Le 5 avril 2007 - CBC/Radio

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Le 5 avril 2007 - CBC/Radio
Le 5 avril 2007
Madame Diane Rhéaume
Secrétaire générale
Conseil de la radiodiffusion et des
télécommunications canadiennes
Ottawa (Ontario)
K1A 0N2
Objet :
Avis d’audience publique de radiodiffusion CRTC 2007-3 – Article 1, Demande de
CTVglobemedia Inc. (CTVgm) (antérieurement Bell Globemedia Inc.) au nom de
CHUM Limitée (CHUM) (Demande no 2006-1667-5)
Madame la Secrétaire générale,
Introduction
1
La Canadian Broadcasting Corporation/Société Radio-Canada (« CBC/Radio-Canada »)
a le plaisir de vous soumettre une intervention en réaction à la demande de CTVglobemedia
(CTVgm) faite au nom de CHUM Limitée (CHUM) et sollicitant l’approbation du transfert de toutes
les actions ordinaires de CHUM à la filiale en propriété exclusive de CTVgm, la société 1714882
Ontario Inc.
2
Avec ses nombreux actifs dans le secteur de la télévision conventionnelle et spécialisée,
auxquels s’ajoutent des journaux et des nouveaux médias, CTVgm est le plus important
conglomérat de radiodiffusion au Canada anglais. CHUM est, quant à elle, le troisième plus
important groupe de radiodiffusion au Canada anglais et possède des éléments d’actif
considérables dans le secteur de la télévision conventionnelle, des chaînes spécialisées, de la radio
et des nouveaux médias. Si elle est approuvée par le Conseil, la transaction envisagée créerait une
entité de radiodiffusion d’une envergure sans précédent, présente sur toutes les plateformes de
radiodiffusion.
2
3
Selon la demande formulée, CTVgm désire conserver un sous-ensemble des activités
réglementées de CHUM et céder les autres entreprises titulaires d’une licence à des tierces parties
indépendantes1. Il s’agit toutefois d’entreprises marginales et la cession proposée ne réduit en rien
l’envergure de la transaction.
4
CTVgm évalue la transaction – c’est-à-dire l’acquisition des activités réglementées
qu’elle désire conserver – à 1,36 milliard de dollars et propose en contrepartie des entreprises
visées (télévision conventionnelle, chaînes spécialisées et radio) un bloc d’avantages tangibles
d’une valeur de 103,5 millions de dollars.
5
CBC/Radio-Canada considère que la demande de CTVgm soulève trois grandes
préoccupations :
6
•
L’entité résultante aurait une taille et une envergure sans précédent au sein du
système canadien de radiodiffusion, ce qui lui procurerait un avantage
concurrentiel indu et aurait des conséquences défavorables pour les autres
radiodiffuseurs, dont CBC Television, tant sur le marché de la publicité que sur
celui de l’offre d’émissions.
•
La transaction entraînerait une concentration du secteur de la radiodiffusion qui
nuirait de façon inadmissible à la pluralité et la diversité des voix au Canada
anglais, et qui violerait directement la politique sur la propriété commune du
Conseil concernant les stations de télévision conventionnelle.
•
L’évaluation de la transaction proposée est inexacte et la distribution proposée des
avantages tangibles est inappropriée.
Compte tenu de ces préoccupations et plus précisément, du caractère inapproprié de la
distribution des avantages proposés, CBC/Radio-Canada s’oppose à la demande de CTVgm.
CBC/Radio-Canada désire comparaître à l’audience afin de présenter et d’étoffer son point de vue.
Création d’un mastodonte
7
CTVgm possède 25 stations de télévision conventionnelle, 21 chaînes spécialisées, le
réseau Atlantic Satellite Network (ASN) et une participation de 40 % dans TQS. À l’automne 2006,
CTVgm diffusait 16 des 20 émissions les plus écoutées à la télévision anglaise. En 2005, elle a
1
Les actifs cédés comprendraient les stations de télévision A-Channel de CHUM (CIVI-TV Victoria, CHRO-TV
Pembroke, CHRO-TV-34 Ottawa, CFPL-TV London, CHWI-TV Wheatley, CKNX-TV Wingham, CKVR-TV Barrie), CKX-TV
Brandon, Access: The Educational Station, The Learning Channel et SexTV: The Channel.
3
touché 36 % de l’ensemble des recettes publicitaires de la télévision anglaise, soit près de 50 % de
plus que sa plus proche rivale, Canwest, qui détenait une part de 25 % des recettes publicitaires.
Répartition des recettes publicitaires de la télévision par joueur important,
Services de langue anglaise, en 2005
Quebecor
1%
Autres
6%
CTVglobemedia
36%
CBC
6%
Rogers
1%
Corus
6%
Alliance Atlantis
5%
Canwest
25%
CHUM
14%
Source : Estimations de CBC/Radio-Canada fondées sur les données du CRTC
8
Il ne fait aucun doute qu’avant même l’acquisition proposée de CHUM, CTVgm est déjà,
et de loin, le radiodiffuseur le plus prospère dans le secteur de la télévision de langue anglaise au
Canada.
9
CHUM est le troisième diffuseur de langue anglaise en importance au pays avec ses
12 stations de télévision conventionnelle, ses 21 chaînes spécialisées, ses 34 stations de radio et
sa licence lui permettant d’offrir un service de radio par abonnement. En 2005, CHUM a touché
14 % de l’ensemble des recettes publicitaires de la télévision anglaise.
10
Si le nouveau conglomérat est autorisé à voir le jour, sa position dominante au sein du
système canadien de radiodiffusion – particulièrement dans le secteur de la télévision anglaise –
aura des conséquences désastreuses pour les autres radiodiffuseurs.
11
La multitude de services offerts par CTVgm et la facilité avec laquelle elle parvient à
mettre la main sur les meilleures émissions – en partie grâce à ses énormes ressources financières
– lui procureraient un avantage sans précédent dans marché de la publicité. CTVgm serait
4
notamment en position d’exiger des annonceurs qui désirent diffuser de la publicité dans le cadre
des émissions les plus regardées d’acheter de l’espace publicitaire dans toute la gamme des
services dont elle est propriétaire, y compris certains de ses services moins attrayants. CTVgm
pourrait ainsi obliger les annonceurs à acheter de l’espace publicitaire sur Citytv afin d’appuyer son
projet dans le secteur de la programmation américaine en simultané qui accroît déjà sa puissance
relative.
Rapport de puissance* des services conventionnels
de télévision de langue anglaise, 2002 à 2005
CTV
Rapport de puissance
3.6
3.4
3.2
CanWest
3.0
2.8
CHUM
2.6
2.4
2.2
2002
2003
2004
2005
Source: CRTC; BBM/NMR
* Rapport de puissance : Part des revenus/part d’auditoire de l’année précédente
12
La domination qu’exercerait CTVgm sur le marché publicitaire réduirait
considérablement la capacité des radiodiffuseurs de moindre taille, dont CBC Television, d’accroître
leurs recettes publicitaires. Comme CBC Television tire plus de la moitié de son financement de ses
recettes commerciales et qu’en très grande partie, ces revenus viennent de la publicité, la situation
pourrait gravement miner la capacité de CBC/Radio-Canada de s’acquitter des conditions de sa
licence et de son mandat en vertu de la Loi sur la radiodiffusion. Il en irait probablement de même
pour les titulaires de licences de télévision du secteur privé.
13
La transaction proposée arrive à un moment particulièrement délicat. Comme le Conseil
le sait fort bien, le marché de la publicité à la télévision conventionnelle stagne et pourrait bientôt
amorcer un déclin. Le signe le plus récent de ce déclin annoncé est apparu dans les relevés
financiers de la télévision conventionnelle (chaînes privées seulement) de 2006 publiés par le
5
CRTC où il est indiqué que globalement, les recettes publicitaires des radiodiffuseurs
conventionnels (locaux et nationaux) n’ont augmenté que de 0,2 pour cent en 2006. Les services de
télévision de CBC/Radio-Canada et ceux d’autres petits radiodiffuseurs conventionnels privés, qui
souffrent déjà de cette stagnation du marché, seront les plus touchés par la fusion proposée, car
l’entité résultante monopolisera et contrôlera une proportion encore plus importante de recettes
publicitaires de plus en plus difficiles à obtenir.
14
Outre cette domination du marché de la publicité, CTVgm pourrait aussi imposer sa loi
sur le marché de la programmation. Déjà, CTVgm acquiert souvent d’importants stocks d’émissions
qui ne sont jamais diffusés et que d’autres radiodiffuseurs auraient peut-être aimé acheter sans
pouvoir le faire. CTVgm fait aussi obstacle à la concurrence parce que son poids sur le marché de
la programmation est tel qu’elle peut, grâce à ses énormes moyens financiers, écarter les autres
acteurs du marché désireux d’acquérir des droits de diffusion majeurs, notamment ceux des Jeux
olympiques et, par conséquent, décourager la formation d’alliances concurrentielles en vue
d’acquérir des droits de diffusion précis, particulièrement dans le domaine des sports.
15
La nouvelle CTVgm disposerait d’un pouvoir d’achat considérablement accru et d’un
éventail élargi de créneaux pour mettre en ondes les émissions dont elle fait l’acquisition. Comme
ses recettes publicitaires seront vraisemblablement deux fois plus importantes que celles de
Canwest et huit fois supérieures à celles de CBC Television, la nouvelle CTVgm sera en mesure
par le jeu de la surenchère d’écarter pratiquement tous les autres radiodiffuseurs en lice pour
l’obtention des émissions les plus populaires, qu’elles soient étrangères ou canadiennes. Ce
pouvoir d’achat extraordinaire viendrait donc encore renforcer la position de CTVgm au chapitre des
cotes d’écoute, accroîtrait sa domination du marché publicitaire et lui procurerait un nouvel atout sur
le marché de la programmation.
16
La possibilité d’un effet « boule de neige » est ici évidente. Au final, on aurait au Canada
anglais un radiodiffuseur exerçant une domination écrasante sur le marché de la télévision, alors
que tous les autres radiodiffuseurs ne joueraient qu’un rôle marginal ou très pointu. Et même si la
situation se stabilisait avant d’en arriver à un résultat aussi extrême, CTVgm resterait néanmoins
dans une position de domination absolue du marché de la télévision anglaise. Les autres
radiodiffuseurs seraient gravement affaiblis et incapables de continuer d’apporter au système de
radiodiffusion une contribution comparable à celle à laquelle ils nous ont habitués dans le passé. Ce
principe s’appliquerait autant à CBC Television qu’aux radiodiffuseurs privés.
6
17
Si la transaction est approuvée conformément à la volonté de CTVgm, cette dernière
deviendrait propriétaire de 30 stations de télévision conventionnelle – soit près de 30 % de plus que
le deuxième radiodiffuseur en importance au Canada, Canwest. CTVgm obtiendrait aussi
37 chaînes spécialisées – plus que tout autre acteur au sein du système. Elle accaparerait 50 % de
l’ensemble des recettes publicitaires sur le marché de langue anglaise et serait propriétaire de
deux stations dans tous les marchés d’importance au Canada anglais.
18
CBC/Radio-Canada est de l’avis que l’acquisition de CHUM par CTVgm aurait des
retombées totalement inacceptables sur le système canadien de radiodiffusion, car elle
engendrerait un géant de la radiodiffusion qui exercerait une domination écrasante sur le marché.
Les conséquences néfastes pour les autres radiodiffuseurs et pour l’ensemble du système seraient
extrêmement graves. Pour qu’un marché concurrentiel fonctionne bien, il doit y avoir un certain
équilibre entre les acteurs. Or, si elle est approuvée, cette transaction créera un grave déséquilibre
au sein du système canadien de radiodiffusion.
19
Il n’existe aucun motif de politique publique justifiant l’autorisation de cette transaction
sur la base proposée par CTVgm, en raison des retombées néfastes que celle-ci aurait sur le
système canadien de radiodiffusion. De plus, la transaction proposée est particulièrement
inappropriée en raison des conséquences sociales possibles d’une concentration de propriété et de
contrôle de cette ampleur.
Concentration des médias – effet sur la pluralité et la diversité
20
Au-delà des conséquences économiques et opérationnelles de la proposition de
CTVgm, celle-ci soulève également des questions en ce qui concerne le maintien de la pluralité et
de la diversité des voix au sein du système canadien de radiodiffusion.
21
Cette question est d’une importance vitale pour la santé des sphères démocratique,
sociale et culturelle de la société canadienne. Pour qu’une société libre et démocratique demeure
saine et dynamique, il doit exister en son sein une pluralité et une diversité des voix entendues
dans l’ensemble des médias. Ce principe fondamental a été décrit succinctement dans le livre blanc
sur les communications publié au Royaume-Uni en 2001 :
[Traduction]
7
Par diversité, nous entendons l’éventail d’émissions et de services différents offerts aux
téléspectateurs et aux auditeurs. Par ailleurs, la pluralité tient aux choix que les
téléspectateurs et les auditeurs sont en mesure de faire entre différents fournisseurs de
services. La société bénéficie de la diversité des genres de contenu proposés et de la
diversité à l’intérieur de ces genres (nouvelles, divertissement, documentaires, etc.) ainsi
que de la pluralité des fournisseurs de services (car cela augmente l’exposition des
téléspectateurs et des auditeurs à une variété de styles éditoriaux et à un éventail de points
de vue et d’opinions)2.
22
Le même point de vue est énoncé dans le document 2002 Biennial Review Order de
l’organisme de réglementation américain, la FCC, sur la propriété des médias :
[Traduction]
La diversité et la vitalité du marché des idées sont à la base même de notre démocratie. Par
conséquent, « la politique nationale sur les communications repose depuis longtemps sur le
principe de base que la diffusion la plus large possible d’information venant de sources
diversifiées et antagonistes est essentielle à l’intérêt public ». Cette politique est mise en
oeuvre, en partie, par la réglementation de la propriété des entreprises de radiodiffusion.
23
Le système canadien de radiodiffusion traverse actuellement une phase de
changements fondamentaux. Le mouvement de consolidation au sein de l’industrie a déjà créé
dans le secteur privé québécois deux acteurs majeurs qui sont propriétaires de nombreux médias,
en l’occurrence Cogeco et Quebecor. Au Canada anglais, si les transactions récentes sont
approuvées, nous pourrions nous retrouver avec une structure similaire avec d’un côté Canwest
Mediaworks et de l’autre, CTVgm. Cette consolidation de l’industrie au Québec a provoqué une
uniformisation croissante de l’information et des points de vue éditoriaux, et le même phénomène
est en voie de se produire au Canada anglais. Les entreprises se regroupent pour accroître
l’efficacité de leur exploitation et pour créer des synergies. Toutefois, cette recherche d’efficacité se
traduit par un partage des ressources entre les différentes plateformes médiatiques, ce qui entraîne
par voie de conséquence une uniformisation des points de vue et des perspectives,
particulièrement dans le secteur de l’information et des opinions. Si elle est approuvée, la
transaction proposée par CTVgm accentuera cette tendance déjà fort préoccupante.
24
L’existence d’une pluralité de radiodiffuseurs indépendants, particulièrement dans le
secteur de l’information et des affaires publiques, est, à notre avis, essentielle à l’existence d’une
démocratie véritable et d’une société saine et dynamique. La multiplicité et la diversité des services
et des émissions ne suffisent pas. De plus, l’assurance donnée par CTVgm au Conseil qu’elle sera
en mesure de conserver le point de vue unique et indépendant de CHUM dans sa programmation
2
Adaptation en français d’un extrait de Communications White Paper, s.4.2.1, à la page 35.
8
n’est rien de moins qu’une promesse creuse. Il est reconnu que la consolidation de la propriété des
entreprises mène à l’uniformisation des points de vue dans tous les canaux de service. Il s’agit
d’une conséquence normale de la consolidation. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander ce
qu’il est advenu des points de vue distincts d’entreprises qui se sont retirées de l’industrie comme
WIC, Blackburn, Electrohome, CFCF Television et Moffat. On comprendra alors que l’engagement
de CTVgm à préserver le caractère distinct de CHUM ne pourra être respecté.
25
La concentration de la propriété dans le secteur de la télévision qui découlerait de
l’approbation de la proposition de CTVgm soulève des préoccupations sérieuses en ce qui
concerne la pluralité et la diversité des voix dans ce média électronique crucial et dans les médias
canadiens en général. Vancouver, le deuxième marché en importance au Canada, constitue en
l’occurrence un excellent exemple. Si cette transaction était approuvée, deux conglomérats
contrôleraient la totalité des médias les plus importants de la ville : les journaux et la télévision
conventionnelle privée. De plus, si la transaction est approuvée, ce contrôle et cette homogénéité
des voix s’étendront également au secteur de la radio, puisque CTVgm deviendra alors propriétaire
de trois stations de radio locales.
26
Dans l’Avis public du CRTC 1992-42 intitulé Évaluation des répercussions de
l’application du critère des avantages au moment du transfert de propriété ou de contrôle
d’entreprises de radiodiffusion, publié le 15 juin 1992, le Conseil écrivait :
La concentration de la propriété au sein du système de la radiodiffusion ne préoccupe pas
nécessairement en elle-même le Conseil, pourvu qu’il continue d’exister un degré réel
de diversité de propriétés et de sources d’émissions de nature à s’assurer que les
objectifs de la Loi soient atteints. … Le Conseil continuera de traiter ces questions sur une
base individuelle et il devra être convaincu que l’acheteur a prouvé que les avantages d’une
telle concentration l’emportent nettement sur les inconvénients et que la transaction sert
l’intérêt public.
27
Les préoccupations du Conseil sur la concentration de la propriété ont été de nouveau
formulées dans l’Avis public CRTC 1999-97 intitulé La politique télévisuelle au Canada : Misons sur
nos succès, publié le 11 juin 1999 :
•
Le Conseil maintient sa politique limitant en général la propriété à une seule station
de télévision en direct, dans une langue, dans un marché donné.
9
•
Cette politique vise à garantir la diversité des sources dans un marché donné ainsi
qu’à maintenir une saine concurrence dans chaque marché.
28
La proposition de CTVgm vient en conflit à la fois avec le principe général contre la
concentration de la propriété ainsi qu’avec la politique précise du Conseil contre la propriété de plus
d’une station de télévision en direct dans une langue et dans un marché donnés.
29
Il incombe clairement à CTVgm de faire la preuve que « les avantages de cette
concentration excèdent nettement les inconvénients et que la transaction sert l’intérêt public ».
CTVgm doit aussi démontrer que les multiples dérogations qu’elle demande à l’application de la
politique sur la propriété des chaînes de télévision en direct sont justifiées.
30
CBC/Radio-Canada fait observer que CTVgm ne s’est en rien acquittée de cette
responsabilité.
31
En ce qui concerne la politique d’une seule station par marché, CTVgm affirme qu’elle
devrait être autorisée à être propriétaire de deux stations, puisque Canwest possède deux stations
dans quatre des cinq marchés en cause.
32
Le fait que le Conseil ait accordé dans le passé à Canwest une dérogation à la politique
d’une seule station par marché ne peut justifier en soi l’octroi d’une telle dérogation à CTVgm à
l’heure actuelle.
33
Par ailleurs, la situation de Canwest est considérablement différente de celle que
créerait la proposition de CTVgm. CTVgm propose d’être propriétaire de deux stations de télévision
locales sur un même marché en violation directe avec la politique du CRTC en la matière. La
situation de Canwest lorsqu’elle a acquis CHCH n’était pas analogue. En effet, même si le signal de
CHCH est distribué à Toronto, il reste qu’il s’agit d’une station de Hamilton fermement engagée à
desservir le marché de Hamilton. À Calgary et Edmonton, le service de CH (CKRD) est un signal
éloigné venant de Red Deer. Il ne s’agit pas d’une station locale de Calgary ou d’Edmonton et elle
n’a par ailleurs aucun engagement local sur ces marchés. Le même principe s’applique à
Vancouver en ce qui concerne le signal de CH (CHEK) qui vient de Victoria.
34
Toutes les préoccupations soulevées par le CRTC lorsque Canwest a exprimé sa
volonté de demeurer propriétaire de CHCH à Hamilton et de CHEK à Victoria (décision CRTC 2000-
10
221) ont été réglées par un engagement du radiodiffuseur à mettre en ondes une programmation
locale substantielle qui oblige CHCH et CHEK à rester des stations locales très présentes sur leur
marché respectif. En approuvant l’acquisition par Canwest de WIC, le Conseil a pris les mesures
qui s’imposaient pour que sa politique sur la propriété de plus d’une station sur un même marché
soit respectée. La proposition actuelle de CTVgm constitue en revanche une violation très claire de
cette politique. Les stations de Citytv à Toronto, Calgary et Edmonton sont toutes des stations
locales sur leurs marchés respectifs. Les stations CH dont le signal est distribué sur ces marchés
n’en sont pas.
35
En ce qui concerne l’enjeu plus général relatif à la politique sur la propriété des médias,
CTVgm n’a offert aucun argument pouvant expliquer en quoi une telle augmentation de la
concentration de la propriété servirait l’intérêt public. Tous les radiodiffuseurs du secteur de la
télévision conventionnelle sont confrontés à des difficultés financières importantes. CHUM,
toutefois, grâce à sa diversification dans le secteur de la radio et des chaînes spécialisées,
n’éprouve aucune difficulté financière. Nous ne sommes donc pas en présence d’une entreprise en
difficulté qui aurait besoin d’une opération de sauvetage et que personne au sein de l’industrie n’est
prêt à secourir.
36
Le décès de son fondateur, Allan Waters, est la seule raison pour laquelle CHUM est
devenue la cible d’acheteurs éventuels. La famille Waters a, en effet, décidé de se départir de
l’entreprise et a donc invité deux soumissionnaires – CTVgm et Astral – à lui faire des offres.
CTVgm a remporté la mise en versant une prime de 50 % pour les actions de CHUM, mais son
offre était supérieure de seulement 5 % à celle d’Astral. Le fait que CTVgm dispose des ressources
financières les plus importantes et qu’elle a été en mesure d’écarter du processus d’appel d’offres
même la très riche Astral ne constitue pas un motif valable pour autoriser la concentration
excessive de la propriété des médias que sa proposition entraînerait. Au contraire, cette capacité
financière ne fait qu’ajouter aux preuves qui confirment que CTVgm exerce déjà une position
dominante sur le marché de la radiodiffusion au Canada anglais et vient renforcer nos raisons de
nous opposer à l’approbation de cette transaction telle qu’elle est proposée.
37
Les conséquences financières de cette transaction pour les autres radiodiffuseurs et
pour le système canadien de radiodiffusion dans son ensemble ont déjà été abordées
précédemment. Ces préoccupations, à elles seules, constituent à notre avis un motif suffisant pour
que le Conseil rejette la demande de CTVgm. Les préoccupations tout aussi importantes associées
11
à la concentration accrue de la propriété des médias et la réduction de la pluralité et de la diversité
des voix qui s’ensuivrait constituent un deuxième argument déterminant.
38
De l’avis de CBC/Radio-Canada, il n’est pas dans l’intérêt public qu’un radiodiffuseur
exerce une telle domination sur ce qui constitue encore à ce jour le moyen de communication le
plus puissant du monde : la télévision. Avec ses 30 chaînes de télévision conventionnelle et ses
quelque 40 chaînes spécialisées, CTVgm diffuserait dans toutes les régions du Canada anglais et
couvrirait tous les genres. Toutes les catégories d’émissions de télévision viendraient donc d’une
source unique qui, peu importe les prétentions à l’effet du contraire de CTVgm, exercerait de fait un
monopole sur la culture et les points de vue offerts.
39
La pluralité des sources de radiodiffusion, plus particulièrement dans le secteur de
l’information, des affaires publiques et des points de vue éditoriaux, est essentielle au processus
démocratique ainsi qu’à la santé sociale et culturelle du Canada. Le Conseil n’est en rien tenu
d’approuver un tel niveau de concentration de la propriété à la télévision anglaise, comme le
propose CTVgm et, au contraire, le Conseil dispose de toutes les raisons requises pour rejeter cette
transaction.
Un bloc d’avantages tangibles inacceptable
40
CTVgm estime la valeur de la transaction à 1,36 milliard de dollars et propose donc un
bloc d’avantages tangibles totalisant 103,5 millions de dollars. Ce calcul exclue une dette de
270 millions de dollars de CHUM que CTVgm a accepté de prendre en charge. CTVgm propose
donc plus précisément des avantages de 27 millions de dollars à l’égard des stations de radio
évaluées à 450 millions de dollars, et des avantages de 76,5 millions de dollars à l’égard des
stations de télévision évaluées à 765 millions de dollars. Aucun avantage n’est proposé à l’égard
des chaînes de télévision que CTVgm se propose de céder à des tierces parties. CTVgm évalue
ces chaînes à 150 millions de dollars.
41
CBC/Radio-Canada perçoit deux problèmes en ce qui concerne le bloc d’avantages
tangibles proposé : l’exclusion de la dette prise en charge dans le calcul de la valeur de la
transaction et la nature des avantages proposés.
12
La dette prise en charge devrait être incluse
42
CBC/Radio-Canada fait valoir qu’il n’existe aucun motif valable, quel qu’il soit, d’exclure
de la valeur de la transaction les 270 millions de dollars de la dette prise en charge. Cette dette a
été engagée par CHUM de la même manière que toute autre entreprise qui s’endetterait pour
procéder à l’acquisition de nouveaux actifs. Si CHUM avait eu les liquidités nécessaires pour
acheter ces actifs sans condition et l’avait fait, alors CTVgm aurait dû payer un prix d’acquisition
plus élevé et n’aurait pas eu de dette à prendre en charge. Les choses ne se sont pas produites de
cette manière et CTVgm a décidé de prendre en charge la dette de CHUM. La valeur totale de la
transaction doit donc correspondre à la somme du prix d’acquisition et de la dette prise en charge.
43
Pour établir la valeur d’une transaction, le CRTC s’appuie sur la définition établie par
l’International Business Brokers Association qui stipule que la valeur d’une transaction :
[Traduction]
« ...correspond au total de toutes les contreparties transférées à un moment ou à un autre
de l’acheteur au vendeur pour acquérir une participation dans une entreprise et peut
comprendre, sans toutefois s’y restreindre, toute somme versée au titre des actifs corporels
et incorporels comme le mobilier, l’équipement, les fournitures, les stocks, le fonds de
roulement, les conventions de non-concurrence, les conventions d’emploi ou de services de
consultation, les permis, les listes de clients, les droits de franchise, les dettes prises en
charge, les options d’achat d’actions, les actions ou les rachats d’actions, les biens
immobiliers, les baux, les redevances et les contreparties acquises ou à venir. »
44
CTVgm a pris en charge la dette et par conséquent, celle-ci fait partie intégrante de la
valeur de la transaction.
45
Contrairement à ce qu’avance CTVgm, cette méthode d’évaluation de la transaction ne
crée pas de situation de « paiement en double » des avantages. Elle assure plutôt que la valeur des
avantages obtenus est établie en fonction de la valeur véritable et globale de la transaction,
abstraction faite de toute particularité quant à la manière dont la contrepartie a été versée par
l’acheteur au vendeur.
46
À cet égard, il importe de souligner que l’acheteur d’une entreprise de radiodiffusion doit
prendre en charge toutes les obligations réglementaires courantes engagées par cette entreprise.
13
L’acheteur doit ensuite démontrer quel avantage l’acquisition proposée crée pour le système. Ces
avantages additionnels ne peuvent être assimilés à un « paiement en double ». Ils constituent la
contrepartie permettant que la transaction puisse avoir lieu sans que la licence de l’entreprise
achetée doive être rendue et sans qu’un appel de demandes soit lancé.
47
Dans le cas qui nous occupe ici, la dette prise en charge est entièrement liée à
l’acquisition par CHUM de CKVU-TV et de Craig Media3 et, par conséquent, elle devrait être
imputée aux actifs de télévision. La valeur des avantages tangibles liés à ces actifs de télévision
devrait donc être majorée de 27 millions de dollars (soit 10 % de 270 millions de dollars).
Les avantages proposés
48
CBC/Radio-Canada n’a rien à redire sur les avantages proposés en rapport avec les
actifs radiophoniques dont CTVgm propose de faire l’acquisition. Ces avantages iraient directement
aux tierces parties indépendantes et seraient à l’avantage du système canadien de radiodiffusion
en général, ce qui est conforme à la politique du Conseil. La proposition de CTVgm en ce qui
concerne les avantages dans le secteur de la télévision est toutefois bien différente.
49
CTVgm propose des avantages totalisant 76,5 millions de dollars à l’égard des actifs de
télévision qu’elle souhaite d’acquérir – 65 millions de dollars pour la programmation prioritaire et
11,5 millions de dollars pour des projets sociaux et d’autres projets de l’industrie.
CBC/Radio-Canada estime cette répartition appropriée.
50
CBC/Radio-Canada est cependant très préoccupée par l’attribution des 65 millions de
dollars à un mécanisme de financement privé auquel seule CTVgm aurait accès. Cette approche
est la même que celle approuvée par le Conseil dans le cadre de la transaction BCE/CTV. Dans la
décision CRTC 2000-747 intitulée Transfert du contrôle effectif de CTV Inc. à BCE Inc., publiée le
7 décembre 2000, le Conseil indiquait ce qui suit :
Le Conseil a fait preuve de constance et de rigueur dans l’application du critère en exigeant
que les dépenses proposées à titre d’avantages soient véritablement des dépenses
supplémentaires. Pour être acceptés par le Conseil, les avantages doivent être consacrés à
des initiatives ou à des projets qui ne pourraient être entrepris ou concrétisés sans
l’approbation de la transaction. En règle générale, le Conseil exige également des
3
Voir le mémoire supplémentaire de CTVgm à la page 29 et dans ses réponses complémentaires présentées le
29 janvier 2007 aux pages 6 et 7.
14
requérantes qu’elles démontrent que les dépenses proposées au titre d’avantages
bénéficieront essentiellement à des tierces parties telles que les producteurs indépendants.
Dans bien des cas, les requérantes choisissent de respecter ces exigences en allouant une
part appréciable du bloc d’avantages qu’elles proposent à des fonds indépendants de
production d’émissions. L’approche de BCE dans le cas présent se distingue de celle des
autres requérantes. En effet, BCE a choisi d’affecter plus de 90 % de son bloc d’avantages à
la production de nouvelles émissions de télévision, dont la plupart seront financées par la
requérante grâce à une combinaison de droits de licences, d’investissements en capital et
d’avances de distribution. Ces émissions seront diffusées par le réseau de télévision CTV.
51
Le Conseil a accepté l’approche de BCE/CTV dans sa décision 2000-747, ce qui a été
nettement à l’avantage de CTV qui s’est ainsi accordée à elle-même une prime de programmation
de 230 millions de dollars. De l’avis de CBC/Radio-Canada, il serait tout à fait inapproprié pour le
Conseil d’accepter de nouveau qu’on ait recours à cette méthode, particulièrement dans le contexte
actuel.
52
Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’acquisition par CTVgm de CHUM
créerait un radiodiffuseur d’une taille et d’une envergure sans précédent, particulièrement dans le
secteur de la télévision anglaise. La création d’une entité de cette ampleur aurait des conséquences
néfastes graves sur la pluralité et la diversité des voix au Canada ainsi que sur la compétitivité des
marchés de la publicité télévisée et de l’offre d’émissions. Il serait donc particulièrement inapproprié
qu’une entité de cette envergure soit autorisée à s’accorder à elle-même des avantages tangibles
et, de ce fait, à accroître davantage sa domination du marché.
53
De l’avis de CBC/Radio-Canada, si le Conseil autorise CTVgm à aller de l’avant avec la
transaction telle qu’elle est proposée – ou dans une formule modifiée – alors il est essentiel sur le
plan de la politique publique que tous les avantages tangibles – y compris les avantages associés
au transfert des actifs de télévision – servent à financer les activités de tierces parties
indépendantes.
54
Dans le cas des avantages liés au secteur de la télévision, CBC/Radio-Canada fait valoir
que les fonds devraient être acheminés au Fonds canadien de télévision qui pourrait ensuite en
faire profiter des producteurs indépendants ainsi que l’ensemble de l’industrie canadienne de la
télévision.
15
Conclusion
55
CBC/Radio-Canada soumet qu’il est impossible de considérer l’acquisition proposée de
CHUM par CTVgm comme un projet servant l’intérêt public. Si elle est autorisée, cette transaction
créera une entité de radiodiffusion d’une taille et d’une envergure sans précédent qui occupera une
position de domination écrasante dans le secteur de la télévision anglaise au Canada. Les
conséquences d’une telle transaction, tant aux niveaux des marchés de la publicité que de la
programmation seraient extrêmement néfastes pour les autres télédiffuseurs de langue anglaise, ce
qui aurait ensuite des conséquences graves pour l’ensemble du système canadien de
radiodiffusion.
56
Outre ses conséquences directes sur le système de radiodiffusion, la concentration de
propriété qui découlerait de la transaction proposée par CTVgm réduirait de manière importante la
pluralité et la diversité des voix à la télévision anglaise, ce qui ferait peser une menace grave sur la
vitalité démocratique, sociale et culturelle du Canada.
57
CTVgm a supplanté Astral dans une surenchère pour l’acquisition de CHUM grâce à ses
ressources financières extraordinaires. Le simple fait que CTVgm soit l’entreprise la plus riche ne
devrait pas avoir une incidence déterminante sur l’issue de cette affaire. L’intérêt public et les
exigences de la Loi sur la radiodiffusion doivent avoir préséance.
58
Compte tenu des préoccupations extrêmement graves en matière de politique publique
qu’elle soulève, la demande de CTVgm devrait être rejetée. De l’avis de CBC/Radio-Canada, une
demande révisée devrait au moins, au titre de l’acquisition des actifs de télévision, comprendre un
bloc d’avantages approprié qui servirait à financer les activités de tierces parties par l’intermédiaire
du Fonds canadien de télévision.
59
CBC/Radio-Canada vous remercie de lui avoir donné l’occasion de formuler ses
commentaires dans le cadre de cette procédure. Comme nous l’avons déjà mentionné, la Société
aimerait aussi avoir la possibilité de comparaître à l’audience.
16
Veuillez agréer, Madame la Secrétaire générale, l’expression de mes sentiments les meilleurs.
Bev Kirshenblatt
Première Directrice, Affaires réglementaires
Case postale 3220, Succursale C
Ottawa (Ontario)
K1Y 1E4
c.c. :
[email protected]
*** Fin du document ***

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