N° 1. UN INSTRUCTEUR d`ÉQUITATION, POUR QUOI FAIRE ?

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N° 1. UN INSTRUCTEUR d`ÉQUITATION, POUR QUOI FAIRE ?
N° 1. UN INSTRUCTEUR d’ÉQUITATION,
POUR QUOI FAIRE ?
Commentaires généraux et pédagogiques
des aides des cavaliers.
Ouvrages suivants :
N° 2. Carnets de débourrage. Une classe maternelle pas drôle…
N° 3. Au secours, j’ai peur !
N° 4. Comment ne pas faire tourner son cheval "en bourrique" ?
N° 5. Les assouplissements ; en long, en large et de travers. Les transitions.
N° 6. Pousser ou retenir ? Il faut choisir. La mise en main et le ramener.
N° 7. Plein les mains ou devant les jambes ? Le perfectionnement de l'équilibre.
Le reculer…
N° 8. Pourquoi marcher droit à cheval ? La rectitude, le rassembler.
N° 9. Pourquoi résoudre nos problèmes alors qu'il est possible de
continuer ainsi ? Pédagogie.
N° 10. Vos difficultés équestres : questions - réponses.
Ecrit en Haute-Savoie par Jean Pierre GUIOTAT.
Textes enregistré sous le numéro Y 6537 à la Société des Gens de Lettres.
N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
Remerciements.
Je dédie ces manuscrits, en premier lieu, à mes parents qui, après une
ferme résistance durant toute mon enfance, ne se sont plus opposés pour que
je m'approche enfin des chevaux à partir de mon indépendance en fin
d'adolescence.
Je dois également de très grands remerciements à Madame Lena
Léonardsson pour ses talents de dessinatrice et l'énorme travail de qualité
qu'elle a accompli devant son ordinateur. Il m'est impossible de lui exprimer
ici toute ma gratitude pour sa générosité, sa confiance et son inlassable
ténacité dans ses recherches. Elle a su reprendre mes croquis en leur
apportant la touche professionnelle qui leur manquait. Pour son aide
précieuse concernant l'installation de mon site, je remercie également Gilbert
Saint qui m'a souvent secouru lorsque je m'étais égaré dans des méandres
informatiques.
En second, je tiens à remercier mes élèves en Côte d'Or, MidiPyrénées, Puy de Dôme, Haute-Marne, région parisienne, Haute-Savoie ;
ceux de Suisse, ainsi que mes étudiants en Europe, au Canada et aux USA.
Nous avons souvent passé, et nous passons encore, de bons moments
ensemble ; je tiens à leur exprimer ma gratitude car c'est principalement par
leur intermédiaire que je ressens toujours une volonté pugnace de
comprendre leurs problèmes. En cherchant des solutions à leurs difficultés,
je m'attache à résoudre quelques unes des lacunes laissées béantes depuis
leurs formations initiales. Je profite de ces pages afin de leur témoigner ma
grande reconnaissance pour ce qu'ils ont pu m'apprendre.
A tout seigneur, tout honneur ; je rends un vibrant hommage aux huit
cent quarante et un chevaux qui sont passés "sous ma selle" depuis mes
débuts, jusqu'à maintenant. (Nombre calculé à partir de notes collationnées
au cours de quarante deux ans de pratique) Chacun d'eux m'a rendu heureux.
Que les jours fussent ensoleillés ou rigoureux, les uns et les autres furent des
compagnons précieux. Leur présence m’a toujours été indispensable ; elle
m'a beaucoup apporté. Leur courage et leur abnégation m'ont fréquemment
ému ; parfois plus que je ne pourrais l'écrire. Leurs conditions de travail m'a
souvent conduit à m'opposer à quelques esprits bornés ne connaissant rien
des nécessités équestres. En défendant leur cause, je ne me suis pas fait que
des amis… Mais, mes prises de positions, souvent exprimées seul contre
tous, ne m'ont jamais fait baisser les bras ; aujourd'hui, encore moins qu'hier.
Jean Pierre GUIOTAT.
Jean Pierre Guiotat – http://www.jpguiotat.com
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N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
PRÉSENTATION.
Je me nomme Jean Pierre GUIOTAT, je suis instructeur d’équitation depuis pas mal
d’années. Après avoir longtemps instruit dans les clubs, je suis devenu enseignant indépendant en
Haute-Savoie, près de Genève.
Ancien cavalier de complet, je dispose d’un bagage conséquent en dressage. Je suis doté
d’un tempérament curieux avec une forte prédilection pour la recherche, ce qui explique sans doute
que je sois passionné par la pédagogie. J’aime essayer de comprendre, partager, expliquer et faire
comprendre à mon tour le pourquoi du comment faire, par différents moyens en recherchant celui
qui sera le plus adapté.
Depuis plusieurs siècles, on a largement développé les aspects techniques de l’emploi des
aides, mais curieusement, rares sont les ouvrages qui traitent de la façon d’apprendre à s’en servir
avec la manière de graduer leur utilisation. Dans les différents articles qui suivront, j’apporte ma
modeste pierre à l’édifice ; elle représente une partie des observations effectuées au long d’un
travail de quarante années d’enseignement au service de l’équitation.
Pendant tout ce temps, mes élèves et les chevaux que j’ai au travail, m’ont beaucoup appris.
Toutefois, me suis rendu compte que bien des cavaliers risquent fort de ne pouvoir s’en sortir
– malgré leur bonne volonté et toute l’aide qu’on peut leur apporter – parce qu'ils posent des
problèmes de position, de crispation et d’équilibre. Notre enseignement ne va pas assez loin dans
ces cas particuliers et l’on risque, une fois de plus, de perdre un membre de notre famille équestre
en raison d'une pédagogie inappropriée, soit par l'intermédiaire d'une cavalerie inadaptée...
Quoiqu’il en soit, j’ai voulu en savoir plus et essayer de comprendre ce qui accrochait dans
l’emploi des aides et dans leurs accords. Au cours de ces pages, volontairement je laisserai de côté
l’aspect du choix d’un cheval d’instruction qui nécessiterait à lui seul une étude sérieuse pour
m’attacher exclusivement à l’analyse de la position et de l’emploi des aides.
Bien que faisant appel à des concepts, parfois inhabituels dans l’enseignement équestre, il
me paraît urgent de chercher une voie pédagogique complémentaire pour aider les élèves qui se
heurtent à des problèmes méritant le secours des professionnels.
Le but des pages qui suivent est de parvenir à résoudre certains problèmes de progression
chez les cavaliers d'un niveau moyen et avancé ; notamment en ce qui concerne les personnes
adultes quand elles ne disposent pas d'un véritable enseignement auprès d'elles. Je souhaite que la
rédaction de ces textes vous soit profitable dans la quête de votre propre recherche.
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Sommaire.
Présentation.
p 3
Table des matières :
p 4
Chapitre
I
Transmettre, communiquer, être pédagogue.
p5
Chapitre
II
Le Cavalier.
p 8
Chapitre
III
Le Cheval.
p 11
Chapitre
IV Les problèmes de l’enseignant.
p 20
Chapitre
V
p 27
Chapitre
VI
Appréciation du niveau de capacités d’un cavalier. p 30
Chapitre
VII
Développement d’une stratégie neurosensorielle.
Chapitre
VIII Recherche et pédagogie.
De l’histoire à nos jours.
p 35
p 42
Chapitre
IX Les mécanismes mentaux.
p 46
Chapitre
X
La gestion des automatismes.
p 47
Chapitre
XI
La mise en main pernicieuse.
p 48
Chapitre
XII
Débat de fond.
p 53
Chapitre
XIII Conclusions.
Bibliographie.
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p 56
p 57
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Chapitre I : Transmettre, communiquer, être pédagogue.
J’ai voulu être pédagogue ; parfois, certains m’ont appelé “Maître”. Expliquer, faire
comprendre, raconter le pourquoi et le comment des choses, c’était ma voie. Très tôt, j’ai été
conscient d’avoir la vocation de transmettre les valeurs de mon métier et de démontrer la portée de
mes arguments auprès de ceux qui m’entouraient car j’étais convaincu qu’en les amenant à une
perception plus juste des problèmes, je parviendrais à remporter un succès avec eux et gagner la
bataille à force d’explications, de technique équestre, de vérité et... d’art. (Je ne crains pas d’utiliser
ce mot trop souvent galvaudé)
C’est souvent délicat de remettre en cause la méthode ou la conception d’une personne qui
entendrait dire que ses efforts sont vains et qu’il vaudrait mieux revenir en arrière pour espérer
reprendre une progression normale. Ce n’est agréable pour personne, en particulier pour un cavalier
dont l'ego est souvent très sensibilisé.
Je sais qu’en le faisant, je porterais atteinte à son orgueil. C’est pourquoi, la plupart du
temps, je ménage certaines susceptibilités en abordant la difficulté différemment. J’amène le
cavalier à prendre conscience du problème par voie détournée, en employant une succession
d’exercices subtilement élaborés avec le secours et les moyens d’un large éventail pédagogique.
Parallèlement, je lui apporte le bagage théorique et technique indispensable qui, seul, lui permet de
saisir ce qui se passe, d’y faire face, et enfin, à la suite d’une patiente mise au point, de dépasser le
cap difficile afin de reprendre la progression qui avait été interrompue.
Récemment, j’ai eu l’occasion de visionner une de mes leçons enregistrée au camescope.
C’est étonnant de se voir dispenser un cours, de regarder les images d’un autre soi-même dont on ne
soupçonnait pas l’impact de la présence dans le cadre silencieux et presque recueilli d’une
célébration qu’on pourrait tenir pour “sacrée”. Je me suis vu à mon endroit favori, dans un angle du
manège (pour voir mieux et obliger le cavalier à penser qu’il doit faire passer son cheval dans les
coins), la tête curieusement penchée sous la concentration, l'oeil pointu, l’observation aiguë, les
remarques sobres et groupées, laissant passer le plus souvent les fautes accessoires, ne signalant que
le point important du moment, celui qui, en le soulignant, donnera la solution au problème.
Plus l’élève manifeste de l'incompréhension, plus je m’acharne à trouver une voie. Si le
cavalier est en difficulté, avec lenteur, avec douceur et un soin infini, j’essaie de lui faire
comprendre ce qu’il faut faire. Cela réussit souvent ; quelquefois, il faut attendre les leçons
suivantes... C’est en enseignant que je sais être d’une patience sans limite avec mes élèves et les
chevaux que je travaille. On me raconte parfois que ces séances sont étonnantes.
Lorsque l’on a, comme moi, franchi étape après étape, toutes les difficultés d’une activité
très spécialisée dans un milieu qui n’est pas tendre (dont il faut bien reconnaître qu’on n’y rencontre
pas énormément d’humanité et de plus en plus de personnes mal éduquées), il faut une force de
caractère peu commune ou alors, une sorte d’inconscience, pour faire face aux esprits mesquins qui
gravitent aussi dans le milieu de la grande famille des cavaliers.
En ce qui me concerne, dans mes rapports parfois tendus avec les instances dirigeantes, avec
des cavaliers ou avec des collègues, je me suis toujours appliqué à faire confiance (au départ) et à
conserver un comportement poli et respectueux. Mais je dois reconnaître avec étonnement et
amertume, qu’on trouve maintenant beaucoup trop d'individus caractériels, de gens extrêmement
vulgaires et grossiers dans notre milieu équestre. Notamment, j'ai vu une jeune "enseignante"
insulter une cavalière adulte devant ses jeunes élèves abasourdis, l'injurier et lui porter des coups…
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Est-il possible que le système de formation des moniteurs puisse laisser passer une future
responsable aussi grossière et agressive au travers de ses mailles sans détecter une telle brebis
galeuse dans ses rangs ? On peut frémir en imaginant le triste exemple que cette exécrable personne
peut produire auprès des enfants qui lui sont confié…
Pour mon compte, dans ma démarche auprès de mes cavaliers, du plus avancé à celui qui
“patine pathétiquement dans la semoule”, la politesse et la bonne éducation ont toujours fait partie
de mon credo professionnel. Le respect que je témoigne à mes élèves commence, selon moi, par
l’usage d’explications exemptes de moqueries, d’insultes et de vulgarités. J’associe ce respect vis-àvis d’eux à une ponctualité proverbiale et une tenue impeccable car je suis convaincu qu’on ne peut
espérer la réciprocité de nos élèves qu’en leur montrant l’exemple.
Une seule fois dans ma vie d’enseignant, j’ai été obligé de sortir de mon manège un type
impoli et désobligeant par la peau du dos. Généralement, je suis courtois et tolérant mais il ne faut
pas me marcher sur les pieds deux fois de suite ! De cette manière, par un effet de mimétisme, je me
suis vite aperçu que les reprises dont j’étais responsable avaient de la tenue et développaient un
esprit de club qu’on rencontre de plus en plus rarement.
Dans mon rôle d’enseignant, je m’attache à apporter à mes élèves plus qu’une technique
équestre, surtout à propos des jeunes. Je considère comme un devoir de leur inculquer des valeurs
telles que le courage, la volonté, le goût de l’effort, l’humilité et la patience... Ainsi, je pense
remplir mon rôle de formateur et d’éducateur en leur donnant des notions qui pourront les aider à
vivre dans un monde qui n’est pas simple.
En souriant, je me revois dans cette vidéo et les images m’ont confirmé le sens de mon
action. Au cours de mes leçons, je m’efforce de veiller sur chaque cavalier et leur monture comme
sur des fleurs. Je veux plus que des résultats sportifs, je veux atteindre leur âme, les calmer ou les
enflammer selon les cas. Avec certains adultes, momentanément en difficulté, je trouve encore plus
passionnant de rechercher une autre voie, peut-être plus accessible, par réflexion et analyse.
Les images me montrent qu’alors, inconsciemment, je suis toute attention, sur le qui-vive.
Mes propres jambes sont aux aguets à la place de celles du cavalier ; discrètement, j’oscille, je me
soutiens sur la plante des pieds pour me relâcher enfin. Les expressions du visage changent aussi
rapidement à mesure que j’observe, fébrile et impatient, la transition d’un exercice d’une phase à la
suivante. Cette situation prêterait presque à sourire pour quelqu’un qui assisterait à une prestation
de cet ordre, entièrement vécue de l’intérieur, sans en connaître la portée.
Trouver la forme de langage qui correspond au niveau d’un cavalier, à son éducation ;
chercher les expressions auxquelles il sera sensible, les images qui éclaireront soudainement sa
compréhension, c’est à la fois une adaptation constante et un travail primordial. A celui-là, je
m’adresse déjà comme à un Maître, avec tel autre, il me faut lui parler comme à un enfant...
Parfois, ayant demandé l’arrêt, je saisis la main d’un presque maladroit, celle qui tient la
rêne, en remplaçant la bouche du cheval avec mon autre main à son extrémité et ainsi, bien
qu’immobile, je m’évertue à faire percevoir une nuance de contact, une résistance plus souple de
ses bras contractés, un tact plus fin... Il m’arrive également d’interrompre un moment l’exécution
d’un travail pour exposer les techniques qui font autorité, expliquant leurs répercussions, comparant
une figure à un dessin, mimant l’attitude et les gestes d’un cheval pendant un exercice particulier ;
au point qu’on pourrait croire que le comportement du cheval m’est un dialecte personnel. (Il paraît
que j’imite très bien le cheval au travail dans ses exercices ! Peut-être pourrais-je voir dans cette
remarque rapportée, une sympathique ironie faite par ceux qui assistent à mes démonstrations
explicatives. Il faut bien que tout le monde s’amuse...)
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J’espère faire vivre la technique comme une musique. A la sortie des cours, j’ai souvent
constaté que certains restaient insensibles à tout ce qui n’était pas le feu dévorant de ce qu’ils
avaient découvert eux-mêmes dans leur leçon. Pour un enseignant, ce résultat est toujours
impressionnant ; c’est ce qui doit nous motiver tous j’imagine. En tout cas, pour ce qui me
concerne, cet aboutissement est mon oxygène, mon carburant surpuissant.
J’ai toujours été sensible à l’esthétique ; aimé ce qui était bien fait et surtout admiré la
beauté des choses. Quand on a dû prendre l'habitude de définir comme un maigre bagage personnel
cette richesse qu’on a été capable d’amasser dans sa vie, elle ne peut s’éteindre qu’avec l’âme. C’est
la seule preuve de sagesse à laquelle mon imperfection humaine peut prétendre. C’est la recherche
constante de ces moments de beauté et de communion intense que j’ai poursuivi au cours des ans
comme on suit un chemin de croix mais sans cesser d’avancer et d’y croire avec passion et ferveur.
J’ai constamment un feu dévorant à défendre qui m’aide à poursuivre et à combattre car à
chaque fois que je me heurte à un problème ou à une difficulté, je sens une tempête s’élever dans
mon sang gagnant rapidement ma tête, mes pensées et mes membres à la moindre occasion. Mon
caractère me commande de ne jamais agir en termes d’économie ; il me semblerait beaucoup trop
cultiver la facilité en accumulant des forces avec avarice, en progressant avec le souci d’être
détaché de tout, comme absent. Ce comportement, ça ne pourrait pas être moi !
Dans ma quête, au cours d’une vie passée au service des autres et dans ma recherche de la
vérité équestre avec les chevaux et les cavaliers, je n’ai aucun regret sur tout ce que j’ai vécu car j’ai
beaucoup appris. C’est pourquoi, entre ce que j’ai semé et ce que j’ai récolté dans ma vie
d’enseignant, je pense ne jamais devoir un jour baisser les bras...
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Chapitre II : Le Cavalier
Quand on est jeune, on est passionné, on se dépense sans compter, on développe une
énergie étonnante. Cette sublime propension de la jeunesse trouve un contentement à déployer ses
forces avant de réussir à les gérer pour qu’elles puissent être utilisées avec efficacité.
C’est le devoir d’un pédagogue de canaliser très tôt l’énergie d’un jeune élève pour
l’orienter et faire d’une matière brute, une pierre superbement ciselée. Dès lors, l’énergie volontaire
sera au service d’une façon de vivre et cette philosophie rayonnera toute une vie autour d’elle.
Ainsi, la pratique équestre portera le cavalier vers un idéal qu’il sera à même de comparer au réel de
l’existence.
Gardons le zèle pour les chevaux et nos sentiments partagés ;
gardons-le pour une femme ou pour Dieu mais n’apportons pas au
bazar du monde des trésors en échange desquels il ne rendrait
que verroteries.
Cet avant propos sur le cavalier peut surprendre mais en enseignant dans le milieu équestre
depuis de nombreuses années, je conserve le souvenir de quelques comportements déplaisants et
aujourd’hui, j’arrive parfois à me demander si notre sport n’est pas en retard...
Notre équitation baigne en permanence dans des querelles et des rivalités de chapelles entre
différentes disciplines qui opposent les tenants d’écoles multiples et variées. De plus, il n’est que
d’aller un peu partout pour constater le développement d’une brutalité équestre qui gagne du terrain.
Personnellement, je ne peux que regretter de voir la lente érosion du bel esprit sportif quand le
travail progressif et la performance sont négligés, ignorés, pour laisser place au classement à tout
prix. De nos jours, nos traditions de courtoisie, de politesse et d’élégance ne sont plus de mise...
Je ne veux pas croire que, comme ailleurs, le milieu équestre devienne un endroit où l’on
côtoie la grossièreté et où prolifère la vulgarité, car il est patent, hélas, qu’on y rencontre de plus en
plus d’individus caractériels.
Pourtant, dans sa longue histoire, l’équitation a largement contribué à améliorer le potentiel
positif de ses pratiquants. Alors, sa base manquerait-elle d’exemples favorisant un phénomène de
mimétisme bien connu ? L’équitation bien comprise, celle qui m’intéresse et qui nous vient des
anciens, apporte bien d’autres choses que l’illusion fugitive de paraître et la banale notion de plaisir
contre laquelle je ne peux que réagir... Dans la pratique, parfois il y a lieu d’être assez content de ce
qu’on a réussi à réaliser. Légitimement, on peut éprouver de la satisfaction ...
Bien sûr, je conçois qu’on éprouve du plaisir à... déguster une pâtisserie appétissante, mais
après l’avoir consommée, qu’en reste-t-il ?
Même si l’on est d’un niveau moyen, la réalisation équestre est d’une toute autre portée. Elle
aiguise un appétit toujours dévorant, elle émeut et bouleverse profondément le cavalier qui
arrive à faire un petit progrès après beaucoup de tâtonnements parce que, à cet instant, aussi
fugitif soit-il, il a réussi à réaliser l’osmose avec sa monture et il a appris encore un peu plus
sur lui-même. Désormais, ce cavalier sait que c’est cette quête qui le mènera dans sa recherche.
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Ce sentiment ne s’apparente pas à du plaisir ; ce terme est inadapté. Selon moi, la réalisation
équestre contient davantage de la joie, du bonheur, de l’euphorie quelquefois, de l’allégresse, voir
même de la fierté (pourquoi pas), mais du plaisir... Ce mot ne me convient pas parce qu’il évoque
davantage quelqu’un qui se sert du cheval pour sa propre satisfaction et dont il attend une
jouissance immédiate, au lieu d’investir son énergie en patients efforts. C’est ensuite, après avoir
passé du temps en exercices et en réflexion que, peut-être, un cavalier récoltera ce qu’il a su semer.
Il en conservera un souvenir porteur parce que, très loin des basses contingences de
l’existence, quand, à ses débuts, il a pris la décision d’apprendre à monter à cheval, il lui a fallu
commencer par approcher avec courage cette masse imposante dont il sent parfaitement que l'œil
doux et inquisiteur, l’a jaugé au premier regard.
Courage pour continuer à tenir un vague rôle de cavalier balbutiant pendant son
apprentissage d’équilibriste incertain alors que l’animal effectue malignement quelques facéties.
Courage pour dépasser les mésaventures douloureuses que nous avons tous endurés.
Courage pour lancer et contenir une demi tonne de force et d’instincts dans la nature sans la
présence rassurante des murs du manège. Courage pour affronter les examens équestres, le public,
la compétition...
La vibration et les sentiments qu’il ressent à l’intérieur sont intenses ; sans doute parce qu’il
lui a fallu une volonté considérable pour assimiler les notions de bases dispensées par un
enseignant criant fort dans la poussière du manège, au milieu des sourires moqueurs d’autres
cavaliers.
Une volonté de fer pour accepter de monter la terreur des cavaliers qu’on vient de lui
attribuer, vous savez bien... celle qui met tout le monde par terre ! Une volonté infinie est nécessaire
pour réussir à dépasser chaque palier où il stagne pendant plusieurs mois dans l’attente du déclic qui
le fera progresser. Volonté de mieux faire, volonté d’aller plus loin, volonté de recommencer,
volonté d’aller encore plus haut !
L’émotion qui l’étreint un jour en comprenant enfin que le cheval aurait bien voulu, mais
qu’il ne comprenait pas exactement ce qui lui était demandé. Ce sentiment est d’une telle intensité
quand il survient, qu’à partir de là, l’humilité nous fait voir les choses, les gens et le monde d’une
façon radicalement différente.
Cette qualité acquise en matière équestre nous permet d’avoir une démarche plus précise et
un comportement plus réfléchi. Ils nous incitent à nous poser les bonnes questions, constituant ainsi
un capital d’expériences dont la somme devient autant d’atouts supplémentaires pour affronter la
dure école de la vie.
L’humilité augmente la possibilité de prendre les meilleures décisions et de trouver de
bonnes réponses. Elle conduit insensiblement sur le chemin laborieux de l’équité.
L’équité est une faculté de jugement, de discrétion et de justesse, qui consiste à mesurer de
plus en plus automatiquement les nuances d’actions à effectuer pour conserver une balance exacte
des aides dans une remise en question permanente du cavalier. En cela, elle permet de faire
intervenir le plus justement possible une ou plusieurs des cinq parties du corps du cavalier tout en
faisant collaborer les autres dans une concordance mutuelle pour que la balance de l’ensemble
cheval-cavalier poursuive, dans l’harmonie et l’équilibre, son évolution au moment où celle-ci
aurait pu être un instant déréglée. Le rêve n'est-ce pas !
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L’équité impose d’être nourrie par une solide expérience, elle même étayée par ce qu’il est
convenu d’appeler la connaissance.
Bien des cavaliers sont seuls à travailler leurs chevaux dans leur coin. Parmi nous, certains
ne se posent pas de questions et “tout baigne dans l’huile” pour eux... Il n’en est pas de même pour
d’autres. Ceux-là sont ennemis du laisser-aller. Souvent, se sont des perfectionnistes qui ne se
contentent pas d’à peu près et si leurs interrogations les laissent sans réponse, le doute qui les
assaille alors, embrume leur existence et assombri leur horizon les laissant en proie aux hésitations
qui paralysent.
Chacun est convaincu que sans une attitude correcte à cheval, il n’est pas d’actions
compréhensibles envisageables. Il n’est pas question, pour moi, de souligner une fois de plus les
problèmes de position qui entraînent des dysfonctionnements dans la coordination des aides. (Le
sujet méritera que j'y revienne plus tard !) Ici, je veux insister sur la difficulté dans laquelle nous
nous trouvons lorsque, seuls, nous sommes à “l’écoute” de l’énorme quantité d’informations émises
par un cheval. Informations que nous devons analyser, utiliser ou classer par ordre de priorité en un
instant, sans que nous soyons aidé par un œil exercé, capable de détecter l’élément majeur qui vient
de nous échapper, de le relever pour qu’il soit résolu en priorité, laissant de côté d’autres détails
secondaires qui pourront trouver une réponse d’autant plus aisément par la suite.
Par exemple, vous êtes concentré sur l’application de vos aides pendant un travail sur le
cercle. Donc, votre main intérieure maintien le pli, la rêne régulatrice extérieure encadre l’épaule du
dehors, la jambe intérieure surveille l’impulsion et l’incurvation pendant que la jambe extérieure est
vigilante, prête à résister au moindre dérapage des hanches. De son côté, le haut du corps absorbe
les secousses des allures, régule la vitesse et participe à l’orientation générale de la trajectoire en
pesant ici ou là... (Plus deux ou trois autres petites choses qui compliqueraient inutilement cet
exposé) Pendant que ces six à huit facteurs agissent, cèdent ou résistent en coordonnant leurs
actions au plus juste, voilà que, miraculeusement, la finesse de vos aides fait céder votre cheval
dans sa mâchoire, dans sa nuque et qu’il monte son dos en rebondissant enfin souplement à chaque
foulée... C’est super ! Mais plus ou moins confusément, au moment où vous vous réjouissez, vous
vous apercevez que le cercle s’élargit et que votre cheval dérive insensiblement à l’extérieure de sa
trajectoire idéale. (Quand on s’en aperçoit, c’est déjà très bien...) Que doit-on privilégier : la
souplesse acquise ou la rectification d’une trajectoire aléatoire ? Il n’est pas évident de répondre
immédiatement à ce genre de problème quand on n’est pas sûr qu’un cheval soit plus ou moins en
avant et qu’on se trouve seul devant ses questions et ses doutes !
Bien que pratiquant une équitation régulière, je suppose que nous sommes peu nombreux à
monter quotidiennement et moins encore à bénéficier du privilège de travailler plusieurs chevaux
par jour. En d’autres temps, nos illustres devanciers avaient couramment cette possibilité et il est
clair qu’en multipliant leurs expériences, ils pouvaient accumuler une quantité de connaissances
fabuleuses en quelques temps pendant que nous devons, nous autres cavaliers du vingtième siècle,
consacrer une vie entière à la pratique pour espérer comprendre la portée des écrits qu’ils nous ont
légués en ces époques révolues.
Moins de chevaux pour nos contemporains, moins d’expériences accessibles, cela signifie
que nous devons attacher un soin particulier à notre formation et ne pas hésiter à nous plonger dans
l’étude des nombreux auteurs équestres pour essayer d’en faire la synthèse, élargissant nos
connaissances et acquérant, du même coup, un complément précieux qui renforcera une technique
encore incomplète.
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Chapitre III :
Le cheval
Ce chef-d'œuvre de la nature, sa beauté, sa puissance, ses qualités physiques, son
tempérament ardent et généreux, possède une sensibilité et une excellente mémoire qui le rendent
particulièrement apte au travail de dressage pour le sport et les loisirs.
L’équitation consiste, pour la femme ou l’homme de cheval, à mettre à profit cette aptitude
pour pouvoir disposer des autres afin de les développer en vue des différents emplois envisagés. Les
cavaliers qui savent y parvenir sont alors maître de cette énergie et de cette puissance animale ; leur
propre intelligence et leur technique venant en aide à la force et à l’instinct du cheval grâce à la
compréhension et la confiance qu’ils auront su obtenir de lui. Alors, nous pourrons lui demander le
meilleur de lui-même pour l’accomplissement d’une performance donnée. Quiconque a quelques
dons, la volonté de travailler et de réfléchir, peut à un niveau plus ou moins élevé, devenir lui aussi
un vrai cavalier et découvrir les mêmes joies. Nul ne l’a fait sans jamais le regretter.
Mais il y a un “mais”. Généralement, on considère volontiers le cheval comme un athlète et,
paradoxalement, il est peu courant de rencontrer des cavaliers qui aient reçu une formation pratique
et théorique les amenant à réaliser ce que sous-entend véritablement ce terme.
Par comparaison, il est bien connu que nos athlètes, renommés ou anonymes, doivent
s’astreindre à un entraînement régulier. Celui-ci devient plus contraignant encore dès qu’une
épreuve entre en perspective. Chacun admet qu’au-delà d’un certain niveau, la préparation devient
drastique et éprouvante si l’on envisage la moindre performance.
Sans avoir nécessairement pratiqué d’autres sports, comme par exemple l’athlétisme, on
imagine aisément la somme considérable d’exercices indispensables, qu'il faut mille fois répéter,
afin de parvenir à une technique correcte. Pour comparer davantage avec les nécessités de notre
pratique équestre, je pourrais utiliser un exemple différent se rapprochant de nos besoins
académiques en les comparant à une autre discipline artistique tout autant exigeante ; celle d’un pas
de deux en chorégraphie. Là aussi il est question de répétitions quotidiennes et de longs exercices à
la barre dont chacun connaît les rigueurs acceptées ; seules conditions permettant d’accéder à une
prestation où ne transparaît qu’aisance, harmonie et beauté.
Ce que l’on conçoit sans trop de difficultés pour d’autres disciplines, il n’est pas si courant
qu’un cavalier perçoive l’évidente obligation “d’offrir” à son cheval, ainsi qu'à lui-même, une
formation élémentaire et appropriée afin d’envisager, ensuite, une pratique moins perturbante donc
plus aisée et moins traumatisante, quelle que soit l’activité souhaitée.
Cette formation et cet entraînement concernent-ils seulement des chevaux d’une valeur
fabuleuse ? Les cavaliers de ces exceptions seraient-ils, seuls, obligés d’investir en temps et en
efforts pour asseoir des espoirs légitimes et rentabiliser leur investissement ?
Pour ma part, j’affirme que NON et j’appuie mon opinion sur le raisonnement suivant :
Quelle que soit l’orientation choisie par un cavalier pour l’emploi de sa monture (cheval de
loisir ou de grand prix) ils sont tous deux dans l’obligation d’évoluer avec la contrainte de la charge
d’un cavalier sur leur dos ! Dans le meilleur des cas, pour un tel cheval, on peut espérer pour lui un
maximum de confort avec un cavalier bien assis ; mieux encore si le cheval en question dispose
d’une heureuse morphologie qui lui permettra d’assurer son service dans un équilibre acceptable
sans préjudice pour son intégrité physique.
Jean Pierre Guiotat – http://www.jpguiotat.com
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N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
Un cheval de promenade ou de compétition sportive – avant même d’envisager pour lui le
début de sa carrière – se trouve dans la situation où vous pourriez vous imaginer vous-même à
quatre pattes sur la moquette, jouant avec un jeune enfant. Sans contrainte de poids, vous arriveriez
pendant quelques temps à vous déplacer dans le jeu ; mais il en ira tout autrement lorsque,
d’aventure, il adviendra que vous transportiez l’enfant sur votre dos dans la même position... Votre
stabilité se trouvera soudainement très compromise, plus encore si le cavalier en herbe que vous
portez se met à s’agiter frénétiquement. (Dans l’excitation, il y en a même qui se mettent à vous
tirer les cheveux ou sur Dieu sait quoi...)
Que votre candidat athlète soit en début de carrière ou en cours de route, vous vous devez de
tout faire pour faciliter la tâche d'un cheval. Simplement en lui faisant faire un peu de
"gymnastique" afin que, progressivement, la charge qu’il supporte ne devienne pas une épreuve
supplémentaire quand elle est déjà aggravée par des actions de mains et de jambes qu’il peut avoir,
quelquefois, bien du mal à traduire ou supporter !
Si, comme d’ordinaire, grâce à la bonne volonté proverbiale des chevaux, les choses se
passent correctement, la partie n’est pas gagnée pour autant car pour qu’un cheval acquiert équilibre
et souplesse dans l’exercice de sa discipline, il faut que le cavalier perfectionne les travaux
d’assouplissements jusqu’à ce que la “balance” (cheval-cavalier) tienne en équilibre en montée et
en descente en extérieur, avant et après un obstacle, pendant et après les transitions montantes et
descendantes en dressage.
Pourquoi un cheval ne tient-il pas tout seul en équilibre ? Si l’on veut comprendre ce qui se
passe, il est nécessaire de revenir très en arrière, après la période de débourrage d’un jeune cheval.
Lorsqu’il a appris à tolérer la contrainte de la présence de l’homme sur son dos et les
répercussions parfois très désagréables qu’il ressent dans sa bouche, le jeune cheval se trouve
d’abord dans un état de déséquilibre physique et parfois mental... Intéressons-nous seulement aux
problèmes physiques ; il y a déjà là, suffisamment à faire !
Ce déséquilibre est dû au surcroît de son poids (plus celui du cavalier qui pèse aussi des
deux tiers de sa masse) sur une avant-main qui n’a pas été préparée à supporter cette surcharge. Le
poulain se trouve alors dans la situation où vous vous trouveriez vous-même, en manquant une
marche d’escalier à chaque pas... Dans cette situation, pour éviter la catastrophe et épargner votre
nez, instinctivement vous tendrez les bras en avant et vous précipiterez l’allure pour tenter de
rattraper votre équilibre compromis.
Il en va de même pour un cheval, sauf qu’en plus, sa tâche est considérablement compliquée
par le transport d’un "sac à dos" parfois bien encombrant. Celui-ci aggrave son problème, d’autant
que, bien trop souvent, “le sac” se rattrape instinctivement et maladroitement sur sa bouche.
Malgré ses difficultés à tenir debout, le jeune cheval devra lutter contre cet ennui douloureux
et supplémentaire si une meilleure approche du problème n’est pas rapidement apportée. Dans le
cas contraire, ce seront les premières grimaces qui apparaîtront. Elles se transformeront rapidement
en une ou plusieurs défenses si rien n’est apporté pour résoudre vraiment sa difficulté.
En persistant dans ses erreurs, le cavalier se trouvera bientôt devant un cheval combatif.
Celui-ci y mettra toutes ses forces (et nous savons qu’elles dépassent démesurément les nôtres...)
puis ce sera l’escalade qui se poursuivra par des confrontations pouvant être dangereuses car un
cheval désespéré est capable de bien des folies. “On” se retrouvera rapidement avec une sorte de
furie qu’“on” qualifiera immédiatement de sale bête alors qu’elle n’y est vraiment pour rien !
Jean Pierre Guiotat – http://www.jpguiotat.com
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N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
J’ai rapidement développé les raisons du déséquilibre d’un cheval et les raisons pour
lesquelles il ne peut pas faire autrement qu’être sur les épaules dans ses débuts (où même plus tard)
Alors, que faut-il faire pour corriger les choses ? Et bien, c’est simple à comprendre, il est
nécessaire de procéder exactement comme nous le faisons tous à pieds dans la même situation... Il
faut que l’arrière rattrape le devant, quand il tombe, de manière à ce que l’édifice se redresse au plus
tôt afin d’éviter une mésaventure imminente.
Hélas sur le terrain, c’est trop souvent le contraire qu’on voit se produire dans cette
situation. Par réflexe, un cavalier inexpérimenté se raccrochera aux rênes pour tenter de retenir la
fuite qui se produit, alors qu’il devrait s’astreindre à éduquer progressivement son cheval en lui
donnant la possibilité d’espérer tenir un jour son rôle de cheval de sport ou de loisir.
Pour que l’arrière-main ait quelques chances de soutenir, petit à petit, ce « chef d'œuvre en
péril », il faut entreprendre un peu de gymnastique de façon à ce que l’arrière du cheval puisse se
charger d’une part de plus en plus importante du poids qui surcharge le devant afin que la balance
arrive à tenir dans un équilibre de plus en plus horizontal.
Comment s’y prend-on ?
Ce serait bien trop facile si nous pouvions, d’un seul coup, faire dépasser les postérieurs des
antérieurs qui les précèdent comme dans les dessins animés! Malheureusement, les articulations du
cheval (comme les nôtres d’ailleurs) ne se mobilisent pas aussi facilement. De plus, lui, il
transporte un bagage quelquefois sérieusement encombrant... Il faut donc que nous nous
astreignions (cavalier et cheval) à réaliser une sorte de rééducation sous la forme de nombreuses
séances de gymnastique.
Un “petit rat”, une ballerine ou une danseuse étoile de l’opéra doivent, les unes et les autres,
se contraindre quotidiennement à des exercices fastidieux à la barre... Un musicien, comme un
concertiste, s’imposent tous les jours de longues répétitions... Pourquoi serions nous dispensé d’un
entretien perfectionné dans notre domaine artistique ? Seul le travail régulier du cavalier avec son
cheval permettra d’accéder à une aisance qui lui rendra le sourire aux lèvres et réjouira l’aimable
assistance
Comment faire ?
Et bien, comme de coutume, il faut commencer par le début ! Pour améliorer l’équilibre,
puisque l’on sait qu’il est pratiquement impossible de faire avancer les deux postérieurs en avant et
ensemble ( il s’agit de rapprocher l’arrière du devant au lieu de contenir ou tirer sur la bouche
parce qu’alors, le derrière se tasserait douloureusement sur le devant ; le dos du cheval ne le
supporterait pas et c’est la bouche qui subirait, en premier, une brutale torture...) il nous faut
donc travailler subtilement afin d'essayer de mobiliser un postérieur à la fois, l’un après l’autre pour
que, plus tard, beaucoup plus tard, on puisse réussir à le faire avec les deux à la fois afin de rétablir
un peu de stabilité. Voyons comment.
La meilleure solution, c’est de familiariser le cheval dès le départ aux prémices du demi-tour
autour des épaules pour favoriser la suite des exercices. Il est inutile qu’il réalise cela correctement
c’est-à-dire sans trop bouger le devant, comme il se doit. Le but est de le familiariser gentiment à
l’intervention d’une jambe de position pour qu’il accepte le déplacement latéral de l'arrière-main.
Même un poulain en fin de débourrage "accepte ces jeux", à condition que son éducateur soit
compréhensif, progressif et tolérant !
Jean Pierre Guiotat – http://www.jpguiotat.com
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N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
Ceci étant assimilé, on poursuivra bientôt par une adaptation de cet exercice au pas, avec
une action de jambe à la sangle, à partir de la piste, le long des pare-bottes ou d’une barrière de
carrière et, à l’occasion, sur le bord d’un chemin si les installations font défaut. On exercera une
rêne d’ouverture extérieure pour que le devant continue sur sa piste en maintenant un pas calme et
régulier pendant qu’on agira, avec la jambe extérieure à la sangle, afin de solliciter le dos du cheval
et d'inciter le postérieur extérieur à passer en avant sous lui pendant quelques foulées seulement ;
ainsi qu’il avait commencé à le faire dans son demi-tour autour des épaules à ses débuts.
Simultanément, les bras doivent contrôler et diminuer l’accompagnement de l’encolure pendant que
le haut du corps surveille la vitesse car, au début, le cheval a toujours tendance à vouloir précipiter
le mouvement.
On s’aperçoit déjà qu’à ce stade, il est indispensable de disposer d’une coordination correcte
des aides ; car c’est comme s’il s’agissait de “jongler” en continuant de marcher en tournant avec
quatre ou cinq balles en même temps. (Plus tard, il faudra savoir le faire avec huit balles et
davantage lorsque nous travaillons en bride !) Quels sont les défauts généralement observés à ce
niveau :
1) La rêne d’ouverture en premier, car elle a une fâcheuse tendance à tirer sur le
côté de l’encolure vers l’arrière. Une véritable rêne d’ouverture n’a rien à voir avec
une main bloquée en direction du pommeau.
2) L’autre rêne ne doit pas se retrouver complètement détendue, ou l'inverse, en
perturbant l’action entreprise de l’autre côté.
3) Ce n’est pas parce qu’on effectue une pression de mollet avec la jambe
d’impulsion ou de position qu’on doit, par réflexe, tirer sur la rêne du même côté.
4) Le haut du corps est chargé du contrôle de la vitesse avec les deux bras restant
très articulés et souples ; il n’est donc pas question qu’il penche du côté de la jambe
prépondérante, tracté par la contraction involontaire des muscles du même côté.
Même si le résultat n’est pas spectaculaire au début, ce qui compte c’est d’en
demander peu à la fois pour répéter l’expérience souvent en effectuant ces exercices aux deux
mains évidemment. Lorsque le cheval et son cavalier se familiarisent avec ces exigences, il devient
nécessaire, ensuite, de les demander au trot pour confirmer cette gymnastique en les alternant par
d’autres assouplissements longitudinaux tels que les transitions montantes et descendantes, en
montant et en redescendant les vitesses jusqu’à l’arrêt. Plus tard, il faudra entreprendre toute une
série d’autres exercices qui perfectionneront l’équilibre jusqu’à ce que "la balance" tienne
d’elle-même dans une certaine légèreté grâce à une souplesse du cheval progressivement
acquise et, surtout, parce qu’elle aura été demandée graduellement avec délicatesse, jusqu'au
résultat espéré. Ce qui n’a rien à voir avec de soit disant succès arrachés après d’amers combats ;
ceux-là, rendent un cheval cassé dans son moral, creux dans son dos et d’une susceptibilité
exacerbée dans sa bouche. Qu’on ne s’étonne pas alors des horreurs qui surviendront
inéluctablement !
Pendant que le cheval modifie progressivement son équilibre et trouve, presque de luimême, les solutions aux nouveaux problèmes que son cavalier lui propose sans bagarre ni
contrainte, (et encore moins en force) le rôle des mains ne doit être que le réceptacle de ce qui se
transmet le long de la colonne vertébrale du cheval jusqu’à nos doigts. Nos mains doivent amortir la
tension qui grandit avec des épaules et des coudes restant souples (un peu comme un oreiller qui
accueillerait la tête du cheval) sans jamais retenir plus qu’elles n’opposent de résistance à
l’exercice que nous demandons.
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N°1 – Un instructeur d'équitation, pour quoi faire ?
Pour réaliser cet objectif délicat réclamant sensibilité et doigté, (que nous pourrions nommer
tact équestre ou “sentiment” (Pierre Chambry) il est indispensable de disposer d’une excellente
assiette. Elle accompagne souplement les secousses et contribue à nous permettre de répondre aux
résistances se produisant immanquablement au cours de l’éducation d’un cheval, afin que le poids
ou la force arrivant dans nos mains soit absorbé par des doigts fermés, tout en étant amorti par le
ressort très souple des coudes et des épaules avec le renfort de la tension du dos et l’aide de nos
abdominaux... Parallèlement à cette opposition passive de la contestation parfois énergique d’un
cheval, devant les siennes, nos propres résistances ont peu de chance d’aboutir à un résultat
positif si les jambes ne collaborent pas à notre action.
Nous avons vu que la pierre angulaire à toute action équestre dépend de la qualité et de la
profondeur de l’assiette. Grâce à elle, dans le cas particulier des résistances (comme en beaucoup
d’autres occasions) les jambes doivent contribuer à fixer l’assiette au fur et à mesure que nous
recevons du poids au bout des mains. Les forces du cheval sont disproportionnées aux nôtres et
dans ce genre de conflit, le haut du corps ne pourrait pas, à lui seul, s’opposer correctement aux
tentatives d’un cheval décidé. Les jambes, qui sont normalement en place derrière la sangle, au
contact et enveloppantes, doivent se fermer autour du cheval proportionnellement avec la même
intensité que celui-ci met d’énergie à combattre les indications de la main. Automatiquement,
comme les mains, elles doivent céder en se relâchant d’autant, dès que le cheval décontracte son
dos et cesse de tirer sur son mors.
Tout cela n’a rien à voir avec des comportements navrants auxquels on assiste généralement
dans ce genre de confrontation avec des cavaliers dépassés s’opposant aux résistances de leurs
chevaux en se raccrochant aux rênes autant qu’ils peuvent, bientôt extirpés de leur selle avec les
deux jambes qui partent en avant... On comprend aisément que, dans ces conditions, sans fixité
souple, il ne peut y avoir aucune efficacité et encore moins le plus petit enseignement positif. Plus
grave encore, sous l’effet de la douleur occasionnée par des mains qui arrachent sa bouche en tirant
dessus tant qu’elles peuvent, un cheval ne peut qu’arriver rapidement à la désespérance. A plus
forte raison si le cavalier se “balade” dans tous les sens au-dessus de lui...
Si l’on est attentif et très progressif, on améliorera obligatoirement l’équilibre d’un cheval.
A l’évidence, ce problème délicat se résoudra d’autant plus aisément si l’on dispose d’un regard
extérieur compétent car les pièges sont nombreux et les vieilles mauvaises habitudes sont tenaces.
Bien des problèmes peuvent être résolus, mais ils réclament des délais. Pour parvenir à un bon
résultat, il est seulement indispensable de prendre le temps de réfléchir sur la valeur de ce que l'on
fait, en s’accordant une infinie patience.
Si ce complément technique n’est pas apporté et finalement acquis, qu’adviendra-t-il du
couple ? Prenons trois exemples parmi d’autres :
•
Le cheval de loisir est utilisé essentiellement en extérieur. Cette évidence posée, le
projet d’envisager de libres et folles galopades au travers des bois et des forêts ne
posera pas de difficultés immédiates, sauf si la nature ne l’a pas doté d’une
morphologie idéale. Dans ce cas, si l’on n’y prend pas garde, ce cheval commencera
par être catalogué de peu sûr parce qu’il montrera un pied fuyant qui le fera
trébucher dans certaines occasions en terrain accidenté. On le qualifiera bientôt
aimablement de véritable fer à repasser parce qu’il n’arrivera, qu’avec disgrâce, à
franchir un tronc ou un fossé. De surcroît, il devra peut-être supporter le triste
qualificatif de ventouse parce qu’en groupe, il collera sans cesse au cheval précédent
avec les risques encourus. Enfin, on le tiendra un jour comme réputé embarqueur
parce qu’il lui arrivera, de plus en plus souvent, de remonter sans permission, la
colonne des autres participants à toute vitesse sans prévenir personne et, de
préférence, dans une descente (ce comportement est diversement apprécié
Jean Pierre Guiotat – http://www.jpguiotat.com
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