Caen-MBA-Fiche oeuvre-Boucher-Pastorale
Transcription
Caen-MBA-Fiche oeuvre-Boucher-Pastorale
Musée des Beaux-Arts de Caen – service des publics Étude d'une œuvre… e XVIII siècle / Rococo Pastorale ou Jeune berger dans un paysage François BOUCHER (Paris, 1703 - Paris, 1770) Fiche technique Pastorale ou Jeune berger dans un paysage François Boucher (Paris, 1703 - Paris, 1770) Daté entre 1739 et 1745 Huile sur toile. H. 0,890 ; L. 1,215 m. Biographie de l'artiste Né à Paris en 1703, François Boucher, est issu d'un milieu modeste. Il est formé dans l'atelier de F. Lemoyne tout en gagnant sa vie en tant qu'illustrateur auprès du graveur F. Cars. er Il démarre vraiment sa carrière de peintre en 1724 en remportant le 1 prix de l'Académie Royale de peinture et de sculpture pour le tableau Elvimérodach délivre Joachim de la prison de Nabuchodonosor. Commence alors pour lui la carrière des honneurs au sein de ladite Académie : académicien en 1734, professeur en 1737, puis directeur en 1765. Il poursuit en parallèle son activité d'illustrateur et travaille également pour les manufactures royales de tapisserie de Beauvais et des Gobelins (réalisation de cartons) ; il s'essaie aussi aux décors de théâtre et d'opéra. Peintre reconnu et à la mode assez tôt dans sa vie, il bénéficie des commandes de la haute société en particulier féminine, séduite par ses compositions mythologiques et scènes galantes. Il réalise ainsi de nombreux travaux de décoration intérieure pour les appartements royaux (chambre de la reine à Versailles, 1734) ou des hôtels particuliers parisiens (Hôtel de Soubise). Peintre de Cour, il devient l'un des artistes protégés par Mme de Pompadour, favorite du roi Louis XV, grâce à laquelle il obtient le titre de premier peintre du roi en 1765, à la mort de Carle Van Loo. François Boucher fut un peintre prolifique et réputé de son vivant pour son art élégant, son univers sensuel et gracieux, mais critiqué à la fin de sa vie ; on lui reprocha une certaine facilité et ses scènes libertines, voire licencieuses (Diderot). Description et analyse du tableau L'œuvre du musée des Beaux-arts de Caen est représentative d'une peinture au rôle ornemental. Il s'agit d'une peinture de commande (dont on ne connaît pas le commanditaire) destinée à être insérée dans un compartiment chantourné à l'intérieur d'un ensemble composant un Étude d'une œuvre : François Boucher, Pastorale Musée des Beaux-Arts de Caen – service des publics programme décoratif pour une pièce donnée (peut-être s'agit-il d'un dessus de porte). La Pastorale est un tableau très construit. On distingue aisément trois ensembles : - au premier plan se trouve une bordure qui occupe toute la largeur du tableau. Constituée d'éléments végétaux dans des tons assez sombres, avec quelques rehauts de couleur, elle est continue mais avec un tracé sinueux dans sa partie supérieure. À noter que les végétaux sont cependant des fantaisies botaniques. - le deuxième plan est formé par les deux parties latérales du tableau qui se répondent. Il s'agit d'un sous-bois au sol irrégulier. La partie gauche est plus importante et plus culturelle : sont mêlés à la végétation, un vase antique sculpté monumental, un sphinx et un bas-relief sculpté. Ces éléments sont présents, parfois à l'identique, dans d'autres œuvres de Boucher. Ils répondent au goût des commanditaires pour l'Antique et la ruine, et portent témoignage de la vogue pour l'art des jardins e à l'anglaise au XVIII siècle. À l'extrémité de cet ensemble se trouve le berger qui, par son attitude, guide le regard vers le fond du tableau. Le personnage du berger mérite une attention particulière. C'est d'évidence un berger d'opérette, dont les vêtements renvoient plus à un costume (richesse des coloris, finesse des bas de soie, fins souliers avec rubans…) qu'à une tenue de travail. Son corps s’appuie contre sa houlette, ce qui lui confère une pose inclinée et assez raide. C’est lui qui conduit le regard du spectateur d’abord en retenant l’attention sur lui (personnage unique, couleur vive des vêtements, position à la limite de deux espaces) puis par son regard en attirant celui du spectateur vers le ciel et donc le fond de l’espace représenté. La partie droite est voulue comme plus naturelle, plus « sauvage ». Les cimes des arbres conduisent elles aussi à l'arrière-plan par leurs formes arrondies qui les relient aux nuages. - la partie centrale du tableau est constituée par le ciel. Le berger, les courbes présentes dans la végétation, qui annoncent les courbes du tourbillon de nuages et la lumière rendue par des couleurs pastel, attirent le regard du spectateur vers le lointain. Ce ciel mouvementé, riche de nuances, est l’objet de la méditation du berger et par ricochet, l’objet de méditation du spectateur. La composition très étudiée du tableau témoigne du métier du peintre en la matière. Il s’agit d’un espace théâtral : la bordure du premier plan fait office d’avant-scène, les deux parties du sous-bois forment des rideaux végétaux, la scène principale est la méditation du berger face au spectacle offert par le ciel. Cette méditation n’a pas encore la gravité de la contemplation romantique de la nature, mais elle la préfigure dans un registre plus léger, où domine la joie de vivre. Cette pastorale est révélatrice de la peinture de style rocaille, à vocation avant tout décorative : les citations répondent au goût des commanditaires (ici les ruines et le berger) et l’artifice l’emporte largement sur le vérisme (motifs sculptés et végétaux fantaisistes, pose et tenue du berger, lieu inventé …). La touche rapide et l’impression de non fini nous indiquent la facilité certaine avec laquelle François Boucher réalisaient certaines de ses toiles, sans toutefois oublier que ce tableau a été réalisé pour être vu de loin et dans un programme décoratif plus vaste, et non pas pour être un objet de contemplation en tant que tel. Étude d'une œuvre : François Boucher, Pastorale Musée des Beaux-Arts de Caen – service des publics REPÈRES La Pastorale Le titre de Pastorale renvoie à un référent important en e peinture et en littérature depuis le XVI siècle : l'évocation d'un monde champêtre et idéalisé. Le modèle romanesque en est L'Astrée d'Honoré d'Urfé, paru entre 1607 et 1627. Ce roman-fleuve eut un succès considérable dans tout l'Europe. D'habitude, François Boucher s'inscrit dans cette tradition en créant un modèle spécifique, plus libertin : un couple de bergers amoureux, richement vêtus, placés dans un cadre bucolique (voir illustration ci-contre). La pastorale de Caen est donc un peu atypique dans l'œuvre de Boucher avec son berger solitaire. Un Automne pastoral Londres, Wallace Collection Le style rocaille Ce type de tableau témoigne par ailleurs du style rocaille qui naît sous la Régence et qui se poursuit sous le règne de Louis XV. Le terme « rocaille » désignait à l'origine les faux rochers recouverts de coquilles utilisés depuis la e Renaissance pour composer des fontaines ou des grottes décoratives. Il est repris au XVIII , d'abord par les ébénistes français pour désigner les formes contournées du mobilier Louis XV, avant de désigner l'art de l'époque de Louis XV dans son ensemble. Après un art grandiose à l'époque de Louis XIV, le goût de la Cour évolue en effet vers plus de légèreté, des pièces de plus petites dimensions, des formes plus souples. La peinture est intégrée dans l'architecture (boiseries) et associée à d'autres corps de métier ayant un objet décoratif (sculpteurs, tapissiers, ébénistes…). François Boucher est le grand peintre du style rocaille, avec en particulier, l'utilisation des courbes et contre-courbes et la recherche de la dissymétrie. Le style rocaille se situe dans la filiation du Baroque puisqu'il s'adresse plus aux sens qu'à l'esprit. On le qualifie parfois en France de style « Pompadour » et à l'étranger (et ultérieurement en France) de style « rococo ». Caractéristiques : couleurs tendres et nacrées, formes rondes et adoucies, spirales et irrégularités, instantanéité, art du plaisir, inspiration exotique, aucune dimension spirituelle, symbole de luxe et de jouissance, éclatement des formes et des structures, thèmes champêtres, surenchère dans la décoration… Étude d'une œuvre : François Boucher, Pastorale