L`économie politique des trente glorieuses. Apport et originalité des
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L`économie politique des trente glorieuses. Apport et originalité des
Berghahn Books L'économie politique des trente glorieuses. Apport et originalité des analyses en terme de régulation Author(s): Jocelyn Létourneau Reviewed work(s): Source: Historical Reflections / Réflexions Historiques, Vol. 14, No. 2 (Summer 1987), pp. 345379 Published by: Berghahn Books Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41298884 . Accessed: 06/02/2013 14:45 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Berghahn Books is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Historical Reflections / Réflexions Historiques. http://www.jstor.org This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economie Apport politique et originalite des des trente analyses glorieuses. en terme de regulation Jocelyn Letourneau L'economie politique contemporaine reste largement dominee par les travaux britanniques et americains. II est cependant un courant d'analyse qui, en France, s'est impose au cours des dix derni&res annees par son caractere novateur, stimulantet ouvert. L'echo qu'il a regu a Tetranger, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Etats-Unis et meme en Amerique latine, temoigne de l'interet qu'il suscite tant par ses orientations methodologiques que par le type d'interrogations qu'il souleve en matiere de recherche economique. Ce courant d'analyse, dit de la regulation, se distingue de trois fagons principales: par son insistance a lier tres etroitementl'analyse quantitative conventionnelle a l'etude concrete de l'histoire; par son souci de favoriser les etudes en longue periode de fagon a mieux relativiser les continuites et les ruptures marquant revolution des societes capitalistes; par sa volonte de developper tout un ensemble de concepts intermediates et operationnels permettant d'eviter les pi&ges simultanes du « totalitarisme theorico-deductif» et celui, peut-etre moins evident, de Tempirismereferme sur lui-meme1. L'un des sujets d'etudes privilegies des analyses menees en terme de regulation est certainement celui de l'economie politique de la croissance dans les societes capitalistes occidentales au cours de la periode 1945-1975. Ce sont ces annees que Jean Fourastie a appele, en utilisant une expression fort appropriee, les « trente glorieuses »2. Laval, specialiste Universite enhistoire , Departement d'histoire, Professeur adjoint economique au XXesiecle, etsocialedu Quebec s'inter esseegalement auxformes d'e'criture J. Letourneau deVhistoire eta I'epistemologie dusavoir scientifique. 1. RobertBoyer,La theorie de la regulation: une analysecritique , Paris,La « Le tempspresent: La D6couverte, 1986,chap.2; RobertBoyeretJacquesMistral, crise(1). D'uneanalysehistorique a unevueprospective Economies », Annales: , Societes , Civilisations VoiraussiR. Boyer,Capitalismes 38, 3 (mai-juin1983):483-506. finde siecle , Paris,P.U.F.,1986,pp. 17-25. Lestrente 2. JeanFourastie, oula revolution invisible de 1946a 1975,Paris, glorieuses Fayard,1979,283 p. HISTORICAL Vol.14,No.2, 1987 REFLECTIONS/REFLEXIONS HISTORIQUES, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 346 HistoricalReflections Historiques /Reflexions Ce sont ces annees qui, etant donne les incertitudes traversant presentement notre quotidien, nous apparaissent a posterioricomme Page d'or du capitalisme3. Cet article a pour objectif d'introduire le lecteur a ce courant d'analyse, deja apparente a une Ecole4, qu'est celui de la regulation. Au lieu de nous livrer a une analyse bibliographique conventionnelle, nous chercherons a montrer 1'apport des travaux menes en terme de regulation en ce qui touche a l'etude des determinantshistoriques de la croissance economique soutenue qu'ont connue les principaux pays industrialisesentre, grossomodo,1945 et 1973. Cette croissance economique, loin d'etre le fruit d'un heureux hasard, la manifestation recurrente d'un trend seculaire du capitalisme ou encore l'expression d'un boom conjoncturel associe au grandiose effortde reconstructiondes economies europeennes suite aux devastations causees par la guerre, trouve son origine a trois niveaux: - dans la recherche d'une augmentation continue de la productivity du travail au sein des entreprises,recherche notamment scandee par Cf. 3. C'esten ces termesqu'AngusMaddison la periodeconsideree. caracterise son ouvrage:Lesphasesdu developpement 1981,chap.6. Paris,Economica, capitaliste, VoiraussiAlainLipietz, Criseetinflation 1979,p. 326et ss. Paris,Maspero, , pourquoif, ofContemporary 4. Cf.MichelDe Vroey,« A Regulation Interpretation Approach Crisis», in Capitaland Class,no. 23 (Summer1984):45-66; Kolm, Serge-Christophe « Ya-t-il une etJ. Pisani-Ferry, de I'e'conomie, Paris,Seuil,1986;A. Galibert Philosophie ecole de la regulation? », Alternatives 1986).Parlerd'«ecole» (mai-juin economiques, uneproblematique de travaux d'unensemble l'uniterelative partageant pourdesigner II estevident toutefois excessif. communs estprobablement et un syst£me conceptuel de MichelAglietta de recherches, publiee inspirees parla th£se qu'uncertainnombre soutenueen 1976,ontavancedansune en 1974 et par cellede BernardBillaudot de ces directionsinguliere, pendantun certaintemps.La plus impressionnante a eterealiseeau Centred'etudes de Vinflation: recherches: frangais, I'exemple Approches Ont a la planification d'economie (CEPREMAP). mathematique appliquees prospectives R. Boyer,R.M.Gelpi,A. Lipietz, collaborea cetterecherche: J. Mistral J.P. Benassy, ontetepublies. articles et ouvrages Suitea cetterecherche, et C. Ominami. plusieurs au sein a eteapprofondie de la regulation Le faitest,cependant, que la problematique de RennesI), de plusieurs equipes,nonlieeslesunesauxautres:le GRESP(Universite socialesde Grenoble) et le GREEC(Universite des sciences representent probablement Parailleurs, la notionde regulation les deuxgroupesayantobtenule plusd'audience. utiliseeen d'Aglietta;il s'agitd'une notionfrequemment n'estpas une invention de son en general.Dans l'avant-propos economiqueet dans les sciencesnaturelles des Etats-Unis et crisesdu capitalisme: (Paris, L'experience ouvrage: Regulation Calmann-Levy,1976) Aglietta pose cependantles fondementstheoriques, et de sa conceptualisation. de sonraisonnement et epistemologiques methodologiques et dans la ligneeduquelse sontsitues Le courantd'etudeamorcepar Aglietta, unitaire. C'estce courant et relativement estcependant chercheurs, original plusieurs danscetarticle. seulement que nouspresentons This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 347 la generalisation du taylorismepuis le developpement du fordisme; - dans Pintegration de l'univers de la reproduction privee des menages et des particuliers« a la logique du capital et au r£gne de la marchandise », integrationnotamment realisee a travers la formation d'une « norme sociale de consommation ouvriere »; - dans l'apparition graduelle de nouvelles formes sociales et politico-institutionnellesde regulation, formes ayant genere un effet senti de structurationdes ajustements de marche, des comportements individuels et des decisions privees, et un effet d'harmonisation relative des normes de consommation et des conditions de la production economique. Ensemble, ces trois facteurs ont ete a l'origine d'une alteration sensible de la dynamique generale du cycle de reproduction du capital global apres la deuxieme guerre mondiale, alteration elle-meme responsable de l'apparition d'un nouveau cercle vertueux de croissance. 1. La recherche d'une augmentation continue de la productivitydu travail au sein des entreprises Le premier facteur explicatif de la croissance economique des societes capitalistes occidentales apres la deuxi&me guerre mondiale doit etre recherche dans le bouleversement des normes de production et de travail au sein des grands groupes industriels (principal foyer d'apparition et de diffusion des innovations), bouleversement lui-meme a l'origine d'une augmentation soutenue de la productivitydu travail par tete. Voyons de quoi il s'agit. 1.1 Productionextensiveet intensivedes surplus economiques:le tournant des annees '20 Dans une societe ou predomine le regime du salariat, ou la propri£te des moyens de production est privee et ou le travail est immobilise dans Pusine, la production des surplus economiques5 peut se faire de deux fagons principales. Par un biais extensif d'abord, c'est-a-dire par Tallongement de la jour nee de travail, par la reduction des temps morts entre chaque d'uneactivity de biensd£coulant 5. Nous entendons par 1a le volumephysique & une valeur ce volumephysique mon6tairement, correspond productive. Exprim6e Pour une int6ressante des deux modes sch6matisation principauxde ajout£e. in dessurplus en soci6t6 cf.MikeDavis,« Fordism capitaliste, production Economiques des Crisis: A Reviewof Michel Aglietta'sRegulationet crises:l'expErience schema1,p. 216. Etats-Unis », inReview , 11 (1978):207-269, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 348 HistoricalReflections /Reflexions Historiques activite de production, par un accroissement du nombre de travailleurs engages et par un ajout de machines. Dans ce cas, l'augmentation du volume de la production est principalement obtenue par un accroissement et/ou une utilisation maximale des facteurs (technologie et main-d'oeuvre). Elle est egalement obtenue de i'activite productive. Les limites par une intensificationdu rythme inherentes a ce mode de production des surplus sont rapidement atteintes: la population active ne pouvant croitre indefiniment,ou les travailleursviennent a manquer, ou le cout de leur utilisationdevient particulierement onereux pour le capital. D'autre part, la resistance physique et psychologique des travailleursatteignant rapidement une barriere infranchissable,la recherche d'une intensificationdu rythme de I'activite productive se voit, elle aussi, bloquee a un point maximal. Enfin, l'accroissement du nombre de machines utilisees mene rapidement a une hausse de la composition technique et organique du capital qui, en l'absence d'un abaissement du cout salarial social reel6, accelere la baisse tendancielle du taux de profit. La production des surplus economiques peut egalement se faire par un biais intensif, c'est-a-dire par l'utilisation systematique des progres techniques en vue de diminuer le temps effectifnecessaire a la fabrication d'un bien ou a la production d'un service. Cette diminution, qui suppose resolues les contraintes inherentes a la production en serie de marchandises, entraine a son tour l'abaissement, de periode en periode, de la valeur des differents biens entrant dans les circuits economiques de la consommation intermediate et finale. Non seulement les biens necessaires a la production de machines peuvent-ils etre fabriques a de moindres couts (ce qui se traduit par une diminution relative du prix des biens d'equipement professionnels), mais les biens necessaires a la reproduction physique des menages et des particuliers peuvent, eux aussi, voir leur cout de production s'abaisser. Se trouve des lors posee Tune des principales conditions au developpement de la consommation de masse, phenomene qui ne se realise toutefois pleinement qu'au moment ou d'autres conditions sont egalement apparues (celle de la regularisation des formes salariales, celle de Tacceleration de la vitesse de circulation des marchandises par la structuration des marches et Tutilisation de la monnaie-credit, et celle de la regulation des pratiques sociales de consommation etant 6. Le coutsalarialsocialreelexprime du salaire le rapport de l'indiced'evolution reel moyensur Tindiced'evolution de la productivity horairemoyenne. Pour un et crisesdu de cette notion,cf. MichelAglietta,Regulation approfondissement desEtats-Unis, 1982(1976),p. 67 et ss. Paris,Calmann-Levy, capitalisme: L'experience This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 349 certainementparmi les plus importantes). La periode qui s'etend du debut du XXe siecle a la seconde guerre mondiale correspond historiquementa l'affirmationgraduelle d'un mode de production a dominante intensive des surplus economiques. On s'accorde difficilement sur le moment precis marquant ce passage. En s'en tenant au cas de la France, Tun des plus Studies jusqu'ici, il semble que ce soit apres la premiere guerre mondiale, notamment au cours des annees *20, que ce passage soit intervenu. Selon Robert Boyer7, un bouleversement sensible des normes de production et des formes d'organisation du travail serait survenu au moment ou s'operait une importante reconversion de Tappareil productif national suite aux devastations causees par la cette reconversion: Temoignage significatif de guerre. l'accroissement considerable de la productivitypar tete, dont le taux moyen annuel s'eleve a 5.8% entre 1920 et 19308. Dans une etude partant d'une perspective theorique semblable, J.H. Lorenzi, Olivier Pastre et Joelle Toledano9 suggerent toutefois que le mode de formation des surplus economiques predominant en France jusqu'a la grande crise des annees '30 est a dominante extensive. L'elevation de la productivity par tete resulterait effectivementd'une premiere tentativede rationalisationdes activites de travail et d'une utilisation de plus en plus repandue des progres techniques. Mais globalement la croissance economique frangaise s'expliquerait d'abord par l'augmentation du taux de participationde la population active et par Intensification du rythme du travail (introduction dans certaines branches industrielles des principes du scientific managementen vue de comprimer les temps morts entre les activites de production). Selon ces auteurs, la periode 1860-1930 serait principalement marquee par une mise a contributionoptimale du facteur travail dont les limitesd'utilisation auraient ete poussees a Textreme. II importe peu de determiner qui de Boyer ou des trois autres chercheurs interprete le plus adequatement les changements observes. Le fait est que tous ces auteurs identifient un meme processus complexe: celui du passage graduel, inegal selon les secteurs industriels, d'un mode extensif a un mode intensif de production des surplus economiques. Ce passage s'est initialement 7. « La criseactuelle.Une miseen perspective a historique. Quelquesreflexions en longueperiode deVeconomie », Critiques frangais partird'uneanalysedu capitalisme Voiren particulier lespages31-36. , no 7-8(avril-septembre 1979):5-113. politique « LevelsandMovements ofIndustrial 8. E.H. PhelpsBrown, andReal Productivity » TheEconomic 83 (1973):58-7l. WagesInternationally Compared, Journal duXXesiecle, 9. La crise 1980,chap.2. Paris,Economica, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 350 HistoricalReflections /Reflexions Historiques realise a travers la diffusion du taylorisme dans Tindustrie manufacturiere. II a par la suite connu un second moment d'approfondissement avec le developpement du fordismeau sein des grands groupes industrielsmonopolistes. dans Vindustrie du taylorisme 1.2 La diffusion manufacturiere: de la productivity conditioninitiatea Vaugmentation globale Le taylorisme renvoie principalement a la rationalisation des activites de travail, a la reorganisation du proces de travail autour d'une separation accrue entre taches de conception et taches d'execution, et a l'etude systematiquedes operations de production en vue de briser la maitrise ouvriere du temps de production10.Le taylorisme peut etre defini comme l'ensemble des rapports de production internes au proces de travail qui, s'exprimant par des principes generaux d'organisation du travail, tendent a accelerer la cadence des cycles de gestes sur les postes de travail, a diminuer la porosite de la journee de travail, a reduire le degre d'autonomie des travailleurs et a les soumettre a une surveillance et a un controle permanents de l'execution de la norme de rendement11. Le taylorismes'est developpe aux Etats-Unis et en Europe vers la fin du XIXe siecle dans certaines branches industriellesbien precises, celles de l'assemblange, de la transformationdes metaux (industries de process) et de l'armement surtout. II s'est ensuite repandu sur une plus vaste echelle au cours des trente premieres annees du XXe siecle. L'industrie automobile, par les effetsd'entrainement qu'elle a eus sur le reste de l'economie, a joue un role primordial dans la diffusiondes rapports sociaux de travail et des normes de rendement propres au taylorisme. Finalement le taylorisme s'est etendu a la majorite des secteurs industriels dans les annees qui ont immediatementsuivies la seconde grande guerre12. Le taylorisme ne se reduit pas a la simple application d'un ensemble de techniques de gestion manageriales a l'organisation du proces de travail. II ne se reduit pas non plus a la seule tentativede reorganisation du travail ouvrier par la parcellisation des taches, le chronometrage, la mecanisation et les salaires incitatifs. Dans la mesure ou il affecte directement et durablement « les modalites etcapital 10. Benjamin , Paris,Seuil,1976,243 p. (voiren Coriat,Science , technique le Essaisurle taylorisme, les pages110-134).Id, L'atelier et le chronometre, particulier et la de 2. Christian 1979, Paris, Ed., masse, chapitre fordisme production Bourgois 11. MichelAglietta, op.cit.,p. 94. et OlivierPastre(sousla direction 12. Mauricede Montmollin de),Le taylorisme, A. Moutet, C. de D. Nelson, 1984,361 p. Voirlescontributions Paris,La Decouverte, Littler et H. Homburg. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 351 generates de Pextraction du surtravailet les conditions de formation des valeurs d'echange, c'est Paccumulation du capital elle-meme, dans son principe, et comme telle, qui est modifiee»13. Le taylorisme constitue historiquement la matrice d'un ensemble de nouvelles pratiques economiques, sociales et politiques se developpant au sein des entreprises, et plus generalement dans la societe14. L'atelier taylorien, pour etre effectivementoperationnel, repose en effet sur une certaine unification du fonctionnementinterne de chaque entreprise. La conception des produits, dont la responsabilite incombe aux ingenieurs, doit se faire en fonction du mode d'organisation du travail (collectif de production), de Phabilete moyenne des travailleurs et des contraintes inherentes a la commercialisation des nouvelle structure produits. Cette de facteur d'efficacite organisationnelle Pentreprise, economique et de rationalisation des activites de production, appelle a terme une certaine standardisation des marchandises. Celle-ci facilite en effet Pincorporation de normes elevees de rendement dans chaque activite de production. Elle autorise egalement une planification et un controle serres du proces de production. Elle permet d'autre part Pembauche d'un nombre maximum de travailleurssans qualification et sans experience puisque chaque activite productive, en etant reduite a un ensemble de gestes repetitifs,se simplifiebeaucoup15. La standardisation des marchandises, qui fournit Poccasion d'une production serielle et massive des biens, facilite enfin la mobilite des travailleursau sein de Pentreprise. Ce faisant,elle pose les conditions objectives d'un deperissement rapide des metiers traditionnelsdans Pensemble des activites productives realisees au sein de Pentreprise. Elle pose egalement les conditions d'un accroissement rapide du nombre d'« ouvriers specialises » (ouvriers affectesa une seule tache specialisee mais routiniere), et pave la voie a une domination pratiquement exclusive des cols blancs dans Porganisation et la 13. Benjamin L'atelier etle chronometre, Coriat, op.cit.,p. 109. 14. RobertBoyer,« Le taylorisme hier:presentation et O. », in M. de Montmollin etemploi, no 18 Pastr6, op.cit.,p. 38; Textereprissousuneversion allongeein Travail (octobre-d6cembre 1983):17-41. R. Boyeret B. Coriat,« le faitque le travailse 15. Commele fontremarquer ne signifie unevision introduit simplifie pas qu'il soitsimple.L'ideede simplification le travail vivant relative; requisn'estsimplify qu'auregardde ce que,anterieurement & la machinerie, etla dynamique il etait». Marx de Vaccumulation, , la technique longue no. 8414 (mai 1984),63 p., page 9. Sur la Notesde recherche Paris,CEPREMAP, notionde d6qualification du travail, voir:MichelFreyssenet, du La division capitaliste travail, Paris,Savelli,1977,226 p. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 352 HistoricalReflections /Reflexions Historiques planificationdu cycle de travail16. Le taylorisme, dont la diffusion a l'ensemble des branches industrielles permet une croissance importante du volume de la production et de la productivitygenerale (essentiellementfondee sur une intensification du rythme du travail), fournit egalement les conditions d'une transformation des pratiques de consommation populaire. A des capacites productives augmentees et a un niveau de productivitysuperieur doivent en effetcorrespondre des possibilites de debouche plus grandes. C'est la precisement ou se situe la contradiction principale de l'« organisation scientifique du travail»17. Le taylorisme developpe en effet une forme salariale (le salaire a la piece, dans le but de stimuler le rendement individuel) inconsequente par rapport aux bouleversementsqu'il induit dans les normes de production et de travail. Le rapprochement du taux annuel moyen de variation de la productivitypar tete avec celui du salaire reel par tete, pour la periode 1920-1930, revele de fagon evidente cette contradiction18. Au niveau microeconomique, a l'echelle de Tentreprise,le salaire a la piece se revele pourtant un instrumentde gestion economique incomparable: non seulement multiplie-t-il les occasions de differentiation des salaires individuels et done de stratification economique des salaries, mais il favorise egalement la competition et Temulation entre les travailleurs. Le salaire a la piece permet en outre d'augmenter l'efficacite et la rentabilite du travail (plus de produits a prix inchanges dans un meme temps donne). Enfin,il pose les conditions d'une augmentation eventuelle de la valeur des ventes totales realisees par l'entreprise,ce qui est un moyen utile d'accroitre les provisions financieres necessaires a ses projets d'expansion et de developpement. Au niveau macroeconomique toutefois, a l'echelle de l'economie nationale, le taylorisme pose certaines conditions initiales a la production de masse sans pour autant resoudre les problemes inherentsa Tecoulement de cette production. La crise de 1929 renvoie precisement aux blocages entraines par le bouleversement des normes de production et de travail sans bouleversement parallele des pratiques de consommation et, plus generalement, sans bouleversement significatifde la configurationdu 16. Ces tendances avaientdeja ete decritesdans l'ouvrageclassiquede Harry Travailetcapitalisme 1976,360 p. Braverman, Paris,Maspero, monopoliste, social: etchangement Rosieret PierreDock£s, Crises 17. Bernard economiques. Rythmes uneperspective Paris,La decouverte/Maspero, 1983,309 p. Voirp. 156et ss. historique, « Le taylorisme 1. hier:presentation 18. RobertBoyer, », op.cit.,graphique This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 353 rapport salarial19. Ce sont ces blocages que le fordisme permet de depasser. 1.3 Le depassementdu taylorisme par lefordisme: conditiona Vaugmentation de la productivity par tete A Techelle de Pentreprise, le fordisme designe un ensemble de transformations dans l'organisation du proc&s de travail et dans Timposition des normes de rendement. Initialement, il se situe dans la continuite du taylorisme: il developpe la mecanisation du travail individuel, approfondit la separation entre taches de conception et taches d'execution, accroit Tintegration des differentssegments du proces de production par la mise en oeuvre du travail a la chaine, accentue le controle du capital sur le rythme du travail, interdit toute resistance individuelle face a Timposition d'une norme de rendement et fragmentele travailjusqu'a plus totale insignifiance20. Cet approfondissementet ce depassement des principes tayloriens entrainent trois consequences importantes: 1. Le renouvellement incessant du dispositif productif par la mecanisation du travail industriel, par le recours constant aux progres techniques et par la standardisationdes marchandises permet de rationaliser les etapes du processus de production, d'ecourter le temps social necessaire a la fabrication des biens et de les produire a grande echelle en maintenant des normes maximales de qualite. Ces trois changements concourrent ensemble a l'abaissement de la valeur relative de chaque marchandise puisque leur cout de fabrication unitaire diminue. Cette diminution permet a son tour de solutionner « La criseactuelle: une 19. B. Rosieret P. Dock£s, op.cit.,p. 156 et ss.;R. Royer, miseen perspective », op. cit.,pp. 31-42;AndreGranou,YvesBaronet historique etcrise, Croissance BernardBillaudot, Paris,Maspero,1979,p. 26 et ss.;RobertBoyer, avec « Origine,originality et enjeuxde la criseactuelleen France:une comparaison de Gilles etsa gestion les anneestrente », inLa criseeconomique (publiesousla direction « Les origines Bor6alExpress,1982, pp. 13-32;J. Marseille, Dostaler),Montreal, » de la crisede 1929 en France», Revueeconomique « inopportunes 31, 4 (juillet « Les deuxcrisesdes 1980):648-684; J. Mazier,Y. Picaud,Y. Podevinet H. Bertrand, dansle cas de annees1930 et des annees1970.Une analyseen sections productives l'economie », Revueeconomique 33, 2 (mars1982),pp. 234-273;G. Dumenil, frangaise M. Glick,et J. Rangel,« La grandedepression: », enigmed'hierou d'aujourd'hui? de preciser 1-427.II estpar ailleursimportant Revueeconomique 37, 3 (mai 1986):38 d'interpretation n'expliquequ'en partiela grandecrisedes annees que cet 6l6ment voir:MichelBeaud, interessante de cetteperiode, 1930.Pourunesynthase historique le Histoire du capitalisme 1500-1980, Paris,Seuil,1981,332 p. Voir en particulier 5. chapitre etle chronometre, 20. B. Coriat,L'atelier op.cit.,chap.3; MichelBeaud,op.cit.,p. au 218 et ss.; MichelAglietta, Palloix,« Du fordisme op.cit.,p. 96 et ss.; Christian no 185(janvier-fevrier neo-fordisme », La Pensee 1976):37-60. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 354 HistoricalReflections /Reflexions Historiques pendant un temps les problemes entraines par la hausse de la composition organique du capital en agissant comme contre-tendance a Pabaissement du taux de profit21. 2. Si bien que la production en serie des marchandises apparait etroitement liee a la rentabilisation des depenses d'investissement effectuees en vue de reorganiser le proces de production et de travail. La production serielle de marchandises apparait egalement, de ce fait, comme Tune des modalites du processus de mise en valeur du capital puisqu'en regime d'accumulation inensive, Penjeu de la production capitaliste est precisement d'abaisser la valeur moyenne de chaque marchandise en repartissantla valeur totale de toutes les marchandises sur un nombre maximum d'articles manufactures. Chaque marchandise produite incorporant une part toujours plus faible du cout de reproduction de la force de travail, c'est en definitive le taux de plus-value qui s'accroit. Dans Pensemble, la production en serie des marchandises fournit Poccasion d'une augmentation de la quantite physique de biens manufactures, Poccasion d'un abaissement de la valeur unitaire de ces biens et Poccasion d'un accroissement du taux de plus-value permettantune augmentation simultanee de la remuneration du capital et du travail. Les conditions d'emergence du modele productivistesont en place. 3. La complexification de la division technique et sociale du travail, Putilisation de systemes complexes de machines-outils dans les operations de production et Pimposition de nouvelles normes de rendement determinees par ces machines-outils rendent bientot inoperationnel le principe du salaire a la piece. Le temps de fabrication et les rendements individuels etant imposes par le rythme de la chaine de montage, il devient de plus en plus difficile d'individualiser le salaire en fonction du rendement propre a chaque travailleur. En effet, Pexperience personnelle d'un travailleur, son habilete et sa resistance ne peuvent influer sur la quantite finale de biens produits ou sur la vitesse de fabrication des marchandises puisque le controle de cette quantite et de ce rythmede fabricationa ete approprie par le capital22. Le fordisme pose les bases d'une nouvelle forme salariale correspondant aux tendances nouvelles de la collectivisation du travail. Les primes de rendement collectif, le principe du salaire mensuel garanti et la politique de la masse salariale (salaire garanti alloue a un collectif de travail) se developpent ainsi au fur et a mesure que s'etend Patelier fordien23. 13 et 14. 21. MichelAglietta, op.cit.,chapitres op.cit pp.40 et ss.;AlainLipietz, cf.Robert romancee de ce processus 22. Pourune reconstitution d'appropriation, de Minuit, 1978,179p. Paris,Editions Linhart, L'etabli, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 355 Par rapport au taylorisme,le fordisme marque done deux ruptures importantes: 1. Premierement, il fait de la production serielle des marchandises et de l'abaissement de leur valeur unitaire deux modalites fondamentales du processus de Paccumulation du capital. Le bouleversement des rapports de valeur dans le sens d'un abaissement de la valeur unitaire de chaque marchandise, comme d'ailleurs la possibilityd'une extorsion supplementaire de surtravailsous la forme de plus-value relative, constituent deux des principales composantes du mode d'accumulation capitaliste s'affirmantgraduellement dans certaines branches industriellesen Europe et en Amerique au cours des trente premieres annees du XXe si&cle. C'est au cours des annees '40, *50 et '60 que le fordisme s'etend, de fagon inegale et dans des formes variees, a la plupart des industriesmanufacturieres.II touche peu cependant le secteur des services prives et publics, ce qui se traduit par une croissance plus rapide du prix relatifdes services par rapport a celui des biens d'equipement durables et non durables24. 2. Deuxiemement, le fordisme pose les conditions propices au developpement de nouvelles formes salariales dont les modalites d'etablissement sont fonction du rendement collectif des travailleurs. Au lieu de fluctuer selon les qualifications, Thabilete, Pexperience, l'age et la condition familiale de Touvrier, revolution de la norme salariale peut etre liee a une mesure agregative de performance beaucoup plus generate: celle de la productivityapparente du travail. Le fordisme ne designe toutefois pas seulement un ensemble de transformationsdans les modalites de la production industrielle,de la formation de la valeur et de la norme salariale. II refere en plus a une liaison historiquement originale entre les conditions de la production industrielleet les conditions de la reproduction sociale de la force de travail. Cette liaison s'etablit a travers la structuration d'une « norme sociale de consommation ouvriere ». La soumission de la sphere privee des menages et des particuliers a la « logique du capital et au regne de la marchandise »25 represente une deuxi£me raison fondamentale a la croissance economique soutenue des societes capitalistes occidentales apres 1945. etle chronometre, 23. B. Coriat,L'atelier op.cit.,pp. op.cit.,chap.4; M. Aglietta, 114-128. 24. J.H. Lorenzi,O. Pastr6,J. Toledano,op. cit.,graphique8, p. 143. Cette se v6rifie6galementdans le cas du Canada. Cf. J. L6tourneau, affirmation du revenu, th&sede doctorat, etsecurite d'histoire, Accumulation, Departement regulation University 12,p. 587. Laval,1985,graphique et modede vie,Paris, a AndreGranou,Capitalisme 25. Expression empruntee du Cerf,1974(1972),94 p. Editions This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 356 HistoricalReflections /Reflexions Historiques 2. Production capitaliste d'une « norme sociale de consommation ouvriere » et transformationdu mode de vie populaire La structuration d'une « norme sociale de consommation ouvri&re»26 refere au processus graduel de soumission des conditions de reproduction de la force de travail a la domination des rapports marchands. Elle designe d'aiitre part l'ensemble des moyens permettant aux menages et particuliers d'acheter regulierement les conditions de leur reproduction dans la circulation capitaliste. De fagon implicite, la structuration d'une norme sociale de consommation ouvriere marque l'apparition d'une certaine unite entre mode de vie et mode de production27.A son tour, cette unite relative pose les conditions d'un developpement plus ordonne des sections productives, c'est-a-dire les conditions d'une plus grande regularite du cycle general de reproduction du capital global. Nous reviendrons sur ce dernier point dans la quatrieme partie du texte. 2.1 Dynamiqueinitiatedeformationde la normesocialede consommation Pour bien saisir la dynamique initiale de formation de la norme sociale de consommation ouvriere, il faut bien sur partir des conditions de la production economique (possibilityd'une fabrication en serie d'objets banalises) et des conditions de mise en valeur du capital (possibility d'un abaissement tendanciel de la valeur unitaire de chaque marchandise). Mais il importe aussi de comprendre comment les transformationssurvenues dans le proces de travail, en modifiant la fagon dont est utilisee et depensee la force de travail d'un ouvrier au cours d'une journee, creent des impulsions qui tendent egalement a modifier la fagon dont cette force de travail requiert d'etre reconstitute. Concretement, le contenu en marchandises de la norme sociale de consommation qui se developpe doit obeir a trois contraintes principales qui sont celles de l'accumulation intensive. 1. II doit s'agir de marchandises standardises pouvant etre fabriquees en serie et dont la production permet facilement de combiner progres techniques et formes nouvelles d'organisation du travail. C'est cette combinaison toujours renouvelee qui, en rendant possible le contournement des goulots d'etranglement naissant du processus meme de la production sociale, permet un accroissement regulier de la productivitydu travail. 26. Notionoriginellement op.cit.,chap.3. propos6e parMichelAglietta, etle chronometre, 27. A. Granou,op.cit.,pp. 41-58;B. Coriat,L'atelier op.cit.,p. 103et ss. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 357 2. II doit egalement s'agir de marchandises dont le cout de fabrication unitaire peut etre abaisse periodiquement. Plus ce cout unitaire est abaiss£, plus le taux de plus-value genere par Tactivitede production est eleve. D'autre part, Tabaissement du cout de fabrication unitaire des marchandises rend possible leur consommation, en masse, par des couches toujours elargies de la population. Elle permet en outre a la production capitaliste de « penetrer » des spheres d'activite sociale et de repondre a des besoins et des aspirations individuelsjusque-la combl£s par la petite marchande la et/ou production production domestique. L'abaissement du cout de fabrication unitaire des marchandises constitue Tun des principaux supports a Pextension de la societe salariale, a la generalisation d'une culture de la consommation de masse et & la soumission du mode de vie populaire au « r&gne de la marchandise standardisee ». 3. II doit enfin s'agir de marchandises permettantde reparer hors du lieu de travail l'usure croissante de la force de travail soumise a une utilisation intense dans le proces de travail; de marchandises permettant egalement d'accelerer la rapidite de deplacement des travailleurs entre leur lieu de travail et d'habitation. L'enjeu central etant ici d'optimaliser l'efficacite du facteur travail et de faire du temps de non travail un temps de consommation de valeurs d'usage et d'echange capitalistes. La « revolutionnarisation» du mode de vie ouvrier par la production capitaliste d'une partie importante des conditions de reproduction de la force de travail est en effetTun des plus puissants moyens de relancer Taccumulation capitaliste par les possibilitesd'ecoulement existant dans la sphere domestique. On peut mieux comprendre suite a cette discussion pourquoi le logement unifamilial equipes de biens electro-menagers et Tautomobile constituerent, apres la deuxieme grande guerre, les marchandises centrales de la norme sociale de consommation ouvriere en train de s'affirmer. 2.2 Le logementunifamilialet Vautomobile:marchandisescentralesde la normesociale de consommation qui se structure Pi&ce maitresse de la production d'un cadre de vie permettantla meilleure recuperation possible des forces de travail depensees dans la journee, le logement unifamilial constitue une reponse capitaliste au stress, a la fatigue physique et psychologique causee par Intensification, la discipline et la monotonie du travail poste. Le logement unifamilial assure en effet un niveau de salubrite, de tranquility,de securite et d'intimitecomparativementtres eleve a ses This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 358 HistoricalReflections /Reflexions Historiques occupants28. II incite 6galement ses habitants & disposer, chez eux, de toutes les conditions n£cessaires a leur entretien quotidien. En termes clairs, il oblige chaque menage a disposer individuellementde certains biens d'equipement29, ce qui stabilise singuli£rementles habitudes d'achat des consommateurs. En retour, ces biens permettent Feconomie du travail domestique et Televation proportionnelle du temps de detente30. lis posent les conditions d'une recuperation physique et psychologique optimale du travailleur et la possibilityconsequente d'une efficaciteplus grande de sa part au travail. Mais le logement unifamilial n'est pas qu'un moyen d'assurer la meilleure reconstitutionpossible des forces de travail depensees dans la journee. Son am£nagement, son entretien et sa decoration, qui s'inspirent implicitement de certaines normes de qualite et d'apparence, necessitent en effet de ses occupants qu'ils lui consacrent une part importante de leur temps et de leurs revenus. Ce temps et ces depenses (l'argent et Pachat se substituantici a Paide mutuelle et a Tesprit de debrouillardise dont faisaient preuve les membres des families « traditionnelles») constituent autant 28. MichelAglietta, op.cit.}p. 135et ss. nousfontpencher 29. Deux raisonsprincipales pource typede conditionnement & l'achatde certains biensd'equipement 1° Vindividuality (quasi-obligation) manager: du logement constitue en effet le cadremateriel Ce typede propri£t6 d'une unifamilial. viecomparativement retiree et intime ou la possession de certains biensestassoctee £ un id£alde s£curit6 de contrainte ou de raret£ contretouteforme ext6rieure. Ce qui est sur,c'esten effetce que l'on poss£de; ce qui Testmoins,c'estce que Tonne unifamilial tendd'autrepart&parcelliser la totality de la vie poss£de pas.Le logement socialeet & la reconstituer, & une £chellebeaucoupplusr6duite, sousune nouvelle totalitycelle de la famillenucl6airequi peut se suffire& elle-m&me par la consommation de marchandises. le Refugesecurecontrele mondeext£rieur, un microcosme est en m£metempsmoyende reconstituer logementunifamilial 0 surlequell'individu a effectivement social ordonn6, personnalise, prise.2 Le statut associea la possession d'unlogement. L'acquisition en effet d'un logement sanctionne l'accession & un statut socialsup£rieur, celuide proprietaire, une statut qui incorpore certainepretention au respectet & l'admiration, a une situation et qui r6f£re de arriv6. personnage 30. En th£orie biensur.Dansles faits, certaines contre-tendances ontemp£ch£ la diminution du tempsde travaildomestique: effective une meilleure une hygiene, meilleure uneEducation des enfants, etc.Parailleurs, alimentation, plusattentionn6e les biensd'6quipement onteu pourconsequence de permettre & une seule manager de realiserl'enti£ret6 des t£chesm6nag£res personne, presquetoujoursla femme, alorsqu'elledevaitpr6cedemment recevoir l'aided'un tiers.Si bienque depuisle d^butdes ann£es1920,le tempseffectivement consacr£ au travaildomestique reste « Tempset tant», inDu eleve& 55 heuresen moyenne Cf.DianeB61isle, parsemaine. travail etde I'amour: Lesdessous de la production de Louise (sousla direction domestique AlbertSt-Martin, Montreal, 1985,pp. 135-181. Yandelac), This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 359 cToccasions de consommer des valeurs d'usage et d'echange capitalistes. Si bien que le logement unifamilialtransformeune part importante du temps de non travail en un temps effectivementutile au capital. Par la fagon dont il est produit, le logement unifamilialobeit enfin a une troisieme contrainte de Paccumulation intensive: celle de la standardisation des marchandises. Certes, par son apparence exterieure et son amenagement interieur, le logement unifamilial repond a une certaine individualitydes gouts. Mais ses composantes principales n'en demeurent pas moins le fruit d'une production en serie: systemede chauffage, accessoires de plomberie et d'electricite, revetements de toutes sortes temoignent avant tout, par leur esthetique banalisee et fonctionnelle et par leur respect des normes legales, d'une logique de production sur laquelle le consommateur n'a pratiquement pas prise. Ce qui est vrai pour le logement unifamilialTest egalement pour Tautomobile. Au stade de la grande industrie,au moment ou la distance entre le lieu de travail et le lieu d'habitation s'accentue (amenagement simultane de banlieues dortoirs et de pares industriels),Tautomobile apparait comme le moyen de transportle mieux adapte a la volonte de diminuer le temps perdu en deplacements quotidiens. Ce temps de deplacement, plus tot improfitableau capital, devient par le fait meme temps de consommation de valeurs d'usage et d'echange capitalistes. En effet, non seulement Putilisation de l'automobile oblige-t-elle son proprietaire a toute une cascade de depenses utilitaires (essence, lubrifiants,pneus, services d'entretien, pieces de remplacement, assurances, licences, etc.), mais sa vitesse d'obsolescence peut etre facilement programmee car il s'agit d'une marchandise produite en serie. Objet standardise dont le cout de fabrication tend a diminuer, Tautomobile, qui peut etre possedee individuellement moyennant credit et etirementdans le temps des mensualites de paiement (ce qui suppose des lors une certaine continuite du revenu salarial et Tabolition des plus importantes contraintes a la circulation monetaire) suscite d'autre part, chez son utilisateur,certains besoins complementaires (espace de stationnement,abri temporaire, etc.) et de nouveaux interets (voyages, promenades, visites, etc.). L'automobile, comme marchandise centrale de la norme sociale de consommation qui se structure, est enfin le centre d'un nouveau dynamisme economique de par les complementaritesqu'elle entraine entre les differentesbranches de Pappareil productif. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 360 HistoricalReflections /Reflexions Historiques 2.3 La regularisationdu revenusalarial: clef de voute du processusde formationde la normesocialede consommation La structurationd'une norme sociale de consommation designe, avons-nous dit plus tot, l'ensemble des conditions permettant aux menages et aux particuliersd'acheter reguli£rementles conditions de leur reproduction dans P6conomie capitaliste. La clef de voute de cet achat reside principalementdans la generalisation de formes longues et faiblement variables de determination de la norme salariale. La regularite devolution du salaire nominal et du salaire reel au cours de la periode 1950-1975 constitue Pexemple le plus frappant d'une deconnexion partielle de la remuneration du travail des sanctions instantanementdecretees par revolution des marches de Temploi. La possibilityhistorique de hausser le salaire nominal est inscrite des le depart dans le bouleversement du proems de production consecutif a Introduction de nouvelles technologies et a Papprofondissement de la division sociale du travail. Elle trouve d'autre part sa source dans la' soumission toujours elargie des conditions d'existence des menages et des particuliersa Temprise des rapports marchands. Autrement dit, la possibility historique de hausser nominalement et reellement les salaires sur une longue periode se realise au moment ou, a travers la production d'objets de consommation banalises accessibles a la masse des individus, Ton obtient un abbaissement du cout salarial social reel, e'est-a-dire une augmentation du taux de plus-value31. Le fordisme comme module societal refere en effet & un mode tout a fait original de repartition des surplus 6conomiques; ou plus precisement, a un mode tout a fait original de distributionde la plus-value en profits et en salaires32. C'est tout compte fait la part du travail social allouee a la reproduction de la force de travail des employes et des ouvriers qui, exprimee monetairement sous forme de salaire, s'61&ve. Le salaire jouant en quelque sorte le role de regulateur de la consommation individuelle, la hausse du revenu salarial nominal et reel permet la continuite d'un proc&s de consommation domine par les marchandises produites en grande serie33. Le salaire constitue d'autre part le principal support d'integration des travailleursdans le cycle general de mise en valeur et d'accumulation du capital, cycle qui se realise desormais a travers une liaison relativement ordonnee entre proems de production et 31. MichelAglietta, op.cit.,p. 67 et ss. 32. MauriceBasl6, PhilippeBautier,JacquesMazieret Jean-Frangois Vidal, « Accumulation en longueperiode:emploi,revenusalarial,prixet et regulation no 54 (1982-1 etetudes », Statistiques (s£rie 983):1-40. profit financieres orange), 33. MichelAglietta, op.cit.,p. 156. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 361 procds de consommation. En pratique, le salaire ne doit pas &tre inf6rieur & ce qu'il en coute pour acqu6rir le contenu en marchandises de la norme sociale de consommation. Sinon, c'est la dynamique meme de Paccumulation capitaliste qui se voit bloqu£e. La remise en cause du pouvoir d'achat est en effet sufflsantepour ruiner plusieurs entreprises oeuvrant dans les branches specialises dans la production de biens de consommation courants34. Le principe d'une hausse r6guli&redu salaire nominal et du salaire reel est done une des conditions de reproduction d'un regime d'accumulation intensive centree sur la consommation de masse. Encore faut-iltoutefoisque la hausse du salaire nominal et du salaire reel se traduise par une augmentation du volume d'achats en biens de Tindustrie capitaliste35. En effet, si la consommation des marchandises capitalistes dans Tensemble de l'activite Economique decroit au profitde marchandises dont la production n'obEit pas aux contraintes de l'accumulation intensive (par exemple les services educationnels, juridiques, sanitaires, d'expertise publique et privee), e'est la croissance economique qui periclite. La recession Economique qui debute au milieu des annees '70 s'explique en partie de cette fagon36. Cette derniere discussion nous amene a formuler trois observations: 1. Pour que la continuite du proces social de consommation soit assuree meme au moment ou le travailleur se retrouve en dehors de la production economique, il est important que Tirregularite et Tinstabilite caracteristiques du mode de formation et devolution du revenu ouvrier soient le plus possible amorties. Autrement dit, que le mode de formationet devolution du revenu ouvrier soit d£gage des contraintes du marche, e'est-a-dire degage des contraintes de la validation coup par coup de la force de travail sociale engag£e dans des proces de production prives. L'enjeu principal de cette deconnexion partielle etant de creer, dans Tespace social de la circulation marchande, une regularite et une stabilite qui fournissent Toccasion d'une resolution momentanee de la contradiction fondamentale existant,dans les societes capitalistes,entre le caract£re socialise du proces de consommation et le caractere prive du proc£ de production. Parmi les nouveaux mecanismes d'ajustement qui fournissent l'occasion d'une regularisationet d'une stabilisationdans le temps du 34. AlainLipietz, op.cit.,p. 283. 35. Ibid.,p. 285. O. Pastre, 36. J.H.Lorenzi, J.Toledano,op.cit.,pp. 234-273. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 362 HistoricalReflections /ReflexionsHistoriques revenu salarial (done une resolution partielle de la contradiction social/priv6), il faut inclure la contractualisation collective du salariat, la determination de procedures d'indexation automatique de la norme salariale et le credit. Mais il faut 6galement mentionner Pensemble des programmes de s£curit£ du revenu, c'est-&-dire Pensemble des systdmes d'assurances universelles et d'assistance sociale qui forment le contenu de ce que plusieurs auteurs appellent le « salaire indirect »37. Tous ces dispositifsont pour effet de modifier considerablement le mode de determination du revenu ouvrier. Ant6rieurementfixe d'apr£s la quantity de travail effectivementfournie par Pindividu, le revenu se voit desormais fixe en fonction du cout normalise effectivement encourus par sa reproduction. Comme le precise Benjamin Coriat, un « certain glissement d'objectivation du salaire » se produit alors: de « simple instrument de stimulation au travail qu'il etait, il devient instrumentde reproduction du travailleur»38. 2. Pour que la continuity du procds social de consommation soit assuree dans le temps sans subir de variations erratiques trop importantes, salaire nominal et reel doivent progresser suivant une courbe ascendante reguli&re. Or cette progression doit etre g£neralis6e & Pensemble des secteurs industriels pour que ne s'effectuentpas de deplacements massifsde travailleursdes secteurs & remuneration faible vers les secteurs & remuneration elevee. Cette generalisation s'op&re habituellement & travers Pinstauration de m^canismes d'ajustement normatifs des salaires qui engendrent ce nous pourrions appeler des « effets de propagation que macro£conomiques de la formation des salaires »39. A ce chapitre, les grandes entreprises oeuvrant dans les secteurs moteurs de Peconomie jouent frequemment le r61e de locomotive en ce qui touche & la definition de la norme salariale de reference40.Cette generalisation s'opere d'autre part & travers Pindexation des salaires & Pindice du cout de la vie. Elle s'opere enfin & travers la fixation 37. AlainCapian,« La socialisation du salaire», RevueJconomique 32, 6 (novembre 1981):1087-1112; A. Lipietz,op. cit.,pp. 175-176;Suzannede Brunhoff, VEtatet Veconomie 1. , Paris,Maspero,1976,chapitre 38. Benjamin etle chronometre, Coriat,L atelier op.cit.,p. 91. 39. Jean-Pascal des Benassy,RobertBoyeret Rosa-MariaGelpi,« Regulation Economies et inflation », Revueeconomique 30, 3 (mai1979):397-441. capitalistes des 40. M. Basle,J. Mazieret J.F. Vidal,« Formation des salaires,repartition revenus et accumulation en longuep£riode », Economie 33, 2 (1980):539-565, appliquee 1984;RobertBoyeret durent..., Paris,Economica, p. 548 et ss.; Id, Quandlescrises crises, Paris,P.U.F., 1978,chapitre3; John Accumulation, JacquesMistral, inflation, New York,St-Martin's ModernCapitalism: Its Growth and Transformation, Cornwall, Press,1977,chap.4. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 363 episodique par PEtat de la norme salariale pour de nombreuses categories de metiers et de professions. Par ailleurs, pour que la progression reguliere du salaire nominal et reel ne soit pas constamment remise en cause, au gre des conjonctures, par Pemployeur ou les travailleurs,il apparait essentiel que s'institue une certaine codification du rapport salarial. L'entente negociee (mieux connue sous son appellation anglaise de collectivebargaining ), qui s'etait deja developpee dans certaines grandes entreprises europeennes au cours des annees 192041, s'est historiquement imposee apr£s la guerre comme forme structurelle du fordisme. L'entente negociee assure une grande stabilisationau processus social de determination de la norme salariale et de travail. Elle contribue & la regulation d'ensemble de Taccumulation intensive42. 3. Enfin, parce que Tacquisition de certaines marchandises centrales de la norme sociale de consommation ouvri&re depasse de loin le pouvoir d'achat du salaire hebdomadaire (c'est notamment le cas de Tautomobile, du logement et des biens d'equipement menager), il est essentiel que soient mis en place certains mecanismes financiers et mon£tairesrendant precisement possible l'achat anticipe de ces biens sur une base a temperament. Le d£veloppement du credit & la consommation (notamment fonde sur une revolutionnarisation des principes comptables de Tencaisse bancaire), et l'abandon du principe de la convertibilityen or de Pequivalent general (facteur pesant lourdement sur l'expansion de la masse monetaire) comptent comme deux des principaux mecanismes ayant historiquement permis d'accelerer la vitesse de circulation des marchandises entre le moment de leur production et le moment de leur consommation. En d'autres termes: d'accelerer le processus de validation sociale de la valeur incorporee dans chaque marchandise. L'articulation relative du mode de vie et du mode de production & travers la structuration d'une norme sociale de consommation est Paboutissement d'un processus historique non determine, complexe, t&tonnant et frequemment hasardeux dont on ne peut « voir » l'enchainement qu'a posteriori ; le produit aussi d'un ensemble de compromis sociaux, de trouvailles opportunes, d'emprunts et d'inventions originales43. Cette articulation, comme d'ailleurs le « Le taylorisme du travailen Allemagne et la rationalisation 41. H. Homburg, M. de et O. in Montmollin cit.y Pastr6, », (1918-1939) op. pp.99-113. 42. MichelAglietta, op.cit.,p. 161et ss. du travail:propositions 43. Alain Lipietz,« La nouvelledivisionInternationale division Houle,Le Canadaetla nouvelle », in DuncanCameronet Francois th6oriques de TUniversit6 du travail international d'Ottawa,1983,pp. 27-55. , Ottawa,Editions Voirsurtout pp. 28-38. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 364 HistoricalReflections Historiques /Reflexions bouclage moins erratique des circuits macro£conomiques, a notamment et£ rendu possible par Tapparition graduelle de nouvelles formes sociales et politico-institutionnellesde regulation, aussi appel£es « formes structurelles». Celles-ci peuvent £tre d£finies comme un ensemble de mecanismes et de supports m£diatiques au sein desquels se deploient les comportementsindividuels et collectifs, se realisent les ajustements de march£et s'op&re la confrontationdes decisions privies44. Historiquement, ces formes ont ete les supports organiques sur la base desquels s'est empiriquement op£r£e la Taccumulation intensive centree sur la reproduction de consommation de masse pendant pr£s de trente ans. 3. Formes de la regulation: au reproduction du capitalisme a vance. coeur de la dynamique de La p6riode qui s'etend de 1945 k 1973, de la fin de la guerre au premier choc petrolier, est caract£ris£epar une stabilityremarquable du cycle 6conomique. Pour certains, il s'agit de la manifestation recurrente d'un cycle Kondratieff en phase ascendante45. Pour d'autres, tributaires de l'analyse schumpeterienne, Texpression d'un dynamisme 6conomique associ6 & l'amorce du cycle de vie active de nouvelles marchandises (grappe d'innovations46). Pour d'autres enfin, Feffet engendr6 par tout un ensemble d'6pisodes ponctuels: la reconstructiondes Economies europ6ennes, frangaiseet allemande en particulier; la guerre de Cor6e; l'augmentation ph£nom6nale du et sa intensive « La diffusion de Taccumulation internationale 44. JacquesMistral, Internationales etfinance crise», inJ.L.Reiffers , Paris,Dunod, (sousla dirde),Economie » et de de « forme des notions 1982,p. 216. Pourun approfondissement th6orique de d'unenotiong£n6rale « regulation Blanc,« Etudesurla construction », cf.Yannick de Paris1, 1982; Michel », m6moire pour le DEA,University pr6sent6 regulation de la monnaie , Paris,P.U.F. 1982 (premiere Agliettaet Andr6Orl6an,La violence et le sensdansla society Paris,Librairiedes partiesurtout);R. LeDrut,La forme de la regulation la probl6matique 1984. Dans son ensemble, M6ridiens, manque Cf.& ce propos:A. desformes institutionnelles. de la gen£se d'uneth6orie cependant Political AnEssayonFrench andSocialChange: , Regulation Economy Noel,Accumulation uneanalyse La theorie dela regulation: travail cit£in R. Boyer, , op.dt.y p. 93. critique aux consacre 45. Voirle num6ro 2, 4 (Spring1979)entierement specialde Review, de T6conomie mouvements capitaliste. cycliques 46. Par exemple:Christopher freeman, JohnClarkand L,ucaoete,Unemployment A Study Innovation: and Technical , Westwood, Development ofLongWavesandEconomic surcetteinterpretation, r6serv6 Press,1982.Pouruncommentaire Conn.,Greenwood cr£atrice...ou voir:RobertBoyeret Benjamin Coriat,« De la crisecommedestruction no 366, 31e ann£e(septembre le retourde Schumpeter », Le Mondediplomatique 1984):14-15. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 365 volume de rinvestissement international; la guerre du Vietnam et Peffet qu'elle engendre au niveau de la consolidation d'un complexe militaro-industrielmultinational47 . II est 6videmment impossible d'eiiminer les causes proprement circonstancielles de la croissance economique d'apr&s-guerre:elles en ont moduli le rythme, inflechi la trajectoire, determine les variations. II est 6galement impossible de n6gliger le formidableeffet de propagation g£n6r6, dans plusieurs secteurs industriels, par certaines marchandises catalysant l'ensemble des innovations d'une epoque. Mais l'explication qui retient ces facteurs seulement reste insuffisante. L'hypoth£se emise par certains analystes du capitalisme avance est en effet de dire que cette stability du cycle economique d'apr^s-guerre trouve ses conditions dans Papparition de formes originales de regulation: notamment, dans une codification particuli£re du rapport salarial et des rapports de concurrence intercapitalistes; dans une intervention inedite de PEtat en ce qui touche & la reproduction de P6quivalent general (monnaie), en ce qui touche aussi & la circulation des facteurs de production et & la reproduction de la force de travail sociale; et dans une configuration particuli&re des rapports economiques et politiques internationaux, configuration notamment sanctionnee au sein du marche mondial sous la forme de rapports d'h^gemonie, de domination et de dependance entre les nations. 3.1 Le rapportsalarial Le rapport salarial d£signe Tensemble des procedures r£gissantles conditions d'usage et de reproduction de la force de travail dans le proc£s de production, et plus largement au sein de la soci£te globale48. Au niveau du proc&s de production, ces procedures sont les suivantes: conditions de travail; echelles de remuneration et dynamique de formation des salaires; avantages sociaux et benefices marginaux; codification plus ou moins large des relations de travail; de 47. Voir par exempleGillesLebel,Horizon1980. Uneetudesur revolution de l'economie duQuebec de 1946a 1968etsursesperspectives d'avenir, Quebec,Minist£re et le developpement Tlndustrie et du Commerce,1970; J.M. Smith,La croissance du Canadade 1939 a 1955.Etudepr£par6e pourla Commission royale Economiques de la du Canada,Ottawa,Imprimeur sur les perspectives d'enqufcte Economiques Reine,1957. Unemise en termede regulation. 48. RobertBoyer,« Rapport salarialet analyses du marchedu travail en rapportavecles theories de la segmentation », in Economie 33,2 (1980):491-510. appliquee This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 366 HistoricalReflections /Reflexions Historiques chances d'avancement et de progression hierarchique dans la structure de Pentreprise; participation des travailleurs a l'organisation du travail; modalites de gestion du personnel a l'interieur de la firme;etc. A l'echelle de la societe globale, la notion de rapport salarial renvoie a l'ensemble des legislations ouvrieres et sociales, a la determination par PEtat des conditions de remuneration, aux politiques de transfertpublic en especes et en services,aux politiques de formation de la main-d'oeuvre, a l'amenagement des . marches locaux du travail, aux subventionspubliques a Temploi, etc. Apres la guerre, et de fagon plus evidente encore au cours des annees 1950 et 1960, ces procedures s'institutionnalisent,tendent a s'ajuster les unes par rapport aux autres dans les differentssecteurs industriels (principe de la diffusioninterindustrielle),et a se definir par rapport a une norme de reference frequemmentdeterminee par les grandes entreprisesou les industriesles plus innovatrices49. L'effet engendre par cette contractualisation elargie du rapport salarial s'est historiquement traduit par une reduction des fluctuations salariales, par un eventail toujours hierarchise mais moins disperse des baremes de remuneration, par une stabilisation relative du partage du revenu global entre salaires et profits,par une diminution sensible des arrets de travail improvises et par une programmation optimale des mouvements de personnel a Tinterieur de l'entreprise. A l'echelle de la societe globale, cette contractualisation elargie du rapport salarial s'est notamment traduite par une evaporation partielle de la contrainte marchande dans la determination des choix individuels, dans Tallocation des ressources personnelles et dans les prises de decision privees. C'est dans cette deconnexion partielle que nombre d'economistes ont trouve l'origine des rigiditesa la baisse des salaires, si caracteristique de la periode de stagflation des annees 197050. La planification, fondee sur une fixite fonctionnelledes structuresorganisationnelles, a rendu possible Telaboration de strategies entrepreneuriales, syndicates et gouvernementales reposant de plus en plus sur une anticipation de la vitesse de rotation du capital, et sur une anticipation de la realisation effective du cycle de valorisation capitaliste. Pendant une vingtaine d'annees, cette « anticipation du futur dans la construction et la determination du present» s'est empiriquement soldee par une croissance forte tres favorable a no etstatistique 49. RobertBoyer,« Les salairesen longueperiode », in Economie 103(septembre 1978):27-57. R. Boyer, R.M.Gelpi,op.cit.,pp.424-425. 50. J.P. Benassy, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 367 l'6tablissementde consensus sociaux larges. 3.2 Les rapportsintercapitalistes Si la configurationparticuli£redu rapport salarial apr&s la seconde guerre mondiale rend possible Papparition d'une certaine stabilite dans le cycle de mise en valeur du capital, la codificationparticuli&re des rapports de concurrence capitalistes et l'6mergence de grands groupes industriels et financiers fortement concentres assurent de leur c6t6 Papparition d'un certain nombre d'enchainements macro£conomiques cumulatifs a P6chelle de Pappareil productif national. Ces enchainements d£coulent notamment du recours syst£matique& la planificationpublique et privee (plans nationaux de d6veloppement, strategiesde deploiement des grandes firmes,etc.) et de P« effet de cohesion » engendre par la centralisationpoussee du capital financier, de P6pargne et des depenses publiques51. Mais ils trouvent 6galement leur origine dans Paffirmationd'un mode tout a fait original de formationdes profits:celui fonde sur la pratique des prix administr£s et sur l'anticipation des ventes par la programmation des besoins populaires en fonction de produits diss6min£s sur des marches obeissant aux lois de la concurrence monopolistique52. Cette dynamique de formation des profits assure une plus grande stabilite financi&reaux entrepriseset une possibility d'ajustement optimal des normes de production et des normes de consommation. L'effet de structuration et de repartition oligopolistique des marches caus£ par la mont6e des grands groupes industriels et financiers engendre un phenom&ne d'equilibre crucial pour la stabilisation et la reproduction a moyen terme d'une economie nationale caract£ris6e par un regime d'accumulation intensive. Ce ph6nom&ne consiste en Pincorporation anticip6e, dans les couts de production, de la d£valorisation rapide du capital fixe. En regime d'accumulation intensive, la devalorisation du capital n'est pas, en effet,le seul r6sultat de la concurrence que se livrentles entreprises. Elle est une composante essentielle du mode de formation de la plus-value en ce sens que l'elevation de ce taux r6sulte de la complexification toujours croissante de la division technique et 51. MichelAglietta,op. cit.,pp. 198-209;voir aussi: Pascal Petit,Origine et dela planification notede recherche, 8314(juillet Paris,CEPREMAP, originality franqaise, comme 1983),30 p. RobertBoyer,Crisede la planification et/ouplanification support d'unesortie de crise:Quelques a partirde Vexemple CEPREMAP, Paris, reflexions frangais, notede recherche, no 8428(juillet1984),42 p. 52. RobertBoyer,« La crise actuelle:une mise au point en perspective », op.cit.,p. 51 et ss. historique This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 368 HistoricalReflections /Reflexions Historiques sociale du travail53. L'incorporation ex ante, dans les couts de production, de la devalorisation du capital est rendue possible par rinstauration d'un certain nombre de pratiques manageriales poussees a Pextreme par les grandes firmes: l'obsolescence programmee des produits, l'amortissement comptable accelere des depenses d'investissement, la recherche d'une domestication des marches par le recours aux techniques avant-gardistes de la psychologie sociale et du marketing. La consequence immediate de ces pratiques est d'assurer l'entreprise d'un reflux financier compensatoire pour toute strategie de mise en marche d'un produit54. Le risque de l'investissement prive est en quelque sorte socialement assure. Si, a moyen terme, ces pratiques allongent l'horizon previsionnel des entreprises tout en leur assurant une plus grande flexibilityfinanciere, elles ne sont toutefois pas sans developper leurs propres contradictions. A la longue en effet, des routines de gestion et de production s'incrustent, la recherche de l'innovation comme support d'adaptation a la concurrence se fait moins forte, le renouvellement des gammes de produits pour rencontrer revolution de la demande sociale est plus lent. Le declassement des industries de pointe americaines par leurs concurrentes japonaises et allemandes s'explique en partie comme le resultat d'une inertie relative des en matiere d'innovation et premieres technologique organisationnelle55.A l'echelle macroeconomique d'autre part, cette transgression de la contrainte de l'offre et de la demande que represente la pratique des prix administres pose les conditions propices a l'inflation des prix. Cette inflationest en outre accentuee par la recherche croissante de provisions flnancieres de la part des entreprises, recherche rendue necessaire par le jeu serre de 1'immobilisationet de la devalorisation impose par la concurrence monopolistique56. A l'echelle de l'economie nationale, ces nouvelles formes institutionnellesa l'interieur desquelles se deploient les rapports de concurrence capitalistes engendrent neanmoins, pour un temps, une 1 etp. 248 et ss. 53. M. Aglietta, op.cit.,chapitre 54. Ibid.,p. 261. » Business 55. « Quality:The U.S. Drivesto CatchUp. SpecialReport, Week , 1 criseet changement croissance, (November 1982),pp. 44-50;voiraussi:« Etats-Unis: internationale 2 (avril », Economie techniquedans une economietertiaire prospective 1980),182p. 56. M. Aglietta,op. cit.,p. 248 et ss. Voir aussi: MichelAglietta,« La du capital:etudesdes liensentreaccumulation devalorisation et inflation », Economie 33,2 (1980):387-424. appliquee This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 369 stability relative de tout l'appareil productif. La concurrence continue 6videmment de s'exprimer. La recherche par les entreprises d'une determination instantan6e des prix et des volumes de production les plus justes demeure. Mais Phorizon de Tincertitudeest r6tr6ci; l'anticipation et la programmation du futur proche sont possibles; le d6chainement des strategies privies s'op£re dans des cadres qui tcartent en partie Fimpr6visibilit6des denouements. 3.3 Au centrede Varticulationdes regulations:VEtat L'appareil d'Etat a 6t6 d6crit comme Parch6type des formes structurelles concourrant a la reproduction d'ensemble des soci£t6s capitalistes apr£s la guerre. II s'est en fait r6v£16le pivot, la pierre angulaire des regulations agissant au sein de ces soci6t6s. Totalisateur des tensions sociales traversant Pensemble des formes sociales et institutionnellesau sein desquelles s'organise la socittt57,l'Etat, par sa figure historique, la nature de ses interventions et sa logique d'institutionnalisation des conflits, resume un mode tout & fait original de mediation, d'absorption et de reconduction des rapports soci6taux. Historiquement, ce mode a graduellement donn6 lieu & la forme ph£nom6nale de l'Etat insert, aussi appel6 Etat providence58. Apr£s la guerre, l'Etat intervient en effet de plus en plus directement dans la production (secteur nationalist), dans la couverture sociale (s6curit6 du revenu), dans la gen£se de la demande globale (actions contracycliques par le jeu des commandes publiques et de la fiscalit£),dans l'encouragement & l'innovation technologique, dans la modernisation du syst£me productif, dans remission et la circulation de l'6quivalent g£n£ral59. Ces interventions contribuent ensemble & prtvenir, parfois k tliminer temporairement, certains 6cueils inh£rents au cycle des contribuent de la Elles valeur metamorphoses (cycle A-M-A'). 6galement & faciliterle bouclage du cycle de reproduction de la force de travail dans l'6conomie capitaliste . 57. Ibid.,avant-propos, p. IX. « A NewViewon theEconomic 58. RobertDelorme, TheoryoftheState:A Case » Journal Issues18, 3 (1984):715-744;CarolLevasseur, Studyof France, ofEconomic Salariat salariaux etmouvement dela societi salarialeetI'essor ouvrier. L'avenement , conflits de I'Etat-providence au XXesiecle,Quebec,University d'histoire, Laval,D£partement no87-01. PARQ-Note 59. RobertDelormeet Christine Un essaid'explication Andr6,L'Etatetl'economie: des dtpenses en France(1870-1980 ), Paris,Seuil, 1983. Voir aussi les publiques & l'ouvrage:Etatet regulations contributions de Lyon, , Lyon,Pressesuniversitaires 1980. « Contribution 60. AlainCapian,op.cit.VoiraussiLysianne & l'6tudedes Cartelier, entreEtatet travail Revueiconomique salari£», 31, 1 (janvier1980):67-87. rapports This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 370 HistoricalReflections /ReflexionsHistoriques La regularisation de la demande globale par les mecanismes du salaire indirect et des commandes publiques permet en effet aux entreprises de batir leurs strategies de deploiement en anticipant constamment sur l'augmentation en volume de la consommation finale; aux gouvernements d'elaborer leurs politiques en anticipant sur les rentrees fiscales; et aux particuliers de normaliser leurs conditions d'existence en anticipant sur l'apport, meme modeste, d'un revenu contracte hors du marche du travail. Les interventions publiques au niveau de Pappareil productif permettentd'autre part d'operer un certain equilibre des flux circulatoiresentre les secteurs industriels, et par la de faciliter le developpement plus ordonne de l'economie nationale dans son ensemble. La regularisation de la circulation monetaire, rendue possible par la creation d'une banque centrale detentrice du monopole de remission de Pequivalent general et de la determination des taux d'interets a Pechelle nationale, permet un controle accru de revolution de la masse monetaire. Elle permet egalement, de ce fait, une regulation de certains enchainements macroeconomiques, notamment celui qui s'elabore entre le volume des investissements productifs, le niveau de Pemploi, la consommation intermediaireet finale, et vice versa. Les phases de contraction et d'expansion de la masse monetaire influencenten effetconsiderablement la realisation effectivedu cycle des metamorphoses de la valeur dans la mesure ou la monnaie est precisement le pivot de ce cycle61.Dans les faits, la realisation de ce cycle fait continuellement face a la contrainte monetaire. La recherche par PEtat d'une regulation de cette contrainte s'exprime a travers l'instauration d'un systememonetaire. Celui-ci permet de dejouer le rapport fondamental existant entre le processus de creation de la valeur et le processus de creation monetaire. Avec l'instauration du systeme monetaire, et particulierement d'une monnaie bancaire convertible, Tautonomie relative de la monnaie par rapport aux conditions de la production et de Techange est consacree. La banque centrale autorise en effet une pseudo-validation sociale des travaux prives. La monnaie n'a plus a etre physiquement presente dans le cours des transactions. Elle peut agir en tant que reserve de valeur, ce qui est tres favorable a la pratique de l'avance de capital, a celle des achats anticipes et a Texpansion generale du systeme du credit. En contrepartie,il s'agit d'une condition propice a l'inflation,resultat de la creation ex nihilo 61. MichelAglietta, op. cit.,chapitreVI. Voir aussi:MichelAgliettaet Anton de la societesalariale:La Franceen projet,Paris, Brender,Les metamorphoses 1. 1984, Calmann-Levy, chapitre This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 371 de monnaie entrant dans l'espace de la circulation nationale62. « Ces d6veloppements de la fonction de monnaie favorisent [toutefois]une grande extension de la circulation marchande »63. internationaux 3.4 Rapportspolitiqueset economiques La structuration relativement stable des rapports politiques et Economiques internationaux apr£s la seconde guerre repr6sente un autre facteur expliquant la croissance soutenue qu'ont connue les soci6t6s capitalistes avanc6es au cours de cette p6riode. Cette structuration s'est principalement r£alis£e sur la base d'une configuration fortementhi£rarchis6ede la division internationale du travail au sein de laquelle les Etats-Unis ont occup6 une position h£g6monique incontestEe64. Cette position s'est notamment manifesto par la preeminence du dollar comme monnaie d'6change internationale et par la preponderance am6ricaine dans tous les organismes internationaux. Les plans de redressement 6conomique mis en branle par les Etats-Unis en Europe et dans le sud-est asiatique ont 6t6 de puissants supports & la consolidation de cette h6g£monie. L'institutionnalisation de procedures r£gissant les pratiques commerciales et les flux financiers& P6chelle internationale a permis d'assurer une certaine cohesion des rapports Economiques entre les pays du capitalisme avancE, et entre ceux-ci et les pays dit du tiers monde. Au chapitre de ces procedures institutionnelles,on note 6videmment l'instauration, en 1944 & Bretton Woods, d'un systdme de paiement international favorisant P6quilibre et Pexpansion des ^changes commerciaux; la mise sur pied, la m£me annEe, d'un systEmemonEtaire international fond6 sur la definition de chaque monnaie par rapport & l'or et les parit£s de change fixe (Gold Exchange Standard System); P6tablissement, en 1947 & Geneve, des accords douaniers du GATT, compl6t6s en 1955 par ceux sign£s sous la banni^re de l'Organisation de Cooperation Commerciale; enfin, la creation en 1948 de l'Organisation Europ£enne de Cooperation Economique & laquelle succ£de, en et crises du capitalisme 62. M. Aglietta, , op. cit.,p. 281; voiraussi:A. Regulation de la criseinflationniste de credit, condition (deuxi&me permissive Lipietz,La monnaie no 7916, 20 p.; textereprisin A. notede recherche Paris,CEPREMAP, version), enchant e: De la valeura I'envoiinflationniste , Paris,Maspero,1983), Lipietz,Le monde chap.7. ducapitalisme etcrises 63. M. Aglietta, , op.cit.f p. 280. Regulation Unetconomie 64. MichelBeaud,op. cit.fchap.6; MoniqueFouet,Les Etats-Unis: dominante dansunepiriode de transition , Paris,La Documentation frangaise, 1980,154 « Rdledu », nos 4573-4574);M. Aglietta, p. (Coll.« Noteset Etudesdocumentaires des Etats-Unis et statistique no 97 fmanctere dollar et hfcgfcmonie », Economie (1978):387-423. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 372 HistoricalReflections /ReflexionsHistoriques 1961, reorganisation de Cooperation et de Developpement Economique chargee de coordonner les politiques economiques des etats membres, de faire beneficier les pays moins developpes de l'experience des pays industrialiseset de faciliter le developpement du commerce mondial. Au cours des annees suivantes, plusieurs modes dissociation economique naitront entre divers groupements de pays: CEE, ASEA, et COMECON pour n'en nommer que quelques-uns. Ces formes associatives, auxquelles s'ajouteront d'autres organisations a caractere politique (ONU et ses diverses composantes, Cour internationale de La Haye, etc.) ou economiques (CEPAL, FMI, Banque mondiale, etc.), viendront renforcer la cohesion generale des rapports economiques et politiques entre nations. 4. Accumulation et regulation: la macroeconomiques vertueux realisation d'enchainements La discussion menee jusqu'ici nous a permis de voir que la forte croissance connue par les societes capitalistesavancees au cours de la periode 1945-1973 resultaitd'une configurationparticuliereentre les conditions de l'accumulation et les formes de la regulation operant au sein de ces societes. Historiquement, cette configuration a donne lieu a l'apparition d'enchainements macroeconomiques tout a fait originaux. Le premier de ces enchainements, schematise a la page 45, exprime l'integration du cycle d'entretien et de reconstitutionde la force de travail dans le cycle general des metamorphoses de la valeur. Cette integration s'est concretement realisee a travers la formation d'une norme sociale de consommation ouvriere. Celle-ci designe l'ensemble des conditions permettant aux travailleurs salaries d'acheter regulierement les conditions de leur reproduction dans la circulation generale des marchandises capitalistes issues de la production de formation historique d'une norme sociale de masse. La consommation ouvriere a un impact determinant sur Tentierete du processus de reproduction du capital global dans la mesure ou elle fournitToccasion d'une transformationgeneralisee des conditions de production dans les branches industriellescorrespondant a la Section des biens de consommation (Section II). Desormais, la Section II peut absorber les marchandises (biens d'equipement professionnels, matieres semi-ouvrees,etc.) produites par les industriesde la Section I et ainsi contrecarrer le phenomene de suraccumulation du capital This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Ueconomiepolitique 373 dans la Section I. Le phenomene de suraccumulation du capital dans les branches de la Section II peut etre lui-meme contrecarre par la tendance constante a Tabaissement du cout salarial social reel engendre par la mutation des forces productives et Pextension de la norme sociale de consommation ouvriere. Tout le processus de l'accumulation capitaliste retrouve provisoirement un nouvel equilibre et un nouveau dymamisme65. 1 Schema de la forcede travail ducyclegeneralde reproduction L'integration de la valeur dansle cyclegeneraldesmetamorphoses dutravail marche F I V "^peril de l'embauche -peril de l'achat A-P M j{-►A' i ' ^speril de la realisation F ou A = capital-argent ducapide production P = miseen oeuvredes conditions (reunion et ducapitalvariable) tal constant M = marchandises (pourle capitaliste); biensde subsistance (pourle travailleur) accrude plus-value A' = capital-argent F = forcede travailet forcede travailreproduite V = argent(qui suppose, pourle travailleur,la venteeffective de sa forcede travailau capitaliste) = phaseperilleuseducycle du capitalisme, 65. MichelAglietta, etcrises Regulation op.cit.,chap.1.2 et chap.3; « Le regime voiraussiHuguesBertrand, d'accumulation de l'apr£s-guerre central et sa crise.Enseignement d'une etudeen sectionsproductives sur la Francede 1950 a deVeconomie no 7-8(avril-septembre 1974», inCritiques 1979):114-166. politique This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 374 HistoricalReflections Historiques /Reflexions II est possible de representer par un schema tr&s general la complexite du processus de reproduction du capital global dans les societes capitalistes avancees apres la seconde guerre. On obtient alors la figure apparaissant a la page suivante. Ce schema, explicitation d'un graphique original trace par M. Aglietta, fait apparaitre deux caracteristiquesprincipales: a) d'une part le cycle de reproduction de la force de travail sociale est un « cycle des metamorphoses de la valeur qui (T-At-Mh-C-T) le proces de consommation de sorte que celui-ci desormais englobe est domine par les rapports marchands »66; b) d'autre part le « cycle de reproduction de la force de travail est transversalpar rapport a la reproduction elargie du capital a travers les deux Sections de production, I et II »67. Cela signifleen fait que le cycle de reproduction de la force de travail est un lien essentiel entre tous les capitaux. Autrement dit, les cycles de tous les capitaux productifs dependent de l'extension et de la generalisation de la norme sociale de consommation. Le schema, qui represente trois moments d'un meme cycle, se lit de la fagon suivante: 1. Le capitaliste detenteur de capital-argent (Aj) se procure, sur le marche de l'emploi, des forces de travail (T, qui deviennent Tj), et des biens d'equipement et des matieres premieres (Mpl), pour produire des marchandises (Mj). Celles-ci servent au renouvellement du capital constant dans cette Section (1). Elles servent egalement au renouvellement du capital constant dans la Section II (2). 2. Le capitaliste deteneur de capital-argent (An) se procure, sur le marche de Pemploi, des forces de travail (T, qui deviennent Tn), et des biens d'equipement et des matieres premieres (Mpll), pour produire des marchandises (Mn). 3. Remunerees pour s'etre vendues au capitaliste,les forces de travail (Tj et Tn) detiennent des sommes determinees d'argent (AT1 et Atii) qui normalement correspondent a l'expression monetaire du panier de base des biens de consommation. Avec cet argent, elles se procurent des biens de consommation courants et des biens d'equipement menager (Mn) originant de la Section II. Le proces de leur reproduction s'ecrit: Mn-C-T. Ce schema neglige toutefois certaines contradictions (certains « sauts perilleux » dirait Marx) inherents a Tentierete du cycle des metamorphoses de la valeur et de Paccumulation du capital. Dans son ouvrage deja cite, Alain Lipietz a identifie deux de ces ducapitalisme, etcrises 66. MichelAglietta, op.cit.,pp. 129-130. Regulation 67. Ibid. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions LE"DOUBLE EELAREPRODUCTION DES HDUUNET' RAPPORTS EEPRODUCTION GAPITALISTLS ducapital chacune dans sections deproduction 1 global ~~~ desdeux !reproduction ducapital ducapireproduction reproduction I dansla section taldansla section II -.v. 2 -V A ,vv' t 'il - y 7 del'enploi marche detravail (force disponible) , STT1 • p . h -'*AT" ' . M * JrT" mise enoeuvre du deproducproces II tiondans la section 2 Mi duproces mise enoeuvre dans la deproduction I section sociale dela force detravail reproduction BHBaaa ++ + 4.++. _____ . . f. . • • c• • del'argent circulation circulation desmarchandises ducapital-argent affectation a l'achat dela force detravail (T)etdesbiens d'equipement deproduction duproces a la mise enoeuvre (M)necessaires professionnels etTn (Secdela force detravail deproduction) enTi (Section desbiens partition tiondesbiens deconsommation) deproduction dans section proces chaque deconsormation detravail dela force sociale) proces (reconstitution ducapitalisme, etCRISES op.cit.,p. 130. M.Aglietta, SOURCE: Regulation D'apres This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 376 HistoricalReflections Historiques /Reflexions contradictions: celle de la « non realisation des marchandises produites », et celle de la « non vente de la force de travail reproduite »68. Le « peril de la non realisation des marchandises produites» origine de la deconnexion qui existe entre la vitesse de circulation des capitaux dans les differentesbranches de la division economique du travail et le rythme de renouvellement des depenses de consommation de la force de travail. En effet,il n'existe pas de lien necessaire, objectif, entre le renouvellement des normes et des conditions de production dans les branches industrielles et le renouvellement de la norme sociale de consommation ouvriere. Si bien que la vente effectivedes marchandises produites n'est jamais un processus acquis d'avance. L'economie marchande, comme le precise Lipietz, est caracterisee par le « tatonnement perpetuel de l'initiative privee a la recherche du systemede valeurs instantanees, du prix, de la qualite et du type de produits qui se vendra le mieux »69. C'est au debut des annees 1970 que Ton peut parler, en France et au Canada notamment, d'un epuisement de la norme sociale de consommation s'etant structureeapres la guerre70. Le « peril de la non vente de la force reproduite » origine quant a lui de l'instabilite constitutive du developpement des normes de production dans les differentes branches industrielles71. Le bouleversement continu des conditions et des normes de production ans Tensemble des branches industriellescree en effettoutes sortes e desequilibres qui, le plus souvent, se traduisent par le chomage, la precarisation de Pemploi et revolution erratique des salaires. Cette instabilityet ces desequilibres chroniques pesent lourdement sur le processus de reproduction du rapport salarial, c'est-a-dire sur la possibility pour les producteurs de se reproduire dans le mode de production capitaliste. On sait qu'apres la seconde guerre mondiale, le role exerce par PEtat dans l'absorption et la reconduction provisoires des blocages potentiels pouvant etre causes par ces deux sauts perilleux devient tres important. A travers ses interventionsen matiere de securite du revenu, de securite sociale, d'education, de formation de la main-d'oeuvre et de services collectifs, interventions qui complementent et suppleent au revenu salarial ou qui degagent le 68. AlainLipietz, Criseetinflation , pourquoi ?,op.cit.,p. 175et ss. 69. Ibid.,p. 176. 70. J.H. Lorenzi,O. Pastreet J. Toledano,op. cit.,pp. 234-244;Maurice in Canada:ThePostwar and PolicyDirections Business Cycles Experience Lamontagne, 1984),p. 153et ss. (Toronto, JamesLorimer, 71. A. Lipietz, Criseetinflation, pourquoi?, op.cit.,p. 175et ss. This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions Veconomiepolitique 377 travailleur de certaines fonctions de depenses, PEtat pose les conditions d'une validation a priori des marchandises avant m£me leur vente. A travers ses interventions,PEtat met d'autre part & la disposition des producteurs, avant meme la vente effectivede leur force de travail, Tune des principales conditions garantissant leur reproduction dans le mode de production capitaliste: Pargent. L'enchainement principal de Paccumulation intensive centree sur la consommation de masse, dont Keynes et Kalecki ont produit la th6orie economique a partir de perspectives politiques differentes, peut ainsi se realiser d'une fagon moins discontinue et erratique72. Conclusion L'analyse economique conventionnelle reste encore de nos jours principalement modelisatrice, deductive et structuree autour de Paxiomatique des choix individuels et de la rationalite paretienne. Si les analyses menees en terme de regulation cherchent a tirer profit des capacites previsionnelles de Peconometrie et des avantages formalisateurs de la mathematique, elles marquent une avanc£e a trois niveaux dans le champ general de Panalyse economique. Elles s'appuient en effet sur une theorie du cycle de reproduction du capital qui, bien que s'inscrivant par rapport a une tradition qui debute avec Marx, deborde et renouvelle largement les sch£mas marxistes classiques. Elles s'appuient d'autre part sur une pratique de l'analyse multidisciplinairequi neutralise le reductionisme inherent a Papproche disciplinaire caracterisant encore largement la recherche professionnelle. Elles s'appuient enfin sur une pratique de Panalyse comparee qui affine et nuance considerablement les conclusions souvent maximalistes et particularistes decoulant des analyses se limitanta Pespace fonctionnelde PEtat-Nation. Les analyses menees en terme de regulation couvrent un champ d'etude empirique qui se limite aux domaines suivants: une analyse du cycle de reproduction du capital dans la societe salariale avancee; une analyse des conditions concourrant a la regularisation et a la reproduction diachronique de ce cycle (theorie des formes structurelles et de la regulation); et une analyse des conditions expliquant Penlisement graduel de ce cycle (theorie des crises). La Une a la Theoriegen£rale. 72. RobertBoyer,« Formesd'organisation implicites de l'essorpuisde la crisedespolitiques », in economiques keynesiennes interpretation theories et politiques A. Barr£re, , Paris,Economica,1983, pp. aujourd'hui: Keynes Pastand Economic on French 541-559;RobertBoyer,TheInfluence Policy: ofKeynes notede recherche Present 8404,83 p. , Paris,CEPREMAP, This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions 378 HistoricalReflections /ReflexionsHistoriques problematique de Taccumulation et de la regulation en societe salariale avancee ne propose pas une th£oriede PEtat. Elle ne d6finit pas non plus les limites de son autonomie relative dans le champ de la regulation de la societe civile. Le caract&reoriginal du rapport des classes a l'instance etatique dans la societe salariale avancee et la complexite des nouveaux mouvements sociaux s'y affirmantne font pas Pobjet d'une th£orie integree a celle du cycle de la reproduction du capital. L'internationalisation grandissante du cycle de la reproduction du capital et ses effetssur Tequilibre macroeconomique des formationsnationales (phenom&ne de la « contrainteexterieure ») reste negligee au profit d'analyses tendant a insister sur l'efficacite macroeconomique comparee des nations, efficacite sanctionnee au niveau du marche mondial sous la forme de rapports de competitivite, d'hegemonie et de subordination73.Ceci marque les limites des analyses en terme de regulation. La problematique de la regulation, telle que nous l'avons decrite ici, est nee d'une volonte de comprendre la nature historique specifique de la recession ayant frappe, a des degres divers et avec des intensites variables, l'ensemble des societes capitalistes occidentales au milieu des annees 1970. Elle s'est approfondie au moment ou il est devenu evident que pour comprendre cette recession, plus tard apparentee a une crise structurelle du capitalisme, il etait necessaire de cerner les facteurs explicatifsde la croissance d'apr&s-guerre. L'etude en longue periode des phases de croissance et de crise du capitalisme s'est revelee particulierement opportune pour faire ressortir le changement dans la continuite apparente des structuresfondamentales. 73. Yves Barou et BernardKeizer,Les grandeseconomies: Etats-Unis, Japon, France, Italie,Paris,Seuil,1984,Sll p. J.M.Grando, Allemagne fe'de'rale, Royaume-Uni, G. Margirier nationales: et B. Ruffieux, salarialet competitivite deseconomies Rapport deseconomies italienne et ouest-allemande Analyse britannique, depuis1950, th£sede 3e des sciencessocialesde GrenobleII, 1980, 2 volumes; Jacques cycle,University -nationale. Croissances nationales du capitaletconcurrence inter Une Mistral, , accumulation des phenomenes dans la longueperiode de competitivite approchemacroeconomique Michel de ParisI, 1976,2 volumes. th£sede doctorat d'Etat,University (1899-1973), et politique industrielle , strategie Agliettaet RobertBoyer,Poles de competitivite notede recherche Paris,CEPREMAP, 8223,58 p. On doitcependant macroeconomique, surPimpact mentionner travauxr£cemment precis6ment que certains publiesportent des formations de la contrainte en regardde la croissance exterieure economique industrielles et impactsur nationales. Cf. RobertBoyeret PascalPetit,« Politiques les exterieure », in Revued'economie l'emploi: payseuropeensface & la contrainte et nationales industrielle no 27 (1984):108-121;RobertBoyeret PierreRalle,Croissances d'uneanalyse en composantes contrainte exterieure avantet apres1973:Les enseignements « Regimeinternational et Paris,CEPREMAP, principales, janvier1985,42 p.;J. Mistral, de 167-201. in R. nationales siecle, cit, », op. pp. fin trajectoires Boyer,Capitalismes This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions L'economiepolitique 379 Le principal defi confrontant les analyses menees en terme de regulation consiste a delaisser le paradigme de la crise pour comprendre revolution actuelle de la societe salariale. Autrement dit, voir comment cette societe se recompose autour de formes originales, autour d'enjeux nouveaux, dans le cadre de rapports differentsdes acteurs en presence74. Dans la conjoncture presente, l'effortde reflexion des chercheurs est rendu difficile pour trois raisons. D'abord parce que les changements en cours presentent une configuration tr&s floue. Ensuite parce que la dynamique d'ensemble liant ces changements est encore loin de correspondre a la coherence relative d'un regime d'accumulation aux contours nettement identifiables. Enfin parce qu'il n'est pas aise pour un chercheur de se debarrasser du modele de fonctionnementd'une societe qui, souvent inconsciemment,balise son raissonnement, encadre sa fagon d'apprehender le changement et determine ses perspectives d'analyse. C'est pourtant cet effortqui permettra au chercheur de percevoir la societe salariale comme etant toujours en projet. de travail de travaux 74. Voirle programme trac£ pourune« nouvelle generation » par RobertBoyerin La theorie de la regulation: uneanalyse en termede regulation » le d6fide « prospective d'etudesrelevant critique, op.cit.,chap.4. Pourdesexemples et sortiede crise. et RobertBoyer,« Politiques souhait£: 6conomiques JacquesMistral Du carr£infernal & un nouveauNew-Deal? », Futuribles (octobre1983),pp. 37-66; obert Boyer, « Les transformations du rapportsalarial dans la crise. Une de ses aspectssociauxet economiques de l'economie », Critiques interpretation politique « Entrel'Etatet no 15-16(avril-juin 1981):185-228;RobertBoyeretJacquesMistral, le march£. 1 (janvier1984):109-128;ibid., et le social», Esprit Conjuguer l'6conomique « Internationalisation, », preface^ la technologie, rapportsalarial:quellesissue(s)? deuxi^meEditionde Accumulation , inflation, crise,Paris,P.U.F., 1983. Voir aussi del'economie no 26-27(janvier-juin 1984),249 p. Critiques politique This content downloaded on Wed, 6 Feb 2013 14:45:24 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions