Le Rideau Levé

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Le Rideau Levé
Mirabeau
Le Rideau Levé
− Collection Romans / Nouvelles −
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Table des matières
Le Rideau Levé...........................................................................................1
Le Rideau Levé....................................................................................2
À CYTHÈRE.......................................................................................3
LAURE À EUGÉNIE..........................................................................5
ÉDUCATION DE LAURE.................................................................8
HISTOIRE DE ROSE.......................................................................49
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Le Rideau Levé
Auteur : Mirabeau
Catégorie : Romans / Nouvelles
Je t'envoie, cher Chevalier, un petit manuscrit gaillard.
Tu aurais de la peine à t'imaginer où je l'ai pris. C'est une bagatelle sortie
d'une jolie main de mon sexe ; et c'est un délassement badin adressé dans
un cloître.
Licence : Domaine public
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Le Rideau Levé
ou l'éducation de Laure
Retirez−vous, censeurs atrabilaires ;
Fuyez, dévots, hypocrites ou fous ;
Prudes, guenons, et vous, vieilles mégères :
Nos doux transports ne sont pas faits pour vous.
Le Rideau Levé
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À CYTHÈRE
MDCC LXXXVIII
LETTRE DE SOPHIE AU CHEVALIER D'OLZAN
Je t'envoie, cher Chevalier, un petit manuscrit gaillard.
Tu aurais de la peine à t'imaginer où je l'ai pris. C'est une bagatelle sortie
d'une jolie main de mon sexe ; et c'est un délassement badin adressé dans
un cloître. Comment un tel bréviaire se put−il introduire parmi les guimpes
d'une religieuse ? C'est ce que mes yeux eurent de la peine à me
persuader ; rien n'est cependant plus vrai, cher Chevalier, et c'était un
présent digne de sa destination. L'amour n'est point étranger dans ces
lieux ; le sentiment constitue le naturel du beau sexe ; la sensibilité forme
la principale partie de son essence ; la volupté exerce un empire vainqueur
sur ces êtres délicats. A ces dispositions originaires, qu'on joigne les effets
échauffants d'une imagination exaltée dans la retraite et l'oisiveté, on
trouvera la raison de cette fureur intestine qui nous maîtrise dans les
couvents.
C'est ainsi que les femmes de ces pays, où les hommes jaloux les tiennent
prisonnières, trouvent si précieuses des jouissances dont l'idée habituelle
qu'elles en ont n'est point contrebalancée par d'autres objets de dissipation.
Dans la société, un tumulte de soins et de plaisirs énerve les passions au
lieu de les concentrer ; l'éclat séduisant d'une vaine coquetterie entraîne les
femmes les plus sensuelles ; l'amour impétueux reste en partage à la
solitude obscure et mélancolique : il n'est donc pas étonnant que les
mystères consignés ici se soient glissés dans une cellule pour en occuper
tendrement les loisirs.
Ton absence me rendait tout le monde à charge, et ma soeur, la religieuse,
me sollicitait d'aller passer quelques jours avec elle : je me suis rendue à
son envie. Ah ! cher ami, que je suis pénétrée, quoique sa soeur, des
À CYTHÈRE
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Le Rideau Levé
tourments qu'elle doit endurer. Elle a le coeur tendre, l'esprit vif, le goût
délicat ; elle possède les grâces et la beauté ; elle s'est trouvée cloîtrée
avant de se connaître. A sa place, que je serais malheureuse, moi qui ai
moins qu'elle de droit au bonheur ! Elle attendait avec impatience une amie
qui devait bientôt la rejoindre. Dès le premier jour, elle m'en parla avec des
transports d'une tendresse inouïe ; elle me la dépeignait avec des couleurs
tout à fait animées : elle tournait sans cesse la conversation sur cet objet
intéressant. Elle reçut de sa part un coffre très joli ; il était plein de petits
ustensiles et de chiffons propres à une religieuse.
Il attira les regards, selon l'usage, des bonnes Mères tourières et
supérieures, toutes plus curieuses ordinairement que rusées. Une
découverte précieuse leur échappa. Ma soeur m'ayant laissée seule, la
curiosité me prit à mon tour.
Je m'aperçus que le fond était bien épais pour une si petite boîte ; en effet,
il se trouva double, et il renfermait le petit détail que je t'envoie. J'en ai
secrètement tiré copie dans les heures de prière de ma recluse. Puisse la
lecture que te procure la main de ton amante te dérober des moments aux
belles de Paris ! Ton absence me tue. Rapporte−moi, cher Chevalier, ton
coeur et ma vie, ainsi que ce joli manuscrit : nous le relirons ensemble.
Le chevalier d'olzan y a substitué d'autres noms, et l'a fait imprimer, sans
toucher au style ; il a pensé que la plume d'une femme ne pouvait être que
mal taillée par la main d'un homme.
À CYTHÈRE
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LAURE À EUGÉNIE
Loin de moi, imbéciles préjugés, il n'y a que les âmes craintives qui vous
soient asservies : Eugénie, accablée d'ennui dans sa solitude, exige de sa
chère Laure ce petit amusement tendre. Il n'y a plus rien qui puisse me
retenir.
Oui, ma chère Eugénie, ces moments délicieux, dont je t'ai quelquefois
entretenue dans ton lit ; ces transports des sens, dont nous avons cherché à
répéter les plaisirs dans les bras l'une de l'autre ; ces tableaux de ma
jeunesse, dont nous avons voulu réaliser la volupté : eh bien ! pour te
satisfaire, je vais, sous des traits ressemblants, les retracer ici.
Tout ce que j'ai fait et pensé dès ma plus tendre enfance, tout ce que j'ai vu
et ressenti va reparaître sous tes yeux.
Je ferai renaître dans toi ces sensations vives, ces mouvements précieux,
dont l'ivresse a tant de charmes. Mes expressions seront vraies, naturelles
et hardies ; j'oserai même dessiner de ma main des figures dignes du sujet
et de tes désirs enflammés ; je ne crains pas de manquer d'énergie.
Eugénie, c'est toi qui m'inspires et qui m'échauffes. Tu es ma Vénus et mon
Apollon ; mais garde−toi, chère amie, que ma confidence échappe de tes
mains ; souviens−toi que tu es dans le sanctuaire de l'imbécillité ou de la
dissimulation : celles même des religieuses qui sont dans la bonne foi ont
un zèle mille fois moins à craindre que celles qui goûtent, sous un voile
hypocrite, la volupté la plus exquise et la plus raffinée. Tu ne serais que
criminelle aux yeux des unes, et les autres crieraient hautement à l'infamie.
Le bonheur des femmes aime partout l'ombre et le mystère ; mais la crainte
et la décence donnent du prix à leurs plaisirs. Cet ouvrage−ci ne doit
jamais voir le jour : il n'est point fait pour les yeux du vulgaire ; il serait
indigné de la franchise d'une femme, et son impertinente crédulité lui
donne de l'horreur pour la nudité des productions de la nature.
Tu ne le croirais pas, ma chère Eugénie, c'est que les hommes, même les
plus libres, nous envient jusqu'aux privautés de l'imagination. Ils ne
veulent nous permettre que les plaisirs qu'ils nous départissent. Nous ne
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Le Rideau Levé
sommes, à leurs yeux, que des esclaves qui ne devons rien tenir que de la
main du maître impérieux qui nous a subjuguées.
Tout est pour eux, ou doit se rapporter à eux ; ils deviennent des tyrans dès
qu'on ose diviser leurs plaisirs ; ils sont jaloux, si l'on ose s'envisager à son
tour. Égoïstes, ils prétendent l'être seuls, et que personne ne le soit.
Dans les plaisirs qu'ils prennent avec nous, il en est peu qui pensent à nous
les faire partager. Il y en a même qui cherchent à s'en procurer en nous
tourmentant et en nous faisant éprouver des traitements douloureux. A
quelles bizarreries leur extravagance ne les porte−t−elle pas ? Leur
imagination ardente, fougueuse et remplie d'écarts s'éteint avec la même
facilité qu'elle s'allume ; leurs désirs licencieux, sans frein, inconstants et
perfides errent d'un objet vers l'autre. Par une contradiction perpétuelle
avec leurs sentiments, ils exigent que nous ne jouissions pas des privilèges
qu'ils se sont arrogés ; nous, dont la sensibilité est plus grande, dont
l'imagination est encore plus vive et plus inflammable par la nature de
notre constitution.
Ah ! les cruels qu'ils sont ! Ils veulent anéantir nos facultés, tandis que
notre froideur insipide ferait leur tourment et leur malheur. Quelques−uns,
à la vérité, suivent une ligne écartée du tourbillon ordinaire ; mais il serait
toujours imprudent de nous dévoiler à leurs yeux.
Cet ouvrage ne serait pas moins déplacé devant ces êtres engourdis que
l'amour ne peut émouvoir : je parle de ces femmes flegmatiques que les
empressements des hommes aimables ne peuvent exciter, et de ces graves
personnages que la beauté ne peut réveiller. Il en existe, Eugénie, de ces
animaux indéfinis, parés du titre fastueux de virtuoses et de philosophes,
livrés à l'effervescence d'une bile noire, aux vapeurs sombres et
malfaisantes de la mélancolie, qui fuient le monde dont ils sont méprisés :
ces gens−là, comme la vieillesse inutile, blâment amèrement tous les
plaisirs dont ils sont déchus.
Il en est d'autres, au contraire, d'un tempérament fougueux, mais que les
préjugés de l'éducation et la timidité ont enthousiasmés pour le nom d'une
vertu dont ils ne connurent jamais l'essence ; ils détournent les éjaculations
naturelles de leur coeur pour en diriger les élans vers des êtres fantastiques.
L'amour est un dieu profane qui ne mérite pas leur encens ; et si, sous le
nom d'hymen, ils lui sacrifient quelquefois, ils deviennent des fanatiques
LAURE À EUGÉNIE
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Le Rideau Levé
qui, sous le titre d'honneur, déguisent leur dure jalousie. C'est pour nous un
blasphème que d'exprimer l'amour.
Ainsi, ma chère Eugénie, il ne faut choquer personne ; gardons nos
confidences libertines pour nous égayer dans le particulier ; c'est à toi seule
que je veux ouvrir mon coeur ; c'est uniquement pour toi que je ne
couvrirai d'aucune gaze les tableaux que je mettrai sous tes yeux. Ils seront
cachés pour les autres, ainsi que les libertés que nous avons prises
ensemble.
Il n'y a que l'amitié ou l'amour qui puissent arrêter des regards de
complaisance sur les objets licencieux que ma plume et mes crayons vont
tâcher d'exprimer.
LAURE À EUGÉNIE
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ÉDUCATION DE LAURE
Je sortais de ma dixième année ; ma mère tomba dans un état de langueur
qui, après huit mois, la conduisit au tombeau. Mon père, sur la perte
duquel je verse tous les jours les larmes les plus amères, me chérissait ; son
affection, ses sentiments si doux pour moi se trouvaient payés, de ma part,
du retour le plus vif.
J'étais continuellement l'objet de ses caresses les plus tendres ; il ne se
passait point de jour qu'il ne me prît dans ses bras et que je ne fusse en
proie à des baisers pleins de feu.
Je me souviens que ma mère, lui reprochant un jour la chaleur qu'il
paraissait y mettre, il lui fit une réponse dont je ne sentis pas alors
l'énergie. Mais cette énigme me fut développée quelque temps après :
− De quoi vous plaignez−vous, madame ? Je n'ai point à en rougir : si
c'était ma fille, le reproche serait fondé, je ne m'autoriserais pas même de
l'exemple de Loth ; mais il est heureux que j'aie pour elle la tendresse que
vous me voyez : ce que les conventions et les lois ont établi, la nature ne l'a
pas fait ; ainsi brisons là−dessus.
Cette réponse n'est jamais sortie de ma mémoire. Le silence de ma mère
me donna dès cet instant beaucoup à penser, sans parvenir au but ; mais il
résulta de cette discussion et de mes petites idées que je sentis la nécessité
de m'attacher uniquement à lui, et je compris que je devais tout à son
amitié. Cet homme, rempli de douceur, d'esprit, de connaissance et de
talents, était formé pour inspirer le sentiment le plus tendre.
J'avais été favorisée de la nature ; j'étais sortie des mains de l'amour. Le
portrait que je vais faire de moi, chère Eugénie, c'est d'après lui que je le
trace. Combien de fois m'as−tu redit qu'il ne m'avait point flattée : douce
illusion dans laquelle tu m'entraînes, et qui m'engage à répéter ce que je lui
ai entendu dire souvent ! Dès mon enfance, je promettais une figure
régulière et prévenante ; j'annonçais des grâces, des formes bien prises et
dégagées, la taille noble et svelte ; j'avais beaucoup d'éclat et de blancheur.
L'inoculation avait sauvé mes traits des accidents qu'elle prévient
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Le Rideau Levé
ordinairement ; mes yeux bruns, dont la vivacité était tempérée par un
regard doux et tendre, et mes cheveux d'un châtain cendré, se mariaient
avantageusement.
Mon humeur était gaie ; mais mon caractère était porté, par une pente
naturelle, à la réflexion.
Mon père étudiait mes goûts et mes inclinations ; il me jugea : aussi
cultivait−il mes dispositions avec le plus grand soin. Son désir particulier
était de me rendre vraie avec discrétion. Il souhaitait que je n'eusse rien de
caché pour lui : il y réussit aisément. Ce tendre père mettait tant de
douceur dans ses manières affectueuses qu'il n'était pas possible de s'en
défendre. Ses punitions les plus sévères se réduisaient à ne me point faire
de caresses, et je n'en trouvais point de plus mortifiantes.
Quelque temps après la perte de ma mère, il me prit dans ses bras :
− Laurette, ma chère enfant, votre onzième année est révolue, vos larmes
doivent avoir diminué, je leur ai laissé un terme suffisant ; vos occupations
feront diversion à vos regrets, il est temps de les reprendre... Tout ce qui
pouvait former une éducation brillante et recherchée partageait les instants
de mes jours. Je n'avais qu'un seul maître, et ce maître c'était mon père :
dessin, danse, musique, sciences, tout lui était familier.
Il m'avait paru facilement se consoler de la mort de ma mère ; j'en étais
surprise, et je ne pus enfin me refuser de lui en parler.
− Ma fille, ton imagination se développe de bonne heure, je puis donc à
présent te parler avec cette vérité et cette raison que tu es capable
d'entendre. Apprends donc, ma chère Laure, que, dans une société dont les
caractères et les humeurs sont analogues, le moment qui la divise pour
toujours est celui qui déchire le coeur dés individus qui la composent, et
qui répand la douleur sur leur existence. Il n'y a point de fermeté ni de
philosophie pour une âme sensible, qui puisse faire soutenir ce malheur
sans chagrin, ni de temps qui en efface le regret. Mais quand on n'a pas
l'avantage de sympathiser les uns avec les autres, on ne voit plus la
séparation que comme une loi despotique de la nature, à laquelle tout être
vivant est soumis. Il est d'un homme sensé, dans une circonstance pareille,
de supporter comme il convient cet arrêt du sort auquel rien ne peut se
soustraire, et de recevoir avec sang−froid et une tranquillité modeste,
absolument dégagée d'affectation et de grimaces, tout ce qui le soustrait
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Le Rideau Levé
aux chaînes pesantes qu'il portait.
“ N'irai−je pas trop loin, ma chère fille, si, dans l'âge où tu es, je t'en dis
davantage ? Non, non, apprends de bonne heure à réfléchir et à former ton
jugement, en le dégageant des entraves du préjugé, dont le retour journalier
t'obligera sans cesse d'aplanir le sillon qu'il tâchera de se tracer dans ton
imagination. Représente−toi deux êtres opposés par leur humeur, mais unis
intimement par un pouvoir ridicule, que des convenances d'état ou de
fortune, que des circonstances qui promettaient en apparence le bonheur,
ont déterminés ou subjugués par un enchantement momentané dont
l'illusion se dissipe à mesure que l'un des deux laisse tomber le masque
dont il couvrait son caractère naturel : conçois combien ils seraient
heureux d'être séparés. Quel avantage pour eux, s'il était possible, de
rompre une chaîne qui fait leur tourment et imprime sur leurs jours les
chagrins les plus cuisants, pour se réunir à des caractères qui sympathisent
avec eux ! Car ne t'y trompe pas, ma Laurette, telle humeur qui ne convient
pas à tel individu s'allie très bien avec un autre, et l'on voit régner entre eux
la meilleure intelligence, par l'analogie de leurs goûts et de leur génie. En
un mot, c'est un certain rapport d'idées, de sentiments, d'humeur et de
caractère qui fait l'aménité et la douceur des unions ; tandis que
l'opposition qui se trouve entre deux personnes, augmentée par
l'impossibilité de les séparer, fait le malheur et aggrave le supplice de ces
êtres enchaînés contre leur gré !
− Quel tableau ! quelles images ! Cher papa, tu me dégoûtes davantage du
mariage. Est−ce là ton but ?
− Non, ma chère fille ; mais j'ai tant d'exemples à ajouter au mien que j'en
parle en connaissance de cause ; et pour appuyer ce sentiment si
raisonnable, et même si naturel, lis ce que le président de Montesquieu en
dit dans ses Lettres persanes, à la cent−douzième. Si l'âge et des lumières
acquises te mettaient dans le cas de le combattre par les prétendus
inconvénients qu'on voudrait y trouver, il me serait facile de les lever et de
donner les moyens de les parer ; je pourrais donc te rendre compte de
toutes les réflexions que j'ai faites à ce sujet ; mais ta jeunesse ne me met
pas à même de m'étendre sur un objet de cette nature.
Mon père termina là.
C'est à présent, tendre amie, que tu vas voir changer la scène. Eugénie !
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Le Rideau Levé
chère Eugénie ! Passerai−je outre ? Les cris que je crois entendre autour de
moi soulèvent ma plume, mais l'amour et l'amitié l'appuient : je poursuis.
Quoique mon père fût entièrement occupé de mon éducation, après deux
ou trois mois, je le trouvai rêveur, inquiet ; il semblait qu'il manquait
quelque chose à sa tranquillité. Il avait quitté, depuis la mort de ma mère,
le séjour où nous demeurions pour me conduire dans une grande ville, et se
livrer entièrement aux soins qu'il prenait de moi ; peu dissipé, j'étais le
centre où il réunissait toutes ses idées, son application et toute sa tendresse.
Les caresses qu'il me faisait, et qu'il ne ménageait pas, paraissaient
l'animer ; ses yeux étaient plus vifs, son teint plus coloré, ses lèvres plus
brûlantes. Il prenait mes petites fesses, il les maniait, il passait un doigt
entre mes cuisses, il baisait ma bouche et ma poitrine. Souvent il me
mettait totalement nue, et me plongeait dans un bain. Après m'avoir
essuyée, après m'avoir frottée d'essences, il portait ses lèvres sur toutes les
parties de mon corps, sans en excepter une seule ; il me contemplait, son
sein paraissait palpiter, et ses mains animées se reposaient partout : rien
n'était oublié.
Que j'aimais ce charmant badinage, et le désordre où je le voyais ! Mais au
milieu de ses plus vives caresses il me quittait, et courait s'enfoncer dans sa
chambre.
Un jour, entre autres, qu'il m'avait accablée des plus ardents baisers, que je
lui avais rendus par mille et mille aussi tendres, où nos bouches s'étaient
collées plusieurs fois, où sa langue même avait mouillé mes lèvres, je me
sentis tout autre. Le feu de ses baisers s'était glissé dans mes veines ; il
m'échappa dans l'instant où je m'y attendais le moins ; j'en ressentis du
chagrin. Je voulus découvrir ce qui l'entraînait dans cette chambre dont il
avait poussé la porte vitrée, qui formait la seule séparation qu'il y avait
entre elle et la mienne ; je m'en approchai, je portai les yeux sur tous les
carreaux dont elle était garnie ; mais le rideau qui était de son côté,
développé dans toute son étendue, ne me laissa rien apercevoir, et ma
curiosité ne fit que s'en accroître.
Le surlendemain de ce jour, on lui remit une lettre qui parut lui faire
plaisir. Quand il en eut fait la lecture :
− Ma chère Laure, vous ne pouvez rester sans gouvernante ; on m'en
envoie une qui arrivera demain : on m'en a fait beaucoup d'éloges, mais il
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est nécessaire de la connaître pour juger s'ils ne sont point outrés...
Je ne m'attendais nullement à cette nouvelle ; je t'avoue, chère Eugénie,
qu'elle m'attrista : sa présence me gênait déjà, sans savoir pourquoi, et sa
personne me déplaisait, même avant de l'avoir vue.
En effet, Lucette arriva le jour qu'elle était annoncée.
C'était une grande fille très bien faite, entre dix−neuf et vingt ans : belle
gorge, fort blanche, d'une figure revenante sans être jolie ; elle n'avait de
régulier qu'une bouche très bien dessinée, des lèvres vermeilles, les dents
petites, d'un bel émail et parfaitement rangées. J'en fus frappée d'abord.
Mon père m'avait appris à connaître une belle bouche en me félicitant cent
fois sur cet avantage. Lucette unissait à cela un excellent caractère,
beaucoup de douceur, de bonté, et une humeur charmante. Mon amitié,
malgré ma petite prévention, se porta bientôt vers elle, et j'ai eu lieu de m'y
attacher fortement. Je m'aperçus que mon père la reçut avec une
satisfaction qui répandit la sérénité dans ses yeux.
L'envie et la jalousie, ma chère, sont étrangères à mon coeur, rien ne me
paraît plus mal fondé. D'ailleurs, ce qui fait naître les désirs des hommes
ne tient souvent pas à notre beauté, ni à notre mérite : ainsi, pour notre
propre bonheur, laissons−les libres, sans inquiétude. Il y en a dont
l'infidélité est souvent un feu léger, qu'un instant voit disparaître aussitôt
qu'il a brillé. S'ils pensent, s'ils réfléchissent, bientôt on les voit revenir
auprès d'une femme dont l'humeur douce et agréable les met dans
l'impossibilité de vivre sans elle. S'ils ne pensent pas, la perte est bien
faible.
Eh ! quelle folie de s'en tourmenter !
Je ne raisonnais pas encore avec autant de sagacité ; cependant, je ne
sentais point de jalousie contre Lucette :
il est vrai que ses amitiés, ses caresses et celles que mon père continuait de
me faire, la bannissaient loin de moi. Je n'apercevais de différence que
dans la réserve qu'il observait lorsque Lucette était présente, mais je
donnais cette conduite à la prudence. Un temps se passa de cette manière,
pendant lequel je m'aperçus enfin de ses attentions pour elle. Toutes les
occasions qui pouvaient s'en présenter, il ne les laissait point échapper.
Cependant, mon affection pour Lucette fut bientôt d'accord avec celle de
mon père.
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Le Rideau Levé
Lucette avait désiré coucher dans ma chambre, et mon père s'y était prêté.
Le matin, à son réveil, il venait nous embrasser ; j'étais dans un lit à côté
d'elle. Cet arrangement, et le prétexte de venir me voir, lui donnait la
facilité de s'amuser avec nous, et de faire à Lucette toutes les avances qu'il
pouvait hasarder devant moi. Je voyais bien qu'elle ne le rebutait pas, mais
je ne trouvais pas qu'elle répondît à ses empressements comme je l'aurais
fait et le désirais d'elle ; je ne pouvais en concevoir la raison. Je jugeais par
moi−même, et je croyais qu'en aimant avec tant de tendresse ce cher papa,
tout le monde devait avoir mon coeur, penser et sentir comme moi. Je.ne
pus me refuser de lui en faire des reproches :
− Pourquoi, ma bonne, n'aimez−vous pas mon papa, lui qui paraît avoir
tant d'amitié pour vous ? Vous êtes bien ingrate...
Elle souriait à ces reproches, en m'assurant que je les lui faisais
injustement. En effet, cet éloignement apparent ne tarda pas à se dissiper.
Un soir, après le repas, nous rentrâmes dans la pièce que j'occupais ; il
nous présenta de la liqueur. Une demi−heure était à peine écoulée que
Lucette s'endormit profondément ; il me prit alors entre ses bras et,
m'emportant dans sa chambre, il me fit mettre dans son lit. Surprise de cet
arrangement nouveau, ma curiosité fut à l'instant réveillée. Je me relevai
un moment après et courus d'un pas léger à la porte vitrée où j'écartai le
bord du rideau.
Je fus bien étonnée de voir toute la gorge de Lucette entièrement
découverte. Quel sein charmant ! deux demi−globes d'une blancheur de
neige, du milieu desquels sortaient deux fraises naissantes d'une couleur de
chair plus animée, reposaient sur sa poitrine ; fermes comme l'ivoire, ils
n'avaient de mouvement que celui de sa respiration. Mon père les
regardait, les maniait, les baisait et les suçait : rien ne la réveillait. Bientôt,
il lui ôta tous ses habits, et la porta sur le bord du lit qui était en face de la
porte où j'étais. Il releva sa chemise ; je vis deux cuisses d'albâtre, rondes
et potelées, qu'il écarta, j'aperçus alors une petite fente vermeille, garnie
d'un poil fort brun ; il l'entrouvrit ; il y posa les doigts en remuant la main
avec activité : rien ne la retirait de sa léthargie. Animée par cette vue,
instruite par l'exemple, j'imitai sur la mienne les mouvements que je
voyais. J'éprouvais une sensation qui m'était inconnue.
Mon père la coucha dans le lit, et vint à la porte vitrée pour la fermer. Je
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Le Rideau Levé
me sauvai, et courus m'enfoncer dans celui où il m'avait mise. Aussitôt que
j'y fus étendue, profitant des lumières que je venais d'acquérir, et
réfléchissant sur ce que j'avais vu, je recommençai mes frottements. J'étais
toute en feu ; cette sensation que j'avais éprouvée s'augmenta par degrés, et
parvint à une telle énergie que mon âme, concentrée dans le milieu de
moi−même, avait quitté toutes les autres parties de mon corps pour ne
s'arrêter que dans cet endroit : je tombai pour la première fois dans un état
inconnu dont j'étais enchantée.
Revenue à moi, quelle fut ma surprise, en me tâtant au même endroit, de
me trouver toute mouillée. J'eus dans le premier instant une vive
inquiétude, qui se dissipa par le souvenir du plaisir que j'avais ressenti, et
par un doux sommeil qui me retraça pendant la nuit, dans des songes
flatteurs, les agréables images de mon père caressant Lucette. J'étais même
encore endormie quand il vint, le lendemain, me réveiller par ses
embrassements, que je lui rendis avec usure.
Depuis ce jour, ma bonne et lui me parurent de la meilleure intelligence,
quoiqu'il ne restât plus, le matin, si longtemps près de nous. Ils
n'imaginaient pas que je fusse au fait de rien et, dans leur sécurité, ils se
faisaient dans la journée mille agaceries, qui étaient ordinairement le
prélude des retraites qu'ils allaient souvent faire ensemble dans sa
chambre, où ils restaient assez longtemps. J'imaginais bien qu'ils allaient
répéter ce que j'avais déjà vu ; je ne poussais pas alors mes idées plus loin ;
cependant, je mourais d'envie de jouir encore du même spectacle. Tu vas
juger, ma chère, du violent désir qui me tourmentait : il était enfin arrivé,
cet instant où je devais tout apprendre.
Trois jours après celui dont je viens de te rendre compte, voulant, à
quelque prix que ce fût, satisfaire mon désir curieux, lorsque mon père fut
sorti et ma bonne occupée, j'imaginai de mettre une soie au coin du rideau
et de la faire passer par le coin opposé d'un des carreaux. Cet arrangement
préparé, je ne tardai pas à en profiter. Le lendemain, mon père, qui n'avait
sur lui qu'une robe de taffetas, entraîna Lucette qui était aussi légèrement
vêtue :
ils prirent le soin de fermer exactement la porte et d'arranger le rideau ;
mais j'avais vaincu tous les obstacles et mon expédient me réussit, au
moins en partie. Ils n'y eurent pas été deux minutes qu'impatiente je fus à
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Le Rideau Levé
la porte, et je soulevai faiblement le rideau. J'aperçus Lucette. Ses tétons
étaient entièrement découverts ; mon père la tenait dans ses bras et la
couvrait de ses baisers. Mais, tourmenté de désirs, bientôt jupes, corset,
chemise, tout fut à bas. Qu'elle me parut bien dans cet état ! et que j'aimais
à la voir ainsi !
la fraîcheur et les grâces de la jeunesse étaient répandues sur elle. Chère
Eugénie, la beauté des femmes a donc un pouvoir bien singulier, un attrait
bien puissant, puisqu'elle nous intéresse aussi ! Oui, ma chère, elle est
touchante, même pour notre sexe, par ses belles formes arrondies, le satiné
et le coloris brillant d'une belle peau ! Tu me l'as fait ressentir dans tes
bras, et tu l'as éprouvé comme moi.
Mon père fut bientôt dans un état pareil à celui où il avait mis Lucette.
Cette vue m'attacha par sa nouveauté.
Il l'emporta sur un lit de repos que je ne pouvais découvrir.
Dévorée par ma curiosité, je ne ménageai plus rien, je levai le rideau
jusqu'à ce que je puisse les voir entièrement. Rien ne fut soustrait à mes
regards puisque rien ne gênait leurs plaisirs. Lucette, couchée sur lui, les
fesses en l'air, les jambes écartées, me laissait apercevoir toute l'ouverture
de sa fente, entre deux petites éminences grasses et rebondies. Cette
situation, que je devais au hasard, semblait prise pour satisfaire
entièrement ma curieuse impatience. Mon père, les genoux élevés,
présentait plus distinctement à mes yeux un vrai bijou, un membre gros,
entouré de poils à la racine, où pendait une boule au−dessous ; le bout en
était rouge, et demi−couvert d'une peau qui paraissait pouvoir se baisser
davantage. Je le vis entrer dans la fente de Lucette, s'y perdre et reparaître
tour à tour. Ils se baisaient avec des transports qui me firent juger des
plaisirs qu'ils ressentaient. Enfin, je vis cet instrument ressortir tout à fait,
le bout totalement découvert, rouge comme le carmin et tout mouillé,
jetant une liqueur blanche qui, s'élançant avec impétuosité, se répandit sur
les fesses de Lucette.
Conçois, chère Eugénie, dans quelle situation je me trouvais moi−même,
ayant sous mes yeux un pareil tableau !
Vivement émue, emportée par des désirs que je n'avais pas encore connus,
je tâchais au moins de participer à leur ivresse. Chère amie, que ce retour
sur mes jeunes années est encore agréable pour moi !
ÉDUCATION DE LAURE
15
Le Rideau Levé
Enfin, l'attrait du plaisir me retint trop longtemps dans mon embuscade, et
mon imprudence me trahit. Mon père, qui jusque−là avait été trop hors de
lui pour penser à ce qui l'entourait, vit, en se dégageant des bras de
Lucette, le coin du rideau levé ; il m'aperçut ; il s'enveloppa dans sa robe
en s'approchant de la porte ; je me retirai avec précipitation ; il vint
examiner le rideau et y découvrit ma manoeuvre ; il se fixa près de la porte
pendant que Lucette se rhabillait. Voyant qu'il restait, je m'imaginai qu'il
n'avait rien aperçu. Curieuse de ce qu'ils faisaient encore dans cette
chambre, je retournai au carreau. Quelle fut ma surprise quand j'y vis le
visage de mon père ! La foudre tombée sur moi ne m'eût pas causé plus de
frayeur. Mon stratagème n'avait pas entièrement réussi ; le rideau n'avait
pu redescendre de lui−même comme je m'en étais flattée ; cependant, il ne
fit semblant de rien dans cet instant.
J'avais aperçu que Lucette était déjà rhabillée ; il revint avec elle et
l'envoya veiller à l'ordre de la maison. Je me trouvai seule avec lui. Il
s'approcha pour examiner l'ouvrage que j'avais eu à faire : juge, ma chère,
à quel point il en était ! J'étais pâle et tremblante. Quel fut mon étonnement
quand ce cher et tendre papa me prit dans ses bras et me donna cent
baisers !
− Rassure−toi, ma chère Laurette ; qui peut t'inspirer la terreur que je te
vois ! Ne crains rien, ma chère fille, tu sais la manière dont j'ai toujours agi
vis−à−vis de toi ; je ne te demande rien que la vérité ; je désire que tu me
regardes plutôt comme ton ami que comme ton père. Laure, je ne suis que
ton ami, je veux qu'en cette qualité tu sois sincère avec moi. Ma Laure, je
l'exige aujourd'hui : ne me déguise rien et dis−moi ce que tu faisais
pendant que j'étais avec Lucette, et pourquoi l'arrangement singulier de ce
rideau.
Sois vraie, je t'en conjure, et sans détour, tu n'auras pas lieu de t'en
repentir. Mais si tu ne l'es pas, tu me refroidiras pour toi et tu peux compter
sur un couvent.
Le nom de cette retraite m'avait toujours effrayée. Que je la connaissais
peu ! Je mettais alors une différence totale à être renfermée dans ce séjour
ou d'être chez mon père.
D'ailleurs, je ne pouvais pas douter qu'il ne fût assuré que j'avais tout vu ;
et je m'étais enfin toujours si bien trouvée de ne lui avoir jamais caché la
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
vérité que je ne balançai point à lui rendre compte de tout ce qui m'était
connu depuis l'instant où il m'avait emportée, lorsque ma bonne s'était
endormie, jusqu'à celui auquel il venait de me rejoindre.
Chaque détail que je lui faisais, chaque tableau que je retraçais, loin
d'allumer sa colère, était payé par des baisers et des caresses. Je balançais
néanmoins à lui dire que je m'étais procuré des sensations aussi nouvelles
pour moi, qu'elles m'avaient paru délicieuses. Mais il en eut le soupçon :
− Ma chère Laurette, tu ne me dis pas tout encore...
Et, passant sa main sur mes fesses en me baisant :
− Achève. Tu ne dois ni ne peux rien me cacher, rends−moi compte de
tout...
Je lui avouai que je m'étais procuré, par un frottement semblable à celui
que je lui avais vu faire à Lucette, un plaisir des plus vifs, dont j'avais été
toute mouillée, et que j'avais répété trois ou quatre fois depuis ce jour−là.
− Mais, ma chère Laure, voyant ce que j'enfonçais à Lucette, cela ne
t'a−t−il pas donné l'idée de t'enfoncer le doigt ?
− Non, cher papa, je n'en ai pas seulement eu la pensée.
− Prends garde, Laurette, de m'en imposer. Tu ne peux me cacher ce qui en
est ; viens me faire voir si tu as été sincère...
− De tout mon coeur, cher papa... Je ne t'ai rien déguisé.
Il me donna pour lors les noms les plus tendres. Nous passâmes dans sa
chambre et, m'étendant sur le lit de repos, il me troussa et m'examina avec
beaucoup d'attention ; puis, entrouvrant un peu les bords de ma fente, il
voulut y mettre le petit doigt. La douleur qu'il me faisait, annoncée par mes
plaintes, l'arrêta.
− Elle est tout enflammée, ma chère enfant ; je vois cependant que tu ne
m'as pas trompé : sa rougeur vient sans doute du frottement auquel tu t'es
amusée pendant que j'étais avec Lucette...
J'en convins, et je lui avoua_ ! même que je n'avais pu me procurer le
plaisir que je cherchais. La sincérité de ma bouche fut récompensée d'un
baiser de la sienne. Il la porta même, et fit frétiller sa langue, sous un
endroit qui en éprouvait une sensation délicieuse. Ce genre de caresse me
parut neuf et divin, et, pour porter l'enchantement à son comble, ce
membre que j'avais vu parut à mes yeux ; je le pris involontairement d'une
main, et, de l'autre, j'écartai tout à fait la robe de mon père : il me laissa
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Le Rideau Levé
faire. Je tenais et voyais enfin de près ce bijou charmant que j'avais déjà si
bien distingué entre les cuisses de Lucette. Que je le trouvais aimable et
singulier ! Je sentis dès ce moment qu'il était le véritable mobile des
plaisirs. Cette peau, qui haussait et baissait par les mouvements de ma
main, en couvrait et découvrait le bout ; mais quelle ne fut pas ma surprise
lorsque, après quelques moments de ce badinage, je le vis répandre la
liqueur dont les fesses de ma bonne avaient été inondées. Il y mêlait des
transports et des redoublements de caresses que je partageais. Le plaisir
produisait en moi l'effet le plus vif. Bientôt, il passa dans mes sens et y mit
une émotion indicible. Sa langue continuait son exercice, j'étais
suffoquée...
− Ah ! cher papa, achève !... holà ! je me meurs !... Je me pâmai dans ses
bras.
Depuis ce temps, tout fut pour moi une source de lumières ; ce que je
n'avais pas conçu jusqu'alors se développa dans l'instant. Mon imagination
s'ouvrit entièrement ; elle saisissait tout ; il semblait que l'instrument que je
touchais fût la clef merveilleuse qui ouvrit tout à coup mon entendement.
Je sentis alors cet aimable papa me devenir plus cher, et ma tendresse pour
lui prendre un accroissement incroyable : tout son corps fut livré au plaisir
dans mes mains ; mes baisers et mes caresses sans nombre se succédaient
sans interruption, et le feu qu'elles excitaient en lui m'animait à les
multiplier.
Il me ramena dans ma chambre, où ma bonne revint quelques instants
après. Je ne prévoyais pas ce qu'il allait lui dire :
− Lucette, il est désormais inutile que nous nous gênions pour Laure, elle
en sait autant que nous.
Et il lui répéta tout ce que je lui avais détaillé, en lui montrant le jeu du
rideau. Elle en parut affectée ; mais je me jetai à son cou et mes caresses,
unies aux raisons dont il la tranquillisa, dissipèrent le petit chagrin qu'elle
avait témoigné. Il nous embrassa en recommandant à ma bonne de ne point
me quitter. Il sortit, et revint une heure après avec une femme qui, dès
qu'elle fut entrée, me fit déshabiller et prit sur moi la mesure d'une sorte
d'ajustement dont je ne pouvais concevoir ni la forme ni l'usage.
Quand l'heure de se coucher fut venue, il me mit dans le lit de Lucette en la
priant de veiller sur moi. Il nous laissa. Mais l'inquiétude le ramenant
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Le Rideau Levé
bientôt près de nous, il se mit dans le même lit. J'étais entre elle et lui ; il
me tenait embrassée et, couvrant de sa main l'entre−deux de mes cuisses, il
ne me laissait pas y porter la mienne. Je pris alors son instrument, qui me
causa beaucoup de surprise en le trouvant mou et pendant. Je ne l'avais
point encore vu dans cet état, m'imaginant au contraire qu'il était toujours
gros, raide et relevé : il ne tarda pas à reprendre, dans ma main, la fermeté
et la grosseur que je lui connaissais. Lucette, qui s'aperçut de nos actions,
étonnée de sa conduite ne pouvait la concevoir, et me fit beaucoup de
peine par son propos :
− La manière, monsieur ! dont vous agissez avec Laurette a lieu de me
surprendre. Vous, monsieur, vous, son père !...
− Oui et non, Lucette. C'est un secret que je veux bien confier à votre
discrétion et à celle de Laure, qui y est assez intéressée pour le garder. Il
est même nécessaire, par les circonstances, de vous en faire part à l'une et
l'autre.
“ Il y avait quinze jours que je connaissais sa mère, quand je l'épousai. Je
découvris dès le premier jour l'état où elle était ; je trouvai qu'il était de la
prudence de n'en rien faire paraître. Je la menai dans une province
éloignée, sous un nom de terre, afin qu'on ne pût rassembler les dates. Au
bout de quatre mois, Laure vint au monde, jouissant de la force et de la
santé d'un enfant de neuf mois bien accomplis. Je restai six mois encore
dans la même province et je les ramenai toutes deux au bout de ce terme.
Vous voyez à présent l'une et l'autre que cette enfant, qui m'est devenue si
chère, n'est point ma fille suivant la nature : absolument étrangère pour
moi, elle n'est ma fille que par affection. Le scrupule intérieur ne peut donc
exister, et toute autre considération m'est indifférente, avec de la prudence.
Je me souvins aussitôt de la réponse qu'il avait faite à ma mère : le silence
qu'elle observa dans ce moment ne me parut plus extraordinaire. Je le dis à
Lucette dont l'étonnement cessa d'abord.
− Mais comment donc en avez−vous agi vis−à−vis de votre épouse lorsque
cet événement fut à votre connaissance ?
− Tout simplement ; j'ai vécu toujours avec elle d'une manière indifférente,
et je ne lui en ai jamais parlé que la seule fois dont Laure vient de vous
rendre compte ; encore y avait−elle donné lieu. Le comte de Norval, à qui
elle doit le jour, est un cavalier aimable, bien fait et d'une figure
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
intéressante, doué des qualités qui plaisent aux femmes. Je ne fus point
étonné qu'elle se fût livrée à son penchant.
Cependant, elle ne put l'épouser, ses parents ne le trouvant pas assez riche
pour elle. Mais si Laure ne m'est rien par le sang et la nature, la tendre
affection que j'ai conçue pour cette aimable enfant me la fait regarder
comme ma fille et me la rend peut−être plus chère. Néanmoins, cet
événement fut cause que je n'approchai jamais de sa mère, me sentant pour
elle une opposition que sa fausseté fit naître et que je n'ai pu vaincre,
d'autant plus que son caractère et son humeur ne faisaient que l'augmenter.
Ainsi, je ne tiens à ma chère Laurette que par les liens du coeur, ayant
trouvé en elle tout ce qui pouvait produire et m'inspirer l'attachement et
l'amitié la plus tendre.
Ma bonne m'embrassa et me fit cent caresses qui dénotaient que le
scrupule et ses préjugés étaient enfin totalement effacés. Je les lui rendis
avec chaleur : je pris ses tétons, que je trouvais si jolis ; je les baisais, j'en
suçais le bout. Mon père passa la main sur elle ; il rencontra la mienne qu'il
prit ; il me la promena sur le ventre de Lucette, sur ses cuisses. Sa peau
était d'un velouté charmant ; il me la porta sur son poil, sur sa motte, sur sa
fente : j'appris bientôt le nom de toutes ces parties. Je mis mon doigt où je
jugeai bien que je lui ferais plaisir. Je sentis dans cet endroit quelque chose
d'un peu dur et gonflé.
− Bon ! Ma Laure, tu tiens l'endroit sensible, remue la main et ne quitte pas
son clitoris tandis que je mettrai mon doigt dans son petit conin...
Lucette me serrait entre ses bras, me caressait les fesses ; elle prit le vit de
mon papa, le mit entre mes cuisses, mais il n'enfonçait ni ne s'agitait.
Bientôt ma bonne ressentit l'excès du plaisir ; ses baisers multipliés, ses
soupirs nous l'annoncèrent :
− Holà ! holà ! vite, Laurette !.., chère amie, enfonce... Ah ! je décharge !...
je me meurs !...
Que ces expressions de volupté avaient de charmes pour moi ! Je sentis
son petit conin tout mouillé ; le doigt de mon papa en sortit tout couvert de
ce qu'elle avait répandu. Ah ! chère Eugénie, que j'étais animée ! Je pris la
main de Lucette, je la portai entre mes cuisses ; je désirais qu'elle fit pour
moi ce que je venais de faire pour elle ; mais mon papa, couvrant de sa
main ma petite motte, arrêta ses mouvements, suspendit mes desseins. Il
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Le Rideau Levé
était trop voluptueux pour n'être pas ménagé des plaisirs. Il modérait ses
désirs ; il suspendit mon impatience et nous recommanda d'être tranquilles.
Nous nous endormîmes entre les bras les uns des autres, plongés dans la
plus agréable ivresse. Je n'avais pas encore passé de nuit qui me plût
autant.
Nous étions au milieu des caresses du réveil, lorsque mon père fit ouvrir à
cette femme qu'il avait fait venir la veille. Quels furent ma surprise et mon
chagrin lorsqu'elle mit sur moi un caleçon de maroquin doublé de velours
qui, me prenant au−dessous des hanches, ne descendait qu'au milieu des
cuisses ! Tout était assez lâche, et ne me gênait point ; la ceinture,
seulement, me prenait juste la taille, et avait des courroies semblables au
caleçon, qui passaient par−dessus mes épaules et qui étaient assemblées en
haut par une traverse pareille, qui tenait de l'une à l'autre. On pouvait
élargir tout cet assemblage autant qu'on le jugeait à propos. La ceinture
était ouverte par−devant, en prolongeant plus de quatre doigts au−dessous.
Le long de cette ouverture, il y avait des oeillets des deux côtés, dans
lesquels mon père passa une petite chaîne de vermeil délicatement
travaillée, qu'il ferma d'une serrure à secret :
− Ma chère Laure, aimable enfant, ta santé et ta conservation
m'intéressent : le hasard t'a instruite sur ce que tu ne devais savoir qu'à
dix−huit ans. Il est nécessaire que je prenne des précautions contre tes
connaissances et contre un penchant que tu tiens de la nature et de l'amour.
Tu apprendras du temps à m'en savoir gré, et tout autre moyen n'irait point
à ma façon de penser, et à mes desseins.
Je fus d'abord très fâchée, et je ne pouvais cacher l'humeur que j'en avais.
Mais j'ai trop bien appris depuis combien je lui en devais de
reconnaissance.
Il avait prévu à tout. Au bas de ce caleçon était une petite gondole d'argent,
dorée en dedans, qui était de la largeur de l'entre−deux de mes cuisses ;
toute ma petite motte y était renfermée. Elle se prolongeait, en
s'élargissant, par une plaque qui s'étendait quatre doigts au−dessous de
mon petit conin, et elle se terminait en pointe arrondie jusqu'au trou de
mon cul, sans aucune incommodité. Elle était fendue en long, et cette fente
s'ouvrait et se fermait, par des charnières à plat, en écartant ou resserrant
les cuisses. Un canal d'anneaux à charnières plates, de même métal, y était
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Le Rideau Levé
attaché et me servait de conduit. Ce caleçon avait un trou rond, assez
grand, vis−à−vis celui de mon cul, qui me laissait la liberté de faire toutes
les fonctions nécessaires sans l'ôter. Mais il m'était impossible d'introduire
le doigt dans mon petit conin, et encore moins de le branler, point essentiel
que mon père voulait éviter, et dont la privation me faisait le plus de peine.
J'ai pensé bien des fois depuis, ma chère, qu'on ferait bien d'employer
quelque chose de semblable pour les garçons, afin d'éviter les épuisements
où ils se plongent avant l'âge. Car, de quelque façon qu'on veille sur eux, la
société qu'ils ont ensemble ne leur apprend que trop, et trop tôt, la manière
de s'y livrer.
Pendant quatre ou cinq années qui se sont écoulées depuis ce jour−là, tous
les soirs mon père ôtait lui−même ce caleçon ; Lucette le nettoyait avec
soin et me lavait. Il examinait s'il me blessait, et il me le remettait. Depuis
ce moment, jusqu'à l'âge de seize ans, je ne le quittai pas.
Durant tout ce temps, mes talents s'accrurent, et j'acquis des lumières dans
tous les genres. Une curiosité naturelle me faisait désirer d'apprendre les
raisons de tout ; chaque année voyait augmenter mes connaissances, et je
ne cessais de chercher à en acquérir. Je m'étais accoutumée à
l'emprisonnement où j'étais, et la perspective de la fin m'avait rendu
supportable le temps où j'y étais condamnée. Je m'étais fait une raison de
cette nécessité d'autant plus aisément qu'elle ne m'empêchait pas de jouir
des caresses que je faisais ou de celles dont j'étais témoin, puisque j'avais
mis ma bonne et mon papa dans le cas de n'être pas gênés par ma présence.
Parmi toutes les questions que je lui faisais, je n'oubliais guère celle où je
trouvais le plus d'intérêt. Plus j'avançais en âge, plus la nature parlait en
moi, avec d'autant plus de force que leurs plaisirs l'animaient vivement.
Aussi lui demandais−je souvent sur quelles raisons était fondée la nécessité
de la contrainte où il me tenait, et quel était le sujet des précautions qu'il
avait prises vis−à−vis de moi. Il m'avait toujours renvoyée à un âge plus
avancé. J'étais enfin dans ma seizième année lorsqu'il me donna la solution
de cette demande :
− Puis−je donc à la fin, cher papa, savoir quelles sont les causes qui vous
ont engagé de me faire porter ce fâcheux caleçon, puisque vous m'assurez
avoir tant de tendresse pour votre Laurette ? Ma bonne est plus heureuse
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
que moi, ou vous m'aimez moins qu'elle. Expliquez−moi donc aujourd'hui
les vues qui vous y ont déterminé.
− Cette même tendresse, cette même affection que j'ai pour toi, ma chère
fille, ne te fait plus regarder comme une enfant. Tu es à présent dans l'âge
où l'on peut t'instruire à peu près de tout, et peut−être le dois−je encore
plus avec toi.
“Apprends donc, ma Laurette, que la nature, chez l'homme, travaille à
l'accroissement des individus jusqu'à quinze ou seize ans. Ce terme est plus
ou moins éloigné suivant les sujets, mais il est assez général pour ton sexe.
Cependant, il n'est dans le complément de sa force qu'à dix−sept ou
dix−huit ans. Dans les hommes, la nature met plus de temps à acquérir sa
perfection. Lorsqu'on détourne ses opérations par des épanchements
prématurés et multipliés d'une matière qui aurait dû servir à cet
accroissement, on s'en ressent toute la vie et les accidents qui en résultent
sont des plus fâcheux. Les femmes, par exemple, ou meurent de bonne
heure, ou restent petites, faibles et languissantes, ou tombent dans un
marasme, un amaigrissement qui dégénère en maux de poitrine dont elles
sont bientôt les victimes, ou elles privent leur sang d'un véhicule propre à
produire leurs règles dans l'âge ordinaire, et d'une manière avantageuse, ou
elles sont enfin sujettes à des vapeurs, à des crispations de nerfs, à des
vertiges, ou à des fureurs utérines, à l'affaiblissement de la vue et au
dépérissement ; elles terminent leurs jours dans un état quelquefois fort
triste. Les jeunes gens essuient des accidents à peu près semblables ; ils
traînent des jours malheureux, s'ils ne meurent pas prématurément.
Cet affreux tableau, chère Eugénie, m'effraya et m'engagea de lui
témoigner ma reconnaissance de son amitié et de ses soins en mettant de
bonne heure obstacle au penchant que je me sentais pour le plaisir et la
volupté. La vie me paraissait agréable, et, quelque goût que j'eusse pour le
plaisir, je ne voulais point l'acheter, lui disais−je, aux dépens de mes jours
et de ma santé.
− Je l'ai reconnu d'abord en toi, ma chère Laurette, ce penchant ; je savais
que, dans l'âge où tu étais, toutes les raisons du monde ne pouvaient en
détourner ; c'est ce qui m'a fait prendre des précautions que tu n'as pu
vaincre, et que je n'ai pas dessein de lever encore. Il serait même
avantageux qu'elles pussent être mises en usage pour toutes sortes de
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
jeunes gens que des circonstances imprévues, ou des personnes
imprudentes, ont malheureusement instruits beaucoup trop tôt.
La frayeur d'une santé délabrée, la crainte d'une mort prématurée, se
présentaient vivement à mon imagination ; cependant, ce que je lui avais
vu faire à Lucette, et la manière dont il vivait avec elle, suspendaient en
quelque sorte l'énergie de ses images, la force et l'effet de ses raisons : je
ne pus me refuser de lui faire part de mes doutes :
− Pourquoi donc, cher papa, ne prenez−vous pas avec ma bonne les mêmes
précautions qu'avec moi ? Pourquoi lui procurez−vous souvent, au
contraire, ce que vous me refusez entièrement ?
− Mais, ma fille, fais donc attention que Lucette est dans un âge
absolument formé, qu'elle n'abandonne que le superflu de son existence,
que c'est le temps où elle peut nourrir dans son sein d'autres êtres et que,
dès cet instant, elle a plus qu'il ne faut pour la conservation du sien, ce qui
s'annonce si bien par l'exactitude de ses règles. Il ne faut pas te cacher non
plus, ma chère Laurette, que, chez elle, une trop grande quantité de
semence retenue, en refluant dans son sang, y porterait le feu et le ravage,
ou, en stagnant dans les parties qui la séparent du reste des humeurs,
pourrait se corrompre ou embarrasser la circulation ; elle serait exposée,
peut−être, à des accidents aussi dangereux que ceux de l'épuisement : tels
sont les vapeurs, les vertiges, la démence, les accès frénétiques et autres.
N'en voit−on pas des exemples fâcheux dans certains monastères où le
cagotisme règne en despote, et où rien ne soulage de malheureuses recluses
qui n'ont pas l'esprit de se retourner ?
“ L'extravagance monacale a inventé de mêler dans leurs boissons des
décoctions de nénuphar ou des infusions de nitre en vue de détourner les
dispositions d'une nature trop active ; mais, pris un certain temps, ces
palliatifs deviennent sans effet, ou détruisent tellement l'organisation de
l'estomac et la santé de ces prisonnières qu'il leur en survient des fleurs
blanches, des défaillances, des oppressions et des douleurs internes
pendant le peu de temps qu'il leur reste à vivre. Il y a même de ces endroits
où la sottise est portée au point de traiter de même leurs pensionnaires, et
souvent elles sortent de ces maisons, ou cacochymes, ou avec le genre
nerveux attaqué, ou hors d'état de produire leur espèce, soit par la
ÉDUCATION DE LAURE
24
Le Rideau Levé
destruction des germes, soit par l'inertie où cet usage a plongé les forces de
la nature et l'esprit vital ; et c'est à quoi les parents qui chérissent leurs
enfants ne font pas assez d'attention.
“ Apprends encore, ma chère Laure, qu'à un certain âge la fougue du
tempérament commence à s'éteindre, ce qui arrive plus tôt chez les uns que
chez les autres par une disposition et qualité différentes des liqueurs qui
sont en nous, ou par une diminution de sensibilité dans les organes. Cette
semence, alors refluée dans le sang, se tourne en embonpoint, qui
quelquefois devient monstrueux par la suppression totale des
épanchements, et ces individus, loin d'être propres à l'union des sexes, y
sont même indifférents et ne conçoivent presque plus comment on peut y
être sensible.
“ Mais, ma chère enfant, dans l'âge où le superflu commence à s'annoncer,
où le feu du tempérament est un ardent brasier, si l'on s'en dégage avec la
prudence qu'il est nécessaire de conserver, loin de nuire à sa santé, loin de
faire tort à sa beauté, on entretient l'une et l'autre dans toute la vigueur et
dans toute la fraîcheur qu'elles peuvent avoir. Cependant, ma Laurette, il y
a bien de la différence dans les moyens. Une femme, entre les bras d'un
homme, est bien plus animée par la différence du sexe : combien l'est−elle
plus à proportion du goût qu'elle a pour lui ? Elle l'est même par l'approche
et l'attouchement d'une personne du sien qui lui plaît. L'imagination et la
nature se prêtent avec bien plus de facilité et beaucoup moins d'efforts que
si elle se procurait d'elle−même et seule ces sensations voluptueuses.
Apprécie donc mieux à présent la conduite que je tiens entre Lucette et toi.
− Eh bien ! cher papa, car je vous donnerai toujours ce nom, je me rends à
des raisons si solides et je conçois votre prudence ; mais à quel âge
ferez−vous donc avec moi ce que vous faites avec elle ? Cet instant
manque à ma félicité puisque je ne puis remplir tous vos désirs et les
satisfaire dans toute leur étendue.
− Attends, fille charmante, que la nature parle en notre faveur d'une
manière intelligible. Tes tétons n'ont point encore acquis leur forme ; le
duvet qui couvre les lèvres de ton petit conin est encore trop faible, à peine
a−t−il porté les premières fleurs ; attends un peu plus de force : alors, chère
Laurette, enfant de mon coeur, c'est de ta tendresse que je recevrai ce
présent ; tu me laisseras cueillir cette fleur que je cultive ; mais attendons
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
cet heureux instant.
Ne crois pas cependant, ma chère fille, qu'à cette époque je te laisse livrée
tout à fait à toi−même : dans une constitution robuste, cet instant arrivé
suffit souvent, encore est−il nécessaire de se ménager ; mais dans un
tempérament délicat, il faut pousser l'attention bien plus loin et contraindre
jusqu'à dix−sept ou dix−huit ans, où les femmes sont dans toute leur force,
les penchants qu'elles peuvent avoir à se laisser aller aux attraits de la
volupté.
Tout ce qu'il me disait, Eugénie, s'imprimait fortement dans ma mémoire ;
ses raisonnements me paraissaient appuyés sur des fondements des plus
solides, et sa complaisance à répondre sans déguisement à mes questions
m'engageait à lui en faire de nouvelles. Lucette, si profondément endormie
la première fois que je les découvris ensemble, formait un mystère pour
moi que je désirais d'éclaircir. Un jour, enfin, je lui en demandai la raison :
− Pourquoi, cher papa, Lucette dormait−elle si fort le premier jour que
vous lui découvrîtes les tétons et que vous rites avec elle tout ce que vous
désiriez sans qu'elle s'éveillât ? Ce sommeil était−il réel ou feint ?
− Très réel, ma chère Laure, mais c'est mon secret.
Dois−je t'en instruire ? Oui, cet exemple pourra te devenir utile pour t'en
garantir. Je t'avoue que depuis longtemps le besoin me tourmentait ; j'étais
souvent très animé avec toi, je ne pouvais me satisfaire. Je vis Lucette, elle
me plut et parut me convenir de toutes manières. Mais, voyant qu'elle
reculait et balançait à se rendre à mes désirs, je pris mon parti : je lui fis
avaler quinze ou vingt gouttes d'une potion dormitive dans le verre de
liqueur que je lui donnai ; tu en as vu l'effet. Mais je ne me contentai pas
de cela : je redoutais le moment de son réveil et je craignais que la surprise
et la colère ne l'emportassent trop loin. Pour l'éviter, j'avais préparé
d'avance une composition capable d'exciter la nature à la concupiscence :
c'est ce qu'on appelle un philtre. Quand je t'eus portée dans mon lit, je
revins en prendre trois ou quatre gouttes dans ma main, dont je frottai toute
sa motte, son clitoris et l'entre−deux des lèvres. Cette liqueur a même la
propriété d'exciter un homme affaibli, et de le faire bander s'il s'en frotte à
la même dose le périnée et toutes les parties quelque temps avant d'entrer
en lice. Lucette ne fut pas une heure couchée qu'elle s'éveilla ; elle
ressentait une démangeaison, une ardeur, une passion que rien ne pouvait
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
éteindre. Elle ne parut point étonnée de me voir dans ses bras ; elle les
passa autour de moi, et loin d'opposer de la résistance à mes caresses et à
mes désirs, tout émue par les siens elle écarta d'elle−même les genoux, et
bientôt je goûtai les plaisirs les plus vifs, que je lui fis partager. Mais
attentif aux suites qui pouvaient en arriver, au moment où je sentis la
volupté prête à s'élancer comme une flamme, je me retirai et j'inondai sa
motte et son ventre d'une copieuse libation que je répandis sur l'autel où je
portais alors tous mes voeux.
“ Depuis ce moment, Lucette s'est toujours prêtée à mes volontés, et c'est
par sa complaisance, mon inattention et la curiosité que je ne soupçonnais
pas de ton âge que tu as découvert ce mystère. Elle ignore ce que je viens
de t'apprendre, et tu dois garder ma confidence.
− Soyez−en assuré, cher papa, mais achevez−la, je vous prie, tout entière.
Ne craignez−vous pas de lui faire un enfant si vous ne vous retirez pas
toujours à temps ? En est−on absolument le maître ? N'est−on pas
quelquefois emporté par le plaisir, et la crainte qu'on peut avoir de ses
suites n'en diminue−t−elle pas l'étendue et l'excès ?
− Ah ! ma fille, jusqu'où ton imagination curieuse ne va−t−elle pas ? Je
vois bien que je ne dois rien te cacher. Si je ne te garantissais pas de tout
événement, je ferais sans doute une folie de t'éclairer ; mais je ne risque
rien avec toi, et ta raison est au−delà de ton âge.
“ Apprends donc que la semence qui n'est point dardée dans la matrice ne
peut rien produire ; qu'elle ne peut s'y rendre lorsqu'on intercepte le
sucement qui lui est ordinaire. Cela reconnu, plusieurs femmes ont imaginé
de repousser, par un mouvement interne, la semence, au moment où elles
croyaient leur amant dans les délices du plaisir ; mais pour qu'elles aient
cette liberté d'esprit, il ne faut pas qu'elles le partagent, privation bien
dure ; encore rien n'est−il moins assuré. Des hommes ont pensé qu'en se
retirant presque à l'entrée il n'y avait rien à craindre. Mais ils se trompent,
la matrice étant une pompe avide. D'ailleurs, il y a des hommes qui,
emportés par les délicieuses sensations qu'ils éprouvent, ne sont pas
maîtres de se retirer à temps. L'inquiétude, la crainte des suites diminuent
ordinairement l'excès du plaisir. Mais un moyen auquel on peut avoir la
plus grande confiance est celui que j'emploie avec Lucette ; il donne la
liberté de se livrer sans inquiétude à tous les transports, et le feu du plaisir.
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27
Le Rideau Levé
J'engageai donc ta bonne, depuis le jour où tu nous as découverts, à se
munir avant nos embrassements d'une éponge fine avec un cordon de soie
délicat qui la traverse en entier, et qui sert à la retirer. On imbibe cette
éponge dans l'eau mélangée de quelques gouttes d'eau−de−vie ; on
l'introduit exactement à l'entrée dé la matrice, afin de la boucher ; et quand
bien même les esprits subtils de la semence passeraient par les pores de
l'éponge, la liqueur étrangère qui s'y trouve, mêlée avec eux, en détruit la
puissance et la nature. On sait que l'air même suffit pour la rendre sans
vertu. Dès lors, il est impossible que Lucette fasse des enfants.
− J'avais déjà pressenti, cher papa, l'utilité de cette éponge, mais j'en
désirais l'explication, et celle que tu m'en donnes satisfait toutes mes idées.
− Je t'avoue, ma Laurette, qu'elle est un effet de ma tendresse pour toi, et
c'est un aveu que je ne m'attendais pas à te faire, surtout dans un âge aussi
tendre ; de pareils secrets sont propres à chasser bien loin la timidité de
beaucoup de filles que la crainte des suites retient le plus souvent.
Je n'ai pas oublié cette découverte dans le besoin. Je t'en ai déjà fait part,
chère Eugénie, de cette ressource favorable et salutaire à laquelle tu as eu
assez de foi, sur ma propre expérience, pour te livrer à ta tendresse et aux
sollicitations de ton amant.
Telle était une partie des conversations que nous mêlions à nos plaisirs, à
nos caresses et aux autres instructions qu'il me donnait, dont il avait l'art de
me faire profiter sans peine. Les livres de toutes espèces étaient entre mes
mains ; il n'y en avait aucun d'excepté : mais il dirigeait mon goût sur ceux
qui traitaient des sciences, aussi loin qu'ils pouvaient convenir à mon sexe.
Je veux t'en donner un échantillon, et un léger précis dans une matière où
je l'avais souvent questionné :
− Peux−tu concevoir, ma Laure, et fixer un point d'arrêt sur l'immensité
dont notre globe est environné ? Pousse−la aussi loin que ton imagination
puisse l'étendre, à quelle distance inconcevable seras−tu encore du but ?
Que penses−tu qui remplisse cet espace immense ? Des éléments dont la
nature et le nombre sont et seront toujours inconnus ; il est impossible de
savoir s'il n'y en a qu'un seul dont les modifications présentent à nos yeux
et à notre pensée ceux que nous apercevons, ou si chacun de ces éléments a
une racine absolument propre qui ne puisse être convertie en une autre.
ÉDUCATION DE LAURE
28
Le Rideau Levé
Dans une ignorance si parfaite de la nature des choses dont nous faisons
tous les jours usage, il paraît ridicule que les hommes aient fixé le nombre
de ces éléments : rien n'est plus digne de la sphère étroite de leurs idées, et
néanmoins, à les entendre, il semble qu'ils aient assisté aux dispositions de
l'Ordonnateur éternel. Mais enfin, qu'ils soient un ou plusieurs,
l'assemblage de leurs parties forme les corps et se trouve uni dans un
nombre très multiplié de globules de feu et de matière qui paraît inerte aux
yeux préoccupés. Que penses−tu donc de ces points de feu brillants connus
parmi nous sous le nom d'étoiles ? Eh bien ! ma fille, ce sont de vastes
globes enflammés semblables à notre soleil, établis pour éclairer, échauffer
et donner la vie à une multitude de globes terrestres, peut−être chacun
aussi peuplé que le nôtre. Quelques−uns ont cru qu'ils étaient placés là
pour nous éclairer pendant la nuit ; l'amour−propre leur fait rapporter tout à
nous, afin que tout aille à eux. Et de quoi nous servent−ils, ces globes,
quand l'air est obscurci par les nuages ou les vapeurs ? La lune paraîtrait
plutôt être destinée à cet office ; elle nous éclaire dans l'absence du soleil,
même à travers les parties nébuleuses qui couvrent souvent notre horizon ;
et cependant ce n'est pas là son unique destination : on ne peut même
affirmer qu'elle n'est pas un monde, dont les habitants doutent si nous
existons et sont peut−être assez stupides pour se flatter de jouir seuls de la
magnificence des cieux ; peut−être aussi sont−ils plus pénétrants, plus
ingénieux que nous, ou pourvus de meilleurs organes, et qu'ils savent juger
plus sainement des choses. Les planètes sont des terres comme la nôtre,
peuplées sans doute de végétaux et d'animaux différents de ceux que nous
connaissons, car rien dans la nature n'est semblable.
“ Dans ce point de vue, et parmi cette infinité de boules de matière, que
devient notre terre ? Un point qui fait nombre parmi les autres. Et nous !
fourmis répandues sur cette boule, que sommes−nous donc pour être le
type, le point central et le but où se rendent les prétendues vérités dont on
berce l'enfance ?
C'est à peu près ainsi que mon père tâchait chaque jour de tracer dans mon
esprit des impressions de philosophie.
Je lui demandai un jour :.
− Quel est cet Être créateur de tout, que je sentais mal défini dans les
notions qu'on m'en avait données ?
ÉDUCATION DE LAURE
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Le Rideau Levé
Il me dit :
− Cet Être magnifique est incompréhensible ; il est senti sans être connu ;
c'est nos respects qu'il exige ; il méprise nos spéculations. S'il existe
plusieurs éléments, c'est de ses mains qu'ils sortent ; il les a créés par la
puissance de sa volonté : il est donc l'âme de l'univers. S'il n'existe qu'un
élément, il ne peut être que lui−même : connaissons−nous les bornes de
son pouvoir ? N'a−t−il pas pu dépendre de lui de se transformer dans la
matière que nous voyons, dont nous ne connaissons ni la nature ni
l'essence ? Et ce qu'il a pu faire dans un temps, ne l'a−t−il pas pu de toute
éternité ? C'en est assez, ma chère enfant, pour le présent ; quand tu seras
dans un âge plus avancé, j'écarterai de tout mon pouvoir les voiles qui
couvrent la vérité.
Mon père se plaisait à me faire lire des livres de morale dont nous
examinions les principes, non sous la perspective vulgaire, mais sous celle
de la nature. En effet, c'est sur les lois dictées par elle et imprimées dans
nos coeurs qu'il faut la considérer. Il la réduisait à ce seul principe, auquel
tout le reste est étranger mais qui renferme une étendue considérable : faire
pour les autres ce que nous voudrions qu'on fit pour nous, lorsque la
possibilité s'y trouve ; et ne point faire aux autres ce que nous ne voudrions
pas qu'on nous lit. Tu vois, ma chère, que cette science dont on parle tant
n'est jamais relative qu'à l'espèce humaine ; et si elle n'est rien en
elle−même, au moins est−elle utile à son bonheur.
Les romans étaient presque bannis de mes yeux, et il me faisait voir, dans
presque tous, une ressemblance assez générale dans le tissu, les vues et le
but, à la différence près du style, des événements et de certains caractères.
Il y en avait cependant plusieurs qui étaient exceptés de cette règle ; il me
donnait volontiers ceux dont le sujet était moral. Peu des autres peignent
les hommes et les femmes de leurs véritables couleurs : ils y sont présentés
sous le plus bel aspect. Ah ! ma chère, combien cette apparence est en
général loin de la réalité : les uns et les autres vus de près, quelle différence
n'y trouve−t−on pas ? Je puisais dans les voyageurs et dans les coutumes
des nations un genre d'instruction qui me faisait mieux apprécier
l'humanité en général, comme la société fait apercevoir les nuances des
caractères.
Les livres d'histoire, qui me rendaient compte des moeurs antiques et des
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Le Rideau Levé
préjugés différents qui, tour à tour, ont couvert la surface de la terre,
étaient ma balance. Les ouvrages de nos meilleurs poètes formaient le
genre amusant, pour lequel mon goût était le plus décidé et que j'inculquais
avec empressement dans ma mémoire.
Il me remit un jour entre les mains un livre qui venait de paraître, en me
recommandant d'y réfléchir :
− Lis, ma chère Laurette. Cet ouvrage est la production d'un génie dont tu
as lu presque tout ce qu'il a mis au jour et dont ta mémoire possède
plusieurs morceaux, qui unit un style élevé, élégant, agréable et facile,
propre à lui seul à des idées profondes. Zadig, paré de ses mains,
t'apprendra sous l'allégorie d'un conte qu'il n'arrive point d'événements
dans la vie qui soient à notre disposition.
“ De quelque aveuglement dont l'amour−propre et la vanité nous fascinent,
sois assurée que, pour un esprit attentif et réfléchi, il est d'une vérité
palpable et constante que tout s'enchaîne afin de suivre un ordre fixé pour
l'ensemble et pour chacun en particulier ; des circonstances imprévues
forcent les idées et les actions des humains ; des raisons éloignées, et
souvent imperceptibles, les entraînent dans une détermination qui, presque
toujours, leur paraît volontaire : elle semble venir d'eux et de leur choix,
tandis que tout les y porte sans qu'ils s'en aperçoivent. Ils tiennent même
de la nature les formes, le caractère et le tempérament qui concourent à
leur faire remplir le rôle qu'ils ont à jouer, et dont toute la marche est
dessinée d'avance dans les décrets du moteur éternel.
“ Si l'on peut prévoir quelques événements, ce n'est que par une
perspicacité, une sagacité de vue sur la chaîne de ces circonstances qu'on
ne peut cependant changer, et qui est d'une force irrésistible, même pour ce
qui constitue le malheur. Le plus sage est celui qui sait se prêter au cours
naturel des choses.
Pour toi, ma chère Eugénie, ton esprit facile sait se plier à tout ; ta docilité
te rend heureuse et tu sais l'être malgré les entraves mises à ta liberté ; tu
savoures les plaisirs que tu inventes sans t'inquiéter de ceux qui te
manquent.
J'avançais en âge et j'atteignais la fin de ma seizième année lorsque ma
situation prit une face nouvelle : les formes commençaient à se décider ;
mes tétons avaient acquis du volume, j'en admirais l'arrondissement
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Le Rideau Levé
journalier, j'en faisais voir tous les jours les progrès à Lucette et à mon
papa, je les leur faisais baiser, je mettais leurs mains dessus et je leur
faisais faire attention qu'ils les remplissaient déjà ; enfin, je leur donnais
mille marques de mon impatience. Élevée sans préjugés, je n'écoutais, je
ne suivais que la voix de la nature : ce badinage l'animait et l'excitait
vivement, je m'en apercevais :
− Tu bandes, cher papa, viens...
Et je le mettais entre les bras de Lucette. Je n'étais pas moins émue, mais je
jouissais de leurs plaisirs. Nous vivions, elle et moi, dans l'union la plus
intime ; elle me chérissait autant que je l'aimais ; je couchais ordinairement
avec elle, et je n'y manquais pas, lorsque mon papa était absent. Je
remplissais son rôle du mieux que je le pouvais : je l'embrassais, je suçais
sa langue, ses tétons ; je baisais ses fesses, son ventre, je caressais sa jolie
motte, je la branlais ; mes doigts prenaient souvent la place du vit que je ne
pouvais lui fournir, et je la plongeais à mon tour dans ces agonies
voluptueuses où j'étais enchantée de la voir. Mon humeur et mes manières
lui avaient fait prendre pour moi une affection dont je ne puis, ma chère, te
donner l'idée que d'après la tienne. Elle m'avait vue bien des fois, au milieu
de nos caresses, violemment animée et, dans ces moments, elle m'assurait
qu'elle désirait que je fusse au terme où elle pût aussi me procurer, sans
danger, les mêmes plaisirs que je lui donnais. Elle souhaitait que mon papa
me l'eût mis et eût ouvert la route sur laquelle ils sont semés :
− Oui, ma chère Laure, disait−elle, quand cet instant arrivera, je projette
d'en faire une fête ; je l'attends avec empressement. Mais, ma chère amie,
je crois apercevoir qu'il ne tardera pas : tes tétons naissants sont presque
formés, tes membres s'arrondissent, ta motte se rebondit, elle est déjà toute
couverte d'un tendre gazon, ton petit conin est d'un incarnat admirable, et
j'ai cru découvrir dans tes yeux que la nature veut qu'on te mette bientôt au
rang des femmes. L'année dernière, au printemps, tu vis les préludes d'une
éruption qui va s'établir tout à fait.
En effet, je ne tardai pas à me sentir plus pesante, la tête chargée, les yeux
moins vifs, les douleurs de reins et des sensations d'une colique
extraordinaire pour moi ; enfin, huit ou dix jours après, Lucette trouva la
gondole ensanglantée. Mon père ne me la remit pas. Ils avaient pressenti
l'effet de ma situation ; j'en étais prévenue ; je restai près de neuf jours
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Le Rideau Levé
dans cet état, après lesquels je redevins aussi gaie et je jouis d'une santé
aussi brillante qu'auparavant.
Que j'eus de joie de cet événement ! J'en étais folle, j'embrassai Lucette :
− Ma chère bonne, que je vais être heureuse !
Je volai au cou de mon papa, je le couvris de mes baisers :
− Me voilà donc enfin à l'époque où tu me désirais !...
Que je serai contente si je puis faire naître tes désirs et les satisfaire !...
Mon bonheur est d'être tout entière à toi : mon amour et ma tendresse en
font l'objet de ma félicité...
Il me prit dans ses bras, me mit sur ses genoux. Ah ! qu'il me rendait bien
les caresses que je lui faisais ! Il pressait mes tétons, il les baisait, il suçait
mes lèvres, sa langue venait caresser la mienne ; mes fesses, mon petit
conin, tout était livré à ses mains brûlantes.
− Il est enfin arrivé, charmante et chère Laure, cet heureux instant où ta
tendresse et la mienne vont s'unir dans le sein de la volupté ; aujourd'hui
même je veux avoir ton pucelage et cueillir la fleur qui vient d'éclore ; je
vais la devoir à ton amour, et ce sentiment de ton coeur y met un prix
infini ; mais tu dois être prévenue que, si le plaisir doit suivre nos
embrassements et nos transports, le moment qui va me rendre maître de
cette charmante rose te fera sentir quelques épines qui te causeront de la
douleur.
− Qu'importe, fais−moi souffrir, mets−moi toute en sang si tu veux, je ne
puis te faire trop de sacrifices, ton plaisir et ta satisfaction sont l'objet de
mes désirs.
Le feu brillait dans nos yeux. L'aimable Lucette, voulant coopérer à
l'effusion du sang de la victime, ne montrait pas moins d'empressement
que si elle−même eût été le sacrificateur. Ils m'enlevèrent et me portèrent
dans un cabinet qu'ils avaient fait préparer pendant le temps de mon état.
La lumière du jour en était absolument bannie ; un lit de satin gros bleu
était placé dans un enfoncement entouré de glaces. Les foyers de quatre
réverbères placés dans les encoignures, adoucis par des gazes bleues,
venaient se réunir sur un petit coussin de satin couleur de feu, mis au
milieu, qui formait la pierre sur laquelle devait se consommer le sacrifice.
Lucette exposa bientôt à découvert tous les appas que j'avais reçus de la
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Le Rideau Levé
nature ; elle ne para cette victime volontaire qu'avec des rubans couleur de
feu qu'elle noua au−dessus de mes coudes et à la ceinture dont, comme une
autre Vénus, elle marqua ma taille. Ma tête, couronnée simplement de sa
longue chevelure, n'avait d'autre ornement qu'un ruban de la même couleur
qui la retenait. Je me jetai de moi−même sur l'autel.
Quelques parures que j'eusse auparavant portées, je me trouvais alors bien
plus belle de ma seule beauté ; je me regardais dans les glaces avec une
complaisance satisfaite, un contentement singulier. Je paraissais d'une
blancheur éblouissante, mes petits tétons, si jeunes encore, s'élevaient sur
mon sein comme deux demi−boules parfaitement rondes, relevées de deux
petits boutons d'une couleur de chair rose ; un duvet clair ombrageait une
jolie motte grasse et rebondie qui, faiblement entrouverte, laissait
apercevoir un bout de clitoris semblable à celui d'une langue entre deux
lèvres ; il appelait le plaisir et la volupté. Une taille fine et bien prise, un
pied mignon surmonté d'une jambe déliée et d'une cuisse arrondie, des
fesses dont les pommettes étaient légèrement colorées, des épaules, un cou,
une chute de reins charmante et la fraîcheur d'Hébé. Non, l'Amour ne m'eût
rien disputé s'il eût été de mon sexe. Tels étaient les éloges que Lucette et
mon papa faisaient à l'envi de ma personne. Je nageais dans la joie et
l'ivresse de l'amour−propre. Plus je me croyais bien, plus ils me trouvaient
telle, et plus j'étais enchantée que ce papa si cher à mon coeur eût une
entière jouissance de tout ce que je possédais. Il m'examinait, il
m'admirait ; ses mains, ses lèvres ardentes se portaient sur toutes les parties
de. mon corps. Nous avions, l'un et l'autre, l'ardeur de deux jeunes amants
qui n'ont rencontré que des obstacles, et qui vont enfin jouir du prix de leur
attente et de leur amour.
Je souhaitais vivement le voir dans l'état où j'étais ; je l'en pressai avec
instance ; il y fut bientôt. Lucette le dégagea de tous ses vêtements ; il me
coucha sur le lit, mes fesses posées sur le coussin. Je tenais en main le
couteau sacré qui devait à l'instant immoler mon pucelage. Ce vit que je
caressais avec passion, semblable à l'aiguillon de l'abeille, était d'une
raideur à me prouver qu'il percerait rigoureusement la rose qu'il avait
soignée et conservée avec tant d'attention. Mon imagination brûlait de
désir ; mon petit conin tout en feu appétait ce cher vit, que je mis aussitôt
dans la route. Nous nous tenions embrassés, serrés, collés l'un sur l'autre ;
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Le Rideau Levé
nos bouches, nos langues se dévoraient. Je m'apercevais qu'il me
ménageait ; mais passant mes jambes sur ses fesses et le pressant bien fort,
je donnai un coup de cul qui le fit enfoncer jusqu'où il pouvait aller, La
douleur qu'il sentit et le cri qui m'échappa furent ceux de sa victoire.
Lucette, passant alors sa main entre nous, me branlait, tandis que, de
l'autre, elle chatouillait le trou de mon cul. La douleur, le plaisir mélangés,
le foutre et le sang qui coulaient, me firent ressentir une sublimité de
plaisir et de volupté inexprimables. J'étouffais, je mourais ; mes bras, mes
jambes, ma tête tombèrent de toutes parts ; je n'étais plus à force d'être. Je
me délectais dans ces sensations excessives, auxquelles on peut à peine
suffire. Quel état délicieux ! Bientôt, j'en fus retirée par de nouvelles
caresses ; il me baisait, me suçait, me maniait les tétons, les fesses, la
motte ; il relevait mes jambes en l'air pour avoir le plaisir d'examiner, sous
un autre point de vue, mon cul, mon con, et le ravage qu'il y avait fait. Son
vit que je tenais, ses couilles que Lucette caressait, reprirent bientôt leur
fermeté. Il me le remit. Le passage facilité ne nous fit plus sentir, dès qu'il
fut entré, que des ravissements. Lucette, toujours complaisante, renouvela
ses chatouillements, et je retombai dans l'apathie voluptueuse que je venais
d'éprouver.
Mon papa, fier de sa victoire et charmé du sacrifice que mon coeur lui
avait fait, prit le coussin qui était sous moi, teint du sang qu'il avait fait
couler, et le serra avec le soin et l'empressement de l'amant le plus tendre,
comme un trophée de sa conquête. Il revint bientôt à nous :
− Ma Laure, chère et aimable fille, Lucette a multiplié tes plaisirs : n'est−il
pas juste de les lui faire partager ?
Je me jetai à son cou, je l'attirai sur le lit ; il la prit dans ses bras et la mit à
côté de moi ; je la troussai d'abord et je la trouvai toute mouillée.
− Que tu es émue, ma chère bonne, je veux te rendre une partie du plaisir
que j'ai eu.
Je pris la main de mon papa, je lui introduisis un de ses doigts qu'il faisait
entrer et reparaître, et je la branlai. Elle ne tarda pas à tomber dans l'extase
d'où je venais de sortir.
Ah ! chère Eugénie, que ce jour eut de charmes pour moi ! Je te l'avoue,
tendre amie, il a été le plus beau de ma vie et le premier où j'ai connu les
délices de la volupté dans leur plus haut degré. Je le rappelle encore à ma
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Le Rideau Levé
mémoire avec un saisissement de satisfaction que je ne peux te rendre ;
mais, en même temps, avec un cruel serrement de coeur. Faut−il que ce
souvenir, qui me cause tant de plaisir et de joie, fasse naître en même
temps les regrets les plus amers ? Écartons pour un moment cette image si
triste pour mon âme.
Il régnait dans ce cabinet une douce chaleur ; je me sentais si bien dans
l'état où j'étais que je ne voulus rien mettre sur moi ; j'étais d'une gaieté
folle : je prétendis souper parée de mes seuls appas. Lucette, attentive,
avait eu le soin d'écarter tous les domestiques et de jeter un voile épais sur
la malignité de leurs regards ; elle eut la complaisance d'apporter seule et
de préparer tout ce qu'il fallait, et ferma les portes avec soin. Je ne fus pas
contente que je ne l'eusse mise dans la situation où nous étions : je fis voler
loin d'elle tout ce qui la couvrait ; elle était charmante à mes yeux. Nous
nous mîmes à table. Mon papa était, entre nous deux, l'objet de nos
caresses, qu'il nous rendait tour à tour. Les glaces répétaient cette
charmante scène ; nos grâces et nos attitudes étaient variées par les saillies
qu'inspirait un vin délicat ; son coloris brillant y répandait même des
nuances différentes : nous ressentîmes bientôt les effets de sa vertu et de
nos attouchements. Nos cons étaient enflammés ; son vit avait repris toute
sa raideur et sa dureté. Dans un état aussi animé, aussi pressant, la table
nous déplut ; nous courûmes, nous volâmes sur le lit. Dans ce jour, qui
m'était uniquement consacré, je fus encore plongée dans les délices d'une
volupté suprême ; il se coucha sur ma gauche, ses cuisses passées sous les
miennes qui étaient relevées ; son vit se présentait fièrement à l'entrée.
Lucette se mit sur moi, ma tête entre ses genoux ; son joli con était sous
mes yeux ; je l'entrouvrais, je le chatouillais, je caressais ses fesses qui
étaient en l'air ; son ventre rasait mes tétons ; ses cuisses étaient entre mes
bras ; tout excitait, tout animait la flamme du désir. Elle écarta les lèvres de
mon petit conin, qui était d'un rouge vif ; je l'engageai d'y mettre l'éponge
pour que mon papa jouît de moi sans inquiétude et pût décharger dedans. Il
était sensible et douloureux : dès qu'on y touchait, je souffrais ; cependant,
malgré cette sensation douloureuse, je l'endurai dans l'espérance que j'en
aurais bientôt de plus agréable. Lucette conduisit le vit de mon papa dans
le chemin dont elle avait écarté tous les dangers, et qui n'était plus semé
que de fleurs : il s'y précipita ; il enfonça ; elle me branlait en même temps,
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Le Rideau Levé
et je lui rendais un pareil service, tandis qu'il faisait avec son doigt, dans le
con de ma bonne, le même mouvement que son vit faisait dans le mien.
Ces variétés, ces attitudes, cette multiplicité d'objets et de sensations dans
les approches du plaisir en augmentaient infiniment les délices. Nous le
sentîmes venir à nous ; mais prêts à nous échapper comme l'éclair
étincelant fuit à nos regards, nous en savourâmes au moins toute l'étendue
dans un délectable anéantissement, dont la douceur et les charmes ne
peuvent qu'être sentis. Nous commencions à être fatigués. Lucette se
releva, fut mettre ordre à tout et, dès qu'elle fut de retour, nous nous mîmes
dans un lit, entre les bras les uns des autres, où nous passâmes une huit
préférable pour nous au jour le plus pompeux.
Hélas ! chère Eugénie, pourquoi l'imagination va−t−elle toujours au−delà
de la réalité qui suffit seule à notre bonheur ? Je croyais que tous les jours
allaient le disputer à celui qui m'avait procuré tant de plaisirs ; mais mon
père, plus soigneux, plus délicat peut−être, et veillant sans interruption à
ma santé, m'engagea le lendemain à reprendre ce fatal caleçon :
− Ma chère Laurette, je ne te le cache pas, je me défie de toi, de nous tous ;
ton tempérament n'est pas encore assez formé pour que je t'abandonne à
toi−même, et tu m'es trop chère pour que je ne cherche pas à te ménager
avec toute l'attention qui peut dépendre de moi. Cependant, tu jouiras de
nos caresses, tu nous en feras ; sans gêne avec toi, tu partageras en quelque
façon nos plaisirs ; et de temps en temps nous te réserverons une nuit
pareille, que tu trouveras d'autant plus agréable que tu l'attendras avec
impatience. Enfin si tu veux me plaire, tu te prêteras à ce que je désire de
toi et tu y consentiras avec complaisance.
C'était un moyen assuré de ne pas me faire regarder cet emprisonnement
comme insupportable. Ne crois pas non plus, ma chère, que ce soit par un
trait de jalousie : tu verras bientôt le contraire. Je te laisse donc faire. Ah !
chère Eugénie, que je m'en suis bien trouvée.
Il y avait déjà près de dix−neuf mois que j'avais passé l'heureuse soirée
dont je viens de te retracer le tableau, lorsque j'eus le chagrin de voir
l'éloignement de Lucette.
Son père, qui demeurait en province, la rappela près de lui : une maladie
dangereuse lui fit désirer absolument son retour avant de mourir. Son
départ nous causa la peine la plus sensible ; nos larmes sincères furent
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Le Rideau Levé
confondues avec les siennes ; pour moi, je ne pouvais retenir mes sanglots,
qui ne furent enfin suspendus que par l'espérance et le désir qu'elle nous
témoignait de revenir au plus tôt. Mais, peu de temps après la mort de son
père, elle tomba dans une maladie de langueur dont elle eut beaucoup de
peine à se rétablir pendant plus de deux ans. Son père lui avait laissé un
bien−être qui la fit rechercher dans son canton ; elle ne voulait entendre
parler de qui que ce soit ; elle trouvait, suivant ses lettres, une si grande
différence entre mon papa et tous ceux qui se présentaient pour elle qu'elle
en était révoltée. Enfin, elle ne voulait écouter aucune proposition de
mariage et ne soupirait qu'après son retour avec nous. Néanmoins,
sollicitée par sa mère et ses autres parents, qui lui représentaient les
avantages qu'elle y trouvait et le besoin que sa mère, infirme, avait d'elle,
la complaisance arracha son consentement contre son gré, après avoir
cependant consulté mon papa en qui elle avait la plus entière confiance.
Comme le parti qui s'offrait était effectivement très avantageux, il se crut
obligé par ses principes de lui conseiller de l'accepter, ce qu'il fit avec une
véritable répugnance, m'ayant assuré plusieurs fois qu'il avait un
pressentiment de son malheur, auquel il ne voulait pourtant pas ajouter foi,
le regardant comme une faiblesse.
Cependant, elle mourut des suites de sa première couche.
Je regrettais souvent l'éloignement de Lucette, que je regardais perdue pour
moi, mais je me consolais dans les bras de ce cher et tendre papa. J'avais
enfin totalement quitté cet habillement secret que j'avais si souvent
maudit ; mais la langueur de Lucette, de quelque cause qu'elle pût venir,
ajoutant du poids aux réflexions qu'il avait déjà faites et aux nouvelles dont
il me faisait part, le détermina à me ménager avec plus d'attention qu'il n'en
avait mis à son égard, en me faisant sentir combien cela était nécessaire à
ma constitution délicate. Je me rendais à ses raisons, avec d'autant plus de
facilité que j'avais en lui la foi la plus complète. Comme il s'éloignait peu
de moi et que je couchais toujours avec lui, il me veillait et m'arrêtait
souvent lorsque je cédais à mes désirs avec trop d'ardeur.
Depuis le départ de Lucette, il avait fait plusieurs changements dans son
appartement ; on ne pouvait plus entrer dans ma chambre qu'en passant par
la sienne. Il avait répandu dans son domestique un air de sévérité sur ce
sujet, qui nous faisait quelquefois rire ensemble. Nos lits étaient appuyés
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Le Rideau Levé
contre le même mur qu'il avait fait percer ; et dans les doubles cloisons qui
couvraient le fond de nos alcôves il avait fait pratiquer des panneaux à
coulisses, qui s'ouvraient par un ressort que nous seuls connaissions. Il
faisait emporter tous les soirs la clef de ma chambre par une femme qu'il
avait prise à la place de Lucette, et que nous tenions tout à fait dans le rang
de domestique ; mais, quand nous étions dégagés de tout incommode, je
passais par les coulisses et je venais, dans ses bras, jouir d'un sommeil
doux et tranquille que me procuraient ces nuits heureuses, suivies des jours
les plus agréables.
Ce fut dans une de ces charmantes nuits qu'il me fit goûter une nouvelle
sorte de plaisir, dont je n'avais pas d'idée ; que non seulement je ne trouvai
pas moins délicieux, mais encore qui me parut des plus vifs :
− Ma chère Laure, aimable enfant, tu m'as donné ta première fleur ; mais tu
possèdes un autre pucelage que tu ne dois ni ne peux me refuser si je te
suis toujours cher.
− Ah ! si tu me l'es ! Qu'ai−je donc en moi, cher papa, dont tu ne puisses
disposer à ton gré et qui ne soit pas à toi ? Heureuse quand je puis faire
tout ce qui peut contribuer à ta satisfaction, mon bonheur est établi sur
elle !
− Fille divine, tu m'enchantes, la nature et l'amour ont pris plaisir à former
tes grâces ; partout en toi séjourne la volupté, elle se présente avec mille
attraits différents dans toutes les parties de ton corps ; dans une belle
femme qu'on adore, et qui paie d'un semblable amour, mains, bouche,
aisselles, tétons, cul, tout est con.
− Eh bien ! choisis, tu es le maître et je suis toute à tes désirs.
Il me fit mettre sur le côté gauche, mes fesses tournées vers lui. Et,
mouillant le trou de mon cul et la tête de son vit, il l'y fit entrer doucement.
La difficulté du passage levée ne nous présenta plus qu'un nouveau chemin
semé de plaisirs accumulés ; et, soutenant ma jambe de son genou relevé, il
me branlait, en enfonçant de temps en temps le doigt dans mon con. Ce
chatouillement réuni de toutes parts avait bien plus d'énergie et d'effet ;
quand il reconnut que j'étais au moment de ressentir les derniers transports,
il hâta ses mouvements, que je secondais des miens. Je sentis le fond de
mon cul inondé d'un foutre brûlant, qui produisit de ma part une décharge
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Le Rideau Levé
abondante. Je goûtais une volupté inexprimable, toutes les parties sensibles
y concouraient, mes transports et mes élans en faisaient une démonstration
convaincante ; mais je ne les devais qu'à ce vit charmant, pointu, retroussé
et peu puissant, porté par un homme que j'adorais.
− Quel séduisant plaisir, chère Laurette ! et toi, belle amie, qu'en dis−tu ?
Si j'en juge par celui que tu as montré, tu dois en avoir eu beaucoup !
− Ah ! cher papa, infini, nouveau, inconnu, dont je ne peux exprimer les
délices, et dont les sensations voluptueuses sont multipliées au−delà de
tout ce que j'ai éprouvé jusqu'à présent.
− En ce cas, ma chère enfant, je veux une autre fois y répandre plus de
charmes encore, en me servant en même temps d'un godemiché, et je
réaliserai par ce moyen l'Y grec du Saint−Père.
− Papa, qu'est−ce donc qu'un godemiché ?
− Tu le verras, ma Laure, mais il faut attendre un autre jour.
Le lendemain je ne lui parlai que de cela ; je voulais le voir absolument ; je
le pressai tant qu'il fallut enfin qu'il me le montrât. J'en fus surprise ; je
désirais qu'il m'en fît faire l'essai le soir même, mais il me remit au
surlendemain. Je veux, ma chère, faire avec toi, comme papa me fit alors ;
je ne t'en ferai la description que dans une autre scène où nous le mîmes en
usage. Je t'en ai déjà parlé de vive voix, et je regrettais de ne pas l'avoir
dans nos caresses où j'aurais avec tant de plaisir joué le rôle d'un amant
tendre avec toi ; mais je ne l'oublierai sûrement pas quand j'irai retrouver
ma consolation dans tes bras.
Malgré la distance qu'il mettait dans les plaisirs qu'il me procurait, il n'y
avait aucune sorte de variété qu'il n'y répandît pour y ajouter de nouveaux
attraits ; il m'était d'autant plus facile de les y trouver que je l'aimais avec
toute la passion dont j'étais capable. Quelquefois il se mettait sur moi, sa
tête entre mes cuisses et la mienne entre ses genoux ; il couvrait de sa
bouche ouverte et brûlante toutes les lèvres de mon con ; il les suçait, il
enfonçait sa langue entre deux, du bout il branlait mon clitoris, tandis
qu'avec son doigt ou le godemiché il animait, il inondait l'intérieur. Je
suçais moi−même la tête de son vit ; je la pressais de mes lèvres ; je la
chatouillais de ma langue ; je l'enfonçais tout entier, je l'aurais avalé. Je
caressais ses couilles, son ventre, ses cuisses et ses fesses. Tout est plaisir,
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Le Rideau Levé
charmes, délices, chère amie, quand on s'aime aussi tendrement et avec
autant de passion.
Telle était la vie délicieuse et enchantée dont je jouissais depuis le départ
de ma chère bonne. Déjà huit ou neuf mois s'étaient écoulés, qui m'avaient
paru fuir bien rapidement.
Le souvenir et l'état de Lucette étaient les seuls nuages qui se montraient
dans les beaux jours que je passais alors ; variés par mille plaisirs, suivis
de nuits qui m'intéressaient encore davantage, je faisais consister toute ma
satisfaction et ma félicité à les voir disparaître pour employer tous les
moments qu'ils me laissaient entre les bras de ce tendre et aimable papa,
que j'accablais de mes baisers et de mes caresses. Il me chérissait
uniquement, mon âme était unie à la sienne, je l'aimais à un degré que je ne
puis te peindre.
Mais, chère Eugénie, que vas−tu penser de ton amie sur une confession
que je ne t'ai pas encore faite ? Quelle scène nouvelle tu vas voir paraître,
et quel fondement peut−on faire sur soi−même ? A quel degré
d'extravagance l'imagination exaltée n'entraîne−t−elle pas ? Qui peut donc
répondre de ses caprices et de son tempérament ? Si le coeur est toujours le
même, s'il est plein des mêmes sentiments, faut−il que des désirs violents,
souvent pour un vain fantôme qu'on se crée, nous poussent au−delà du but
où nous devrions nous arrêter et nous mènent bien plus loin que nous ne
devrions aller ? J'en suis un exemple frappant.
Dois−je te faire cet aveu ? Oui, ne cachons rien à l'amie de mon coeur ; je
rougis moins de te le dire que d'en avoir eu la folie. Une circonstance va te
la développer tout entière, et te fera voir en même temps la bonté, la
douceur et le vif intérêt de mon père pour moi, la justesse de son esprit, la
force de son âme, de son attachement et de sa complaisance. Elle me fit
connaître plus que jamais à quel point il méritait tout mon coeur et mon
amour ; aussi son image le remplira−t−elle toujours, et ne s'en effacera
qu'avec ma vie.
Dans la même maison que nous occupions végétait une vieille dévote,
veuve et âgée, qui ne croyait son temps bien employé qu'en passant la plus
grande partie du jour à courir les églises. Elle avait trois enfants. L'aîné,
débauché dans toute l'étendue de l'expression, ne fréquentait que la plus
mauvaise compagnie ; à peine le connaissions−nous de vue. Jouissant du
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Le Rideau Levé
bien qui lui revenait de son père, il le dissipait avec profusion. Son frère,
de beaucoup plus jeune, avait quelques mois au−dessus de seize ans
lorsqu'il quitta le collège pour revenir chez sa mère. C'était un garçon beau
comme on peint l'Amour, d'une humeur égale et d'un caractère fort doux.
Ils avaient une soeur fort gentille, qui atteignait ses quinze ans et demi.
Représente−toi, chère Eugénie, une petite brune claire, teint animé, oeil
vif, nez troussé, bouche agréable et vermeille, taille découplée, toute
mignonne, d'une vivacité pétulante, folle autant qu'il se puisse, et outre
cela très amoureuse ; mais fine, et en même temps discrète sur ce qui
pouvait avoir trait à ses plaisirs. Tous les jours elle plaisantait sur les
sermons que lui faisait de temps en temps sa bonne dévote de mère. J'avais
lié connaissance avec elle plus particulièrement huit ou neuf mois après le
départ de Lucette et, par cette occasion, j'avais fait celle de son jeune frère
lorsqu'il revint avec elle. Souvent ils venaient me voir et il ne se passait
guère de jours que nous ne fussions ensemble. Sa mère en était d'autant
plus satisfaite qu'elle me donnait journellement pour exemple à sa fille. Il
est vrai que je tenais de la nature et de l'éducation que je recevais de mon
papa un air plus réservé. Ne penses−tu pas, Eugénie, avec moi que si, dans
nos usages, l'amour dégrade nos réputations, l'imprudence dans le choix et
dans la conduite y contribue totalement, et surtout ces airs de coquetterie,
ces façons libres et qui ne tiennent à rien, quoique souvent elles ne vont
pas plus loin ; tandis qu'une hypocrite, une dévote, une femme attentive
aux dehors les sauvent en jouissant sous le voile du mystère ; mais elles
conservent leur réputation sous ces apparences ; elles font bien, et mieux
encore si elles ont la prudence de mettre un frein à leur langue sur la
conduite des autres ; modération qui détourne les curieux ou les intéressés
de l'examen recherché qu'ils pourraient faire. Encore une fois, ce n'est pas
dans le fait, c'est dans les manières et par un mauvais choix qu'on se perd.
Je m'aperçus bientôt que mon père les étudiait avec attention ; il jugea
Vernol et sa soeur. Il me dit que Rose en savait plus que sa nourrice ne lui
en avait enseigné, et que si, sur le plaisir et la jouissance, elle était plus
ignorante que moi, ce dont il doutait, elle avait grande disposition à en
apprendre davantage, et que si j'étais curieuse de juger de ses
connaissances, je pouvais l'éprouver. Les différents badinages où je
l'engageai depuis me mirent à même d'en porter le même jugement. Mais il
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Le Rideau Levé
s'expliqua peu sur Vernol.
Mes talents s'étaient perfectionnés. Musicienne, pinçant la harpe avec
délicatesse, chantant avec goût, déclamant avec intelligence, j'avais formé
une société où j'admis Rose et Vernol. Bientôt il eut par là le moyen de me
faire apercevoir la passion qu'il avait prise pour moi. Il me cherchait, il me
suivait sans cesse, les prétextes ne lui manquaient pas. Ses rôles étaient
animés, remplis d'attention, de soins, de complaisance : tout me disait ce
qu'il n'osait prononcer.
Je m'en aperçus, et, lorsque j'en fus persuadée, j'en fis part à mon papa
avec ce ton et ce sourire qui annoncent la plaisanterie :
− Laure, je l'ai soupçonné dès les premiers instants ; ses yeux, son teint
deviennent plus animés quand il est près de toi ; son air quelquefois
embarrassé et toutes ses démarches le décèlent. Eh bien ! ma fille, avec
cette connaissance de son amour pour toi, que ressens−tu pour lui ?
Je ne m'étais pas encore consultée, ma chère Eugénie, je n'avais pas fouillé
dans les replis de mon âme et, croyant n'avoir pour Vernol que ce
sentiment qu'on nomme amitié, je lui en parlai sur ce ton. Mais un service
de mon père, en me demandant si c'était là tout, suffit pour me faire rentrer
en moi, et je reconnus bientôt, en y réfléchissant, que la présence de
Vernol m'animait, et que lorsqu'il n'était pas avec sa soeur il me manquait
quelque chose ; car, sans y faire attention, je demandais à Rose avec une
sorte d'empressement ce que son frère était devenu. Je ne pouvais
concevoir comment je m'étais éprise d'un tel caprice avec lequel mon coeur
était si peu d'accord. Sa figure, il est vrai, me charmait ; sa douceur et ses
soins en augmentaient les attraits.
A l'air de mon père, il était aisé de juger qu'il avait découvert en moi ce
que je n'osais presque encore m'avouer à moi−même ; il fut quelque temps
sans m'en parler. Je l'aimais toujours autant, et plus, s'il était possible, que
je n'avais jamais fait ; mon empressement et mon goût pour lui ne
diminuaient point ; enfant de la nature et de la vérité, je n'y mettais ni
politique ni dissimulation. On prétend que nous sommes naturellement
fausses ; je crois que cette fausseté est d'acquisition, et selon l'éducation
reçue. Enfin, je me sentais capable de tout sacrifier pour ce cher et tendre
père, et je pris une résolution intérieure d'éviter les poursuites et les soins
de ce beau garçon. Je n'avais pu concevoir l'accord des sensations et de la
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Le Rideau Levé
fantaisie que j'éprouvais pour Vernol avec les sentiments de mon coeur
pour ce tendre papa ; mais la disposition où je me trouvais me fit connaître
par la suite la différence des mouvements qui m'agitaient. Tu concevras
difficilement, chère Eugénie, cette différence ; il faut l'avoir sentie pour la
connaître : bien des hommes pourraient t'apprendre à faire la distinction
qui s'y trouve. Mon père voulut la juger en moi, et s'en assura en me
mettant à une épreuve à laquelle je ne m'attendais nullement :
− Laure, quelques−uns de vos amis actuels me font de la peine ; je
désirerais que vous ne voyiez plus Rose ni son frère.
Je ne balançai pas un instant, et, me jetant à son cou, le serrant, le pressant
contre mon sein :
− J'y consens bien volontiers, cher papa, je te conjure même de quitter
cette demeure, ou que tu me mènes à la campagne : je ne serai plus dans le
cas de me trouver avec eux. Partons dès demain, je serai bientôt prête.
En effet, je courus préparer mon trousseau. J'y étais occupée lorsqu'il me
rappela. Il me prit sur ses genoux et me dit en m'embrassant :
− Chère Laurette, je suis content de ta tendresse et de ton affection ; tes
yeux secs me disent que c'est sans peine que tu veux me faire un sacrifice.
Avoue−le−moi, je t'y engage ; ouvre−moi ton coeur car, sans doute, ce
n'est pas la crainte qui est le principe de ta résolution ; tu n'as pas lieu d'en
avoir avec moi.
Toujours irai, toujours sincère, je ne cherchai point à déguiser :
− Non, très assurément, cher papa, depuis longtemps la crainte vis−à−vis
de toi n'est plus entrée dans mon âme ; le sentiment seul me guide. Je
conviens que Vernol a fait naître dans mon imagination une illusion, un
caprice dont je ne puis me rendre compte ; mais mon coeur, qui est plein
de toi, n'est pas un moment indécis entre vous deux ; je ne veux plus le
voir.
− Non, ma chère enfant, non, j'ai désiré connaître la nature de tes
sentiments pour moi, j'en suis satisfait. Vernol excite en toi des sensations
que ton imagination augmente : tu en jouiras ; tu connaîtras aussi toute ma
tendresse pour toi ; tu sentiras que tu ne peux cesser de m'aimer, et c'est
tout ce que je désire. Va, je ne suis jaloux que de ton coeur dont la
possession m'est si chère.
Ce trait me confondit ; une lumière vint dissiper le trouble de cette
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Le Rideau Levé
imagination fascinée, je tombai à ses genoux, toute en larmes, et mon sein
palpitait ; je baisais ses mains que j'arrosais de mes pleurs ; mes sanglots
me laissaient à peine la liberté de m'exprimer :
− Tendre papa, je t'aime, je t'adore, je ne chéris que toi ; mon âme, mon
coeur, tout est plein de toi. Il fut touché de ma douleur ; il me releva et, me
pressant à son tour en me couvrant de baisers :
− Console−toi, trop aimable et chère enfant, crois−tu que je ne connaisse
pas la nature et ses lois invincibles ? Va, je ne suis point injuste. C'est par
expérience, par comparaison et par la complaisance la plus étendue de ma
part, que produisent seules l'affection et l'amitié la plus tendre, que je
désire être aimé de toi : il est temps que tu apprennes à juger des
différences. Je t'ai promis que tu jouirais de Vernol : ferme dans mes
principes, constant dans mes idées je tiendrai ma parole ; d'ailleurs, il est
aimable, bien fait, beau garçon, je lui dois cette justice ; et si ce n'était pas
pour lui que tu eusses senti ce désir, tu pourrais l'avoir éprouvé pour
quelqu'un d'autre qui vaudrait encore moins ; ainsi, j'ai pris mon parti.
Depuis ce jour je me trouvai bien moins affectée pour Vernol ; et si je me
suis prêtée, ma chère, à tout ce que tu vas voir, ce fut par une réunion de
condescendance pour ce cher papa, de curiosité et de tempérament excité,
premier principe de mon désir fantastique, que je me laissai aller. Je passai
la nuit entre ses bras. Le matin, au milieu des baisers que je lui donnais à
mon réveil, il me dit :
− Laurette, il faut que tu voies aujourd'hui la mère de Rose : engage−la de
laisser venir sa fille passer la journée à la campagne avec toi ; en même
temps préviens−la qu'elle ne soit point inquiète si elle ne revenait pas le
soir, que tu pourrais, peut−être, ne la ramener que demain. Nous
prétexterons que la voiture nous a manqué, et tu la garderas ici jusqu'à
demain. Quand tu seras avec elle en liberté, tu pourras juger de sa façon de
penser et de tout ce qu'elle fait : elle paraît avoir de la confiance et de
l'amitié pour toi ; aussitôt que tu sauras à quoi t'en tenir, tu m'en instruiras.
Je crus de ce moment qu'il avait formé des desseins sur elle ; il ne m'en
fallut pas davantage pour m'empresser, sans autre réflexion, à entrer dans
ses idées et à me prêter à tout ce qu'il avait projeté. Je soupçonnais déjà
Rose aussi savante que je l'étais, ou à peu près. Tout fut conduit comme il
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Le Rideau Levé
l'avait arrangé. Elle vint ; la porte fut close à tout le monde : nous passâmes
la journée seuls dans toutes les folies que nous pûmes imaginer. Je lui
faisais cent agaceries ; elle me les rendait avec usure. Je découvrais sa
gorge, je faisais baiser ses tétons à mon papa ; ses fesses, sa motte, son
con, essuyèrent mes lutineries ; je la tenais entre mes bras pour qu'il lui en
fît autant ; elle riait, folâtrait ; et, quoique à chaque espièglerie nouvelle
elle fit des demi−façons, elle se prêtait à tout ; aussi son teint était−il très
animé et ses yeux étincelants. Le souper vint, où je ne la ménageai pas ; je
lui versais à plein verre ; je soufflais le feu qui la brûlait déjà. Levés de
table, nous recommençâmes nos folies ; elle ne fit plus aucune résistance ;
je la renversai, le visage sur un canapé ; je troussai ses jupes, et son cul
découvert nous présenta une perspective que mon papa, par un dernier
coup de pinceau, aurait rendue parfaite : il m'aidait à me venger de toutes
les lutineries qu'à son tour elle m'avait fait éprouver. Je voulus juger de
l'effet que produisaient ces jeux sur elle ; je la trouvai toute mouillée, et je
conjecturai qu'elle avait eu bien du plaisir pendant ce folâtre badinage.
Nous passâmes enfin, Rose et moi, dans ma chambre, et nous nous
préparâmes à nous mettre au lit. Dès qu'elle me vit en chemise, elle me
l'arracha ; je lui rendis le change et je mis la sienne à bas. Elle m'entraîna
dans le lit. Elle me baisait, prenait mes tétons, ma motte ; je mis aussitôt le
doigt où je voyais bien qu'elle le désirait ; je ne me trompais pas ; elle
écarta les cuisses et se prêta à mes mouvements. Je voulus en savoir
davantage : je glissai mon doigt dans son con, et la facilité avec laquelle il
entra me donna des lumières sur l'usage qu'elle en avait fait. Je désirais
apprendre d'elle par quelle aventure elle avait perdu son pucelage. Je me
préparais à la questionner lorsque mon père entra dans ma chambre et vint
nous embrasser avant de se coucher. D'un seul coup, Rose rejeta la
couverture : il ne s'attendait pas à nous voir totalement nues et nos mains
placées au centre de la volupté. Elle passa le bras autour de son cou,
l'attira, et lui fit baiser mes tétons. Je ne fus pas en reste ; je lui fis prendre
et baiser les siens, je promenai sa main sur tout son corps, et je l'arrêtai sur
sa motte. Il s'animait, mais il nous quitta brusquement en nous souhaitant
beaucoup de plaisir.
Déjà la pendule marquait dix heures lorsque, le lendemain, il rentra dans
ma chambre ; il nous éveilla par ses caresses et ses baisers réitérés, en nous
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Le Rideau Levé
demandant si nous avions passé une nuit agréable.
− Nous avons veillé, cher papa, longtemps après que tu nous as quittées ;
tu as bien vu dans quelle humeur nous étions.
Rose, que nos jeux avaient apaisée et le sommeil rafraîchie, rougit et mit
aussitôt sa main sur ma bouche. Je la détournai :
− Non, Rose. Non, tu ne me retiendras jamais de raconter à mon papa tout
ce que nous avons fait et tout ce que tu m'as dit : je ne lui cache rien, ma
confiance est entière pour lui, et la tienne ne doit pas être moindre.
Alors passant ses bras et ses jambes autour de moi, elle me laissa
continuer :
− Quand tu nous eus abandonnées, Rose, déjà vivement émue, vint baiser
ma bouche, sucer mon sein ; elle m'attira sur elle, nous entrelaçâmes nos
cuisses, nos cons s'y frottaient ; mes tétons étaient appuyés sur les siens,
mon ventre sur son ventre ; elle me demanda ma langue, et d'une main
caressant mes fesses, de l'autre elle chatouillait mon clitoris et m'invitait,
par le jeu de son doigt, à l'imiter ; je mis le mien où elle l'attendait avec
impatience et bientôt nous ressentîmes les délices de ces amusements.
Mais elle ne voulut pas que mon doigt la quittât sans les avoir goûtées
quatre fois avec des transports incroyables.
Dans le temps même que je rendais compte de nos ébats, Rose, réchauffée
par ce tableau, avait remis sa main entre mes cuisses et répétait ce que je
racontais. Je conçus aussitôt ce qu'elle désirait : nous étions restées nues ;
je la découvris à mon tour, je pris la main de mon papa qui s'empara de
tout ce qu'elle avait. Il n'avait sur lui que sa robe, qui s'était entrouverte par
ses mouvements : j'aperçus par une avance distincte et par le pavillon que
faisait sa chemise de l'effet que ces caresses produisaient sur lui.
Je le fis remarquer à Rose, et je lui dis de lui ôter cette robe et de le faire
mettre près de nous. Elle se leva sans balancer, se jeta à son cou, le
dépouilla dans l'instant et, l'enveloppant de ses bras, elle l'attira dans le lit.
Rose, retombée sur le dos, écartait les cuisses ; j'élevai une de ses jambes
sur lui, et il passa l'autre entre les siennes ; par cette attitude, son vit se
trouvait naturellement vis−à−vis de son con ; je le conduisis aloi−même
dans la route ; elle courut au−devant du charme qui l'entraînait et, par un
coup de cul, elle hâta l'entrée du temple au dieu qu'elle adorait.
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Le Rideau Levé
Je la branlais, elle précipitait la marche par les mouvements qu'elle y
ajoutait, et ses transports emportés, dont elle seule me donnait le modèle,
nous firent connaître le plaisir excessif qu'elle ressentait. Mon père, qui
éprouvait avec quelle âpreté elle suçait son vit, n'y tenait plus ; il se hâta de
se retirer et j'achevai de faire, avec ma main, couler la libation qu'il
craignait de verser dans le con de Rose, qui, pendant le temps qu'il y fut,
éprouva cinq fois, de son aveu, les délices de la décharge. Son ventre fut
inondé du foutre qu'il répandit sur elle et qu'il lança jusque sur ses tétons.
Tandis que je rendais ces divers offices, elle s'était emparée de mon con ;
elle le chatouillait ; ce petit jeu, joint à l'émotion que me causait le plaisir
que je leur voyais ressentir et aux caresses que je leur faisais, me mettait
dans une agitation violente. A mon tour, je désirais d'apaiser le feu qui me
dévorait ; elle s'en aperçut et, passant sur ma gauche, elle prit la main de
mon papa dont elle m'introduisit un des doigts qu'il agitait et, par un jeu
pareil à celui que j'avais employé pour elle, Rose acheva de me faire
partager les doux plaisirs que nous lui avions procurés, dont elle ressentit
encore les effets pendant le service qu'elle me rendait.
Quand nous fûmes revenus dans un état plus tranquille :
− Écoute, cher papa, tu es peut−être étonné de l'habileté de Rose ; je n'en
étais pas moins surprise ; je l'ai engagée de m'apprendre d'où venaient ces
connaissances. Je vais te répéter tout son récit. Mais non, c'est de sa
bouche que tu dois l'entendre, et je désire qu'elle s'y prête. Ce que tu viens
de faire avec elle la met à même de ne te rien cacher et de te confier tout ce
qu'elle m'a dit.
Les baisers, les caresses furent employés pour l'y déterminer.
Elle se rendit aisément :
− Eh bien ! j'y consens, et, puisque j'en ai fait part à Laurette, je ne risque
plus rien. Les plaisirs dont nous venons de jouir ensemble me donnent lieu
d'être persuadée que vous le sauriez d'elle ; ma confiance s'établit sur celle
que vous me montrez et se rapporte à mes désirs. Il vaut donc mieux que je
vous le répète moi−même.
ÉDUCATION DE LAURE
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HISTOIRE DE ROSE
J'avais dix ans quand ma mère m'envoya chez une soeur qu'elle avait en
province, où je passai.plus de six mois. Elle n'avait qu'une fille qui avait au
moins six ans au−dessus de moi. Jusqu'à ce moment, toujours retirée chez
ma mère dont la dévotion ne permettait à personne d'approcher de nous,
mes frères au collège, j'étais toujours seule, ou à l'église avec ma mère ; je
ne me connaissais pas encore, mais je m'ennuyais beaucoup. J'aimais bien
mieux être aux églises que rester au logis car, quoiqu'elle se mît très
souvent dans les coins les plus retirés, j'apercevais au moins, à la dérobée,
quelque figure humaine qui attachait mes regards. Il y avait longtemps que
ma mère promettait à ma tante, qui me demandait, de m'envoyer chez elle :
je le désirais avec d'autant plus d'impatience que je savais qu'elle ne
ressemblait pas à ma mère. Une occasion survint qui l'y détermina. Mon
frère aîné était menacé de la petite vérole, elle me fit partir au plus tôt. Ma
tante et ma cousine me reçurent avec mille démonstrations d'amitié. Dans
les premières caresses, Isabelle demanda que je couchasse avec elle. Je ne
sais si elle ne s'en repentit pas bientôt par la contrainte que cet arrangement
lui donna dans les premiers temps. Cependant, le soir avant de nous
endormir, elle m'embrassait, et le matin je lui rendais ses caresses.
Les quinze premiers jours passés, sa contrainte me parut diminuer, et le
soir elle retroussait nos chemises pour appuyer ses fesses contre les
miennes et me donner le baiser des quatre soeurs.
Une nuit, entre autres, que je ne pus pas m'endormir aussitôt qu'à
l'ordinaire et qu'elle me croyait très enfoncée dans le sommeil, je sentis
qu'elle remuait le bras avec un petit mouvement ; sa main gauche était sur
le haut de ma cuisse ; je l'entendis qui haletait et poussait une respiration
entrecoupée ; elle remuait doucement le derrière ; enfin, elle fit un grand
soupir, se tint tranquille et s'endormit.
Surprise de tout cela et n'y pouvant rien comprendre, je craignais qu'il ne
lui fût arrivé quelque chose d'extraordinaire ; cependant, comme je la
trouvai fraîche et gaie le lendemain, mon inquiétude cessa. Depuis ce jour,
HISTOIRE DE ROSE
49
Le Rideau Levé
je m'aperçus qu'elle répétait tous les soirs ce même manège, auquel je ne
concevais rien pour lors ; mais je ne tardai pas à en être instruite.
Ma tante avait une femme de chambre âgée tout au plus d'une vingtaine
d'années : Isabelle était souvent enfermée dans sa chambre avec elle.
Justine brodait parfaitement en tout genre, et ma cousine allait recevoir ses
leçons ; elle ne voulait point, disait−elle, que je l'interrompisse, parce que
je l'empêcherais de faire les progrès qu'elle désirait. Je donnai d'abord dans
ce panneau qui, cependant n'en était pas tout à fait un puisque, en effet, elle
apprenait à manier parfaitement l'aiguille. Enfin, piquée de n'être point
admise en trio et remarquant entre elles une certaine intelligence, ma
curiosité fut vivement excitée. Curiosité de fille est un démon qui la
tourmente, il faut qu'elle lui cède, qu'elle y succombe.
Un jour que j'étais restée seule, ma tante étant sortie avec Isabelle et
Justine, ayant profité de ce moment pour en faire autant, je le mis en usage
pour aller dans sa chambre examiner si je ne trouverais pas quelque
moyen, ou quelque ouverture de laquelle je pourrais découvrir ce qu'on
pouvait y faire. J'aperçus, au coin du lit où couchait Justine, une porte dans
la ruelle, que je parvins à ouvrir à force de la secouer, et qui conduisait
dans une chambre sombre toute remplie de vieux meubles presque jusqu'au
plancher. Il n'y avait de libre qu'un passage qui conduisait à une autre porte
qui donnait sur un escalier dérobé, duquel on descendait dans une petite
cour d'où l'on sortait dans une ruelle déserte et écartée.
Ma tante croyait ce quartier bien fermé ; mais si elle en avait les clefs,
Justine avait trouvé le moyen d'en avoir le passage libre. Dans cette espèce
de garde−meubles il y avait à quelque hauteur, à l'égalité du pied du lit,
une ouverture qui avait été ménagée dans la muraille pour y mettre une
croisée qui aurait donné du jour dans cette chambre, étant vis−à−vis les
fenêtres de celle de Justine. Mais l'usage qu'on faisait de cette pièce
rendant cette précaution inutile, cette ouverture était couverte par la
tapisserie qui entourait la chambre de Justine. Je m'aperçus de cette
ouverture ; je grimpai sur les meubles pour chercher s'il n'y aurait pas
quelque trou ; n'en trouvant pas d'assez grand, je pris mes ciseaux et je fis
une ouverture suffisante pour découvrir partout dans la chambre, et
particulièrement sur le lit, auquel je ne pensais guère alors. Charmée
d'avoir trouvé ces moyens, et dans le dessein d'en profiter, je me retirai au
HISTOIRE DE ROSE
50
Le Rideau Levé
plus vite en refermant la porte. J'avais remarqué que lorsque Isabelle allait
dans la chambre de Justine, c'était presque aussitôt après le dîner.
Un jour, ma tante devait aller passer l'après−midi chez une de ses amies,
où quelque affaire devait la retenir et où elle ne comptait nous mener ni
l'une ni l'autre. Ma cousine me dit en particulier qu'elle devait apprendre ce
jour−là quelques points nouveaux, et que je pouvais aller chez des voisines
ou m'occuper de mon côté afin qu'elle ne fût point troublée. Il ne m'en
fallut pas davantage. Dès qu'on fut hors de table, je fis semblant de sortir
de la maison et d'aller dans le voisinage. Mais je remontai doucement dans
la chambre de Justine, qui habillait ma tante, et je les prévins. Je fus me
renfermer dans la chambre noire, cachée parmi les meubles, l'oeil attaché
sur l'ouverture que j'avais agrandie. Je ne fus pas longtemps sans voir
arriver ma cousine qui prit à la main un ouvrage de broderie ; je crus alors
que j'allais passer une après−midi bien ennuyeuse ; je me repentis de ma
curiosité, que je maudissais de tout mon coeur. Justine y vint peu de temps
après avec ma tante, qui demanda où j'étais. Le coeur me palpitait. Elles lui
répondirent qu'apparemment j'étais allée chez de petites amies de mon âge
où je me rendais quelquefois ; elle ne fit pas d'autres informations et,
voyant sa fille occupée, elle s'en fut, et je les vis toutes deux examiner par
la fenêtre si ma tante sortait. Aussitôt qu'elle fut dehors, ce que j'entendis à
leurs discours, Justine ferma les verrous ; elle vint ouvrir la porte de la
chambre où j'étais et fut à celle de l'escalier dérobé. La frayeur d'être
découverte me saisit ; j'étais accroupie pour me cacher parmi les meubles ;
elle ne s'aperçut de rien et retourna dans sa chambre. Dès qu'elle y fut
rentrée, Isabelle mit de côté son ouvrage et s'avança près d'un miroir pour
raccommoder sa coiffure et rajuster son mouchoir de cou, que Justine lui
arracha, et qui lui prenait les tétons, lui faisait compliment sur leur rondeur
et sur leur fermeté ; puis, découvrant les siens, elle en faisait la
comparaison entre eux. Au milieu de leurs amusements, j'entendis, sur
l'escalier de la petite cour, quelqu'un qui montait et qui, trouvant libre
l'entrée de la première porte qu'apparemment Justine avait été ouvrir, vint
gratter à celle de la chambre. Je ne pus le voir passer, étant enfoncée et
cachée pour n'être pas vue moi−même. Justine le fit entrer et fut refermer
les portes avec soin. Quand il fut dans la chambre, je le reconnus aussitôt :
c'était un grand jeune homme, un peu parent de la maison, qui venait
HISTOIRE DE ROSE
51
Le Rideau Levé
quelquefois voir ma tante. Isabelle avait la gorge découverte.
Courbelon fut sans façon la lui baiser et y fourra sa main tandis que l'autre
fut se perdre sous sa jupe. Justine, à son tour, fut traitée de même. Le
temps ne me paraissait plus long. Il prit Isabelle dans ses bras, la jeta sur le
pied du lit et la troussa tout à découvert ; je vis alors son ventre, ses cuisses
et sa fente ; elle était peu garnie de poil, mais il était fort noir ; il la baisait
et remuait le doigt de la main droite au haut de cette fente, tandis que le
doigt de la main gauche y était tout enfoncé. Justine, déboutonnant sa
culotte, en tira une machine fort longue, raide et très grosse. Ma cousine la
prit ; il voulait la mettre à la place de son doigt, mais j'entendis Justine lui
dire :
− Non, Courbelon, je ne le souffrirai pas ; si je deviens grosse, je saurai
m'en tirer ; mais si jamais Isabelle était dans ce cas−là, où pourrions−nous
toutes deux nous cacher ? Caressez−la, donnez−lui du plaisir ; mais ne lui
mettez pas.
Tous ces discours, que j'entendais parfaitement, étaient autant d'énigmes
dont je cherchais le mot. Je vis cependant Courbelon se retirer à
contrecoeur et, tout en pestant, il continua de caresser Isabelle en la
chatouillant comme il avait commencé, tandis que ma cousine tenait à
pleine main ce gros instrument que Justine avait mis en liberté.
Quelques moments après qu'il eut recommencé les mouvements de ses
doigts, j'entendis et vis faire à Isabelle le même jeu et les mêmes soupirs
qu'elle faisait quand nous étions couchées. Je fus alors au fait, et je jugeai
qu'elle répétait, seule dans son lit, ce que Courbelon venait de faire.
Isabelle se releva bientôt, et Justine, qui était en arrêt comme un chien sur
sa proie, se jetant à son tour sur le pied du lit, tenant d'un bras Courbelon
par les reins et, de l'autre main, tenant ce pieu qui conservait sa grosseur,
l'entraîna sur elle. Elle fut bientôt troussée ; il se coucha sur son ventre et,
de ses deux mains, il tenait ses tétons qu'il baisait, et les mouvements de
reins et de cul que je lui voyais faire me firent juger qu'il enfonçait ce
membre que j'aurais voulu voir entrer. Ma cousine passa sa main
par−derrière entre les cuisses de Courbelon, ou pour le caresser, ou pour
juger de l'enfoncement. Je les vis alors s'agiter, se remuer avec fureur :
bientôt Courbelon, après des transports et des mouvements qui
m'étonnaient, se laissa aller, et je le vis retirer cet instrument humble et
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
bien diminué de longueur et de grosseur. Ils se reposèrent quelques
moments sur le lit ; mais les baisers et les caresses allaient leur train. Cette
première scène, qui m'avait vivement émue, ne tarda pas à être suivie d'une
autre qui me plut encore davantage.
Courbelon, impatienté de leurs habillements qui le gênaient, et sachant que
ma tante ne reviendrait pas si tôt, les mit bientôt dans l'état où il désirait les
voir : en peu d'instants elles furent toutes deux nues. Justine n'était pas
d'une figure aussi jolie qu'lsabelle ; mais elle gagnait dans la situation où il
les avait mises : son corps était plus blanc, elle était plus grasse et potelée.
Il leur imprima plus de cent baisers à l'une et à l'autre ; il prenait leurs culs,
leurs tétons, leurs fentes, tout était à sa disposition. Ce que je voyais depuis
une demi−heure excitait en moi un feu, une émotion que je n'avais jamais
sentis. Leurs caresses recommencèrent avec plus de vivacité. Il les fit
mettre toutes deux couchées sur le ventre au pied du lit en leur faisant
écarter les cuisses. Je découvrais parfaitement tout ce que Courbelon
voyait : il les examinait, baisait leurs fesses, enfonçait un doigt de chaque
main entre leurs cuisses. Son instrument était revenu dans le premier état
où je l'avais vu ; et comme Justine, le visage appuyé dans ses mains contre
la couverture, ne pouvait le voir, il avait commencé de l'introduire à
Isabelle quand, tout à coup, Justine en défiance se leva furieuse, et prenant
ma cousine par les jambes elle la retira et démonta Courbelon. J'en fus très
fâchée car je voyais cet outil prendre sa route à grands pas.
− Non, lui répéta−t−elle, cela ne sera pas ; je vous en ai dit cent fois les
raisons, c'est une nécessité de s'y conformer.
Comme je pouvais entendre aussi facilement que je voyais, aucun des
mots, aucune des expressions ne furent perdus :
− Viens, mon cher, dit Justine en le prenant par son instrument, viens
mettre ton vit dans mon con, ils se connaissent et tu ne risques rien avec
moi.
Mais elle manqua son coup car, le tenant toujours par là, elle lui donna
deux ou trois secousses : aussitôt je vis Courbelon se pencher sur son
épaule, tenant un téton, la baiser et répandre une liqueur blanche que je
n'avais pas encore vue, avec des convulsions qui marquaient un vif
sentiment de plaisir. J'étais dans un état que je ne concevais pas
HISTOIRE DE ROSE
53
Le Rideau Levé
moi−même. Depuis quelque temps je chatouillais le haut de ma petite fente
de la même manière que j'avais vu Courbelon le faire à Isabelle et à
Justine. J'étais dans cette agréable occupation, qui ne me procurait encore
qu'un doux plaisir, quand l'une et l'autre, sans doute vivement animées par
les caresses que Courbelon leur avait faites, le mirent dans la même
position où elles étaient elles−mêmes : pas le moindre vêtement depuis la
tête jusqu'aux genoux. Cette perspective nouvelle m'attacha avec une
curiosité délicieuse, et d'autant plus particulièrement que j'avais fort désiré
le voir ainsi : il semblait que leurs plaisirs fussent d'accord avec mes
souhaits. Chacune le baisait, le caressait, lui prenait le vit qui s'était
ramolli, chatouillait ses couilles et ses fesses ; il les baisait à son tour,
maniait, suçait leurs tétons, les renversait, les examinait, les branlottait et
leur enfonçait le doigt. Je vis enfin cet instrument reprendre toute sa
vigueur et les menacer toutes deux ; il ressemblait à un épieu qu'on va
plonger dans le corps d'une bête féroce. J'apercevais bien que Courbelon en
voulait à ma cousine ; mais Justine le saisissant, ils tombèrent l'un sur
l'autre sur le pied du lit ; je crus qu'il lui enfoncerait l'estomac ; rien ne la
fit reculer.
− Attends au moins, lui dit−il, que nous augmentions nos plaisirs et que
nous en jouissions tous ensemble.
Il fit mettre Isabelle sur le lit, les genoux et les cuisses écartés, entre
lesquels Justine plaça ses jambes à terre et fort ouvertes. Comme rien ne
gênait plus mes regards, j'aperçus le vit de Courbelon entrer dans son con,
qui, par ses mouvements, paraissait, s'y renfonçait et faisait un écart qui me
surprenait. Il me semblait inconcevable qu'un membre aussi gros pût y
entrer, à moi qui avais essayé d'introduire mon doigt dans le mien et qui
n'avais pas osé l'y pousser à cause de la douleur. Mais cet exemple me fit
passer outre, et je l'enfonçai avec tout le courage dont j'avais le modèle
devant les yeux ; je m'y déterminai d'autant plus facilement que, tandis que
Courbelon avait son vit dans le con de Justine, il avait mis son doigt dans
celui d'Isabelle en lui disant qu'elle avait la plus charmante motte et le plus
joli conin du monde, et en lui recommandant de branler son clitoris ; ce
que fit ma cousine pendant qu'il faisait aller et venir le doigt dans son con,
comme son vit allait et venait dans celui de Justine. Fidèle à les imiter en
HISTOIRE DE ROSE
54
Le Rideau Levé
partie, je m'armai de ma fermeté et je poussai dans le mien le doigt de la
main gauche que j'y enfonçai tant que je pus, et que j'agitais de la même
manière tandis que de la droite je me branlais comme faisait Isabelle. Une
sensation délicieuse s'accroissait par degrés ; je ne fus plus surprise que ma
cousine se plaisait à la répéter. Je ne tardai pas à les voir tous trois dans les
plus vifs transports. Isabelle se laissa aller sur le dos, donnant de temps en
temps des coups de cul. Courbelon, témoin de son plaisir, lui criait :
− Ah ! ma chère, tu décharges !
Il achevait à peine ces mots qu'il tomba lui−même presque sans
mouvement sur Justine en faisant de grands soupirs et prononçant avec
énergie des foutre et des sacre qui peignaient ses sensations. Justine
elle−même, après des élancements vifs et réitérés et des serrements de cul
précipités, resta comme anéantie, la tête et les bras penchés, en faisant
chorus avec Courbelon.
Ces témoignages d'un plaisir si violent m'animèrent à un tel point et
portèrent le mien à un si prodigieux degré qu'à mon tour je me laissai
tomber sur les meubles en ressentant un plaisir incroyable. Quel excès de
délices quand on éprouve pour la première fois une volupté si grande,
qu'on n'a jamais connue et dont on n'a pas d'idée !
On n'est plus rien, on est tout à cette suprême félicité, on ne sent qu'elle.
Le temps que j'avais employé à la savourer leur en avait assez donné pour
se mettre en train de se rhabiller. Dès qu'ils le furent, Courbelon, après les
avoir embrassées, reprit la route par laquelle il était venu, et quelques
instants après Isabelle et Justine sortirent de la chambre. J'attendis encore
un peu ; je parvins enfin à me dégager, et, prenant le même chemin que
Courbelon, je revins au logis dans l'appartement de ma tante, qui rentra peu
de temps après avec ma cousine qui était allée la rejoindre.
Depuis ce moment, je ne pensais, je ne rêvais plus qu'à ce que j'avais vu ;
toutes leurs paroles étaient parvenues à mes oreilles ; aucune de leurs
actions ne m'avait échappé ; j'y réfléchissais sans cesse. Le même soir,
quand je fus au lit avec Isabelle, je fis semblant de me livrer au sommeil ;
elle ne tarda pas à tomber dans un profond assoupissement ; j'en fis bientôt
autant ; mais le lendemain il n'en fut pas de même. Dès que nous fûmes
couchées, je fis comme la veille ; ma cousine me croyant endormie, je
HISTOIRE DE ROSE
55
Le Rideau Levé
sentis qu'elle recommençait son petit manège. J'étais au fait, je me
retournai et, passant ma cuisse sur la sienne, je mis ma main où je savais
bien qu'était son doigt ; je la glissai par−dessous et, le soulevant, je pris
toute sa motte. Je l'embrassai, je baisai ses tétons et j'enfonçai mon doigt
dans son con. Je l'en retirai pour chatouiller. l'endroit où j'avais trouvé le
sien ; elle écartait les cuisses et me laissait faire, lorsque je l'entendis
pousser les derniers soupirs ; je la trouvai toute mouillée. Le même désir
me tourmentait, je pris la sienne dont je couvris ma motte, j'employai son
doigt à faire son office et je me trouvai peu de moments après au point de
lui rendre soupirs pour soupirs. Elle ne fut pas peu surprise de tout ce que
j'avais fait ; elle me croyait dans l'ignorance la plus profonde : elle n'avait
eu garde de m'instruire, croyant qu'ayant été élevée par une mère dévote je
ne fusse assez enfant pour en parler à ma tante, ou à ma mère à mon retour
chez elle :
− Comment, Rose, comment sais−tu tout cela ? Je suis bien étonnée de tes
connaissances ; à ton âge je n'en savais pas tant.
− Je le crois, ma chère cousine ; je te le dirai, à condition que tu ne seras
point fâchée contre moi et que tu m'aimeras toujours.
Je me repentis au moment même de ce que j'avais dit, et je ne voulais plus
continuer lorsque Isabelle, me prenant dans ses bras et me caressant, me
pressa de lui tout avouer.
− Tu ne m'en voudras donc pas ? Tiens, ma chère cousine, sois assurée de
ma discrétion. Je te promets de n'ouvrir jamais la bouche à personne de ce
que je sais, et surtout à ma tante ni à ma mère. Mets ta confiance en moi
comme en toi−même.
Je lui redis alors tout ce dont j'avais été témoin, et de quelle manière je
l'avais été... L'effroi la saisit :
− Ah ! ma bonne amie, ma chère Rose, gardes−en, je te conjure, le secret ;
ne me trahis pas, tu me perdrais.
Je le lui jurai de nouveau. Nous convînmes qu'il ne fallait pas même en
parler à Justine. Elle me donna cent baisers en me faisant autant de
questions sur ce que j'avais vu, entendu, et sur l'effet que j'en avais
éprouvé. Je lui rendis compte de tout. Je la tranquillisai pour lors en lui
disant que tout ce que je lui avais appris de moi−même m'engageait à
garder un secret qui était devenu le mien.
HISTOIRE DE ROSE
56
Le Rideau Levé
− Mais raconte−moi donc, Isabelle, par quelles circonstances tu en es
venue là avec Courbelon et Justine.
− Je le veux bien, ma petite cousine, après ce que tu sais, je n'ai rien à te
refuser ni à te cacher, et je compte toujours sur tes promesses. Écoute−moi.
Un mois ou cinq semaines avant ton arrivée ici, j'étais un jour sortie avec
ma mère ; mais, ayant oublié quelque chose dans ma chambre et n'étant pas
éloignée de la maison, j'y revins pour la chercher ; après l'avoir prise, je fus
à la chambre de Justine, je ne puis te dire pourquoi ; la porte apparemment
n'était pas bien fermée, ou elle n'y avait pas pensé ; je la poussai, elle
s'ouvrit. Je ne fus jamais plus surprise, et je restai dans l'étonnement et
comme pétrifiée de trouver Courbelon sur elle ; il en descendit aussitôt, et
j'aperçus son outil qu'il tâchait de cacher, dans le même temps qu'il abattait
les jupes de Justine qui étaient toutes levées. Elle était bien heureuse que
ma mère ne fût pas à ma place. Je voulus à l'instant m'en aller ; mais cette
fille, craignant que je ne dise à ma mère ce que j'avais vu, accourut après
moi, se mit à mes genoux en me conjurant de n'en pas parler. Elle me
pressa tant, en me baisant les mains, que je lui promis tout ce qu'elle
voulut, et je lui tins parole. Je t'avoue, ma chère Rose, que cette aventure
me donna matière à bien des pensées. Depuis ce jour−là, Justine m'amenait
souvent dans sa chambre sous prétexte de m'apprendre à broder ; mais elle
m'entretenait toujours sur le sujet de ce que j'avais vu en m'apprenant des
choses bien nouvelles pour moi ; elle découvrait ma gorge, elle prenait mes
tétons, elle me peignait le plaisir sous les attraits les plus séduisants :
je convins que j'en trouvais à l'entendre. Enfin, un jour que cette
conversation m'avait fort animée, et ma curiosité fortement excitée, je
sentis le feu sur mes joues, mon sein était agité ; les questions que je lui
faisais firent connaître à Justine que le moment était favorable ; elle me
prit entre ses bras, m'enleva et me porta sur son lit ; elle me troussa :
je m'en défendais faiblement ; elle continuait toujours, en me disant qu'un
jeune et aimable cavalier serait bien heureux à sa place s'il voyait et
touchait les beautés, les grâces et la fraîcheur qu'elle venait de découvrir
que sa machine s'enflerait et qu'il mourrait de plaisir en m'en faisant
connaître et ressentir de bien vifs. Ses flatteries, ses peintures et ses
caresses m'ayant subjuguée, je me laissai faire par elle tout ce qu'elle
voulut. Elle posa le bout du doigt de la main gauche entre les lèvres de
HISTOIRE DE ROSE
57
Le Rideau Levé
mon ouverture, qu'elle chatouillait tandis que, de la droite, elle en frottait le
haut.
− Ma chère cousine, lui dis−je, pourquoi n'emploies−tu pas les termes et
les noms que tu sais ? Je les ai tous entendus de Courbelon et de Justine.
− Tu as raison, Rose, je n'en ferai plus de difficulté.
Enfin, après quelque temps de ce badinage, je ressentis cet extrême plaisir
qu'elle m'avait si bien dépeint ; mais elle m'assura que j'en trouverais bien
davantage avec un joli homme, jeune et galant. Depuis ce temps, elle
répéta souvent, à ma satisfaction, ce jeu charmant ; elle enfonça même un
jour son doigt ; j'éprouvai quelque douleur qui fut bientôt apaisée. Elle sut
enfin m'engager de lui rendre le plaisir qu'elle me donnait. J'y trouvais
beaucoup d'agrément et je m'en contentais. Mais, huit à dix jours avant ton
arrivée, ma mère étant sortie seule, nous reprîmes nos jeux et nos plaisirs ;
et sous divers moyens que Justine employa nous nous mîmes toutes deux
totalement nues. Courbelon, caché derrière un rideau, avait été témoin de
toutes nos folies : c'était une partie liée entre Justine et lui, mais je
l'ignorais. Elle riait depuis le commencement, de tout son coeur. Surprise
de ses ris qui me paraissaient quelquefois hors de propos je la pressai de
m'en dire le sujet ; elle m'avoua que Courbelon nous voyait. Il sortit
aussitôt de dessous le rideau, nu comme nous étions, et son vit était d'une
grosseur et d'une raideur étonnantes. Effrayée, palpitante, honteuse, je ne
pouvais plus fuir dans l'état où j'étais qu'en me cachant sous le même
rideau ; j'y courus, mais ils m'arrêtèrent tous deux, et je n'osai lui rien dire
après ce qu'il nous avait vues faire. Courbelon me prit entre ses bras, se
jeta à mon cou, m'embrassa, porta ses mains et ses lèvres partout où il put :
tout était à sa disposition et Justine l'aidait. Enfin la surprise et la honte
firent place au désir. Il mit son vit dans ma main ; je ne pouvais
l'empoigner ; le feu de ses baisers, de ses attouchements, ce spectacle si
nouveau pour moi et l'exemple de Justine qui le caressait sans scrupule
firent couler le plaisir dans tous mes membres et m'avaient mise dans une
situation à ne pouvoir rien lui refuser. Les plaisirs qu'il me donna avaient
une pointe de vivacité que je n'avais point sentie par les mains de Justine,
avec laquelle je désirai qu'il fit la même chose. Mais ils allèrent bien plus
loin : elle l'attira sur elle au pied de son lit et, me tenant d'une main, elle
me fit voir le vit de Courbelon qui se perdait dans son con, et la vivacité de
HISTOIRE DE ROSE
58
Le Rideau Levé
leurs transports me fit juger de l'excès de leurs plaisirs. C'est hier la
sixième fois que je me suis trouvée avec lui, cela n'arrivant pas souvent,
crainte d'être découverte. Je fus enchantée de ton arrivée, chère Rose, dans
l'espérance que j'en aurais plus de liberté, car je t'avoue que j'ai eu un
violent désir que Courbelon m'en fît autant qu'à Justine. Je crains, il est
vrai, les enfants, dont elle me fait peur, et le mal que la grosseur de son vit
me pronostique ; mais puisqu'elle le reçoit avec empressement j'imagine
que ma crainte n'est pas trop fondée et que la douleur doit être bien
moindre que le plaisir, du moins Courbelon me le dit de même. Cependant,
Justine s'oppose toujours au désir que nous en avons par diverses raisons
dont elle ne peut me persuader puisqu'elle s'y expose.
(Fin du récit d 'Isabelle)
Je la pressai autant qu'il fut en mon pouvoir de le satisfaire. Je combattais
les raisons de cette fille par toutes celles qui me vinrent à l'idée, dans un
âge où je n'avais pas d'expérience ni grandes ressources à donner ; mais
soit que son imagination, sa curiosité et ses désirs fussent d'accord avec
mes raisonnements, elle me parut facilement s'y rendre. Je lui fis promettre
en même temps de me faire le détail du plaisir qu'elle aurait eu. Elle m'en
donna sa parole, en me recommandant toujours ce que nous appelâmes dès
lors notre secret. Depuis ce moment nous ne nous quittions presque plus.
Quelques jours après, nous fûmes invitées d'une noce des parents de
Justine. Ces sortes d'invitations sont assez en usage dans les petites villes
de province. Elle ne manqua pas de s'y rendre une des . premières, avant
que nous y allassions. Isabelle me dit en riant que cette occasion était bien
favorable pour la tromper, car je l'entretenais tous les jours dans le projet
d'en passer sa fantaisie. Je saisis d'abord cette idée et je lui dis qu'en effet
ma tante, croyant que nous irions ensemble, ne manquerait pas, de son
côté, d'aller chez quelques−unes de ses amies ; qu'il fallait qu'elle fût et se
tînt dans la chambre de Justine ; que sans doute Courbelon ne manquerait
pas de venir à la danse comme font ordinairement les jeunes gens, même
sans être invités ; que l'espérance de la trouver l'y amènerait plus
sûrement ; qu'aussitôt que je le verrais, je lui dirais qu'elle avait à lui parler
et qu'il se rendît dans la chambre de cette fille, où elle serait à l'attendre.
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
− Non, non, je ne le veux pas, me dit−elle en rougissant.
Mais je la pressai, je mêlai mes caresses à mes engagements ; et soit qu'elle
fût bien aise qu'ils voilassent ses désirs, ou soit que je la déterminai, elle y
consentit. Je n'avais pas fini de m'habiller que ma tante était déjà partie.
Je m'en fus donc seule. Effectivement, je trouvai Courbelon qui était
arrivé ; je m'approchai de lui et je parvins à lui dire, sans affectation et sans
qu'on s'en aperçût, ce que j'avais projeté ; il ne tarda pas à disparaître.
Quelques instants après je ne le vis plus. Je regrettais de n'être pas encore à
mon poste. Mais comme je me flattais qu'Isabelle me rendrait compte de
tout ce qui se serait passé, je me consolai et je participai de mon mieux aux
plaisirs de la fête où j'étais puisque je ne pouvais être de celle de ma
cousine.
Justine m'avait demandé, lorsque j'entrai, pour quelle raison Isabelle n'était
pas avec moi. J'imaginai de lui dire que ma tante avait voulu sortir avec
elle, mais qu'elle ne tarderait pas à venir prendre sa part du divertissement
et me rejoindre. Elle prit d'abord mon conte le mieux du monde ;
cependant, voyant que Courbelon n'y était plus depuis longtemps et que ma
cousine n'arrivait point, elle prit de la défiance et, sans s'expliquer avec
moi, elle ne put s'empêcher de me dire qu'elle avait lieu d'être surprise du
départ de l'un et du retard de l'autre. A peine venait−elle de me tenir ce
propos que Courbelon arriva, et ma cousine peu après. Justine disparut à
son tour ; je le fis remarquer à Isabelle à qui j'avais répété ce qu'elle
m'avait dit. Elle soupçonna dans l'instant que cette fille était retournée au
logis, ce qui lui donna de l'inquiétude. Justine revint et ne fit rien paraître ;
mais elle avait fait des recherches et pris des informations qui l'instruisirent
autant qu'elle le désirait. Nous rentrâmes chez ma tante. Il me tardait que
nous fussions couchées pour questionner en liberté ma cousine.
Je lui dis que j'étais fatiguée de la danse ; Isabelle en dit autant, quoiqu'elle
n'eût point pris part à cet exercice : elle l'avait toujours refusé sous quelque
prétexte, qui n'était pas néanmoins le véritable. Nous fûmes donc nous
mettre au lit. Quand je la tins dans mes bras, je voulus mettre ma main où
elle avait reçu les plus grands coups ; mais elle la repoussa en me disant
qu'elle y souffrait trop de douleur.
Il ne m'en fallut pas davantage pour la sommer de sa parole et la presser de
me la tenir :
HISTOIRE DE ROSE
60
Le Rideau Levé
− Ah ! ma chère Rose, ma curiosité a été bien mal satisfaite. Courbelon est
venu comme les autres fois. J'avais l'oreille au guet, je fus lui ouvrir, il s'est
jeté à mon cou.
Après bien des baisers et des caresses, il m'a prise dans ses bras et m'a
portée sur le pied du lit en promenant ses mains partout où il a voulu,
d'autant que je m'y prêtais sans feindre aucune résistance. Enfin, m'ayant
penchée sur le lit, il m'a enfoncé son vit qu'il avait mouillé de salive ; mais
quelle douleur ne m'a−t−il pas faite ; ce vit, d'une grosseur énorme, me
déchirait ; je n'osai crier, j'en versais des larmes. Il tâchait de me consoler
en m'embrassant et en m'assurant qu'une seconde fois je n'aurais plus que
du plaisir. Il me trompait : il y revint et ma douleur fut aussi vive, je
souffrais tout ce qu'on peut endurer. Il s'y présenta une troisième fois ; je
ne voulais plus y consentir ; il me pressa si fort, en y joignant tant de
baisers et de caresses, que je ne pus lui refuser. Il s'y prit si doucement et
avec tant de précautions que je croyais ne plus endurer un tel tourment,
mais il fut presque le même. Ces vives souffrances que j'ai ressenties,
jointes à la crainte des enfants qui s'est retracée plus fortement à mon
imagination, m'éloignent d'une pareille épreuve. Il m'en reste même une
cuisson si grande que je ne puis encore y toucher sans renouveler mes
douleurs, et c'est ce qui m'a fait refuser de participer à la danse.
− Sans doute, chère cousine, qu'étant bien plus jeune que Justine, tu es
beaucoup plus étroite.
− C'est bien ce que me disait Courbelon, en m'assurant que le temps et
l'usage m'élargiraient. Mais en attendant je n'en souffre pas moins.
Il fallut donc rester tranquilles et nous nous endormîmes.
Le lendemain, Justine fut attirer Isabelle dans sa chambre et lui dit qu'elle
s'était aperçue que Courbelon y était venu la veille, qu'elle avait trouvé à la
porte du petit escalier, qui n'était pas fermée comme elle le faisait
ordinairement, un morceau du bouquet qu'il avait ce jour−là ; qu'elle avait
très bien distingué que son lit avait été foulé, et qu'enfin elle avait appris
qu'au lieu d'être sortie avec sa mère, comme je lui avais dit, elle était restée
et n'avait quitté la maison que deux heures après moi ; qu'elle jugeait bien
ce qui s'était passé, qu'elle l'engageait de le lui avouer ; qu'elle ne devait
pas avoir de crainte ni faire de mystère avec elle puisqu'elle n'avait rien à
redouter de sa part, étant pour le moins aussi intéressée qu'elle à ce que
HISTOIRE DE ROSE
61
Le Rideau Levé
personne n'en sût rien. Isabelle s'en défendit d'abord ; mais les marques
étaient si claires pour Justine qu'à la fin elle lui avoua que Courbelon était
venu et lui avait fait les caresses dont il usait ordinairement. Justine lui
soutint qu'assurément il lui avait mis ; que tout lui démontrait qu'elle n'en
devait pas douter. Ma cousine ne voulut point en convenir, mais cette fille
lui dit qu'elle le connaîtrait bientôt. Comme elle était forte, elle la prit dans
ses bras et la coucha sur le lit ; Isabelle, ne pouvant lui résister et se
persuadant qu'elle y connaîtrait quelque chose, craignant encore que, pour
s'en assurer, elle ne renouvelât ses douleurs, lui fit l'aveu de tout ce qu'elle
m'avait raconté.
Justine, qui redoutait infiniment les suites de cette aventure, ou vivement
piquée contre Courbelon, apporta depuis tant de difficultés et d'obstacles à
leurs entrevues que ma cousine et lui ne pouvaient plus se voir avec la
facilité qu'elle leur avait procurée, et, peut−être alors jalouse de lui, elle ne
lui permit plus de revenir ; elle parvint, enfin, par toutes les voies et les
moyens qu'elle put imaginer à rompre cette liaison, d'autant plus aisément
qu'elle y employait la vigilance la plus grande. Courbelon, jugeant qu'il ne
pourrait jamais surmonter les obstacles qu'opposait une surveillante aussi
éclairée et au fait de cette allure, se brouilla avec elle ; et comme, dans
cette circonstance, il fut obligé quelque temps après de se rendre dans une
autre province, il oublia bientôt Isabelle et Justine qui, elle−même, peu
après son départ, se retira de chez ma tante et quitta la ville où nous étions.
C'est ce qui m'a fait penser, depuis, qu'elle était allée dans le même lieu où
s'était rendu Courbelon, pour qui elle aurait tout sacrifié.
Dans les premiers temps, Isabelle n'endura pas sans chagrin le déplaisir de
ne le plus voir ; elle me faisait part de tout ce que son humeur lui inspirait.
Je la consolais du mieux qu'il m'était possible ; j'y parvins à la longue, et
les plaisirs que nous nous procurions ensemble lui firent supporter avec
plus d'aisance, et même oublier à la fin, cette perte qui m'avait aussi fort
déplu. Je désirais être quelque jour de leurs parties ; je projetais d'y
engager ma cousine, et je m'en flattais d'autant mieux qu'elle avait pris
pour moi une forte inclination qui ne servit pas peu, depuis, à dissiper son
chagrin. Ces contretemps détruisirent mes desseins, et la nécessité fit que
je n'y pensai bientôt plus.
Nous passâmes encore quatre mois ensemble, pendant lesquels elle
HISTOIRE DE ROSE
62
Le Rideau Levé
m'instruisit de tout ce qu'elle avait appris de Courbelon et de Justine, qui
l'avaient rendue très habile.
Les réflexions que j'ai faites depuis sur cette aventure et sur les réponses
d'Isabelle aux différentes questions que je lui faisais m'ont fait voir que
Courbelon avait jeté ses desseins sur ma cousine ensuite du jour où elle
l'avait trouvé sur Justine, et que, sous le prétexte de mieux engager Isabelle
à garder le secret, il avait fait entendre à cette fille que le moyen le plus
assuré était de l'admettre en tiers dans leurs plaisirs, autant que la petite oie
pourrait s'étendre ; qu'enfin il avait su l'en convaincre et la faire donner
dans le panneau qu'il leur tendait ; sans quoi la jalousie que nous
soupçonnions à Justine s'y serait difficilement prêtée.
Le temps que je passai chez ma tante fut trop tôt écoulé ; je fus rappelée
par ma mère : il fallut nous séparer. Nous ne nous quittâmes pas sans
regret, et nous ne pûmes en venir à cette séparation sans verser bien des
larmes. Ma tante en fut touchée et me promit qu'elle ferait tout ce qui
dépendrait d'elle pour me ravoir encore. Elle et ma cousine, qui pouvaient
jouir d'une agréable liberté, me plaignaient, n'envisageant pour moi que
des jours bien tristes et remplis d'ennui avec une mère dévote qui ne voyait
personne. Je le croyais comme elles ; mais nous avions toutes tort.
Arrivée chez ma mère, je mis à profit tout ce que j'avais appris du hasard et
d'Isabelle : comme elle, je me procurais tous les jours les sensations les
plus délicieuses du plaisir ; souvent même j'en redoublais la dose. Mon
imagination échauffée n'était emplie que des idées qui y avaient rapport. Je
ne pensais qu'aux hommes, je fixais mes regards et mes désirs sur tous
ceux que je voyais : les yeux, attachés sur l'endroit où je savais que
reposait l'idole que j'aurais encensée, animaient mes désirs dont le feu se
répandait jusqu'aux extrémités de mon corps. Ce fut dans cet instant que
Vernol revint passer ses vacances chez ma mère ; il avait un an et demi de
plus que moi. Ah ! que je le trouvai beau ; j'en fus surprise ; jusque−là ses
charmes m'avaient échappé. Il est vrai que l'âge à peu près égal de
l'enfance nous avait toujours donné beaucoup d'amitié l'un pour l'autre ;
mais dans ce moment ce fut tout autre chose : il réunit tous mes désirs, une
ardeur dévorante s'empara de tous mes sens, je ne vis plus que lui, toutes
mes idées s'y concentrèrent. Depuis longtemps je souhaitais d'examiner de
près, et de toucher, ce que je n'avais fait qu'entrevoir à Courbelon. Je
HISTOIRE DE ROSE
63
Le Rideau Levé
sentais que j'étais trop jeune pour me flatter de devenir l'objet des desseins
d'un homme plus âgé, et, me persuadant que leur instrument grossissait à la
mesure de leurs années, les douleurs d'Isabelle m'effrayaient.
D'ailleurs je ne voyais personne qui pût jeter les yeux sur moi ni arrêter les
miens ; cependant, j'étais dans une vive impatience et je fis de Vernol le
but où je désirais atteindre.
Sa chambre était derrière celle de ma mère où je couchais.
Quand cette bonne dévote allait à l'église, où elle passait deux ou trois
heures tous les matins, je fermais exactement la porte après elle. On croyait
que nous dormions et l'on nous laissait en paix. Mais, continuellement
éveillée par mes désirs, j'allais en chemise près de lui et je lui faisais mille
agaceries pendant qu'il était dans son lit. Tantôt je l'embrassais, je le
chatouillais, tantôt je tirais ses couvertures, ses draps ; je le mettais presque
nu ; je lui donnais de petits coups sur ses fesses d'ivoire ; il sautait après
moi, me poussait sur son lit, me baisait et rendait sur mon cul les coups
légers que je lui avais donnés. Nous avions répété deux matinées ce
badinage lorsque, la troisième, en me jetant à la renverse sur son lit, ma
chemise, à qui j'avais prêté un peu de secours, se trouva toute relevée et
mes jambes en l'air ; il aperçut aussitôt mon petit conin, il m'écarta les
cuisses, il y porta la main, et ne pouvait se lasser de le regarder et d'y
toucher ; je le laissais faire.
− Ah ! Rose, me dit−il, que nous sommes bien différents l'un de l'autre !
− Comment ! lui répondis−je, quelle différence y a−t−il donc ? Je lui fis
cette question avec l'air de la plus innocente simplicité.
− Tiens, vois, me dit−il en troussant sa chemise et me montrant son petit
outil qui était devenu gros et raide, et que je n'avais qu'entrevu jusque−là.
Je pris cette lance en main, je la considérai, je la caressai, j'en découvrais,
j'en aiguisais la pointe, et j'eus enfin la satisfaction d'en faire l'examen le
plus attentif. Vernol, impatient d'en faire un pareil, me dit :
− Rose, laisse−moi donc te regarder encore.
Je me rendis à sa demande et je me recouchai. Il releva mes jambes, les
écarta et ne mit pas moins d'attention dans sa recherche et dans ses détails
que j'en avais eu dans la mienne ; mais il ignorait l'usage de ce qu'il voyait.
Il était à genoux sur le lit, penché sur moi ; je passai ma main entre ses
cuisses et je repris son joli bijou ; je m'amusai à coiffer et décoiffer sa tête
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
rouge comme le corail. Le plaisir que je lui faisais, dont je m'apercevais,
augmentait le mien :
j'étais dans l'impatience ; je me relevai et le renversai à son tour, je le
découvris tout entier ; je le baisais, je le mangeais, je caressais ses petites
olives ; enfin, à force de hausser et baisser ma main sur ce charmant bijou,
il répandit cette liqueur que j'avais vu rendre à Courbelon par la main de
Justine. Cette situation si nouvelle pour lui, l'étonnement joint au plaisir
excessif dont il paraissait jouir, étaient un délicieux spectacle pour moi ; sa
main, placée entre mes cuisses, était restée sans mouvement. Je me
recouchai sur le lit, je la pris et je lui fis faire un exercice qui lui était
inconnu, et que je souhaitais vivement. Je tombai bientôt moi−même dans
l'extase où je l'avais mis peu auparavant.
Tout cela lui paraissait bien extraordinaire ; je l'avais conduit de surprises
en surprises ; elles me réjouissaient et m'enchantaient. Je recommençai
mes caresses, je repris son instrument, je le baisai, je le suçai, je le mis tout
entier dans ma bouche, je l'aurais avalé : il ne tarda pas à reparaître dans
l'état charmant où il avait été. Jusque−là, je n'avais pas osé lui apprendre à
le mettre où je le souhaitais ; mais de plus en plus animée, j'arrachai sa
chemise, je quittai la mienne ; rien ne me cachait ses charmes naturels ; je
les contemplais, je les couvrais de mes mains et de mes lèvres ; il me
rendait les mêmes caresses à son tour.
Son petit vit était dans toute sa dureté ; je me mis sur lui ; je le conduisis
moi−même dans mon petit conin. Ah ! qu'il fut bientôt au fait : j'étais
encore étroite, mais il n'était pas gros ; nous poussions tous les deux ;
enfin, m'asseyant sur lui, je parvins aussitôt à me l'enfoncer tout entier, et
j'eus l'agréable satisfaction de le sentir pour la première fois introduit où je
le désirais avec tant de passion. C'est ainsi que nos pucelages, quoiqu'ils ne
fussent pas bien intacts, furent enlevés l'un par l'autre. Quelle volupté nous
ressentions ! Vernol ne savait plus où il en était. Nous jouissions de cette
félicité pure qui se sent sans pouvoir l'exprimer ni la concevoir. Nos
plaisirs étaient à leur comble. Il en éprouva le premier l'excès : il
déchargeait, ses bras qui m'entrelaçaient se relâchèrent, je précipitai mes
mouvements, je l'atteignis, et, me laissant aller sur lui, il connut que je
jouissais des mêmes délices. Serrés, collés l'un sur l'autre, nous savourions
ce voluptueux anéantissement qui n'est pas moins enchanteur que le plaisir
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
qui nous l'avait procuré. Mais, plus tôt rétablie que lui, je me vis forcée de
l'engager à se servir encore de sa main et de son doigt.
Nous répétions tous les jours cet agréable exercice ; j'allais dans son lit ou
il venait dans le mien ; partout où nous pouvions nous réunir en sûreté
pendant le jour, nous le recommencions ou nous n'en prenions que l'ombre.
La nuit que nous ne pouvions être ensemble, toute pleine de son image je
lui consacrais les plaisirs qu'elle faisait naître ; il en faisait autant de son
côté, nous nous en rendions compte le matin et nous réalisions les illusions
nocturnes.
Étonné dès les premiers jours de tout ce que je lui avais appris, il avait
désiré que je lui dise par quel moyen j'en avais eu connaissance ; mais ne
croyant pas à propos de lui rendre compte d'abord de ce que j'avais vu chez
ma cousine, je fixai ses idées sur des exemples généraux.
Cependant, ayant ensuite reconnu sa discrétion, je lui racontai tout, et nous
tâchions d'en réaliser le souvenir et d'en imiter l'exemple.
Hélas ! au milieu de nos plaisirs, notre séparation approchait ; nous
l'envisagions avec douleur. Ce moment vint enfin ; il fallut nous quitter ;
ma peine fut extrême, je ne puis vous la peindre. Depuis trois ans et demi
d'absence nous ne nous sommes réunis que depuis quatre ou cinq mois
qu'il est revenu tout à fait chez ma mère.
(Fin de l'Histoire de Rose)
Quand elle eut fini son récit où elle était entrée dans un détail plus étendu
qu'avec moi, surtout en ce qui regardait Vernol, je repris la parole :
− Tu ne sais pas, cher papa, ce que Rose m'a dit encore, elle ne te rend pas
compte de tout. Ma chère Laure, m'a−t−elle ajouté, je me suis aperçue que
Vernol avait pris pour toi la plus forte passion, et même il m'en a fait
l'aveu.
Tiens, chère amie, je n'en suis point jalouse, je vous aime tendrement tous
deux : tu es belle, il est charmant, je serais enchantée de le voir dans tes
bras ; oui, ma chère, je l'y mettrais moi−même, je ferais mon bonheur de sa
félicité.
Ne la trouves−tu pas folle ?
− Pas tant, Laure, je n'en suis point surpris, dans sa façon d'être.
Nous jugeâmes aisément que Rose aimait le plaisir avec fureur ; nous le lui
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
dîmes, elle en convint. Les tableaux qu'elle avait retracés avaient ranimé
son tempérament ; ils avaient produit le même effet sur nous. Mon papa en
présentait des preuves parlantes : elle s'en saisit, et, pour nous prouver le
charme séducteur qu'elle y trouvait, elle conduisit elle−même le cher objet
qu'elle tenait, et nous fit cent caresses dont nous la payâmes par cette
sensation délicieuse après laquelle elle soupirait sans cesse. Comme elle
était arrivée la première au but, elle arrêta mon papa et, nous adressant la
parole :
− Achevez d'avoir en moi la même confiance que je vous ai montrée ; ce
que nous avons fait tous les trois, depuis hier, m'a totalement ouvert les
yeux et m'a donné la liberté de vous raconter ce que j'ai fait avec Vernol.
Viens donc, papa, viens à côté de ta chère Laurette, à sa place j'en ferais
autant avec toi. Mets−lui, et qu'elle partage les plaisirs que tu m'as donnés ;
sois assuré de la plus inviolable discrétion.
− Eh bien ! Rose, pour te prouver que je n'en doute en aucune manière, tu
vas jouer un nouveau rôle.
Il se leva et fut aussitôt chercher le godemiché ; il l'attacha à la ceinture de
Rose qui était extasiée de cet outil qu'elle ne connaissait pas ; il me fit
mettre sur elle et le conduisit dans mon con en lui recommandant de se
remuer comme ferait un homme, et de me branler en même temps ; il
l'instruisit de l'effet de la détente lorsqu'elle me verrait prête à décharger. Il
se mit ensuite sur moi et m'introduisit son vit dans le cul. Rose remuait la
charnière supérieurement ; je tenais ses tétons, elle caressait les miens, elle
suçait ma langue, je me mourais. Au moment où j'allais perdre
connaissance, elle fit décharger le godemiché ; mon con en fut inondé, et le
foutre que mon papa répandit en même temps dans mon cul excita en moi
des transports qui se joignirent aux siens et à ceux de Rose qui, par le
frottement du godemiché sur son clitoris, les lui fit partager ; enfin je
tombai sur elle, morte de plaisir. Mon papa se releva bientôt, et quand je
fus revenue de cet évanouissement enchanteur nous sortîmes du lit qu'il
était plus de midi.
Dès que nous fûmes debout, elle n'eut rien de plus pressé que de passer à
l'examen de cet outil si nouveau pour elle.
Je l'aidai à en désunir toutes les parties : il était parfaitement semblable à
un vit ; toute la différence consistait dans des ondes transversales depuis la
HISTOIRE DE ROSE
67
Le Rideau Levé
tête jusqu'à la racine pour procurer un frottement plus actif. Il était
d'argent, mais couvert des couleurs de la nature, et d'un vernis dur et poli.
Il était vide, mince et léger. Dans le milieu de l'espace, il y avait un tuyau
du même métal, rond et plus gros qu'une plume, dans lequel il y avait un
piston. Ce tuyau se vissait à un autre bout percé et soudé au fond de la tête.
Il se trouvait par ce moyen des espaces autour de cette petite seringue, dont
elle avait l'effet, et les parois de celui qui imitait le vit. Un morceau de
liège, taillé pour boucher exactement ce dernier, avait un trou qui laissait
entrer très juste la naissance de la petite pompe, dans lequel on insérait un
ressort d'acier en spirale qui repoussait le piston par le moyen d'une
détente. Quand Rose l'eut bien tourné et retourné :
− Il faut encore, me dit−elle, que tu m'apprennes comment on lui fait faire
son office.
− On emplit, lui dis−je, le godemiché d'eau suffisamment échauffée pour
en supporter la chaleur sur les lèvres ; on le bouche bien avec le morceau
de liège, auquel tu vois cet anneau pour le retirer ; on emplit ensuite la
pompe, par le moyen du piston qu'on attire, de colle de poisson fondue et
légèrement teinte de blanc qu'on tient toute préparée :
la chaleur de l'eau se communique aussitôt à cette liqueur qui ressemble
autant qu'il est possible à la semence.
La première action de Rose, après ce détail, fut de trousser sa chemise et
de l'enfoncer dans son con. Cette folie dans ce moment me fit rire au point
que mon papa rentra pour savoir le sujet qui m'y excitait si fort. Il la vit à
cet ouvrage, il ne put s'empêcher de m'imiter, et s'adressa à elle :
− Laisse−le donc, Rose, sa vertu dans ce moment n'existe plus, et nous
pouvons faire quelque chose de mieux.
Elle continua donc de s'habiller. Il me prit par la main et sortit :
− Ma chère Laure, Rose sera la victime de sa passion et de son
tempérament ; rien ne la retient ; elle s'y livre avec fureur, sans mesure ni
ménagement ; sois assurée qu'elle paiera de sa personne cette imprudence,
ainsi que le pauvre Vernol qu'elle a jeté dans le même excès ; mais je veux
en profiter pour remplir mes desseins.
En effet, inébranlable dans ses réflexions, il fut la retrouver dans ma
chambre, et j'entendis :
− Rose, ce que vous avez dit à Laure, au sujet de votre frère sur la fin de
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
votre histoire, annonce votre amitié pour l'un et pour l'autre ; mais peut−on
compter sur la discrétion de Vernol comme sur la vôtre ? Il est nécessaire
qu'elle soit des plus grandes, vous devez le concevoir, songez−y.
− Oh ! ne vous trompez pas sur la confidence que je vous ai faite ; elle
n'est pas le fruit de l'indiscrétion ; mais la manière dont j'ai agi avec lui m'a
fait sentir que si j'eusse été Laurette vous eussiez été pour moi ce qu'est
Vernol.
L'obscurité à travers laquelle j'entrevoyais la chose s'est totalement
dissipée par la façon dont nous vivons depuis hier ; j'ai jugé que, dès lors,
je pouvais parler sans déguisement et que vous seriez intéressés à garder, à
notre sujet, le même secret qu'à votre égard je vous jure pour Vernol et
pour moi, y trouvant le même intérêt. Mais, de grâce, qu'il participe à nos
plaisirs ; il m'a fait l'aveu qu'il était fou de Laurette, et vous vous y trouvez
engagé plus que vous ne pensez. Vous serait−il donc possible de nous
refuser ? Je serai comblée de joie si vous ne vous y opposez pas et si,
comme je le désire, la chère Laurette ne le hait pas.
− Tout me force aujourd'hui à y consentir ; ne lui dites cependant rien
encore de ce qui s'est passé entre nous, je vous le conseille et vous y
engage. Il me croirait dédommagé, et je veux qu'il me paie lui−même du
sacrifice que je fais. Prévenez−le seulement de se prêter à tout ce que nous
voudrons.
− Ah ! je vous réponds de lui comme de moi−même sur qui vous pouvez
compter en tout.
− Il est cependant nécessaire que vous sachiez, vous et lui, que Laure n'est
ma fille que pour le public ; car en réalité elle ne l'est pas. Vous voyez
cependant qu'elle ne m'en est pas moins chère ; mais surtout, que personne
ne soit instruit de ce secret que vous deux, je vous le recommande. Allez à
présent trouver votre mère avec elle, dites−lui que demain nous irons
encore passer le jour à la campagne, et que si elle veut vous y laisser venir
avec votre frère nous vous y mènerons. Cependant, promettez−moi d'être
tranquilles l'un et l'autre jusqu'à ce que vous veniez, car vous en aurez
sûrement besoin.
Je n'avais rien perdu de ce discours ; Rose vint, m'entraîna, courut chez sa
mère et obtint facilement pour elle et pour Vernol ce qu'elle lui demandait.
Je la quittai et fus passer le reste de la journée chez une parente. Pendant ce
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
temps−là, mon père fut donner ses soins aux arrangements qu'il projetait.
La nuit, quand je fus dans ses bras, je présumai qu'il me rendrait compte de
ce qu'il avait dit à Rose, et de ses desseins. Indécise avec moi−même, je ne
voulus pas lui en parler la première, ni lui faire connaître que je l'avais
entendu. Le coeur me battait ; mais il ne m'en ouvrit pas la bouche.
Le lendemain après−midi, une voiture se rendit à notre porte, nous prit et
nous conduisit dans une maison charmante à quelque distance de la ville ;
je ne la lui connaissais pas. Je jugeai qu'elle appartenait à quelqu'un de ses
amis qui la lui prêtait. Vernol avait cherché à relever ses attraits naturels.
Rose et moi, nous étions dans un déshabillé galant. Instruit par sa soeur, il
avait une politesse plus aisée et quelque chose de plus assuré qui lui était
avantageux.
Nous arrivâmes sur les quatre heures, il faisait un temps admirable et très
doux. Nous rimes plusieurs tours dans les jardins, qui étaient vraiment
dessinés par Vertumne, et non de ces assemblages fantasques où la
bizarrerie semble avoir présidé. Ce n'était pas non plus de ces jardins
compassés, où la régularité et la symétrie écrasent la nature : nous y
jouissions de la beauté de l'horizon, qui semblait d'accord avec la fête.
Après cette promenade, où nous avions préludé par les baisers, nous
vînmes dans les appartements, que nous parcourûmes ; nous trouvâmes,
dans un salon où mon papa nous conduisit, une collation servie ; il nous
présenta plusieurs mets, nous versait à boire et ne nous ménageait pas. Soit
délicatesse des vins et des liqueurs, ou soit qu'il eût employé quelque autre
moyen qu'il connaissait assez, nos têtes perdirent bientôt leur équilibre et
nous jetâmes des fleurs à la folie, qui nous en couronna. Dès qu'il nous vit
en cet état, il fut écarter tout son monde de manière à ne le faire revenir
que tard, en sorte que nous étions exactement seuls. Il nous conduisit dans
un appartement où nous n'avions pas encore été, situé dans le quartier le
plus reculé. Il nous fit entrer dans un petit salon illuminé, de toutes parts,
de bougies mises dans des girandoles, posées à la hauteur où l'on pouvait
facilement atteindre avec la main. Au−dessous d'elles régnaient tout
alentour des glaces ordinairement couvertes de rideaux qui, dans ce
moment, étaient relevés par des cordois et des glands qui les tenaient en
festons, dont les pendants garnissaient les encoignures. Des bergères
larges, fort basses et presque sans dossier, sur lesquelles étaient répandus
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
des carreaux, garnissaient le tour jusqu'à la hauteur où les glaces étaient
placées. Au−dessus d'elles étaient enchâssés différents tableaux. Dieux !
quels objets, chère Eugénie ! Clinchetet et l'Arétin n'ont rien produit de
plus voluptueux. Des sculptures peu multipliées, les unes en blanc, les
autres peintes à la gouache, présentaient de semblables sujets. Dans un des
côtés était une niche ornée et éclairée de même, qui renfermait un meuble
sur lequel la jouissance et la volupté avaient établi leur trône. Ces
peintures, ces sculptures, les vins et les liqueurs que nous avions pris
écartèrent et chassèrent loin de nous jusqu'à l'ombre de la contrainte : le
délire voluptueux s'empara de nos sens ; Bacchus et la Folie menaient le
branle. Rose, inspirée par sa divinité chérie, nous donna le ton et
commença l'hymne du plaisir. Elle sautait au cou de mon papa, elle
embrassait Vernol, elle me baisait et m'engagea de l'imiter. Elle arracha
mon mouchoir qu'elle jeta à son frère, elle fit voler le sien sur mon papa,
elle leur faisait baiser ses tétons, elle les conduisait sur les miens, nos
bouches étaient couvertes de leurs lèvres. Ces jeux, ces baisers qui se
répétaient dans les glaces nous échauffèrent à l'excès. Nos joues étaient
colorées, nos lèvres brûlantes et vermeilles, nos yeux animés et nos seins
palpitants. Vernol, déjà dans un demi−désordre, le teint brillant, les yeux
pleins de feu, me paraissait beau comme le jour. Je le regardai dans ce
moment comme une jouissance divine dont tous les appas se réunirent en
un seul trait, au centre de mes désirs ; il ne savait lui−même où il en était :
mon papa calculait la gradation. Rose me fit tomber sur une bergère, elle
appela Vernol pour l'aider : elle me troussa, me donna de petits coups sur
les fesses, et lui fit voir l'objet après lequel il soupirait. Je la pris à mon
tour pour la renverser aussi ; mais elle ne m'en donna pas le temps ; elle s'y
jeta d'elle−même et, levant les pieds en l'air, elle mit au jour tous les appas
qu'elle avait reçus de la nature, son con, son cul, son ventre, ses cuisses,
tout fut à découvert. Nous fûmes aussitôt tous les trois près d'elle lui faire
les caresses qu'elle montrait désirer. A peine avions−nous posé nos mains
sur ses fesses qu'après deux ou trois mouvements de reins nous
l'aperçûmes tortiller l'oeil, et nous vîmes couler la fontaine du plaisir. Nous
nous apercevions bien l'une et l'autre que Vernol et mon papa bandaient de
tout leur pouvoir. Le sillon relevé que leurs vits faisaient le long de leurs
cuisses en portait le plus sûr témoignage. Tout d'un coup, Rose se releva et
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
fut se jeter sur mon père :
− Cher papa, je t'ai jeté le mouchoir ; tu seras mon mari et moi ta femme ;
donne−moi ta main.
− Très volontiers, Rose ; mais il faut que la dernière cérémonie en soit.
− Ah ! de tout mon coeur. Mais Vernol a eu le mouchoir de Laurette, il
faut aussi les unir. Y consens−tu ?
− Soit, comme tu le désires.
Elle accourut prendre nos mains qu'elle mit l'une dans l'autre ; elle nous fit
embrasser, nos bouches se rencontrèrent ; elle porta sa main sur mes tétons
et nous fit appeler mari et femme. Nous étions tous quatre vivement émus
et très échauffés. Rose brûlait.
− Qu'il serait délicieux dans ce moment, s'écria−t−elle, d'être dans un bain
où nous puissions nous rafraîchir ! Le feu me dévore.
Mon papa se leva et fut tirer un cordon qui était à côté de la niche. Aussitôt
le dessus du meuble qui y était fut enlevé, et découvrit un bassin à trois
robinets qui jetaient à volonté de l'eau chaude, froide ou de senteur.
− Voilà qui est magnifique, c'est ici le palais des divinités. Je vais, dit
Rose, ressembler à une naïade, mais je ne serai pas la seule. En peu
d'instants, elle parut avec les seuls ornements des nymphes ; elle s'empara
de moi, et pressa Vernol et mon papa de l'aider à me mettre dans le même
état : en un clin d'oeil, tout disparut de dessus moi. Rose fit un signe à son
frère qui se montra bientôt en Sylvain pendant qu'elle et moi nous prêtions
notre secours à mon papa. Mes regards furtifs avaient déjà détaillé Vernol :
qu'il était bien fait, et qu'il me paraissait agréable ! La jeunesse et la
fraîcheur brillaient de tous côtés : au milieu de la blancheur et de l'éclat
d'une jeune fille, on voyait le trait qui caractérisait un homme. Nous nous
plongeâmes tous quatre à la fois dans ce bassin, ils étaient l'un et l'autre
rayonnants de gloire. Tous consumés d'un feu dévorant, nous étions
semblables à des fournaises sur lesquelles on jette de l'eau et qui n'en
deviennent que plus vives. Deux lances en arrêt nous menaçaient tour à
tour, mais le combat ne nous effrayait pas : en proie aux mains folâtres et
passionnées, aux baisers amoureux et lascifs de nos tritons, nous leur
rendions les mêmes caresses, nous badinions avec leurs flèches, ils
s'étaient emparés de nos carquois. Dans ce moment, mon papa eut la
prudence de plonger l'éponge au fond du mien lorsque j'y pensais le moins.
HISTOIRE DE ROSE
72
Le Rideau Levé
Vernol voulait entrer en lice mais, par une adresse si naturelle aux femmes
et si propre à aiguiser les désirs, je l'arrêtai et me sauvai du bassin. Rose
me suivit. Bientôt ils furent dehors.
La fraîcheur qu'ils sentirent en sortant leur donna sur la crête, leur humilité
momentanée nous laissa le temps de nous essuyer et, nous étant couvertes
simplement de robes légères et transparentes qui ne gênaient presque point
la vue ni les larcins, et que mon papa tira d'une armoire cachée par une
glace mobile, nous nous étendîmes sur les bergères. A peine y étions−nous
qu'il fit descendre du plancher, par un autre cordon, une table servie de
mets délicats, de vins et de liqueurs semblables à celles dont nous nous
étions si bien coiffés, et qui nous achevèrent. Tout y était propre à
augmenter l'ardeur qui nous dévorait déjà.
Vernol était dans une impatience prodigieuse ; mais, ce que je n'aurais pas
attendu de celle de Rose, elle ne perdit rien de sa gaieté. Pour moi, dont la
volupté était plus délicate, je jouissais par les yeux, par les mains ; mais
j'étais moins empressée d'arriver au but, que j'envisageais avec plus de
satisfaction en exaltant le désir, et je me trouvais en cela d'accord avec
mon papa. Vernol et Rose furent donc obligés de modérer leur impatience,
ce qui fut plus facile à Rose qui, par nos caresses et nos attouchements,
avait déjà, de son aveu, ressenti trois fois les délices du plaisir. Enfin, elle
appela ce service le souper de noce ; l'hymen n'y présidait guère, mais
qu'importe, la volupté y régnait ; elle seule nous suffisait et nous
enchantait. On la voyait au milieu de la table, couronnée par le dieu des
jardins, tenant son sceptre en main ; dans les quatre coins il y avait des
groupes entrelacés et dans les attitudes qui annonçaient le plus doux des
moments. Entre eux, de vieux satyres jaloux présentant leurs offrandes,
que des nymphes chassaient et que les plaisirs fuyaient : tout inspirait, tout
animait. Rose, le verre et la bouteille en mains, sa robe ouverte,
développant ses appas et ses grâces, répandait la flamme dans nos veines ;
ce qu'elle nous versait devenait un torrent de feu.
Je désirais enfin moi−même avec violence, rien ne m'eût effrayée. Nos
attraits, presque toujours à découvert, produisaient le même effet, et nous
voyions sans cesse à nos yeux des signes palpables de leur pouvoir. Enfin,
chère Eugénie, parlons sans figure : ils ne débandaient point.
Rose, ne pouvant plus y tenir, s'écria :
HISTOIRE DE ROSE
73
Le Rideau Levé
− Vernol, prends ta femme. Pour moi, me jetant entre les bras de mon
papa, je tiens mon mari.
Elle s'était déjà saisie de son vit qu'elle fixait depuis longtemps, déjà
Vernol me tenait embrassée et sa main s'était emparée de mon con, lorsque
mon papa nous arrêta :
− Attendez, mes enfants, il y a une condition à laquelle j'attache ma
complaisance ; il est juste que j'en sois payé.
Si Vernol le met à Laure, je veux imiter cet homme de cour qui, faisant
coucher avec sa femme un page qu'elle aimait, faisait en le cul de ce page
la même opération qu'il faisait dans le con de la dame. Il faut, de même,
que pendant qu'il foutra Laure son cul soit à ma disposition.
Je me persuadai dans l'instant que les beautés de Vernol lui avaient inspiré
des désirs, comme elles avaient fait naître les miens ; j'en fus enchantée,
j'en devenais plus libre de me livrer à mes désirs, et cette pensée me
dégagea d'une entrave qui, jusque−là, m'avait donné quelque gêne.
J'animai nos jeux avec les transports de la joie ; je tâchai d'y ajouter de ma
part tout ce qui pouvait les rendre plus charmants : je me saisis de Vernol,
j'arrachai sa robe, je présentai son cul, j'écartai ses fesses charmantes, son
vit m'enfonçait le ventre.
− Non, Vernol, non, ne te flatte pas de me le mettre dans cette condition.
Rose, qui avait vu que mon papa me l'avait mis de même, s'écria qu'il
n'avait pas à balancer, et jura qu'elle le tiendrait plutôt.
− Quoi, dit Vernol, quel serait donc l'obstacle qui pourrait m'arrêter ?
Depuis longtemps, je suis à la torture ; que ne ferais−je pas, belle Laurette,
pour jouir de vous et mourir dans vos bras ?
− En ce cas, dit mon papa, Rose sera aussi de la partie.
Dans le moment, la table fut enlevée et le bassin recouvert ; un coussin
épais en remplissait l'étendue et était enveloppé d'un satin couleur puce, si
propre à relever la blancheur. Cette niche était le vrai sanctuaire de la
volupté.
Nous fûmes à l'instant débarrassés de tout ce qui nous était étranger, et
nous montâmes sur cet autel avec les seuls ornements de la nature, tels
qu'ils étaient nécessaires pour offrir nos voeux à la divinité que nous
allions encenser et pour les sacrifices que nous allions lui faire. Les glaces
répétaient de tous côtés nos différents attraits. J'admirais ceux de Vernol.
HISTOIRE DE ROSE
74
Le Rideau Levé
Ce beau garçon me prit dans ses bras, il me couvrit de baisers et de
caresses ; il bandait de toute sa force. Je tenais son vit ; mon papa maniait
ses fesses d'une main et, de l'autre, les tétons ou le con de Rose qui nous
caressait tous trois. Cédant enfin à notre fureur amoureuse, Vernol me
renversa, écarta mes cuisses, baisa ma motte, mon con, y mit sa langue,
suça mon clitoris, se coucha sur moi et me fit entrer son vit jusques aux
gardes. Mon papa se mit aussitôt sur lui. Rose était sur les genoux,
appuyée sur les coudes, son con tourné de mon côté ; elle entrouvrit les
fesses de Vernol, en mouilla l'entrée et conduisit le vit de mon papa dans la
route qu'elle lui avait préparée. Pendant qu'ils agissaient, elle chatouillait
les couilles de l'un et de l'autre. Je tenais son con, j'y mettais le doigt, je la
branlais ; bientôt ma main fut toute mouillée, ses transports, qui parurent
les premiers, nous excitèrent vivement :
Vernol la suivit de près ; mon papa s'en aperçut, il hâta sa course qui
m'était favorable ; je doublai mes mouvements, et nous tombâmes presque
aussitôt dans la même extase : nos trois individus unis n'en faisaient pour
ainsi dire plus qu'un, que Rose couvrait de ses baisers.
Revenus à nous−mêmes, nos caresses remplacèrent nos transports et
remplissaient le temps que le plaisir nous laissait à parcourir ; elles nous
remirent bientôt en état de le ramener à nous. Vernol avoua qu'il n'en avait
jamais ressenti de pareil.
− Il faut l'avoir connu, dit mon papa, pour pouvoir en juger. Viens, ma
chère Laurette, viens l'éprouver à ton tour. Vernol, moins fourni que moi,
ne te procurera que des douceurs. Belle comme tu es, de quelque côté que
ce soit il n'a rien à perdre. Nous bandons, viens dans mes bras. Rose fera
pour lui ce qu'elle a fait pour moi, et branlera ton clitoris en arrière,
par−dessous les cuisses.
Je me jetai sur lui, je le mangeai de caresses. Rose introduisit son vit dans
mon con ; elle ouvrit mon cul, elle mit le vit de Vernol dans sa bouche, elle
en mouilla la tête ainsi que le passage où il devait entrer, et le conduisit
elle−même.
Placée comme elle était la première fois, elle me branlait et caressait les
fesses de Vernol, tandis que mon papa, le doigt dans son con, la branlait
aussi. Le sublime. plaisir annonça bientôt sa présence, nous volions après
lui, nous le saisîmes. Ah ! qu'il était grand ! Nous déchargions tous, nous
HISTOIRE DE ROSE
75
Le Rideau Levé
étions inondés, le foutre ruisselait. Livrée aux plus vives sensations, j'étais
dans un état convulsif. Après avoir été agitée comme un nageur qui se
débat, un calme, non moins voluptueux que le plaisir, lui succéda. Ce
resserrement, ce frottement dans toutes les parties délicates et sensibles, où
se trouve le trône de la suprême volupté, me la fit connaître dans
l'extrémité de son dernier période. Je ne pus mettre la parallèle avec cette
journée, que celle où j'avais fait le sacrifice volontaire de mon pucelage.
Il fallut enfin se reposer ; nous nous assîmes, et nous les engageâmes de
reprendre pour quelques instants leurs habits ; mais nous ne fûmes guère
plus tranquilles : dans l'état où nous étions, nos yeux, nos mains, nos
bouches, nos langues, tout rappela les désirs ; nous parlions foutaise ; nos
tétons, nos fesses, nos cons étaient maniés, baisés ; nous les rendions, ces
caresses, des vits et des couilles en étaient les objets. Bientôt les effets en
parurent avec fierté, nous les ressentîmes aussi ; nous bandions tous
encore, nos clitoris gonflés le démontraient aussi bien que la fermeté de
leurs vits ; nous courûmes sur les traces du plaisir qui nous avait échappé ;
nous le ramenâmes à nous pour le laisser fuir encore ; mais je voulus que
Rose eût une part plus solide que celle qui lui était tombée jusqu'alors ; je
la fis coucher les genoux élevés ; mon papa se mit à côté d'elle et, passant
ses cuisses par−dessous ses jambes qu'elle mit en l'air, son vit se trouvait
pointé sur le but ; je me mis sur elle, sa tête entre mes genoux et entre ceux
de Vernol qui me le mettait en levrette. Je mis le vit de mon papa dans son
con ; il s'y perdait et reparaissait tour à tour ; il prenait nos tétons à l'une et
à l'autre ; je la branlais, elle me rendait le même office ; mon con était sur
ses yeux ; le vit de Vernol qui allait et venait, ses couilles qui se
balançaient, formaient un spectacle enchanteur pour elle, qui produisit un
tel effet sur ses sens que, dans le même temps que nous mîmes à chercher
le plaisir pour le savourer, Rose avait déjà ressenti quatre fois ses attraits ;
quatre fois ses élancements et ses transports, ses expressions : je me meurs,
je décharge, nous en donnèrent des preuves certaines. Enfin, nos fouteurs
de dessous se réunissant, Rose reçut, dans un cinquième et copieux
épanchement de sa part, le foutre dont mon papa l'inonda. Leur plaisir
excitant le nôtre, nous jouîmes presque en même temps qu'eux de ces
enchantements que nous nous hâtions d'atteindre.
Rose se mourait : si elle chérissait le plaisir, celui−ci ne la fuyait pas ; elle
HISTOIRE DE ROSE
76
Le Rideau Levé
en ressentait les effets des trois et quatre fois contre nous une ; son con
était une source de foutre ; il lui causait un plaisir si vif qu'elle pinçait et
mordait toutes les fois qu'elle le répandait. Enfin, elle tomba dans cet état
d'anéantissement où l'on ne connaît et ne sent rien que l'excès des
sensations délicieuses qu'il procure. Dès qu'elle en fut revenue, elle fit tant
d'éloges de cette attitude que je voulus jouir à mon tour de la même
perspective. Aussi, dès que nos forces furent rétablies, nous n'y
changeâmes presque rien ; je pris seulement la place qu'elle occupait, elle
se mit sur moi, Vernol la foutait. Ma tête entre leurs cuisses, je voyais tous
leurs mouvements, et nous nous branlions l'une et l'autre, pendant que le
vit de mon papa fournissait pour moi sa carrière.
Ce quatrième acte fini, nous étions fatigués, brisés, excédés ; nous avions
grand besoin de réparer nos pertes. Nous nous relevâmes, mon papa fit
redescendre la table et nous ranimâmes nos forces par les restaurants que
nous prîmes. Le repos nous était bien nécessaire. Dès que la table fut
relevée, nous nous couchâmes tous quatre, les uns sur les autres, nos bras
et nos cuisses entrelacés, tenant chacun le cher objet de tous nos voeux et
le divin moteur de nos plaisirs.
Après une bonne heure de sommeil, Rose, éveillée par un songe
voluptueux, nous tira bientôt de l'espèce de léthargie où nous étions
plongés. Nos caresses et nos baisers recommencèrent ; mais, loin de nous
précipiter, nous badinions avec nos désirs pour en allonger la durée, en
multipliant la jouissance, en retardant l'approche du plaisir : nous allions
jusqu'à lui, nous le repoussions, il nous poursuivait. Rose l'avait déjà saisi
deux ou trois fois ; à notre tour il nous atteignit aussi : il n'est pas sûr de
jouer avec lui. Il fut enfin victorieux, et nous terminâmes cette journée par
un cinquième acte dont Rose fut l'héroïne.
Couché sur mon papa qui l'enfilait par le grand chemin, Vernol se
présentait à la porte de derrière. J'avais pris l'attitude qu'elle avait tenue ; je
mis tout en place et je lui rendais les mêmes services que j'en avais reçus,
pendant que mon papa me prodiguait des caresses semblables ; mais, par
un nouveau badinage, Vernol changeait de temps en temps de route : il
quittait celle où je l'avais conduit pour aller s'accoler avec mon papa dans
le chemin qu'il occupait. Rose trouvait admirable de les avoir ensemble :
il était heureux pour elle que la même voie pût se prêter à deux de front ;
HISTOIRE DE ROSE
77
Le Rideau Levé
mais, au dernier moment, Vernol reprit le sentier où je l'avais guidé et qu'il
avait occupé d'abord.
Elle trouva ce dénouement divin et supérieur à tout ce qu'elle avait éprouvé
jusqu'alors ; aussi s'écria−t−elle, dans son enthousiasme :
− Que je serais heureuse, et que la mort me serait douce si je perdais la vie
dans un moment si délicieux !
Nous rîmes de son idée, et nous la trouvâmes bien analogue à son
tempérament et à sa façon de penser.
Avant de reprendre nos vêtements, mon père découvrit de nouveau le
bassin ; je fus enchantée de ce soin ; je m'y plongeai dans l'instant, ils m'y
suivirent aussitôt. Je retirai l'éponge et j'introduisis de l'eau dans le lieu
qu'elle avait occupé. Cette première ablution faite, nous la renouvelâmes et
nous y rimes couler une essence qui nous embaumait. Ce second bain porta
le calme et la fraîcheur dans tous nos sens. L'heure s'avançait, nous nous
hâtâmes d'en sortir.
Après nous être rhabillés, nous rimes encore quelques tours dans les
jardins. Enfin, nous remontâmes en voiture sur les huit heures, et nous
rentrâmes en ville une heure après.
Depuis ce jour, et dans les premiers temps qui le suivirent, Rose ne cessait
de me presser de répéter cette scène.
Je m'y prêtai d'abord. Peu après je ne me rendais que par complaisance
pour elle qui, sur la fin, en était seule le coryphée. Enfin, elle me devint
insipide, je l'aurais trouvée même à charge si mon papa n'eût été de la
partie. Cette dégradation ne lui avait point échappé, il en fut enchanté.
Mon ivresse pour Vernol, que mes yeux et mes sens avaient seuls produite
et où le coeur n'avait point de part, se dissipait tous les jours : soustraction
faite de sa figure et de sa douceur, on ne trouvait plus rien en lui ; elle
s'éteignit totalement et ne me laissa que des regrets ; je revins tout entière
au penchant de mon coeur et à mon attachement qui, loin de diminuer,
avait pris de nouvelles forces. Je regardais mon père comme un homme
extraordinaire, unique, un vrai philosophe au−dessus de tout, mais en
même temps aimable et fait pour toucher réellement un coeur ; je l'aimais,
je l'adorais. Ah ! chère Eugénie, ce sont les qualités de l'âme qui, seules,
nous fixent, nous enchaînent indépendamment des sens et coupent les ailes
de notre inconstance naturelle. Les hommes qui réfléchissent n'y résistent
HISTOIRE DE ROSE
78
Le Rideau Levé
point quand ils les rencontrent, et toute leur infidélité leur cède : enfin,
j'étais le seul objet de sa tendre affection, comme il l'était de celle de mon
coeur. Les événements qui suivirent achevèrent d'anéantir ces liaisons que
j'avais déjà commencé de rompre.
Une aventure où Rose brisa plusieurs lances avec trop d'effronterie et
d'imprudence acheva de m'aliéner d'elle et de Vernol, lorsqu'ils m'en eurent
fait un détail que je sus tirer d'eux. Je fus convaincue que la délicatesse des
sentiments n'habitait point leurs coeurs, et qu'ils n'avaient l'un et l'autre que
ceux de la passion la plus effrénée et la plus indiscrète. Cette manière
d'être et de penser n'étant point uniforme avec la mienne, je fus
entièrement décidée sur leur compte.
Je t'ai déjà dit que je ne les voyais plus aussi souvent, ce qui les engageait à
chercher de leur côté tous les amusements qu'ils pouvaient se procurer : la
promenade en faisait partie. Vernol, conduisant un jour Rose dans un
jardin public, rencontra quatre de ses camarades de collège, dont le plus
âgé avait à peine vingt ans. Reconnaissance, essor de joie, embrassades,
questions multipliées : d'où viens−tu ?
Que fais−tu ? Où vas−tu ? Quelle est cette belle ? La réponse à la dernière
demande donna lieu à nos jeunes gens de faire des révérences et des
compliments qui, sûrement, ne déplaisaient point à Rose. Satisfaits sur les
autres points, ils se déterminèrent à engager Vernol d'être de leur partie.
Il était question d'aller hors de la ville se régaler d'une collation dans
quelque endroit commode ; ils n'essuyèrent point de refus de la part de
Vernol, et encore moins de Rose : ils partent.
Dans les premiers transports de joie, nos jeunes gens avaient oublié les
conventions qu'ils avaient prises ensemble, mais le plus âgé, en même
temps le plus rusé par ce que tu vas voir ensuite, ne les avait pas perdues
de vue. Il tenait Rose avec un autre sous les bras, les petits propos, les
cajoleries, les expressions énigmatiques, allaient leur train. On était encore
dans la belle saison ; on marchait assez vite. En arrivant, on monte dans
une chambre ; Rose avait chaud, elle se jeta sur un lit, découvrit sa gorge,
et laissait pencher une jambe qu'elle savait avoir bien faite ; aussi en
reçut−elle des éloges qui l'enivraient. On fit apporter mets, vins et liqueurs
de diverses sortes ; les têtes commencèrent à s'échauffer : Rose sablait,
tous en faisaient autant. Dans cette disposition, les propos, les chansons
HISTOIRE DE ROSE
79
Le Rideau Levé
s'égayèrent, la liberté s'en mêla, les baisers trottaient ; le feu prit, et
l'incendie se communiqua. Le plus âgé, plus hardi et plus expérimenté que
les autres, prit Vernol dans une embrasure et lui fit part des conventions
qu'ils avaient faites avant de partir. Vernol ne put s'empêcher d'en rire de
tout son coeur. Rose, curieuse à son ordinaire, voulut absolument savoir ce
qui lui en donnait lieu : elle l'appela, le pressa ; il ne fit pas de difficulté de
lui raconter que ses camarades étaient convenus entre eux, avant de les
avoir rencontrés, que celui des quatre qui aurait le vit le plus petit paierait
pour tous la bonne chère, et que celui qui l'aurait le plus gros ferait présent
de ce qui serait bu.
Dans les transports, les éclats de rire et les élans que ce récit fit faire à
Rose, elle s'agita de façon, en levant une jambe, qu'elle fît voir presque
tout ce qu'elle avait de caché, et, dans ce premier mouvement, elle s'écria :
− Qui donc en sera le juge ?
− Vous−même, lui dit le plus effronté, croyant bien que Vernol lui avait
rendu compte de ce qu'il avait appris.
Rose, animée par le vin et par une idée aussi flatteuse pour elle, répondit
que, certainement, elle serait le meilleur juge et plus en état d'en décider
qu'aucun d'eux. De ce moment, on ne se gêna plus ; les expressions les
plus hardies, accompagnées de vin et mêlées de caresses, passaient de
bouche en bouche. Rose, comme un vaillant champion, tenait tête à tous ;
mais elle se préparait d'autres assauts qui l'intéressaient davantage et,
voulant en venir au plus tôt à des effets où elle trouvait plus de solidité,
elle appela Vernol et, lui passant un bras autour du cou, elle pencha sa tête
sur ses tétons qu'elle lui faisait baiser puis, coulant sa main plus bas, elle
s'empara de son vit ; lui, de son côté, glissant la sienne sous ses jupes se
saisit de son con. Ses jupes à demi soulevées ne laissaient rien apercevoir
encore, mais, relevant un genou, elle facilita la découverte de ce centre du
plaisir. Cette vue les anima de telle sorte qu'ils l'entourèrent, l'un lui
prenant une fesse, l'autre une cuisse, un autre les tétons, chacun en tenait
un morceau. Rose, faisant relever Vernol, leur demanda, en leur montrant
son vit qu'elle tenait, s'ils pouvaient lui faire voir quelque chose de pareil.
Chacun mit aussitôt les armes à la main : elle eut alors le spectacle
enchanteur à ses yeux de voir à la fois cinq vits bandés, fiers et menaçants,
qui lui proposaient le combat quoique certains d'être vaincus.
HISTOIRE DE ROSE
80
Le Rideau Levé
Rose, aussitôt se relevant et s'asseyant sur le lit, les genoux relevés et
écartés, le lieu de la joute totalement à découvert et présentant la bague :
− Je pourrais, dit−elle, décider la question au coup d'oeil ; mais puisque je
dois juger je veux y procéder avec tout le scrupule possible, et même y
joindre, s'il le faut, une mesure qui m'est propre. Cependant commençons.
Elle les fit ranger tous cinq en leur faisant mettre toutes pièces à découvert
et, prenant son lacet, elle les mesura avec la plus grande exactitude, tant en
longueur qu'en grosseur, soupesant même avec attention leurs
dépendances.
Le maniement de tous ces vits fit une telle impression sur elle que, se
laissant aller sur le dos et donnant deux ou trois coups de cul, elle leur fit
connaître qu'elle déchargeait.
Tous voulaient, dans cet instant, monter sur elle, mais elle les arrêta :
− Je veux avant, dit−elle, prononcer mon jugement.
Le plus âgé fut tenu de payer les vins et les liqueurs ; Vernol aurait été
chargé du restant s'il n'eût été par tous exempté des obligations de la
convention dont il n'était pas. Ce fut au second, presque du même âge que
le premier, que cette chance tomba, n'étant guère mieux fourni que Vernol.
Il était d'une figure agréable, et Rose, pour dissiper le chagrin qu'il
témoignait, lui promit qu'il serait le premier à passer aux épreuves. Elle les
désirait avec passion : tous ces vits, toutes ces couilles l'avaient mise en
fureur. Ils la prièrent de les y admettre ; elle ne se fit pas presser et, se
renversant sur le lit, elle tendit la main à celui auquel elle l'avait promis,
qui, sautant sur elle, enfonça sur−le−champ son dard dans l'anneau qu'elle
présentait ; Vernol le suivit et les trois autres à leur tour selon la gradation
qu'elle avait observée. Rose, enchantée, arrosée de foutre, nageait dans le
plaisir : sans cesse déchargeant, à peine avait−elle le temps de respirer ;
l'un n'avait pas plus tôt quitté la place que l'autre aussitôt y rentrait.
Enfin, il fallut se reposer un moment. On était fort échauffé : boire, rire et
caresser remplirent les entractes.
Rose était toute livrée aux baisers et aux mains fourrageuses de ces cinq
fouteurs. Ils ne purent la souffrir plus longtemps couverte du moindre
voile ; bientôt elle fut mise dans l'état où étaient les trois déesses au
jugement de Pâris.
Tous, jeunes et vigoureux, ne la virent pas plus tôt ainsi que leurs désirs se
HISTOIRE DE ROSE
81
Le Rideau Levé
montrèrent plus furieux. Rose aurait cédé volontiers la ceinture de Vénus
pour une guirlande de cons afin de les recevoir tous à la fois, à moins que
cette ceinture de la mère des Amours ne fût de cette espèce.
Mais, n'en pouvant avoir que deux, elle changea la scène en faisant mettre
le plus gros et le plus long couché sur le lit, la tête au pied ; elle se mit sur
lui, les tétons appuyés sur sa bouche ; le moins avantagé se mit sur elle
entre leurs cuisses ; chacun prit la route qui lui était présentée ; de chaque
main, elle tenait le vit des deux autres, et réserva Vernol, dont elle prit le
hochet entre les lèvres, qu'elle chatouillait et suçait du bout de sa langue.
Enfin Rose, au milieu du foutre qui ruisselait de toutes parts, demeura
victorieuse après qu'ils se furent présentés entre eux vingt−deux fois au
combat, qu'elle eut arrosé trente−neuf fois par elle−même le champ de
bataille. Elle était excédée mais ivre de plaisir.
Je la vis le lendemain ; je la trouvai mourante, les yeux languissants et
abattus. Surprise de la trouver dans cet état, je la questionnai avec adresse,
et je la pressai tant qu'elle et Vernol me firent enfin l'aveu de cette orgie.
Je ne me mêlai pas de leur donner des conseils, je voyais trop combien ils
seraient inutiles ; je ne daignai pas même les blâmer. Aussi je ne mets pas
en doute qu'elle ne l'ait renouvelée aussitôt qu'elle l'a pu ; mais je ne me
mis plus à même de l'apprendre, et de ce jour je ne les vis plus.
Rose, livrée sans frein à la passion furieuse dont elle faisait l'idole de son
bonheur, à la fin y succomba. Ses règles n'avaient point paru ; elle ne fut
pas longtemps sans essuyer un épuisement total, suivi de vapeurs affreuses.
Sa vue s'en ressentit, elle ne ressemblait plus qu'à une ombre ambulante.
Sa gaieté fut totalement perdue et un dépérissement, produit par une fièvre
lente, la conduisit enfin au tombeau.
Vernol, qu'elle avait jeté dans le même excès, fut saisi d'une fièvre putride
dont il eut beaucoup de peine à revenir, et, peu de mois après son
rétablissement, la petite vérole lui fit essuyer des ravages qui le
défigurèrent totalement. Il fut encore très mal et ne fit que languir depuis.
Mon père avait prévu tous ces événements ; nous nous entretenions
souvent sur ce sujet. Je sentis mieux que jamais le prix de ses soins, et mon
coeur avait peine à soutenir les épanouissements qu'il ressentait pour lui.
Nous nous ménageâmes de plus en plus : plus tendres, plus voluptueux et
délicats que passionnés, nous passions souvent des nuits dans les bras l'un
HISTOIRE DE ROSE
82
Le Rideau Levé
de l'autre, sans autre plaisir que celui d'y être, accompagné de douces
caresses.
Quelquefois, rappelant à ma mémoire ce qui s'était passé, le souvenir m'en
donnait un vrai chagrin ; et dans une de ces nuits heureuses où mon coeur
plein de lui jouissait de toute sa félicité, il m'échappa de le lui faire
connaître : j'en versais des larmes.
− Qu'as−tu donc, ma chère Laurette ? Pourquoi répands−tu des pleurs ?
Tes joues viennent d'en mouiller les miennes.
− Ah ! cher papa, vous ne devez plus m'aimer, vous ne pouvez plus estimer
votre fille. Je ne peux concevoir comment, dépendante de vous et de vos
volontés, vous avez pu vous prêter aux écarts et aux extravagances d'une
imagination fascinée, et permettre que je m'y livre.
(Discours du père)
− Es−tu folle, ma chère enfant ? Crois−tu que je fasse dépendre mon
estime et mon amitié des préjugés reçus ?
Qu'importe qu'une femme ait été dans les bras d'un autre amant si les
qualités de son coeur, si l'égalité de son humeur, la douceur de son
caractère, les agréments de son esprit et les grâces de sa personne n'en sont
point altérés, et si elle est encore susceptible d'un tendre attachement ?
Crois−tu qu'elle ait moins de prix qu'une veuve, à mérite égal, sur qui l'on
aura jeté quelques gouttes d'eau et marmotté des paroles pour lui permettre
de coucher avec un homme au su de tout le monde, et d'en promener les
fruits avec ostentation ? Dis−moi, n'en a−t−elle pas plus que tant de
veuves, et même de prétendues filles dont le mérite est inférieur ? Les
femmes sont−elles donc comme les chevaux, auxquels on ne met de prix
qu'à proportion qu'ils sont neufs ? Écoute mes principes, ma chère fille, je
serai satisfait s'ils peuvent te tranquilliser et te persuader que je t'aime aussi
tendrement et que je ne t'estime pas moins qu'auparavant. “ Rien ne me
surprend si peu que de voir faire une infidélité, quoiqu'on ait le coeur
rempli d'une affection bien tendre pour un objet qu'on chérit uniquement ;
j'en suis un exemple pour toi. Je t'aime, ma Laurette, et mon amour est né
presque avec toi ; je peux même assurer que tu avais à peine sept ans que
je n'aimais uniquement que toi ; tu remplis entièrement mon coeur. T'en
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
ai−je moins fait infidélité avec Lucette, avec Rose et même avec Vernol ?
Crois−moi, cette action, qui tient à la constitution de nos organes, est trop
naturelle pour n'être pas pardonnable, tandis que l'inconstance, qui provient
du sentiment, ne me le paraît pas lorsque l'objet auquel nous sommes
engagés par les liens de l'estime, de la bonne foi, de la reconnaissance, et
par son attachement, ne nous en donne pas lieu. Encore faut−il des sujets
très graves pour autoriser un dégagement entier : comme la méchanceté du
coeur, l'aigreur dans le caractère et l'emportement journalier dans une
humeur récalcitrante. Mais j'ai supposé un choix heureux : alors
l'inconstance, suivant moi, décèle un coeur léger, ingrat, perfide et
mauvais ; je n'en ferais jamais un ami. Tout homme capable de perfidie et
d'inconstance pour une femme qui a de la délicatesse dans les sentiments,
et un esprit agréable et cultivé, qui s'est livrée à lui et à sa discrétion, est
toujours perfide et inconstant pour son ami.
Mais l'infidélité passagère ne démontre qu'un tempérament susceptible
d'irritation, que souvent le besoin, l'occasion, ou même des circonstances
imprévues auxquelles on ne peut se refuser, engagent à satisfaire.
“ Nous sommes composés de contradictions apparentes, la volonté n'est
souvent pas d'accord avec nos actions parce qu'elles ne dépendent pas
d'elle ; souvent nous ressentons des impulsions qui conduisent à des
résultats qui paraissent contradictoires, quoiqu'ils partent cependant de la
même source ; et celui qui a reconnu un sixième sens dans le centre de nos
individus en connaissait bien la nature. En effet, dépend−il de notre
volonté de le faire agir ou non ? Il n'est point soumis à ses lois. Tout en
nous, au contraire, l'est à notre organisation et à la fermentation des
liqueurs qui la mettent en mouvement. Rien ne peut s'y opposer, ni les
changer, que le temps seul qui détruit tout. C'est à cet ensemble, qui
compose chaque être différent, que se rapportent les variétés qu'on y
découvre, et c'est encore du sort donné à chacun d'eux qu'ils tiennent cet
ensemble, qui s'y rapporte avec une liaison parfaite.
“ Nos sens éprouvent, dans l'union des sexes, des impressions dont nous ne
sommes pas les maîtres. Tel objet frappe, séduit, inspire des désirs aux uns,
qui ne produit rien sur les autres, quoique réellement agréable : j'en ai vu
bien des exemples. Sommes−nous affectés par un objet ?
Tout nous y traîne ou nous y porte ; quelquefois nous haïssons son humeur
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Le Rideau Levé
et son caractère, cependant il fait naître en nous l'idée d'un plaisir vif, nous
en sentons l'effet ; le sixième sens s'élève, nous désirons, nous voulons en
jouir à quelque prix que ce soit, sans avoir le dessein de nous y attacher, et
souvent on le fuit après l'avoir possédé. En un mot, attachements solides,
goûts passagers, tout est dans le cercle que nous avons à parcourir. Si nous
trouvons de la résistance à nos poursuites, l'amour−propre vient se mêler
de l'entreprise, et l'on emploie plus de souplesses et de moyens réunis pour
vaincre cette résistance que pour attaquer ceux qu'on estime et qu'on chérit
le plus. Enfin, la volupté, l'ambition et l'avarice, passions qui, du plus au
moins, mènent et maîtrisent tous les hommes pendant leur vie, nous
déterminent et nous entraînent nécessairement dans un enchaînement de
circonstances qui forment le tissu dont notre existence est enveloppée. Et
fais−y bien attention, ma Laure, ces trois mobiles, qu'on pare souvent de
voiles brillants et de noms adoucis, sont les seuls qui mettent en
mouvement les humains et qui les gouvernent : tels individus par un, par
deux, tels autres par tous les trois ensemble, suivant la marche qui leur est
tracée et la carrière qu'ils ont à parcourir.
“ Si l'on a reçu de la nature et du rôle qu'on doit faire un coeur susceptible
d'une passion forte et durable, d'un attachement tendre et délicat, c'est
l'analogie des humeurs et des caractères qui les approche et les unit. L'idée
du plaisir est plus éloignée ; on en est moins affecté que de l'intimité d'une
union remplie de douceurs et d'agréments, qui allie les esprits et les goûts.
On est méprisable de relâcher, par sa faute, des liens de fleurs que vivifie
et entretient l'aménité ; aussi ces chaînes sont−elles bien difficiles à
rompre, et cette modification dans les individus a des influences bien plus
déterminées. On y mêle, il est vrai, les sensations du plaisir ; mais leur
genre a quelque chose de différent. Il est un âge où tout ce que je te dis, ma
chère Laurette, paraît une fable ; cependant il est puisé dans la nature.
“ Arrive enfin, à pas plus ou moins lents, l'habitude qui, sans éteindre les
sentiments, sans détruire ces liens aimables, émousse néanmoins cette
pointe de volupté, amortit cette vivacité de désirs qu'un nouvel objet fait
renaître ; désirs qui semblent ajouter à notre existence et faire mieux sentir
le prix et les charmes de la vie dont on jouit ; mais on n'en est pas moins
fixé : si l'on peut avoir assez de raison et de fermeté pour sacrifier une
fantaisie, un caprice, un écart momentané qui pourrait détruire l'accord
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Le Rideau Levé
d'une union intime, il n'y a pas à balancer ; mais la jalousie qui vient y jeter
ses serpents ne la détruit−elle pas plus encore que cette infidélité
passagère ? Et n'est−il pas nécessaire que, de part et d'autre, on sache se
prêter sans humeur et sans tracasseries aux lois imposées par la nature,
dont la puissance est invincible ? Écoutons sa voix, elle parle partout : ne
fermons point nos yeux, ne bouchons point nos oreilles et notre
entendement à ce qu'elle prononce et démontre ; elle annonce en tout la
variété, et même que tout finit. Pourquoi se plaindre d'une loi qui ne peut
être éludée, à laquelle nous sommes absolument soumis, et aussi
despotique que celle de la destruction qui anéantit la modification de notre
être ? L'amour−propre et ce fatal égoïsme nous y font résister. Eh bien !
qu'on ne la seconde pas, cette loi, elle n'en a pas besoin ; mais qu'on
détourne la vue sans aigreur.
“ Beaucoup de nations, plus près de ses principes, moins écartées de ses
impressions primitives, en suivent bien mieux l'impulsion que nous qui, à
force de polissure, sommes si éloignés de ses premières notions.
“ Jette les yeux, ma chère Laure, sur toutes les espèces d'animaux répandus
sur notre globe : voit−on les femelles enchaînées aux mâles qu'elles ont eus
l'année précédente ?
La tourterelle, dont on fait une peinture qui n'est si touchante que parce
qu'elle éveille et pique notre amour propre, ne reste dans le même ménage
que jusqu'au temps où sa famille n'a plus besoin d'elle ; souvent le même
été la voit choisir un nouveau favori. Cherche d'autres exemples, ils sont
tous pareils. Consultons la nature, quels ont été son but et ses desseins ? La
reproduction des êtres ; et elle n'a imprimé tant de plaisir dans l'union des
sexes que pour y parvenir d'une manière agréable et, par conséquent, plus
sûre. Le plaisir est même si dominant dans notre espèce que, souvent, il
nous fait agir malgré nous. Si je me suis détourné de ce but avec toi, nos
coutumes et nos préjugés m'en ont imposé l'obligation absolue ; mais ce
dessein est si marqué qu'un homme bien constitué peut, en jouissant de
plusieurs femmes fécondes, se reproduire autant de fois qu'il en aura
connu. Si, dans ces deux sexes, on trouve des individus qui ne répondent
pas à ses vues, c'est une erreur passagère de constitution qui ne détruit pas
les lois générales.
“ J'avoue que cette faveur faite aux hommes ne rejaillit pas sur les
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Le Rideau Levé
femmes ; elles ne peuvent ordinairement produire qu'un seul être ;
plusieurs hommes n'en feraient pas éclore davantage, et, souvent même, un
mélange trop prompt détruirait le germe fructifiant s'il n'avait pas été bien
fixé ; sans compter encore les fâcheux effets qui résulteraient d'un mélange
diversifié et très prochainement successif. Cependant, si le premier germe
avait pris de profondes racines, et qu'à quelque temps le même homme ou
un autre anime et vivifie un nouveau germe, elles peuvent produire un
second fruit, et même un troisième ; mais ces cas ne sont pas dans le cours
commun de la nature pour notre espèce.
“ Si cette nature a comblé les hommes de faveurs, elle n'a pas été tout à fait
injuste ni marâtre avec elles : les femmes portent un vide qu'une nécessité
perpétuelle, un appétit indépendant d'elles les porte à remplir. Si l'un ne le
peut ou ne le veut pas, un sentiment plus fort qu'elles et que tous leurs
préjugés en appelle un autre ; mais le choix dépend de leur goût. En effet,
pourquoi vouloir absolument qu'elles souffrent les approches et les
caresses de tel objet qu'elles abhorrent ? Que peut produire une union
qu'elles détestent et qui les révolte ? Rien, ou des avortons qu'elles ont en
horreur. Combien en voit−on d'exemples ? C'est dans de pareilles
conjonctures, qui ne sont que trop multipliées, que le secours d'une
désunion entière serait bien nécessaire. Elles tiennent de leur existence et
de leur constitution le droit de choisir, et même de changer si elles se sont
trompées. Eh ! qui ne se trompe pas ? Enfin, c'est ce droit né avec elles qui
les rend plus inconstantes que les hommes, qui tiennent des lois générales
d'être plus infidèles.
“ S'il est en elles, par la constitution de leur sexe, un degré de volupté plus
grand, un plaisir plus vif ou plus durable que dans le nôtre, qui les
dédommage en quelque sorte des accidents et des peines auxquels elles
sont soumises, quelle injustice de leur en faire un crime ! leur tempérament
dépend−il d'elles ? De qui l'ont−elles reçu ? Leur imagination, plus
aisément frappée et plus vivement affectée en raison de la délicatesse et de
la sensibilité de leurs organes, leur curiosité excessive et ce tempérament
animé leur présentent des images qui les émeuvent violemment, et qui les
obligent de succomber d'autant plus aisément que le moment présent est,
en général, ce qui les remue avec le plus d'énergie. “ Écartons donc la
contrainte produite par la jalousie, enfantée par l'amour−propre et
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Le Rideau Levé
l'égoïsme ; elles reviendront bientôt d'elles−mêmes et sauront, mieux que
les hommes, connaître leurs pertes. Il se trouvera, sans doute, des
exceptions, mais où n'y en a−t−il point ? D'ailleurs, mériteront−elles des
regrets ? Apprenons donc à nous prêter à leur essence, rendons plus léger
le joug qui leur est imposé, chargeons de fleurs les liens dans lesquels elles
sont engagées, pour captiver leur esprit, subjuguer leur coeur et fixer
l'inconstance qu'elles ont reçue de la nature. Passons−leur une infidélité,
s'il est nécessaire, pour ne point les aliéner, ce qui arriverait bientôt, sans
doute, si les chaînes leur paraissaient trop pesantes et trop resserrées ; sans
cela, cette belle moitié du genre humain serait trop malheureuse. Mais ce
qu'il y a de singulier c'est que, si ces principes ne sont point autorisés, ils
n'en sont pas souvent moins suivis en beaucoup de parties et dans bien des
climats.
− Mais, cher papa, si les femmes n'ont pas reçu, comme les hommes, un
droit à l'infidélité, pourquoi voit−on un nombre d'entre elles qui, non
seulement s'arrogent une telle prétention, mais encore qui la portent
beaucoup plus loin puisqu'elles la poussent jusqu'à la publicité ? Il faut
donc que ce penchant tienne autant à la constitution de notre sexe qu'à
celle du tien.
− Erreur, ma fille : dans ton sexe, c'est un écart excessif des lois générales
de la nature, dans lequel les individus sont portés ou entraînés par un
assemblage de circonstances où il entre souvent de la nécessité, où,
souvent aussi, le penchant n'entre pour rien et dans lequel la plus grande
partie ne reste que par les mêmes circonstances dont la chaîne se perpétue,
ou par fainéantise, habitude, gourmandise, mépris d'elles−mêmes, et tant
d'autres raisons que je ne peux te détailler. Tu vas voir, par les effets qui en
résultent, que la nature même s'y oppose fortement puisque cet écart,
poussé jusqu'à son dernier période, emporte avec lui des malheurs, des
maux affreux, des suites fâcheuses et tout ce qu'on peut imaginer de plus
funeste. Effets qui ne sont point produits par l'infidélité des hommes qui ne
voient point de femmes publiques.
“ Je dois, en premier lieu, te faire une comparaison qui te rendra plus
sensibles et plus claires ces lois générales de la nature. Que, dans vingt
vases différents, on verse une même liqueur, qu'on la survide dans le
vaisseau d'où elle est sortie, elle ne change point de nature, elle sera tout au
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Le Rideau Levé
plus affaiblie par la transvasion si elle est spiritueuse. Mais que, dans un
même vase, on verse vingt liqueurs différentes et hétérogènes, il s'établit
une fermentation qui change la combinaison naturelle de ces liqueurs ;
qu'on vide ce vase sans le rincer ni l'essuyer, les parois, infectées de la
liqueur fermentée, suffiront pour insinuer un levain qui changera l'essence
d'une seule des vingt qu'on remettrait dedans ; ou qu'on prenne une goutte
de cet assemblage fermenté, et qu'on la mette dans le vaisseau qui en
contient une seule, l'effet en sera le même.
“ De cet exemple, voici les conséquences : qu'un homme sain se joigne à
plusieurs femmes, il ne peut en résulter aucun mal ; c'est la même liqueur
versée dans plusieurs vases. Mais qu'une femme, fût−elle même très saine,
s'unisse à plusieurs hommes coup sur coup qui ne seraient pas infectés,
cette diversité de semence produira, par la fermentation aidée et accélérée
par la chaleur du lieu, les effets les plus dangereux.
“ Qu'une fille, une femme jeune, jolie, libre et indépendante, mais de la lie
du peuple et, par conséquent, sans éducation, sans soin, sans propreté, sans
précaution, se trouve abandonnée à là publicité, soit par son propre besoin,
soit par celui de vieilles coquines qui, fondant sur ses appas leurs
avantages, la dirigent et l'entraînent dans cette affreuse conduite, soit par
les suites d'un engagement où la séduction des hommes l'aura jetée, soit
enfin par tempérament ou libertinage de caractère, reçoive plusieurs
hommes en un jour et presque à la suite l'un de l'autre, il est constant
qu'elle ne tardera pas à être infectée : ce sont différentes liqueurs versées
dans un même vase ; elle peut même être sujette à des fleurs blanches très
âcres, à des reliquats de règles de mauvaise qualité, à des ulcères de
matrice. Les semences de ces différents hommes, qui sont hétérogènes, soit
par la diversité du tempérament des individus, soit par la prodigieuse
différence qui se trouve dans l'état de leur santé, − tels que ceux qui ont des
maladies cutanées qui les rendent encore plus âpres auprès des femmes,
tels encore que ceux qui ont des maladies habituelles qui n'ôtent point la
puissance génératrice, et autres de cette espèce −, mêlées les unes avec les
autres dans le même lieu, où déjà se trouve quelquefois en lui−même une
liqueur viciée ou tout au moins en disposition de l'être, ces semences
fermentent avec plus d'aisance et de promptitude par la chaleur,
s'aigrissent, se tournent en acide et deviennent un poison d'autant plus
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Le Rideau Levé
subtil que la matière qui l'a produit l'est elle−même ; ce qui prouve que les
femmes ne sont point faites pour être infidèles, et encore moins pour la
prostitution.
“ D'après ce résumé, qui tient à la saine physique, à la raison et à
l'expérience, il est certain que, du moment où il s'est trouvé des femmes
livrées à cet abandon général, la contagion a dû se développer dans les
sources de la vie.
Ce qui n'est malheureusement que trop général, et, de la plus vile populace
où elle a probablement commencé, elle est montée jusques aux grands.
“ Mais puisqu'elle existe en action ou en puissance, il est sans doute
nécessaire que des hommes éclairés, remplis de connaissances appuyées
d'une longue expérience, cherchent tous les moyens de l'arrêter dans son
principe, et les communiquent lorsqu'ils les ont trouvés. Il y en a, ma chère
Laure, de ces hommes bienfaisants qui, sans redouter le blâme et les cris
des sots, sont utiles, non seulement à leurs contemporains mais encore à la
postérité, en découvrant sans fard et sans déguisement tout ce qu'ils ont
acquis pour prévenir et parer aux accidents qui résultent de la prostitution
des femmes.
“ C'est encore ici, ma Laurette, un des avantages de l'éponge. Mais elle ne
suffit pas seule ; il s'agit de l'imbiber avant d'une liqueur où se trouve
répandu un sel dont la ténuité est infinie, qui, par ses préparations étant un
alcali puissant, s'unit avec précipitation aux sels acides de la liqueur viciée,
absorbe dans l'instant leur action, en détruit la nature, les réduit au moment
même en sels neutres et préserve par conséquent de contagion dans l'union
des sexes dont l'un ou l'autre serait infecté.
“ Qu'une femme trempe l'éponge dans cette eau composée, qu'elle se
l'introduise, elle peut sans risque s'unir de suite à plusieurs hommes ; elle
peut même recevoir un homme malsain ; ou, dans le cas de la contagion,
ayant soin, pour plus de sûreté, de la retirer avec son petit cordon aussitôt
qu'il est dehors, de se laver et de s'injecter de la même eau, ou bien de
remettre à chaque fois une éponge imbibée de la même composition ; on
peut ensuite laver ces éponges dans une quantité assez étendue d'eau
simple, et s'en servir de nouveau en les retrempant dans l'eau composée.
“ Si c'est un homme sain qui se joint à une femme qui ne l'est pas, il peut
de même lui introduire cette éponge trempée de cette composition, ayant
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Le Rideau Levé
attention, quand il sera dehors, de tremper le membre décalotté dans cette
eau qu'on aura soin de mettre dans un vase de verre, de faïence ou de
porcelaine. Et, pour plus de sûreté, il en fera couler par injection dans le
canal, avec une petite seringue d'ivoire, et non de métal. S'il était d'une
sensation très délicate dans cette partie, cette eau composée serait coupée
par moitié avec de l'eau de rose ou de plantain. Je ne te dis rien, ma chère
Laure, dont je ne sois très assuré par nombre d'expériences.
“ Je pourrais, ma chère Laure, t'apporter encore nombre d'autres raisons
pour te prouver que la nature n'a pas donné le même droit aux femmes
pour être infidèles ; mais il est constant qu'elle a mis dans leur coeur et
dans leur manière d'être plus d'inconstance que dans notre sexe. On est fort
heureux, quand un objet nous touche sensiblement, de ne pas essuyer cet
événement, et, dût−il nous en coûter quelque chose, il faut savoir faire un
petit sacrifice pour éviter une perte totale. ”
(Fin du discours du père)
Dieux ! chère Eugénie, qu'il lisait bien dans notre coeur !
tu l'avoueras sans doute avec moi. Il dégagea mon âme, par cet exposé de
ses sentiments, d'un poids qui la surchargeait ; il lui rendit sa tranquillité et
la remplit d'une joie parfaite. Je voulais cependant encore éclaircir un
soupçon que nos scènes de la campagne m'avaient donné, et je souhaitais
qu'il se vérifiât pour ôter tout retour aux regrets que j'avais éprouvés ; mais
je n'eus pas lieu de tirer cet avantage de la demande que je lui fis :
− Je désire, cher papa, te faire une question sur laquelle je te prie de me
satisfaire sans déguisement.
− Quoi donc ? ma Laurette, pourrais−je en avoir pour toi, et te donner cet
indigne exemple après avoir cherché moi−même à te rendre toujours
sincère ? Parle, la vérité dans ma bouche ne sera pas même fardée.
− Quand nous avons été la première fois à la campagne avec Rose et
Vernol, après t'avoir entendu dire à quelle condition tu te prêtais à ma
folie, je me suis persuadée que la vue des grâces de ce beau garçon avait
fait naître tes désirs comme il avait excité les miens, et que, pour en jouir,
tu avais consenti de céder aux siens en exigeant cette obligation de lui. Ma
persuasion était−elle fondée ?
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Le Rideau Levé
− Que tu t'es trompée, ma chère enfant ! j'avais des désirs, il est vrai, tu en
voyais les signes certains. Eh ! qui n'en aurait pas eu ? Mais les attraits et
les charmes répandus sur toute ta personne en étaient les principaux
mobiles ; la scène y ajoutait, mais Vernol n'y était pour rien. Je t'avoue
même que le goût de beaucoup d'hommes pour leur sexe me paraît plus
que bizarre, quoiqu'il soit répandu chez toutes les nations de la terre ; outre
qu'il viole les lois de la nature, il me paraît extravagant, à moins qu'on ne
se trouve dans une disette absolue de femmes ; alors la nécessité est la
première de toutes les lois. C'est ce qu'on voit dans les pensions, dans les
collèges, dans les vaisseaux, dans les pays où les femmes sont renfermées ;
et ce qu'il y a de malheureux, ce goût, une fois pris, est préféré. Je ne vois
pas du même oeil celui des femmes pour le leur ; il ne me paraît pas
extraordinaire, il tient même plus à leur essence, tout les y porte, quoiqu'il
ne remplisse pas les vues générales ; mais au moins il ne les distrait pas
ordinairement de leur penchant pour les hommes. En effet, la contrainte
presque générale où elles se trouvent, la clôture sous laquelle on les tient,
les prisons dans lesquelles elles sont renfermées chez presque toutes les
nations, leur présentent l'idée illusoire du bonheur et du plaisir entre les
bras d'une autre femme qui leur plaît ; point de dangers à courir, point de
jalousie à essuyer de la part des hommes, point de médisance à éprouver,
une discrétion certaine, plus de beautés, de grâces, de fraîcheur et de
mignardises.
Que de raisons, chère enfant, pour les entraîner dans une tendre passion
vis−à−vis d'une femme ! Il n'en est pas de même à l'égard des hommes,
rien ne les y porte ; en général, ils ne manquent point de femmes, le
chemin qu'ils recherchent n'est pas moins semé de dangers que celui qu'ils
fuient dans les femmes ; enfin, il me paraît contraire à tout, et tu dois te
souvenir, que c'est l'unique fois que j'aie agi de même avec Vernol. Si ce
goût recherché me paraît plus que bizarre avec les hommes, ne pense pas
que je le regarde de même avec les femmes : un homme mal fourni dans
un vaste chemin est obligé de chercher la voie étroite pour répandre, après,
la rosée bienfaisante dans le champ qu'il doit ensemencer. Mais il y a plus :
il existe des femmes qui ne peuvent être aimées que par ce moyen, et, chez
elles, l'entrée du sentier est presque toujours exempt d'épines.
“ Voici donc les raisons de ma conduite avec Vernol : mon amour et ma
HISTOIRE DE ROSE
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Le Rideau Levé
complaisance, tous deux extrêmes pour toi, ma façon de penser exempte de
préjugés, le vif désir de te plaire de toute façon et de posséder ton affection
entière, enfin la différence que je souhaitais que tu connusses entre les
divers sentiments des hommes (car tu as dû juger que la passion de Vernol
n'avait pour but que la jouissance), tous ces motifs m'ont fait condescendre
à des désirs que tu aurais pu satisfaire à mon insu si j'avais pris d'autres
moyens ; désirs enfin qui t'auraient engagée à me regarder, dans ton coeur,
comme un tyran jaloux si je m'y étais opposé, et j'aurais perdu pour jamais
ta tendresse et ce coeur dont seul je suis jaloux ; mais je ne voulais pas, en
te souffrant entre les bras de Vernol, qu'il s'autorisât de ma complaisance
pour toi et qu'il s'en fit un titre pour penser intérieurement, ou pour parler,
d'une manière désavantageuse. Je désirai qu'il ne pût même, ainsi que
Rose, songer au bonheur qu'il avait trouvé dans tes bras sans se souvenir,
en même temps, qu'il l'avait payé de sa personne, et que cette réflexion fût
un frein pour ses idées et pour sa langue. Je le fis avec d'autant plus de
raison qu'en général, dans la jouissance des femmes, les hommes ne sont
guère prudents ni discrets. Pour ajouter encore une preuve de ma franchise
et de mes vues réelles, c'est que Rose, de ce côté−là, n'a pas reçu de ma
part une pareille offrande, quoique cela soit plus naturel avec une femme,
comme je te l'ai déjà dit, et que même elle y gagne presque toujours : mais
elle ne m'était pas nécessaire ; et malgré que ce fût la première fois qu'elle
en eût essayé, j'ai laissé ces prémices à Vernol. Juge de là si tu t'es
trompée.
Je pris mon papa dans mes bras, je le serrai contre mon coeur, je le pressai
contre mon sein, je l'étouffais :
− Cher et tendre papa, je sens plus que jamais jusqu'où s'étendent tes
bontés et ton amour pour ta Laurette. Tous les moments de mes jours
seront désormais consacrés à te prouver le mien. Mes soins, ma
complaisance, mes plus secrètes pensées dont je te ferai part, enfin la
constance et la fidélité de ma tendresse pour toi en seront des témoignages
continuels et des preuves certaines. Des baisers et des caresses sans
nombre en furent les gages.
Je jouissais avec lui, depuis près de quatre ans, d'une tranquillité douce et
charmante ; j'en faisais toute ma félicité : prévenante et prévenue,
caressante et caressée, mes jours étaient filés par le plaisir et le bonheur
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Le Rideau Levé
quand, au bout de ce terme, il fut troublé par la mort de Lucette. Son
souvenir m'était toujours bien cher, il était le fruit de la sincère amitié que
nous avions l'une pour l'autre, en tout sa conduite avait été guidée par la
tendre affection qu'elle avait pour mon père et pour moi. J'avais trop bien
connu la différence qu'il y avait entre elle et Rose et je mettais à son
attachement un tout autre prix. Mais la perte que je faisais était un
préparatif aux tourments et aux noirs chagrins que je devais essuyer. Quel
récit exiges−tu de moi, chère Eugénie ? Pourquoi renouveler ma douleur ?
Mon coeur se déchire encore au souvenir de mon infortune ; les mêmes
angoisses se font sentir avec une force pareille au moment de ce détail.
Non, je ne puis passer outre... ”
Je reprends, trop chère amie, ce fatal et cruel récit que j'ai été forcée de
suspendre. Je n'étais plus à moi, mon coeur était navré, ma main
tremblante laissait tomber ma plume, les sanglots m'étouffaient, mes yeux
offusqués ne pouvaient retenir l'abondance de larmes où tu m'as vue
plongée, et que ton amitié consolante aurait encore essuyée si j'avais été
près de toi. Enfin mon coeur, un peu dégagé, me rend la liberté de retracer
mon malheur à tes yeux.
Tu sais que j'étais dans ma vingtième année quand mon papa, le plus
tendre et le plus aimable des pères, et en même temps le plus chéri, duquel
j'aurais voulu racheter la vie de tout mon sang et dont la perte est
irréparable pour moi, fut emporté par une fluxion de poitrine dont tout l'art
des médecins ne put le sauver. Je ne le quittais point, j'étais jour et nuit
près de son lit que j'arrosais de mes pleurs ; je m'efforçais de les cacher ;
ma bouche était collée sur ses mains. Ce spectacle le pénétrait ; il aurait
voulu m'épargner celui de son état, il tâchait de m'éloigner mais il ne fut
pas possible de m'y faire consentir : je n'écoutais rien, à peine pouvais−je
prêter un peu d'attention à quelques conseils qu'il me donnait ; car il sentait
sa situation et la soutenait avec fermeté. Enfin le coup me fut porté et je
reçus sur mes lèvres son dernier soupir. Ah ! quelle perte pour moi,
Eugénie ! chère Eugénie ! mes yeux arrosent encore le papier sur lequel je
trace ce douloureux récit. Je lui étais mille fois plus attachée que s'il eût été
réellement mon père. Il m'avait fait connaître le comte de Norval, aux
plaisirs duquel je devais le jour : je l'avais vu sans émotion et sans autre
intérêt que celui de la curiosité ; mon coeur ne disait rien. Le désir
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Le Rideau Levé
d'envisager celui qui avait contribué à mon existence était le seul guide qui
me conduisait. Où est donc, disais−je en moi−même, cette voix intérieure
qui nous porte vers ceux à qui nous devons la vie ?... Vains propos,
chimères : notre coeur parle, mais c'est pour ceux qui ont fait et préparé
notre bonheur.
Enfin, ma douleur sombre, le désespoir, le désordre de mes facultés
anéanties, le déchirement de mon coeur et mes regrets amers avaient
totalement éloigné de moi le repos et le sommeil. L'embrasement se mit
dans mes veines et je fus moi−même très mal : je voulais mourir, mais
mon heure n'était pas venue, et ma jeunesse fut un des moyens dont le sort
se servit pour me sauver. Aussitôt que j'eus repris mes forces, je n'eus
d'autres pensées que de m'enterrer vive : j'avais tout perdu, la vie m'était
odieuse. Un couvent fut le seul but de mes désirs : aurais−je jamais pu
croire y trouver quelque adoucissement à mes peines ? Mon chagrin serait
encore dans toute sa force s'il n'avait été modéré dans tes bras. Souffre,
belle et tendre amie, que, pour ma propre satisfaction, je peigne à tes yeux
mêmes l'image des doux instants que j'ai passés près de toi et où tu as versé
un baume salutaire sur les plaies de mon coeur. Ce penchant qu'on nomme
sympathie, cet intérêt qu'on prend aux infortunés par la similitude où l'on
peut se trouver avec eux, te fit concevoir de l'amitié pour moi presque
aussitôt que je fus dans ton couvent, où je voulais me fixer et pleurer en
liberté. Tu pénétras l'état de mon coeur sans en connaître les motifs, tu vins
essuyer mes larmes, tu quittais ta cellule pour dissiper ma langueur. Ta
jeunesse, tes grâces, tes attraits et ton esprit donnaient du poids à tes
discours, mais tu t'apercevais aisément, le lendemain, que la solitude de la
nuit détruisait tous les soins que tu avais pris pendant le jour. Tu parvins
enfin à partager mes ennuis et mon lit.
Que je fus surprise des trésors que ta guimpe et tes habits recelaient ! Cet
instant ranima d'un sentiment vif le souvenir de mes peines : tu vis couler
mes pleurs, tu en fus étonnée, tu voulais connaître la cause et découvrir un
secret que tu as si bien su m'enlever depuis.
Je ne tenais à rien, j'étais dans une inertie totale, à peine aurais−je su que
j'existais sans le sentiment de ma douleur.
Je concevais le besoin d'une amie, mais je n'espérais plus en trouver une
telle que je la désirais. Ce fut dans cet instant que je sentis plus vivement
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Le Rideau Levé
combien Lucette me manquait, je ne comptais pas pouvoir la remplacer,
bien moins me flattais−je d'en trouver une semblable sous le masque qui te
couvre. Ton caractère, ton humeur, ton âme vinrent sans déguisement se
montrer à moi et se joindre à ta figure charmante ; j'en fis quelque temps
mon étude, et mes observations furent toutes en ta faveur ; enfin ton amitié
et ta confiance établirent les miennes. Tes confidences furent payées par
celles que je te fis alors, et je trouvai dans tes bras l'adoucissement que tu
cherchais à me procurer. Avec quelles satisfactions je me rappelle encore
cette nuit où tu me dis :
− Aimable Laure, chère amie, j'ai lieu d'être persuadée que tes chagrins
sont cuisants ; mais si je puis, en te faisant part des miens, émousser le
sentiment de ceux qui t'accablent, j'aurai du moins le contentement que me
donnera la diminution de ta douleur.
Tu jugeais avec raison qu'observant une réserve exacte sur le secret de mon
coeur, je pouvais aussi garder le tien : tu ne te trompais pas ; il me semble
encore t'entendre me dire :
− Écoute, ma chère, j'aime, oui, j'aime aussi tendrement qu'on puisse
aimer, et j'ai le malheur cruel d'être couverte des livrées religieuses. Des
béguines emmiellées et trompeuses ont entouré de murs et de grilles ma
jeunesse sans expérience et l'ont attirée dans leur cachot infernal. Mon
ignorance, des voeux, des préjugés sont mes tourments ; les désirs, mes
bourreaux, et j'en suis la victime. La nuit, le sommeil est loin de mes yeux,
et les larmes s'en emparent ; le jour, tout me déplaît et m'ennuie ; mon âme
est absorbée : juge de mon état. Libre comme tu es, tu peux au moins sans
crainte livrer à l'amant que tu chéris les appas que j'ai vus et que je touche.
Ta main, que tu mis sur mon sein, me fit frissonner :
− Ah ! chère Eugénie, te dis−je avec transport, voilà le jour de mon
désespoir ! je l'ai perdu cet amant que j'adorais, et la mort me l'a ravi.
Dieux ! que n'est−il ici ! mais c'est lui, oui, c'est lui que je tiens.
Je te serrais dans mes bras, tu me faisais illusion. Hélas !
le détail de tes charmes, que je parcourus, me rendit à moi−même ; ce qui
te manquait détruisit le prestige de mon imagination et le fantôme qu'elle
se créait. Cependant, tes attraits répandirent sur ma langue tous les éloges
que tu méritais si bien. Ton sein, ta taille, tes fesses, tes cuisses, ta motte et
ta peau, tout en fut un sujet pour moi :
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Le Rideau Levé
− Quel plaisir ! m'écriai−je, pour ton amant et pour toi s'il te tenait dans ses
bras comme je te serre dans les miens.
Tu désirais t'instruire, tu voulais savoir, tu balançais, tu cherchais à
m'interroger, et tu n'osais. Je te voyais venir.
Tu pris enfin la résolution de me demander si j'avais connaissance de ces
plaisirs et s'ils étaient si grands. Je te l'avouai ; je t'en fis une peinture qui
t'enchantait sans pouvoir les concevoir :
− Il faut les éprouver, te dis−je. Quoi donc ! à dix−sept ans passés ne les
pas connaître ? Si tu veux, ma chère, je t'en ferai goûter au moins ce qu'ils
ont de plus vif.
Ta curiosité, tes désirs que mes caresses faisaient naître et qui firent couler
le feu de la volupté dans toutes les parties de ton corps, t'y firent consentir.
L'envie de te consoler à mon tour, et de dissiper les ténèbres de ton
ignorance, suspendit mes peines. Tu te prêtas à mes leçons : j'écartai tes
cuisses, je caressai les lèvres de ton petit conin dont les roses étaient à
peine épanouies ; je n'osai t'y enfoncer le doigt, tu n'étais pas encore assez
endoctrinée pour que tu eusses regardé la première douleur comme propre
à produire une augmentation de plaisir. Bientôt je gagnai le trône de la
volupté, et ton charmant clitoris, que je caressai, te jeta dans une extase
dont tu pouvais à peine revenir :
− Ah ! Dieux ! me dis−tu, ma chère Laurette, quelles suprêmes délices !
Tu me pris à ton tour pour ton amant ; j'étais couverte de tes baisers ; tes
mains s'égarèrent sur tout mon corps : tu voulus me rendre le service que tu
venais de recevoir de moi, mais mon coeur, encore trop serré, ne s'y prêtait
pas et je retins ta main. Je te repris bientôt dans mes bras et, renouvelant
mes caresses, je t'en appris davantage sur le premier instant de jouissance.
Tu étais animée, tu fus aisément persuadée.
− Eh bien ! me dis−tu avec cette charmante vivacité qui te va si joliment,
fais de moi ce que tu voudras.
Je repris ton petit conin, j'y enfonçai le doigt d'une main tandis que je te
branlais de l'autre. La douleur, mêlée au plaisir, te le fit trouver encore plus
délicieux : c'est moi, chère et tendre amie, oui, c'est moi l'heureuse
mortelle qui ai cueilli ton pucelage, cette fleur si rare et si recherchée.
Plus libre avec toi, qui venais de connaître et sentir les attraits de la
volupté, je ne craignis plus de t'ouvrir mon coeur en entier, de t'en faire
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Le Rideau Levé
parcourir toutes les routes et de te raconter, en raccourci, ce que je retrace
ici dans toutes ces circonstances. Si le plaisir et ma main ont su te dégager
des entraves de l'ignorance et des préjugés qu'elle enfante, combien n'ai−je
pas eu de peine à te vaincre sur tous les autres ! La crainte de la grossesse
ne te faisait plus trembler, je t'en avais guérie par mon récit et ma propre
expérience. Ton amant me devait déjà tes premiers pas à son bonheur et à
ta jouissance :
− Hélas ! me disais−tu, la plupart des dogmes dont on a bercé mon enfance
jusqu'à présent, les voeux qu'on m'a dictés, cette guimpe, ces grilles qui
nous entourent, tout s'y oppose.
Mais ton amour, mes avis et mon assistance ont affaibli ces préjugés et
vaincu tous les obstacles. Tu me dois donc, chère Eugénie, la tranquillité
d'esprit et de société dont tu jouis. De toute façon ton amant me doit sa
victoire, de toute manière mon amitié vous a servis tous deux. Mais avant,
j'ai voulu connaître ce Valfay si cher à ton coeur, étudier sa façon de
penser, et juger s'il méritait ton amour, ta confiance et tes faveurs. Ces
soins, tu le sais, n'ont pas été l'affaire d'un jour. Les femmes dont le
jugement a été cultivé ont le tact fin, délicat et sûr pour pénétrer dans le
coeur des hommes malgré leurs détours, leur duplicité et les voiles dont ils
cherchent à se couvrir. Mais je fus contente de Valfay, je trouvai
suffisamment en lui pour me faire présumer que je ne risquais plus rien à
prendre tout sur moi pour satisfaire tes désirs, aider ton peu d'expérience et
bannir tes frayeurs. Heureusement je servais, dans ton couvent, de prétexte
à son amour tandis que je travaillais pour vous deux, car ta faiblesse et ta
timidité n'auraient jamais été vaincues sans mon secours. Retrace−toi ce
jour où, après un temps assez long, ton amant te pressait avec les instances
les plus vives de le rendre heureux : je le secondais de tout mon pouvoir, tu
t'en défendais et tu le désirais. Tu lui opposais des raisons qui te
paraissaient bien fortes, tu lui présentais des obstacles insurmontables à tes
yeux, tu me faisais compassion. J'avais pitié de lui ; je ne vous le cachai
pas, je voyais l'ardeur de vos désirs portée à son comble. L'instant me parut
favorable, je m'enivrai de l'idée de contribuer à ta félicité :
− Eh bien ! te dis−je, je vais tout surmonter. Valfay, tu serais un ingrat, un
homme indigne de son bonheur si ma conduite pour te le procurer influait,
dans ton esprit, à mon désavantage.
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Je fermai les portes du parloir de notre côté, malgré tes oppositions
apparentes ; ton amant en fit autant du sien.
Je te pris dans mes bras, je t'approchai de la grille, je soulevai ta guimpe ; il
prit tes tétons, il baisait tes lèvres, il suçait ta langue que tu lui donnas à la
fin. Mais la soif dévorante du désir lui fit porter sa main sous tes jupes
pour saisir ta motte et s'en emparer. Je te pressais contre lui, je te baisais
aussi, tu ne pouvais m'échapper ni retirer tes bras des miens : il eut enfin
l'adresse et la satisfaction de les lever et de saisir cet aimable petit conin où
tous les attraits de la jeunesse et de la fraîcheur sont répandus. Ses caresses
t'embrasèrent du feu de la volupté ; il en était dévoré, il maudissait cette
impitoyable grille qui nous séparait et s'opposait à sa jouissance. J'étais
émue, hors de moi−même :
− Quoi ! dis−je à ton amant, vous avez en vous si peu de ressources ? Ah !
Valfay, quand on aime bien tout devient facile. J'aime donc ma chère
Eugénie plus tendrement que vous ; je veux lui prouver que ce sentiment
me rend tout possible, et que rien ne peut m'arrêter pour le satisfaire, en
vous obligeant tous deux ; car si elle est abandonnée à elle−même vous
êtes perdu.
Tu te rendis enfin. Je te fis monter sur l'appui de la grille, tes mains posées
sur mes épaules ; je .te soutenais. Valfay releva ces habits noirs qui
faisaient briller l'éclat et la blancheur de tes fesses charmantes ; il les
maniait, les baisait, leur rendait l'hommage qui leur était dû. Ton petit
conin, encadré dans un des carreaux de la grille, était un tableau vivant qui
l'enchantait. Il lui donna cent baisers. Mais, pressé de couronner son
bonheur, il te le mit, tandis que, passant moi−même ma main entre tes
cuisses, je te branlais.
Le plaisir que nous appelions, que nous caressions, vint s'emparer de toi ;
tu prenais mes tétons, tu me baisais, tu me mangeais, tu déchargeais.
Valfay, prêt à en faire autant, eut la prudence de se retirer ; sa volupté vint
expirer entre mes doigts et se répandre sur ma main comme la lave d'un
volcan. Je vous abandonnai pour lors tous deux à vous mêmes ; tu vis, tu
pris en main, tu caressas ce bijou dont tant de fois je t'avais fait la
peinture ; mais, manquant des facilités que je te procurais, tu ne pus
recommencer d'en faire usage. Tu m'en fis, à ton retour, des plaintes
amères ; tu n'osais me demander de servir encore ta maladresse ;
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j'apercevais à quel point tu le désirais, tu me pressais, tu me conjurais de ne
plus te quitter. Tu voulus, cruelle amie, que je fusse témoin de tes plaisirs
et de ta félicité pendant que la mienne était perdue pour toujours. Il fallut
que ma complaisance et mon amitié pour toi me sollicitassent encore de
t'offrir de nouveaux secours. Mes offres t'enchantèrent, tu m'accablas de
caresses et de baisers ; je te fis penser, en cet instant, à te munir de l'éponge
salutaire, et tu m'entraînas pour être présente à vos transports et au bonheur
dont vous jouissiez. Toi−même me fis voir le dieu que portait Valfay, ce
dieu que tu chérissais, avec lequel tu badinais et dont il m'avait, dès la
première fois, fait sentir la présence. Tu ajoutais de jour en jour à tes
folies, tu lui découvrais mes tétons et tout ce que j'avais de plus caché, je
me prêtais à ton badinage, tu les lui faisais toucher. Dans quel état et dans
quelle émotion me mettiez−vous tous les deux ! Je te le disais à l'oreille, et
la pitié perfide te faisait révéler mon secret. Tu voulais me faire jouir de
ton amant, tu lui souhaitais mes faveurs, tu me pressais de les lui accorder,
tu voulais enfin me porter à la place que tu avais occupée. Ton aveu, tes
empressements et ses désirs, dont tu mettais entre mes mains les
témoignages sensibles, l'engageaient à m'en solliciter. Je résistai toujours :
tes prières, ses sollicitations, le feu même qui roulait dans mes veines, ne
purent m'y déterminer. Non, ma chère Eugénie, non, en vain espères−tu de
lui faire remporter la victoire, je n'y consentirai jamais. A tort me fais−tu
des reproches, ce n'est ni par haine, ni même indifférence : Valfay détruit
l'une et n'est point fait pour inspirer l'autre ; mais ton amitié seule me
suffit. Après la perte que j'ai faite, je renonce pour toujours à toute liaison
intime avec les hommes, et je serai ferme dans cette résolution. Tu dois en
être persuadée puisque, malgré vos plaisirs, les caresses que vous vous
faisiez, celles que j'ai reçues, la vue et le toucher de ce que vous avez de
plus intéressant, et vos transports qui animaient mes sens et les mettaient
en désordre, je ne me suis pas laissé vaincre. J'étais contente et satisfaite
lorsque, la nuit, dans tes bras, tu apaisais les feux que tu avais allumés le
jour.
Un destin, jaloux de la tranquillité que j'avais retrouvée, est venu
l'interrompre : le mariage de ma cousine, la nécessité de mes affaires ont
précipité mon départ et nous ont séparées pour quelque temps. Tu as exigé
de mon amitié, tu lui as commandé que, pendant mon éloignement, je
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t'entretinsse encore et te fisse un détail exact de ce que je t'avais dit en plus
grande partie et que tu écoutais avec tant de plaisir et d'avidité. J'ai rempli
ma promesse : quel sacrifice je fais à la prudence ! Tu connais ton pouvoir
sur moi, tu sais combien je te chéris ; tu réunis aujourd'hui tous les
sentiments de mon coeur : partagés autrefois dans le monde et la société, tu
les rassembles tous. Reçois−en pour assurance mille baisers que je
t'envoie, ils te diront combien je soupire après le doux instant de te les
donner moi−même enveloppée de tes bras et serrée dans les miens. Ah !
ma chère, pourquoi cet instant n'est−il pas encore arrivé ? Je me flatte au
moins qu'il sera très prochain. Je t'apporterai ce bijou, semblable à celui de
Valfay mais moins dangereux : s'il n'est pas aussi naturel, ses avantages
n'en sont pas moins grands puisqu'il remplira, sans les risques des
alentours, le vide qui se fait sentir dans nos plaisirs. Si tu te trouves bien de
son usage, notre tendre amitié nous tiendra lieu de tout. Et puisque Valfay
se trouve dans l'obligation de s'éloigner de toi pour un temps, crois−moi,
chère amie, laissons affaiblir les liaisons étrangères qui pourraient, à la fin,
devenir fatales, étant hors de nous. J'irai bientôt à mon tour essuyer tes
pleurs. Oui, tendre amie, oublions l'univers pour ne nous en tenir qu'à
nous−mêmes.
Attends−moi donc au plus tôt.
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