Tout à fait Thierry
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Tout à fait Thierry
Football En direct de Donetsk Disparition de Thierry Roland L’équipe de France sous le choc « Tout à fait Thierry ! » Le commentateur sportif Thierry Roland, voix de légende du football à la télévision, est décédé brutalement à l’âge de 74 ans des suites d’un accident vasculaire cérébral, dans la nuit de vendredi à samedi. L e terrible orage d’Ukraine a finalement fait une victime. Vendredi soir, alors qu’il faisait patienter des millions de téléspectateurs, attendant que le match des Bleus ne puisse reprendre à Donetsk, Jean-Michel Larqué avait eu une pensée pour son copain Thierry Roland, qu’il imaginait devant son poste de télé à bien s’amuser de ce déluge perturbateur. Hier, le même Jean-Michel était en larmes, bouleversé par la mort de son compagnon de foot. Thierry Roland aurait dû retrouver son cher Jean-Mimi à cet Euro 2012, mais il avait déclaré forfait. Fatigué, opéré d’un calcul, « des petits cailloux que l’on m’a enlevé à un endroit dont je ne connaissais même pas l’existence », avait-il plaisanté, le commentateur avait convenu qu’il n’était « pas raisonnable » de quitter Paris. L’incorrigible lâchait à cette occasion quelques petites phrases de son cru, sur le tourisme en Ukraine («Pas le pays le plus sexy du monde ») ou le confort des compagnies aériennes de l’Est. « On peut mourir tranquille ! » Car le journaliste était un fournisseur d’expressions, dont le désormais classique « Ces deux-là ne passeront pas leurs vacances ensemble ». Indéniablement, Thierry Roland était un personnage, du football français et de la télévision française. Même s’il en fut viré en 1968, faisant soi-disant partie des « gauchistes », son image de « beauf » et de « réac » lui colle bien à la peau. C’est vrai qu’il n’était pas avare de grosses bêtises (pas toutes à l’insu de son plein gré) ou de « dérapages » (traiter un arbitre de « salaud », même si c’était bien mérité, ça ne se fait pas en direct), autant d’éclats qui ont aussi fait sa notoriété. Cette « Grosse Tête » de RTL était archipopulaire («popu » diront certains), gardant toute la sympathie du grand public, quels que soient ses écarts, un éclat de rire sonore et on oubliait tout. Depuis hier, les déclarations plus ou moins émues tombent d’ailleurs de partout (Michel Drucker, Bernard Tapie, Michel Hidalgo, Jean-Pierre Foucault… et même le président François Hollande). Premier supporter de l’équipe de France, élevé à l’école de Robert Chapatte et Roger Couderc dans les coulisses de l’ORTF, il a couvert sa première Coupe du Monde en 1962 (!), commenté 1.300 « grands » matches, dont 9 Championnats d’Europe des Nations et 13 Coupes du Monde. Dont, bien sûr, celle de 1998 en France : « On peut mourir tranquille », disait-il lors de la finale gagnée par l’équipe de France face au K Laurent Blanc et les journalistes présents en conférence de presse ont observé hier une minute de silence. Photo AFP K Thierry Roland n’a pas eu le temps de reformer son célèbre duo avec Jean-Michel Larqué pour l’Euro 2012. Photo Alexandre MARCHI Brésil, « Et un, et deux, et trois zéro ! ». « Quel pied ! », il avait pris ce 12 juillet 1998 au Stade de France ! To u j o u r s p r ê t à « r e f a i r e l e match », le rouspéteur de mauvaise foi était un vrai passionné, de foot mais aussi de tous les autres sports. Après des années de bons et loyaux services sur TF1, le duo Thierry et Jean-Mimi avait été dissous par la « Une », la direction estimant qu’ils avaient fait leur temps. M6 s’était alors empressé de reconstituer la fameuse doublette. Ces deux-là sont même devenus des personnages des Guignols de Canal +, la marionnette de l’ancien Stéphanois assénant le célèbre « Tout à fait Thierry ! ». Ce que répétaient ensuite les supporters dans les stades. « On pourrait se retrouver pour l’Euro 2016 en France, mais ça parait loin 2016… », avait confié Thierry Roland il y a quelques jours au « Parisien ». Trop loin : il n’aura pas même vu la fin de la première phase de cet Euro 2012. Allez, à la prochaine ! Patrick TARDIT Franc-parler Questions à Jean-Philippe Doux, commentateur de M6 Entre petites phrases et dérapages « Thierry, un exemple pour moi » Paris. La voix légendaire du football à la télévision, devait une grande partie de sa réputation à ses « petites phrases » qui, lâchées en direct à l’antenne, ont souvent nourri la polémique. La première remonte au 9 octobre 1976, lorsque, pendant un match de l’équipe de France contre la Bulgarie, à Sofia, il s’en prend violemment à l’arbitre écossais qui a sifflé un penalty en faveur des Bulgares. «M. Foote, vous êtes un salaud ! », s’écrie-t-il en direct. Furieuse, la chaîne, Antenne 2, veut le sanctionner, mais recule face à la réaction des téléspectateurs qui envoient des lettres de soutien par centaines. En 1986, lors du quart de finale du Mondial entre l’Angleterre et l’Argentine, il s’offusque du but de la main accordé à Maradona et prend à témoin Jean-Michel Larqué : « Honnêtement, Jean-Michel, ne croyez-vous pas qu’il y a autre chose qu’un arbitre tunisien pour arbitrer un match de cette importance ? ». Il s’en excusera ensuite auprès de la Tunisie et de l’arbitre, M. Ali Bennaceur, se défendant d’être xénophobe. En 2002, lors d’un match entre la Corée du Sud et la France, il pouffe de rire à l’antenne et provoque une nouvelle polémique : « Il n’y a rien qui ressemble plus à un Coréen qu’un autre Coréen, surtout habillés en footballeurs, d’autant qu’ils mesurent tous 1,70 m, qu’ils sont tous bruns, à part le gardien ». Nancy. Originaire de Bar-leDuc, Jean-Philippe Doux, passé par M6 Nancy, travaillait avec Thierry Roland depuis six ans. Vendredi, il avait suppléé celui qu’il admirait en Ukraine. Comment avez-vous appris la mort de Thierry Roland ? En arrivant hier matin à Paris, j’avais des messages sur mon téléphone dont celui d’Estelle Denis pour m’annoncer la terrible nouvelle. J’avais téléphoné à Thierry mercredi après que l’on m’a demandé d’aller en Ukraine pour commenter AngleterreSuède. J’étais désolé qu’il ne puisse retrouver Jean-Michel. Je l’avais senti très fatigué. Il souffrait mais m’avait dit que je serais bon. Pendant le match vendredi, avec JeanMarc Ferreri, on lui a fait un coucou et dit que le fauteuil l’attendait. Quelles relations aviez-vous ? Nous avons écrit un livre ensemble « Souvenez-vous Thierry ». C’était formidable car je suis fan depuis mon enfance. Notamment depuis la demi-finale France-Allemagne de 1982. Pendant nos échanges, il m’avait dit : « le jour où j’arrêterai de commenter, je mourrai ». C’est incroyable qu’il soit décédé le soir où il devait retrouver Jean-Michel Larqué. Il était pour moi un exemple, mon inspirateur pour commenter. Il est venu chez moi lors d’une fête pour ma maison et il discutait avec tout le monde sans faire état de son statut. Depuis six ans, vous étiez à ses côtés… En 2006, Estelle Denis m’avait confié la rédaction en chef de 100 % Foot. Il m’a adopté tout de suite et m’a considéré comme le chef sans faire valoir son passé. Cela force le respect. Je n’ai jamais connu un homme aussi ponctuel. Il était sensible, proche des gens, à commencer par ceux œuvrant sur un plateau. Il était naturel et respectueux. Depuis le Mondial 2006, nous avons vécu sur M6 de grands moments comme le jour de la demande en mariage de Raymond Domenech à Estelle Denis pendant l’Euro 2008. C’était un accompagnateur, un animateur de match plus qu’un commentateur. Que garderez-vous de lui ? Son rire, ses blagues qu’il pouvait raconter dix fois de suite et ses expressions dont la « Grande prairie » pour désigner la mort. Il a rejoint ses copains Couderc et Chapatte. Mon regret : ne pas savoir s’il a vu le match que j’ai commenté et ce qu’il en a pensé. Son avis comptait tant pour moi. Propos recueillis par Sébastien GEORGES Donetsk. C’est avec le visage grave, que Philippe Tournon, chef de presse de l’équipe de France, a accueilli les journalistes à leur arrivée au centre des médias hier : « Ce matin, ça pourrait aller mieux… ». Il venait d’apprendre le décès de Thierry Roland, figure de la télévision et du sport, exconfrère journaliste de sa génération, compagnon d’aventure et amoureux des Bleus. Contraint pour raisons de santé, de renoncer au voyage en Ukraine pour reformer avec lui, un tandem indémodable, Thierry Roland avait donné à Jean-Michel Larqué, rendez-vous pour l’Euro 2016 en France. Mais son état s’est aggravé après son opération de calculs biliaires. Il s’est éteint au lendemain d’une victoire éclatante de ses Bleus. Cette image-là au moins, il l’emportera au paradis. Face aux journalistes, Laurent Blanc a rendu hommage à un pionnier : « De la part de l’équipe de France, nous présentons nos condoléances à sa famille. C’est un amoureux du sport qui a disparu, ça nous touche beaucoup ». Puis Philippe Tournon a demandé à l’assemblée de se lever et de respecter un instant de recueillement. Jean-Michel Larqué, son « vieux » complice, que nous avions rencontré la veille à Donetsk, avait une tendresse particulière pour lui. Hier, il n’a pu retenir ses larmes, tout comme Sylvaine Mignogna, assistante de production à TF1 et de l’émission Télé Foot, longtemps orchestrée par Thierry Roland. Bien que jeune et vivant avec son temps à l’heure d’Internet et de Twitter, Gaël Clichy a eu des mots forts pour Thierry Roland, au nom des joueurs. « J’ai 26 ans, 15 ans de foot, et j’ai le souvenir des matches à la télé avec mes parents sur le canapé. Comme Thierry Henry n’a jamais fait de mauvais choix dans sa carrière, il n’en a pas fait non plus en travaillant pour les trois plus grandes chaînes de télé, c’est un monsieur du football pour qui j’ai beaucoup de respect. » Il avait la sympathie des Français En 1998 au terme de l’inoubliable victoire en Coupe du monde face au Brésil, Thierry Roland avait eu à l’antenne cette phrase qu’on ne prononce qu’une fois : « Après avoir vu ça on peut mourir tranquille… Enfin le plus tard possible quand même. » Yann M’vila avait 8 ans à l’époque. Pour lui cette première Coupe du monde, c’était une voix. Présent à Donetsk pour France 2, Dominique Le Glou, qui a débuté comme stagiaire à Antenne 2 aux côtés de Thierry Roland, suit sa dernière compétition en Ukraine, puisqu’il sera à la retraite le 1er juillet. Il ne forcera pas le passage pour continuer. « Thierry, ce collègue qui arrivait tous les jours à la rédaction avec une bonne blague » disait-il hier, mais surtout, « une voix comme Chapatte et Couderc ». Même si Roland dépassait les bornes parfois, en beauf franchouillard, dérapant à l’antenne ou dans des interviews comme récemment à propos de l’Ukraine, il avait la sympathie des Français, devenant au fil des années une célébrité. Le plus bel hommage des Bleus cependant reste à écrire, lors de cet Euro 2012. De Jean-François GOMEZ à Donetsk