Extrait - Le théâtre, sensation du monde 1 Laure Adler. C`est un
Transcription
Extrait - Le théâtre, sensation du monde 1 Laure Adler. C`est un
1 Extrait - Le théâtre, sensation du monde Laure Adler. C’est un grand honneur que de recevoir Claude Régy ici au sein de cette université, Claude Régy qui fait un passage éclair en ce Festival d’Avignon 2013, puisque le film qui lui est consacré, signé d’Alexandre Barry, a été présenté dans le cadre d’une vaste rétrospective de tous les metteurs en scène du Festival d’Avignon, qui viennent présenter, soit une pièce, soit un film. Mon cher Claude, ma première question portera sur le nom même, le statut et la définition de ce mot étrange, « metteur en scène ». Quand tu as commencé à entrer dans cette discipline qu’est le théâtre, est-ce que ce mot de « metteur en scène » recouvrait la même signification et les mêmes attributions qu’aujourd’hui ? Claude Régy. Il est difficile pour moi de répondre. Ce que je sais, c’est qu’au temps de mes débuts, j’étais complètement ignorant de ce que pouvait être la mise en scène. Mon attirance pour le théâtre est très étrange. On ne peut pas expliquer d’où cela vient. Je ne savais pas du tout que je m’orienterais justement vers la mise en scène. J’ai commencé par des écoles d’acteurs et maintenant le terme de « mettre en scène » ne correspond en rien au travail que je fais. J’ai quasiment supprimé la scène, transformé l’architecture théâtrale, rayé la notion de costumation, la notion de décoration et la notion de mise en scène elle-même. C’est donc un terme qui, dans mon cas aujourd’hui, n’a plus de sens. Ce que j’essaie de faire, c’est de considérer l’écriture comme l’élément dramatique le plus important de tous les éléments de la représentation, qui n’est plus non plus un terme très juste pour le genre de recherche que je fais. La représentation est imaginée par le spectateur. 2 Extrait - Le théâtre, sensation du monde Laure Adler. Comment s’est opéré ce cheminement ? On sait que tu as commencé par le théâtre traditionnel, je crois qu’on peut appeler cela comme ça, que progressivement tu t’es détaché des codes théâtraux, estce que l’expérience avec Marguerite Duras a été un moment décisif ou en tous cas important de cette mise à distance de ce que peut vouloir dire mettre en scène ? Claude Régy. Absolument, je dois à Marguerite la brusque orientation qui soudain a transformé mon travail. C’est une histoire que j’ai déjà racontée beaucoup de fois, mais c’est tout de même très étonnant. J’avais lu des romans de Duras, étant encore assistant dans un théâtre et j’avais vu qu’elle avait écrit une pièce qui s’appelait Les viaducs de la Seine et Oise. Je lui ai demandé les droits pour monter cette pièce et cela a été fait. Or, elle n’était pas du tout mécontente du travail. Elle assistait à toutes les répétitions. Ce qui est tout à fait frappant, c’est que ce travail lui a montré qu’en obéissant aux lois du théâtre, c’est à dire écrire plusieurs actes, envisager plusieurs décors, prévoir des figurants, obéir en fait à ce que l’on considère comme réglementaire pour un travail théâtral, elle avait réduit son écriture. Elle avait subi comme une diminution de son pouvoir créateur.