dans
les espaces publics et dans les établissements ouverts au public, est soumise à
autorisation. L’article 10 de la Loi d’Orientation et de Programmation relative à la
Sécurité (LOPS) fixe la procédure d’autorisation d’un dispositif de vidéoprotection.
En premier lieu, la personne publique ou morale sollicitant l’autorisation doit constituer
un dossier dont les pièces sont énumérées à l’article 1er du décret n°96-926 du 17
octobre 1996 modifié par le décret n°2009-86 du 22 janvier 2009. Sans se livrer à une
énumération exhaustive des pièces qui composent ledit dossier, il faut relever que
certaines d’entre elles, comme le descriptif des modalités de l’information du public ou
encore le descriptif des modalités du droit d’accès des personnes intéressées, visent
expressément à garantir les droits et libertés fondamentaux des citoyens
vidéosurveillés.
En second lieu, le dossier est transmis pour consultation à une commission
départementale de vidéoprotection. Présidée par un magistrat du siège 11 , la
commission se compose également d’un maire, d’un représentant de la chambre de
commerce territorialement compétente et d’une personnalité choisie par le préfet. Dès
lors, même si l’avis émis par la commission ne revêt qu’un caractère consultatif et ne
lie pas l’autorité préfectorale, il constitue néanmoins un premier niveau de filtre destiné
à préserver les libertés fondamentales des citoyens.
En dernier lieu, le dossier est adressé au préfet qui délivre ou non l’autorisation. Lors
de ce dernier stade de la procédure, les droits et libertés fondamentaux du citoyen
sont garantis par la possibilité pour le préfet d’assortir son autorisation, de
Le 11 avril 2007, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (organe consultatif du
Conseil de l’Europe) a rendu public un rapport dans lequel elle précise que « la vidéosurveillance des lieux
publics par les autorités publiques […] peut constituer une menace indéniable pour des droits
fondamentaux tels que le droit à l’intimité et au respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance,
le droit à la liberté de circulation […] ».
11 L’article 60 du décret n°2006-665 du 7 juin 2006 supprime la présence du magistrat de la juridiction
administrative, initialement prévue par le décret n°96-926 du 17 octobre 1996.
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prescriptions. Le III de l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 l’autorise, par exemple,
à limiter le nombre des personnes habilitées à visionner les images ou encore à fixer
un délai maximal de conservation des images.
En sus des mécanismes protecteurs a priori, le citoyen vidéosurveillé bénéficie de
garanties et de recours a posteriori. Une fois le dispositif de vidéoprotection installé, le
citoyen bénéfice ainsi d’un droit à l’information d’une part, et d’un droit d’accès aux
images, d’autre part.
Le décret du 17 octobre 1996 précité précise que dans le cas d’un système fixe de
vidéoprotection installé sur la voie publique, le citoyen doit en être informé au moyen
de panonceaux figurant une caméra. De même, toute personne filmée par un dispositif
de vidéoprotection est en droit d’accéder aux images sans avoir à motiver sa
demande. En cas de manquement par la personne publique ou morale autorisée à
exploiter un dispositif de vidéoprotection, le préfet est habilité, en vertu de l’article 10
de la loi du 21 janvier 1995 précitée, à abroger l’autorisation qu’il a délivrée. Dans le
cas de manquements plus graves comme le maintien d’un dispositif sans autorisation
ou d’atteinte grave à la liberté ou la propriété d’un citoyen, le juge judiciaire et/ou le
juge pénal peuvent avoir compétence pour réprimer les personnes morales de droit
public, ou de droit privé, fautives.
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Une approche strictement textuelle de la vidéoprotection n’est donc pas de nature à
susciter d’inquiétudes démesurées. En droit, des dispositions législatives et
réglementaires visant expressément à protéger les droits et libertés fondamentaux des
citoyens sont prévues. Or, en faits, la mise en œuvre effective des règles de droit
préalablement exposées laisse apparaître des failles de nature à porte atteinte auxdits
droits.
Ainsi, lors de la phase de contrôle a priori, les premières failles constatées tiennent à
la nature du contrôle exercé par la commission départementale d’une part, et par
l’autorité préfectorale, d’autre part.
Il est en effet peu protecteur sur le plan du droit que la commission chargée de
l’examen pour avis du dossier de la personne publique ou morale désireuse d’installer
un dispositif vidéo, limite son examen à un contrôle sur pièces, non assorti d’un
contrôle sur place. L’examen de plans n’est pas toujours propice à une pleine
appréhension de la couverture d’un dispositif vidéo. D’autre part, la commission limite
son intervention à un contrôle de légalité et n’est pas habilitée à se prononcer en
opportunité. L’examen du projet de dispositif vidéo ne tient donc pas compte, par
exemple, de la situation locale en matière de sécurité publique. Enfin, la commission,
composée de cinq membres, est structurellement en situation de sous-effectif, a fortiori
dans les départements les plus densément peuplés. Le temps consacré à l’examen
de chaque dossier est donc réduit, ce qui peut, le cas échéant, augmenter le risque
d’erreurs d’appréciation.
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Parallèlement, le préfet n’est pas lié par l’avis de la commission. Il bénéficie d’un
pouvoir d’appréciation particulièrement large et n’est soumis à aucun principe de
proportionnalité. Il est donc parfaitement habilité à autoriser le déploiement de
dispositifs dans des zones géographiques sûres ou, à l’inverse, à l’interdire dans des
zones plus criminogènes.
Dans son rapport de juillet 2011 consacré à l’organisation et à la gestion des forces de
sécurité publique 12 , la Cour des comptes pointe des autorisations à la régularité
contestable et s’appesantit sur la faiblesse des mécanismes de contrôle a posteriori.
Ainsi, alors même que l’article 10 de la loi du 21 janvier 1995 précitée prévoit que les
commissions départementales sont compétentes pour contrôler la conformité des
dispositifs autorisés par décision préfectorale, la Cour souligne que les faibles moyens
humains alloués à ces commissions limitent considérablement leur capacité à
procéder auxdits contrôles. Dans les faits, les personnes publiques ou privées
autorisées à exploiter des images vidéo prises sur la voie publique, sont rarement
contrôlées et, par conséquent, rarement sanctionnées.
L’insuffisance des mécanismes d’autorisation et de contrôle peut alors légitimement
inquiéter le citoyen quant au respect effectif de leurs droits et libertés fondamentaux.
Le développement de la vidéoprotection sans même que la législation soit
suffisamment affermie, résulte d’une stratégie gouvernementale parfois contestable
où le rôle dévolu aux agents publics est sans cesse minimisé pour des raisons
comptables. L’article 18 de la LOPPSI II prévoyait ainsi de déléguer à des sociétés
privées le visionnage de la voie publique avant que cette disposition ne soit censurée
par le Conseil constitutionnel13. La délégation de compétences de police administrative
à une personne privée a été jugée contraire à l’article 12 de la Déclaration des Droits
de l’Homme et du Citoyen.
Par cette décision, le Conseil constitutionnel a mis un premier coup d’arrêt à une
politique publique excessivement favorable à la généralisation de la vidéoprotection et
a ainsi permis d’éviter qu’en matière de vidéoprotection la LOPPSI II ne vienne ajouter
de la confusion à la confusion.
*
* *
Au demeurant, la critique du volontarisme gouvernemental en matière de
vidéoprotection alors même que le cadre juridique de son développement n’est pas
suffisamment affermi, ne doit pas conduire à remettre en question la pertinence de
l’outil lui-même.
La vidéoprotection, utilisée à bon escient, reste un outil efficace. Les caméras
disposées sur la voie publique sont généralement raccordées à un Centre de
Supervision Urbain (CSU) à partir duquel les opérateurs œuvrent à une meilleure
coordination des équipes d’intervention sur la voie publique. La constatation d’une
infraction par vidéosurveillance permet de dépêcher une équipe sur les lieux de sa
commission dans des délais plus brefs, tout en sécurisant les conditions de
12
13
Cour des comptes, L’organisation er la gestion des forces de sécurité publique, juillet 2011.
Conseil constitutionnel, décision n°2011-625 DC, 10 mars 2011.
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l’intervention 14 . Postérieurement à la commission d’une infraction, l’utilisation des
images vidéo, lorsqu’elles sont exploitables, facilite l’élucidation. La vidéoprotection
permet également de sécuriser une filature, de renforcer la discrétion d’une approche
dans le cadre de missions de police judiciaire ou de faciliter l’appréhension d’auteurs
de flagrants délits ou de délits de fuite. Sans multiplier les exemples, il ressort que la
vidéoprotection est un outil aux applications multiples (police judiciaire, maintien de
l’ordre public ou encore de la sécurité routière) dont les potentialités considérables
expliquent, au delà du volontarisme gouvernemental, son développement rapide.
Mais, précisément parce qu’elle n’est qu’un outil, la vidéoprotection ne peut être un
substitut à la présence humaine. Elle doit être l’objet d’une utilisation encadrée, dans
le cadre d’une véritable coproduction de sécurité.
A ce titre, la coproduction de sécurité définie comme le transfert d’activités publiques
au secteur privé selon une stricte logique comptable et sans vision stratégique claire
à moyen et long terme, n’est qu’une pâle caricature du concept. La coproduction de
sécurité véritable tient compte de l’unicité de chaque territoire et repose sur l’analyse
d’un environnement sécuritaire pris dans sa globalité, pour en tirer des préconisations
sui generis. La réalité sécuritaire varie d’un environnement à l’autre et la vidéo n’est
pas toujours pertinente.
De fait, l’installation d’un dispositif devrait être conditionnée a priori par la réalisation
d’un audit rigoureux de l’ensemble de l’environnement sécuritaire et dont des
conclusions défavorables entraîneraient le rejet automatique de la demande. De
même, une fois le dispositif installé, la réalisation d’audits réguliers et indépendants,
permettrait de confirmer ou d’invalider la pertinence du dispositif en place.
Par ailleurs, principales installatrices de dispositifs de vidéoprotection, les collectivités
territoriales gagneraient à appréhender le recours à cet outil de façon globale. La
vidéoprotection n’est pas une fin en elle-même mais un moyen parmi d’autres pouvant
être mis en œuvre à des fins de sécurité et de tranquillité publique. A ce titre, elle ne
peut se substituer à la présence humaine dont elle implique même le renforcement :
aux patrouilles qui sillonnent la voie publique, la vidéoprotection commande d’ajouter
des opérateurs d’exploitation et de traitement des images.
La globalité de l’approche nécessite alors que les collectivités privilégient des modes
de contractualisation adaptés. Des contrats tels que les marchés publics globaux ou
encore les contrats de partenariat permettent d’inclure, au-delà de l’aspect
construction, une véritable dimension de services notamment en termes de
financement et d’évaluation, ex-ante et ex-post, des dispositifs. Ces contrats offrent
aux collectivités une meilleure maîtrise de leur outil en imposant, le cas échéant, à leur
partenaire privé (constructeur ou prestataire de conseil) non seulement une obligation
de moyen mais aussi une obligation de résultat. Ils permettent à la collectivité
d’interagir avec un interlocuteur unique à même d’inscrire l’utilisation de l’outil vidéo
dans une stratégie sécuritaire tenant compte d’un environnement sécuritaire
appréhendé dans sa globalité.
Les agents ainsi dépêchés disposent d’informations qui facilitent leur appréhension de l’environnement
dans lequel ils auront à évoluer.
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La vidéo n’est ni liberticide ni protectrice en soi. Ni « surveillance », ni « protection »,
elle est un outil aux fortes potentialités dont l’usage commande une méthode
d’utilisation rigoureuse. Comme tout outil, elle n’est efficace que dans un nombre de
cas restreints et ne saurait, par construction, se substituer aux agents humains. Elle
ne peut viser à l’autosuffisance et son utilisation doit s’inscrire dans une véritable
coproduction de sécurité qui inclut l’évaluation de son efficacité en amont et en aval
de son installation. A défaut du respect de la réglementation et en l’absence de
modalités d’utilisation qui inviteraient à considérer chaque environnement sécuritaire
comme global et sui generis, les droits et libertés fondamentaux pourraient être
écornés. Sans ne jamais être comparable à l’univers dystopique de 1984, le régime
juridique français et la doctrine d’usage en matière de vidéo restent encore à parfaire
de sorte à en garantir un usage serein, dans un contexte pacifié.
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