Lecture Jeune

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Lecture Jeune
32e année
trimestriel
Lecture Jeune
Revue de réflexion, d’information et de choix de livres pour adolescents
LES CLASSIQUES
DE LA LITTÉRATURE
POUR ADOLESCENTS
Actes de la journée d’étude
organisée par
Lecture Jeunesse
et la BnF / Centre national
de la littérature
pour la jeunesse La Joie par les livres
le 23 octobre 2008
mars 2009
N°129
I
Lors de la journée d’étude du 23 octobre 2008
nous nous sommes interrogés sur les « classiques »
de la littérature pour adolescents…
Et vous ?
Quelles ont été les œuvres
marquantes de votre adolescence ?
Et quels seront selon vous les « classiques »
de demain ?
Répondez--nous sur le forum de Lecture Jeunesse
www.lecturejeunesse.com rubrique « forum ».
Nous publierons les résultats de cette enquête
dans le prochain numéro de Lecture Jeune
Sommaire
Éditorial
page 2
Dossier
Actes de la journée d’étude :
Les classiques de la littérature
pour adolescents
page 3
Parcours de lecture
Livres accroche
Et après
Lecteurs confirmés
Ouvrages de référence
page 42
page 50
page 64
page 70
En savoir plus
page 71
Index
page 75
2
Édito
Hélène Sagnet
Chaque année nous recevons un nombre toujours plus important d’ouvrages
(plus de 8000 nouveautés en 2008 en littérature jeunesse), un livre
chassant l’autre… Parmi ces titres, quels sont ceux qui rencontreront
un succès réel auprès des jeunes lecteurs, ou tout au moins dureront un peu ?
Quant à ceux qui pourraient accéder au statut d’œuvre patrimoniale,
ils relèvent encore d’une autre réflexion. Ils sont bien peu nombreux ces livres
qui perdurent et continuent à être lus par des générations de lecteurs.
Ils procèdent de modes de légitimations sociales et culturelles complexes,
et nous serions bien en peine de définir des critères littéraires précis pouvant
expliquer cette longévité : universalité des thèmes, force de l’écriture,
singularité de l’œuvre… L’École, bien sûr, reste l’instance de consécration
première et le lieu de création d’une culture commune. Mais certains
livres ont emprunté d’autres chemins et sont néanmoins devenus « cultes »,
véritables « classiques de l’adolescence » : Le Seigneur des Anneaux,
L’Attrape-cœur…
1 Cité par Jean-François Hersent,
Direction du Livre et de la Lecture
2 La moitié des jeunes interrogés n’a pas
répondu. 56 % des répondants ont déclaré
avoir un livre « préféré » et 46 % un auteur
« préféré », qui constituent à leurs yeux
« une référence absolue » : 123 titres
d’ouvrages et 117 noms d’auteurs ont été
cités plus d’une fois
Quelles sont ces œuvres marquantes pour les adolescents ? Une enquête
intitulée « Le livre préféré des jeunes Européens à l’aube de l’an 2000 »1 met
en avant les titres et auteurs suivants2 : Roméo et Juliette (1,2 %),
Le Seigneur des Anneaux (1,1 %), Os Luisiadas (0,9 %), L’Alchimiste
(0,8 %) et Les Misérables (0,7 %) ; S. King (2,1 %), Shakespeare (1,9 %),
Tolkien (1,2 %), P. Cœlho (1,1 %), A. Christie et J. Gaarder (0,8 %)3. Une
grande disparité de réponses qui montre la prégnance de la culture scolaire,
mais peu de véritable culture commune…
Et à l’heure des industries culturelles de masse, de nouvelles formes de
promotion des œuvres convergent. Elles modifient largement les modalités de
réception et d’appropriation des ouvrages par les jeunes.
3 Si l’enquête était menée aujourd’hui,
il est certain que J.K. Rowling côtoierait
Stephen King…
Ainsi, lors de la journée d’étude intitulée « Les classiques de la littérature
pour adolescents », organisée le 23 octobre 2008 en partenariat avec La
Joie par les livres, avons-nous tenté de jouer les devins. À l’aide de quelques
outils critiques, nous nous sommes interrogés… Quels seront, selon les
prescripteurs adultes, les classiques de demain ? Comment se « fabrique »
un classique ? Qu’en font les éditeurs ? Comment les promouvoir auprès des
jeunes à l’École et en bibliothèque ? Quels sont les classiques ou plutôt les
« œuvres cultes » des adolescents d’aujourd’hui ?
T
I
Lecture Jeune - mars 2009
Le dossier
Actes de la journée d’étude :
Les classiques de la littérature
pour adolescents
Lecture Jeunesse
Les classiques pour adolescents,
un objet à mieux identifier…
par Annick Lorant-Jolly
page 4 à 5
Lecture critique et boule de cristal…
par Françoise Ballanger
page 6 à 11
La petite fabrique des classiques adolescents
par Francis Marcoin
page 12 à 17
Lire les classiques à l’École
par Annie Portelette
page 18 à 23
Classique littéraire, best-seller ou œuvre culte ?
Le cas du Seigneur des Anneaux
par Olivier Vanhée
page 24 à 28
Les éditeurs et les « classiques » :
Table ronde animée par Annick Lorant-Jolly, avec François Martin,
Catherine Bon-de Sairigné et Charlotte Ruffault
par Anne Clerc
page 29 à 32
Gérer et valoriser un fonds
de classiques en bibliothèque
par Christine Péclard
page 33 à 36
Internet, nouvel espace de légitimation adolescente
des œuvres ? L’exemple des fanfictions sur Fascination
par Hélène Sagnet
page 37 à 40
Les classiques
pour adolescents,
4
Le dossier un objet à mieux identifier…
Annick Lorant-Jolly Définition
Pourquoi ce thème a-t-il été retenu alors qu’il peut sembler un peu
en retrait par rapport à des thématiques plus actuelles pour les
professionnels de la littérature pour adolescents ? Commençons
par interroger l’intitulé lui-même, « Les classiques de la littérature
pour adolescents », posé comme une évidence, alors qu’il ne va
pas de soi du tout.
Dans ses termes
Annick Lorant-Jolly
est rédactrice en chef
de La Revue des livres
pour enfants.
L’expression « les classiques de la littérature » semble inévitablement
liée à ces ouvrages du patrimoine français et étranger qui ont su
traverser les siècles et constituer un héritage assumé et commun, encore
aujourd’hui, avec les jeunes générations.
L’École et les enseignants jouent un rôle essentiel dans la prescription
et la transmission de ces œuvres. Ils ont la tâche – parfois difficile – de
mettre en place toutes les médiations nécessaires pour réduire un peu
« l’étrange étrangeté » de ces livres qui, de par leur ancrage dans une
époque et une société éloignées de la nôtre (dans le temps et dans
l’espace), renvoient à des références qui ne sont plus contemporaines.
Ces œuvres résistent aussi par leur langue, leur choix de construction
narrative : ainsi des romans de chevalerie du Moyen Âge ou, plus
près de nous, le fameux Robinson Crusoé de Daniel Defoe – dont peu
d’entre nous peuvent d’ailleurs prétendre avoir lu la version intégrale
et originale.
Si l’on introduit maintenant la dimension du public visé – les
classiques de la littérature pour la jeunesse et, ici, plus précisément
les adolescents/jeunes adultes – la question se complexifie encore :
dans la production littéraire des siècles passés, quelles sont les œuvres
qui ont été retenues, appréciées, qui ont marqué des générations de
jeunes lecteurs et qui constituent encore des références communes ?
Il faut d’abord interroger les médiateurs du livre – bibliothécaires,
enseignants, éducateurs, parents, etc. – pour qu’ils nous livrent leur
bibliothèque idéale et implicite, ces romans qui leur semblent essentiels
et qui ont une portée assez large pour prétendre dépasser la singularité
de leur univers. Et il y a fort à parier que ces personnes ne seront
pas toujours d’accord sur les titres à conserver. Françoise Ballanger
rend compte, dans ce dossier, d’une petite enquête menée auprès de
prescripteurs et critiques spécialisés.
Rappelons que ce panthéon – en permanente redéfinition – est
composé, de façon hétérogène, à la fois d’œuvres classiques, au sens
« historico-littéraire » du terme, et d’œuvres – de littérature générale ou
écrites pour des jeunes – qui ont, plus récemment, fait la preuve de leur
richesse et de leur universalité.
Lecture Jeune - mars 2009
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Il reste enfin à croiser ces avis avec ceux des jeunes lecteurs eux-mêmes
(consulter les enquêtes régulières du ministère de la Culture ou autres
travaux de chercheurs, plus ponctuels). Hélène Sagnet ouvre des
perspectives intéressantes sur ce thème avec les « fanfictions », textes
rédigés sur Internet, à partir de romans à succès.
Et dans ses pratiques
Première question : par quels processus complexes s’opère cette
légitimation de certaines œuvres (du côté de l’institution scolaire mais
aussi des institutions culturelles) ? Francis Marcoin esquisse une analyse
de ce qu’il a appelé « la petite fabrique des classiques ». Olivier
Vanhée, quant à lui, s’attache précisément au « phénomène » lié au
Seigneur des Anneaux.
Deuxième question : comment les professionnels du livre et de la lecture
(enseignants et bibliothécaires) travaillent-ils avec les jeunes publics
pour leur faire découvrir ces classiques et faciliter l’accès à ces œuvres,
parfois difficiles ? C’est l’objet des contributions d’Annie Portelette et de
Christine Péclard.
Il nous a paru enfin essentiel de rendre hommage au patient travail des
éditeurs pour la jeunesse, qui assurent une veille à travers leur catalogue
et permettent que ces classiques continuent à être disponibles, dans
leur version originale ou adaptée, en proposant parfois de nouvelles
traductions et/ou illustrations. La table ronde qui a rassemblé Charlotte
Ruffault, directrice des éditions Hachette Jeunesse, Catherine Bon-de
Sairigné, responsable du service éditorial de Gallimard Jeunesse et
François Martin, directeur de la collection « Babel J » chez Actes Sud,
fut fort éclairante.
Nous espérons que ce dossier aidera à mieux cerner ce que sont
aujourd’hui les classiques de la littérature pour adolescents et
contribuera à donner des repères pour identifier, parmi les œuvres
contemporaines, celles qui pourraient se dégager du flot ininterrompu
de la production (en littérature générale et de jeunesse) comme étant
des œuvres marquantes, susceptibles de devenir les classiques de
demain.
Publication
d‘Annick Lorant-Jolly
• Images des livres pour
la jeunesse, sous la dir. de
Sophie Van der Linden et Annick
Lorant-Jolly, Thierry Magnier, CRDP
Académie de Créteil, 2006
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Lecture critique
Le dossier et boule de cristal…
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Françoise Ballanger Enquête
Françoise Ballanger
est formatrice et critique de
littérature de jeunesse, ancienne
responsable du service
publications de « La Joie par
les livres » et rédactrice en chef
de La Revue des livres
pour enfants.
1 Patrick Borione, libraire, collaborateur
de Lecture Jeunesse et de La Revue des
livres pour enfants, Nic Diament,
ancienne directrice de La Joie par
les livres, auteur du Dictionnaire
des écrivains français pour la jeunesse,
Aline Eisenegger, documentaliste
à La Joie par les livres, Bernard Epin,
critique, auteur de Les livres de vos
enfants, parlons-en !, Viviane Ezratty,
directrice de la bibliothèque L’Heure
joyeuse de Paris, Claude Ganiayre,
ancienne rédactrice en chef de La Revue
des livres pour enfants et professeur à
Paris X-Nanterre, Annick Lorant-Jolly,
ancienne responsable des publications
du CRDP de l’académie de Créteil
et rédactrice en chef de La Revue
« En suivant l’actualité des romans pour adolescents en tant que
critique, peut-on voir lesquels sont destinés à devenir des classiques ? » Pour répondre à la question qui m’a été posée en ces
termes, et plutôt que de m’en tenir à ma seule expérience, j’ai
préféré confronter les points de vue d’une dizaine de personnes
engagées depuis longtemps dans une activité critique1.Je leur
ai demandé quels auteurs ou quels textes des quinze, vingt ou
trente dernières années étaient devenus, selon eux, des classiques
et quels romans plus récents pourraient le devenir, en essayant
de dire pourquoi. Cette question très large a évidemment amené
mes interlocuteurs à s’interroger non seulement sur les qualités
qui peuvent définir un classique, mais aussi sur le rôle que joue la
critique, sur ses limites ou ses fausses pistes car je leur ai demandé
de citer également des romans dont ils avaient pensé qu’ils
deviendraient des classiques mais que l’on a oubliés depuis.
Ne pouvant pas entrer dans le détail de chacun des entretiens, qui
ont tous été fort riches, je m’en tiendrai à commenter les points
forts qui sont ressortis de ces discussions.
Le titre en forme de clin d’œil souligne simplement que, pour la
plupart des personnes interrogées, la question est surprenante :
« on ne se demande jamais ça ! ». La boule de cristal ne semble pas
faire partie des outils indispensables aux critiques…
Classiques pour enfants ou pour adolescents ?
Premier constat, presque unanime : la difficulté à dégager une spécificité
adolescente. Non seulement parce qu’il est très difficile pour un critique
de donner un âge de lecture pour un livre, ou parce que beaucoup de
romanciers s’adressent indifféremment aux enfants ou aux adolescents,
mais aussi à cause de l’évolution conjointe du public et de l’édition : on
observe en général un glissement « vers le bas » (textes initialement pour
adultes repris dans des collections jeunesse, abaissement de l’âge des
lecteurs au fur et à mesure que le temps passe…) même si le phénomène
inverse existe aussi, notamment pour les traductions de textes publiés à
l’origine pour la jeunesse et importés dans l’édition adulte (par exemple :
Lucy Montgomerry, Russel Banks). Tout cela explique pourquoi les textes
et auteurs cités ne sont pas toujours strictement « pour adolescents ».
des livres pour enfants, Véronique
Soulé, directrice de Livres au trésor et
Joëlle Turin, critique et formatrice,
ancienne rédactrice en chef de Lecture
Jeune, collaboratrice de La Revue
des livres pour enfants.
Des éléments de définition problématiques
Plusieurs notions apparaissent avec évidence comme des caractéristiques
des classiques – la durée, la pluralité des lectures possibles, la possibilité
d’une transmission, l’intemporalité, l’universalité, la notoriété, la
consécration scolaire, etc. – mais suscitent de nombreuses questions
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quand il s’agit de littérature pour la jeunesse, comme l’ont souligné
presque tous mes interlocuteurs.
-- Concernant la durée de vie des livres, les critiques déplorent les
phénomènes « d’oubli massif » auxquels est soumise la littérature de
jeunesse dans son ensemble, dont l’histoire est très largement ignorée.
Malgré les actions entreprises pour faire valoir que cette littérature est un
patrimoine et que sa mémoire mérite donc d’être préservée, l’impression
générale est que les bibliothécaires eux-mêmes ne connaissent pas
cette histoire, ou en tout cas, pas suffisamment pour pouvoir avoir des
références sur les auteurs ou les titres qui ont été marquants. Comment
dès lors peut-il exister des classiques au sein de cette littérature dépourvue
d’histoire ?
Sur ce point, l’exemple du travail entrepris par le comité de lecture de
Livres au trésor en Seine-Saint-Denis me semble très intéressant. Dans
ce département où il y a beaucoup de jeunes bibliothécaires, le besoin
s’est fait sentir de profiter des rencontres mensuelles, en principe
consacrées à l’étude des nouveautés, pour se former aussi à l’histoire
de la littérature de jeunesse, en échangeant entre bibliothécaires de
différentes générations sur des titres anciens. Les participants reçoivent
à l’avance l’indication du titre qui fera l’objet de la discussion et sont
invités à le lire ou à le relire pour pouvoir ensuite échanger sur la
manière dont ils ont réagi à la lecture de ce « vieux » texte et pour juger
s’il leur paraît encore lisible par les adultes et a fortiori par un enfant ou
un adolescent aujourd’hui.
La première surprise (je ne sais pas d’ailleurs si c’en est vraiment une,
ce serait sans doute la même chose dans d’autres domaines…) c’est
que, lorsqu’on propose un titre « classique » à la relecture, on s’aperçoit
que pour la plupart des gens, il s’agit… d’une première lecture. Ce
qui n’est pas une honte ! Ce phénomène est bien connu : une des
définitions de l’œuvre classique est justement « un texte que personne
n’a lu mais dont tout le monde a entendu parler2». Cependant on
perçoit toujours un petit sentiment de culpabilité qui pointe lorsqu’on
aborde les classiques. Une remarque qui est peut-être moins anodine
qu’il n’y paraît…
Livres au trésor a aussi décidé de fabriquer des marque-pages destinés
aux bibliothécaires (pas aux enfants !). Il en existe une dizaine, répartis
par genres (livres d’images, romans policiers, de science-fiction, etc.)
sur lesquels il y a tout simplement l’intitulé du genre, avec une courte
liste d’ouvrages : 4 ou 5 titres qui ont marqué l’histoire de la littérature
de jeunesse de ce genre, et un ouvrage de référence.
-- La notion de transmission apparaît également problématique
lorsqu’on parle des classiques pour adolescents. Plusieurs personnes
ont observé une sorte de contradiction entre le désir de transmettre et
la revendication adolescente de rupture et de distinction par rapport
à ce qui les précède : le goût de la nouveauté et le besoin d’affirmer
l’appartenance à une génération qui se démarque des précédentes
n’entrent-ils pas en opposition avec la transmission et l’héritage des
générations passées ?
D’où la question : est-il possible de proposer quelque chose de « vieux »
à des jeunes ?
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2 Comment parler des livres que
l’on n’a pas lus ?,Pierre Bayard,
éditions de Minuit, 2007
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Lecture
critique et boule
de cristal…
Les
adaptations
littéraires
au Cinéma
-- L’intemporalité qui caractérise les classiques peut également poser
problème. Ainsi, de nombreux auteurs reconnus comme intéressants ou
célèbres n’ont pas été cités comme des classiques – ou futurs classiques
– parce qu’ils sont trop « dans l’air du temps ». L’auteur qui a cristallisé le
plus de commentaires sur ce point, c’est Marie-Aude Murail, un écrivain
sur lequel les avis sont très partagés. Pour certains, elle est vraiment
un auteur classique parce qu’elle est connue de tous, qu’elle a reçu
énormément de prix, qu’elle est consacrée et plébiscitée. Son œuvre est
assez riche pour permettre de multiples lectures. D’autres considèrent
que ses romans sont beaucoup trop dans l’air du temps, représentatifs
seulement d’une certaine bourgeoisie actuelle. Cela a été dit souvent
aussi à propos d’auteurs « de l’écurie de L’École des Loisirs » comme
Marie Desplechin ou Brigitte Smadja, avec l’interrogation : de tels
ouvrages peuvent-ils durer ?
Les avis sont très partagés, la boule de cristal ne dit rien…
-- Même perplexité autour de la notion d’universalité : il y a une vraie
difficulté à intégrer dans le patrimoine de la littérature de jeunesse (pour
autant qu’il existe ! voir supra) des textes venus d’ailleurs, reconnus
comme classiques à l’étranger, mais qui, en France, n’accèdent pas
à ce statut. Pour preuve, les réticences à les faire figurer sur les listes
des lectures patrimoniales recommandées en classe. L’exemple le plus
frappant est celui d’Astrid Lindgren, considérée comme un véritable
auteur classique non seulement en Suède mais aussi dans de très
nombreux autres pays… Et qui reste pourtant largement méconnue en
France.
Les qualités d’un classique
Michael Morpurgo
Le Royaume de Kensuké, Michael Morpurgo
J’en viens aux caractéristiques intrinsèques des titres évoqués par les
intervenants. C’est là-dessus que les critiques se sont le plus exprimés
puisque, manifestement, le cœur de leur métier est de mettre en évidence
les qualités d’un texte. Ils ont donc argumenté sur ce qui les pousse à
défendre un roman et à essayer de convaincre d’autres personnes de
le lire. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’ils le considèrent comme
un futur classique : parmi les critères de qualité énoncés, certains ne
leur semblent pas correspondre aux exigences d’une « classicisation »,
comme nous le verrons plus loin.
Pour tenter de cerner les qualités particulières d’un auteur devenu un
classique selon les critiques interrogés, je prendrai l’exemple de Michael
Morpurgo, puisqu’il a été cité quasiment par tous. C’est assurément un
classique, non seulement parce qu’il est l’auteur d’une œuvre (on peut
retrouver des constantes d’un roman à l’autre), mais aussi parce que
les traits qui contribuent à la richesse de ses romans, semblent aptes à
toucher un grand nombre de lecteurs, aussi bien adultes qu’adolescents,
ou enfants, et cela notamment par la mise en scène des relations entre
générations (par exemple dans Le Royaume de Kensuké) par la mise
en avant du thème de la mémoire. Les qualités d’écriture ont bien sûr
été relevées : ainsi dans Soldat Peaceful, le travail sur la narration, la
construction qui fait alterner passé et présent, la montée du suspense, etc.
De plus, Morpurgo s’inscrit dans une tradition littéraire : dans Le Royaume
de Kensuké par exemple, on retrouve le topos de la robinsonnade.
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Cette intertextualité est l’une des caractéristiques des livres qui paraissent
le plus à même de devenir des classiques : ils feront référence parce
qu’eux-mêmes font des références. La notion d’échos d’une œuvre
à l’autre apparaît bien comme centrale. La portée symbolique des
récits, manifeste dans la puissance métaphorique des personnages
et des intrigues, est enfin considérée comme essentielle, permettant
de dépasser le côté circonstanciel des événements narrés. Comme si
finalement, c’étaient des thèmes plutôt que des textes particuliers, que
l’on pourrait qualifier de classiques. Les œuvres passent, les questions
propres à toucher l’adolescence demeurent… C’est ainsi que l’on
retrouve l’importance de la dimension initiatique, de la révolte ou de la
quête de soi, sous des avatars qui se renouvellent.
L’audience de la critique
Reste que pour nombre d’auteurs tout aussi excellents, les critiques
constatent, non sans un certain dépit, qu’ils ne sont pas connus au-delà d’un
cercle finalement très restreint. J’ai entendu dire à de nombreuses reprises :
« En fait, ce sont des classiques pour nous les critiques (à la rigueur, pour
les bibliothécaires jeunesse…), mais nous savons bien que ce ne sont pas
des classiques pour les autres ». La remarque signifie, me semble-t-il, qu’à
la question « est-il possible de faire connaître et aimer à un cercle plus large
ce que nous, critiques, essayons de mettre en avant ? », la réponse est
plutôt négative ! Comme s’il existait une culture propre aux critiques et aux
bibliothécaires, qui ne parviendrait pas à s’étendre à d’autres cercles. La
littérature de jeunesse, malgré la reconnaissance croissante dont elle fait
l’objet, reste encore malgré tout une affaire de spécialistes. Voilà pourquoi
ont été cités tant de titres qui auraient pu – ou dû – devenir des classiques et
ne le sont pas, en dehors d’un milieu restreint.
Les instances de légitimation : la critique, l’École ou les
médias ?
Les critiques ont néanmoins le sentiment de participer à certains processus de
légitimation : des livres qui ont été critiqués dans des revues professionnelles,
qui ont figuré dans des sélections de bibliothécaires, peuvent obtenir des
prix, ce qui leur permet d’être repérés par des enseignants qui s’intéressent
à la littérature jeunesse, lesquels vont former et informer leurs collègues, en
soutenant à leur tour ces ouvrages dans des revues pédagogiques, voire en
les faisant figurer dans les listes de lectures recommandées en classe… C’est
par ce processus que, parfois, la critique est le premier maillon d’une très
longue chaîne qui aboutit à la reconnaissance de certains titres au-delà du
cercle initial. Mais c’est rare ! Et il est clair pour tous que la véritable instance
de consécration c’est l’École, pas la critique…
Ce constat s’accompagne d’une très grande perplexité ou, en tout cas,
d’une incapacité totale à répondre à la question de savoir pourquoi ce
mécanisme opère pour certains titres et pas pour d’autres.
De toute façon, le décalage est ressenti comme très important entre ce
qui est mis en avant par les critiques et ce qui suscite une reconnaissance
plus large, due, le plus souvent, à de tout autres causes. À cet égard, le
cas des Chroniques de Narnia est significatif : c’est un ouvrage qui, dès
Lecture Jeune - mars 2009
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Lecture critique et boule de cristal…
sa parution, a été considéré comme très intéressant par les critiques et
les bibliothécaires, qui a été beaucoup soutenu, et qui a toujours figuré
dans des sélections (par exemple « les guides de lecture » de La Joie par
les livres), en un mot, le genre de romans que les bibliothécaires ont
l’impression de soutenir à bout de bras et que, en dehors d’eux, personne
ne connaît… Jusqu’au jour où il y a eu un film. Alors Les Chroniques de
Narnia se sont vendues à des millions d’exemplaires !
Les Chroniques de Narnia, C. S. Lewis
Publications
de Françoise Ballanger
• Enquête sur le roman policier
pour la jeunesse, La Joie par les
livres/Paris bibliothèques, 2003
• « L’analyse prescriptive » in
Littérature de jeunesse : incertaines
frontières, actes du colloque
de Cerisy la Salle,
dir. Isabelle Nières-Chevrel,
Gallimard Jeunesse, 2005
• « Images de marginaux dans
le roman français contemporain »
in L’inscription du social dans
le roman contemporain pour la
jeunesse, dir. Kodjo Attipkoe,
L’Harmattan, « Références critiques
en littérature d’enfance et
de jeunesse », 2008
• « Paradoxes du réalisme et
enjeux littéraires dans le roman
pour la jeunesse » in Babar, Harry
Potter & Cie. Livres d’enfants
d’hier et d’aujourd’hui, dir. Olivier
Piffault, BnF, 2008
Des romans exceptionnels… ou consensuels ?
Je terminerai par un ensemble de remarques qui laissent percevoir une
contradiction fondamentale entre le travail critique mené au fur et à
mesure des parutions et la « détection » des classiques. Foin de la boule de
cristal ! Car la mise en avant d’un auteur pour les qualités de son style, la
singularité de son univers et de son écriture – ce qui est justement l’objectif
de la critique ! – apparaît plutôt comme un obstacle à sa classicisation.
Ce paradoxe s’explique par l’ambivalence de la notion de « nouveauté » :
un critique apprécie un texte original, qui apporte quelque chose de
nouveau, c’est-à-dire avec une forme d’écriture, une thématique, un
univers, voire un genre, qu’il n’avait jamais rencontrés. Un livre qui se
démarque dans l’abondance de la production, pas « un livre de plus » :
voilà ce qui donne envie de défendre un titre et peut lui donner des
chances de survie, puisqu’il a des caractéristiques remarquables. Mais,
paradoxalement, c’est aussi ce qui peut l’empêcher de durer, car d’une
certaine manière c’est un livre précurseur. Or, qui dit précurseur dit
livres « qui suivront », si bien que, avec le temps, ces textes apparaissent
semblables aux autres. Par exemple, dans le genre de la fantasy, ou plus
exactement d’un certain type de merveilleux, Moumine le troll a ouvert la
voie et puis a été imité, dépassé. Il en est de même pour les romans pour
adolescents des années 70, remarquables à l’époque pour l’audace de
leur thématique, ou pour certains romans policiers : au moment de leur
parution, ils ont été extraordinaires de nouveauté et puis, peu à peu,
l’habitude s’est installée, d’autres textes ont été écrits et les premiers,
finalement, ne peuvent plus soutenir la comparaison.
L’originalité est à double tranchant aussi parce qu’elle peut empêcher
l’universalité. Beaucoup de critiques ont insisté sur le fait que leurs
préférences tiennent à la singularité d’une œuvre, à une résonance
unique avec des attentes personnelles, et mettent en avant le critère
de sincérité (par opposition à des textes « fabriqués »). La valeur d’une
lecture est celle de la rencontre, intime, qui concerne chaque lecteur et il
peut sembler contradictoire de vouloir que cela soit universel.
D’où une observation fréquente : les textes les plus faciles à partager et
à transmettre sont ceux qui supposent un certain consensus, autrement
dit un « gommage » de ce qui fait l’originalité des textes les plus forts.
Très souvent, en citant des romans, mes interlocuteurs ajoutaient : « ça
bien sûr, c’est devenu un classique [dit-il avec un petit accent amer], ça
par contre, personne ne connaît, c’est dommage, c’est tellement bien ! »
On sentait là un décalage entre la lecture véritablement aimée et la
reconnaissance d’un classique. Comme si les classiques, aux yeux des
critiques, se définissaient par « ce qui va forcément plaire ».
Lecture Jeune - mars 2009
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Quelques exemples parmi les titres les plus
fréquemment cités :
• Auteurs et titres déjà anciens considérés comme
assurément classiques
Le Petit Nicolas, de René Goscinny « évidemment ! », qui n’est pas
spécialement pour adolescents. L’œuvre de Roald Dahl et d’Astrid
Lindgren.
Le Petit Nicolas, René Goscinny
L’Œil du loup et Kamo de Daniel Pennac ; Mon ami Frédéric de Hans
Peter Richter ; Mon bel oranger de José Mauro de Vasconcelos ; Une île
rue des oiseaux d’Uri Orlev ; Béquille de Peter Hartling ; La Maison vide
de Claude Gutman.
Robert Cormier fait l’unanimité, avec une remarque sur l’impossibilité
de dépasser le cercle des bibliothécaires : c’est vraiment un classique de
bibliothèque. Il en est de même pour Valérie Dayre ou Nadèjda Garrel.
• Auteurs et titres plus récents, perçus comme futurs
classiques
Michael Morpurgo, cité quasiment à chaque fois.
Harry Potter de Joanne Kathleen Rowling ; Silvana Gandolfi ; À la croisée
des mondes de Philip Pullman ; Le Passeur de Lois Lowry ; Le Passage de
Louis Sachar ; Anne Fine ; Bernard Friot ; Guus Kuijer ; Lettres de l’intérieur
de John Marsden ; La longue marche des dindes de Kathleen Karr ; JeanClaude Mourlevat (mais avis partagés) ; Anne-Laure Bondoux ; JeanFrançois Chabas.
Mon ami Frédéric, Hans Peter Richter
Harry Potter, J. K. Rowling
Et, plus récent encore, c’est Tobie Lolness de Timothée de Fombelle qui
est cité le plus souvent.
• La liste la plus longue est celle des « regrets » : les romans
et les auteurs qui mériteraient de devenir des classiques,
mais ne le sont pas… encore !
Push de Sapphire ; La Couronne d’argent de Robert O’Brien ; Les
79 carrés de Malcolm Bosse ; Les Enfants Tillerman de Cynthia Voigt ;
Les Chapardeurs de Mary Norton ; Cher inconnu de Berlie Doherty ;
Harlem blues de Walter Dean Myers ou, pour l’ensemble de leur œuvre,
Mildred Taylor ; Nina Bawden ; Eric Lindor Fall ; William Camus ; Pierre
Pelot, Bertrand Solet ; Randall Jarrell ; Francisco Coloane ; Ursula Le
Guin ; Jean-Noël Blanc ; Leon Garfield ; Alki Zei ; Christine Nostlinger ;
Roberto Piumini ; Hubert Mingarelli.
Tobie Lolness, Timothée de Fombelle
Soldat Peaceful, Michael Morpurgo
Lecture Jeune - mars 2009
La petite fabrique
Le dossier des classiques adolescents
12
Francis Marcoin Analyse
En 1782, quand Berquin publie L’Ami des enfans, il le fait immédiatement suivre d’un Ami des adolescens. Il n’y a là qu’une sorte
de variante : l’adolescent est un enfant un peu plus grand. On
parlera de littérature enfantine ou d’enfance, non de littérature
adolescente, formule du reste équivoque : en janvier 1826, le
Journal des savants, publié par l’Académie des inscriptions et Belles
Lettres, désigne la littérature romantique comme « adolescente,
libre et vivace », face au genre classique « expirant ». Ici, l’adjectif
« adolescent » ne caractérise pas le destinataire mais l’allure même
des œuvres, ambiguïté que l’on retrouve de nos jours.
Francis Marcoin
est professeur de littérature
française à l’université d’Artois
(Arras). Il est responsable du
DEA « Études Littéraires française
étrangères et comparées :
territoires du littéraire », dont une
option intitulée « Territoires de
l’enfance », membre de l’O.N.L.
(Observatoire National de la
Lecture), membre de l’équipe de
direction de l’INRP (Institut national
de recherche pédagogique).
Il dirige le centre de recherche
« Imaginaire et didactique »
(CRELID). Il est aussi directeur des
Cahiers Robinson, seule revue
universitaire française dédiée à la
littérature de jeunesse.
Un âge incertain
Le mot lui-même tarde à l’emporter : au XIXe siècle, si une presse
féminine se développe, on parle de Journal des demoiselles, des
jeunes personnes, des jeunes filles. En face, il n’y a pas de Journal
des jeunes gens, mais le dernier tiers du siècle verra s’épanouir,
notamment dans le catalogue d’Hetzel, une « littérature de plein air »
tournée vers un public masculin à la fois jeune et d’un âge incertain.
Certains titres connaîtront une longévité particulière, et Michel
Strogoff, réédité en « Classique abrégé » de L’École des Loisirs, est
présenté comme « roman adolescent » sur les sites marchands, mais
beaucoup d’observateurs considèrent aujourd’hui Jules Verne comme
un auteur pour adultes.
Où commence et où finit l’adolescence ? En 1951, les éditions Rouge
& Or déclarent qu’« il n’est jamais trop tôt pour ouvrir aux diverses
formes de l’Art l’esprit des jeunes, voire des très jeunes », et annoncent
un choix judicieux « parmi les meilleures œuvres de notre patrimoine
littéraire classique et moderne » pour former le goût « des moins de
vingt ans », ce qui offre une vision large et indécise des « jeunes ».
On trouve cette annonce sur la jaquette du Grand Silence blanc de
Louis-Frédéric Rouquette, « roman vécu d’Alaska », paru en 1921
et qui connut un grand succès, comme Le Livre des bêtes qu’on
appelle sauvages d’André Demaison, paru en 1929 et repris dans
le même catalogue pour la jeunesse. Dans la lignée de Kipling, ces
romans sont fondés sur la découverte ou le dépassement de soi. Si
on les désigne comme « classiques », c’est dans un sens différent de
l’acception originelle, qui était beaucoup plus restrictive et en lien avec
la littérature générale la plus légitime, celle des adultes cultivés, rendue
accessible à des lecteurs moins avancés. Ces classiques n’étaient pas
les ouvrages qui parlaient le mieux de l’adolescence mais ceux qui
devaient accompagner la personne durant toute son existence. Certes,
en 1696, Fénelon avait déjà ouvert une brèche avec Télémaque, un
Lecture Jeune - mars 2009
13
livre pédagogique ouvert à l’âme adolescente. Mais Télémaque est-il
aujourd’hui un classique de l’adolescence ? À l’évidence non, du point
de vue des lectures plus ou moins spontanées. Il ne figure du reste pas
dans les « Classiques abrégés » de l’École des loisirs, qui répond à la
définition « traditionnelle » du classique1, c’est à dire un ouvrage de
référence, digne d’être enseigné dans les classes.
Progressivement, on parle moins à l’enfant que de l’enfant, ce qui
ne simplifie pas la question. Car les premiers souvenirs d’enfance
s’adressent à l’adulte : c’est toute la différence entre récit d’enfance et
littérature enfantine. On le voit avec Vallès, et si L’Enfant est devenu
un classique de l’École, la suite de la trilogie ne connaît pas la même
postérité ; la jeunesse ne s’est pas emparée du Bachelier. Tout un pan de
la littérature sur l’adolescence demeure dans le canton le plus légitime :
ainsi L’Adolescent (1875) de Dostoïevski, qui se disait un enfant du
siècle, un enfant de l’incroyance et du doute ; ou la troisième partie de
Jean-Christophe de Romain Rolland, L’Adolescent (1904), qui s’insère
dans un grand mouvement, un flux de civilisation. Ces adolescences
font désormais partie d’un passé, comme le montre Un adolescent
d’autrefois (1969) de François Mauriac, où un jeune homme rassemble
les souvenirs d’une éducation pieuse et austère, supervisée par l’attention
vigilante d’un vieux curé. Il est investi de la mission de ramener dans le
giron de l’église le fils du régisseur, qui a décidé de quitter la soutane.
Ce simple résumé dit le décalage avec notre époque. Mauriac fut un
auteur de l’adolescence pour la génération du baby-boom passant
de la « Bibliothèque verte » ou « Rouge & Or » au « Livre de Poche ».
Créée en 1954, cette collection, par ses prix accessibles comme par
son catalogue, apparaît, dans les années 60, comme une véritable
bibliothèque de l’adolescence, avec Pierre Benoît, Pearl Buck,
A.J. Cronin, Albert Camus, Hervé Bazin surtout, dont Vipère au poing
fait un peu le pendant du Nœud de vipères de Mauriac.
1 Défense et illustration des classiques
abrégés de l’École des loisirs, n° spécial
de L’École des Lettres, 2005-2006, n°6-7
L’Enfant, Jules Vallès
L’adolescent et ses monstres
Dans ce catalogue, aujourd’hui tombé en désuétude, l’adolescence
n’est pas encore une maladie, mais au même moment, en 1956, le
docteur Jean Rousselet publie L’Adolescent, cet inconnu, annonçant
que le sujet va se médicaliser et se psychiatriser, comme en attestera
une multitude de titres. L’adolescent est donc un bon sujet pour les
sciences sociales, mais aussi pour la littérature. « Le Livre de Poche » ne
proposera qu’en 1967 L’Attrape-Cœur (The Catcher in the Rye) de J.D.
Salinger, paru en 1951 et traduit par Sébastien Japrisot en 1953, pour
Robert Laffont. Un an avant 1968, cette mise à disposition d’un livre
qui avait été censuré et interdit aux moins de 18 ans aux États-Unis,
annonce qu’une nouvelle adolescence nous arrive. Mais c’est aussi
le moment où « Le Livre de Poche » commence à perdre ce statut non
déclaré de bibliothèque d’une adolescence à laquelle on proposera
des collections de plus en plus spécifiques. C’est en « Pocket » que sera
reprise en 1994 la nouvelle traduction d’Annie Saumont, plus noire
que la précédente, avant d’être rééditée en « Pocket jeunes adultes »
(2005).
Lecture Jeune - mars 2009
Vipère au poing, Hervé Bazin
L’Attrape-Cœur (The Catcher in the Rye),
J.D. Salinger
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La petite
fabrique des littéraires
classiques adolescents
Les
adaptations
au Cinéma
Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier
2 S. Pinsker, « The Catcher in the Rye
and all : is the Age of Formation book
over ? », The Georgia Review, 1986,
vol. 40, n°4, p. 953-967
3 laminutelitterairedelouisbernard.
blogspot.com
4 Personnage de White Teeth (Sourires
de loup) de Zadie Smith, dont la mère
brûle l’ouvrage de Salinger après que luimême a brûlé les Versets sataniques
de Salman Rushdie
Ce « livre culte », bien plus que Le Grand Meaulnes d’Alain-Fournier
(1913), illustre un âge confondu avec l’idée même de crise, et par
essence, contraire à l’idée de classique, en s’opposant à tout ce qui
classe, à l’École ou hors de l’École. Georges Duhamel écrivait dans
Le Jardin des bêtes sauvages (1933, « Livre de Poche » : 1963) : « Pitié
pour moi ! Pitié pour tous les adolescents du monde ! Je ne suis pas
heureux. Tout, en moi, est discordance et combat. Mon cœur est
d’un enfant, mais j’ai la voix d’un homme, les mains, les pieds, les
muscles d’un homme ». Duhamel s’en est remis. Salinger, non, fuyant
le monde, n’écrivant plus rien. Désormais, il est presque impossible,
en littérature, de parler d’une adolescence épanouie. Jeunes refusant
l’âge adulte, errances urbaines, ruptures familiales, désœuvrement,
alcool, drogue, caractérisent ce que les Anglo-Saxons appellent
le teen novel, le roman d’une génération qui serait perdue (Lost
generation). C’est le concept même de roman de formation qui est
contesté2, ébranlé, il est vrai, depuis plus longtemps si l’on pense au
Diable au corps de Raymond Radiguet (1923, « Livre de Poche » :
1955) ou aux Enfants terribles de Jean Cocteau (1929, « Livre de
Poche » : 1958).
The Catcher in the Rye fascinera des générations de lecteurs. Mais
de quel âge ? On lit sur un blog intitulé La minute littéraire de Louis
Bernard3 : « Je suis vert de ne pas avoir découvert ce livre à 14 ans,
comme Millat Iqbal4 et Frédéric Beigbeder, plutôt qu’à bientôt deux
fois plus ». Paradoxalement, le roman de Salinger est « académisé »
par des auteurs médiatiques, et Beigbeder se fait filmer par Jean-Marie
Périer dans L’Attrape Salinger, où il part à la rencontre de l’écrivain
reclus. Sur le site Buzz littéraire, les pages dévolues à la « littérature
trentenaire/urbaine » entretiennent la nostalgie de l’adolescence,
« de ses instants de grâce et de liberté absolue ». Florian Zeller y a
été présenté comme « le grand attendu de la rentrée littéraire 2006 »
avec Julien Parme, le récit d’un « ado » de 14 ans incompris de ses
parents, qui décide de partir « pour vivre les nuits de l’adulte qu’il n’est
pas encore ». Le thème et le ton veulent rappeler le Holden Caulfield
de Salinger, « qui décidément inspire toujours et plus que jamais les
jeunes auteurs », même si le titre renvoie au Stendhal du Rouge et le
Noir et de La Chartreuse de Parme.
Construire un catalogue
La Nuit des temps, René Barjavel
J’ai pas pleuré, Ida Grinspan
Pourtant, dans « Pocket jeunes adultes » (romans adolescents dès 12
ans !) on trouve aussi toute une autre littérature : La Vingt-Cinquième
Heure de Virgil Georghiu (1949, « Livre de Poche » : 1956), La Nuit
des temps de René Barjavel (1968), Au nom de tous les miens de
Martin Gray (1971), Toto-Chan la petite fille à la fenêtre de Tetsuko
Kuroyanagi (1981), J’ai pas pleuré de Ida Grinspan (2002), Survivre
avec les loups de Misha Defonseca (1997), livres porteurs d’une
morale explicite et non des tourments d’un individu, souvent au travers
de témoignages écrits avec l’aide de professionnels de l’écriture.
Ce catalogue fait une proposition assez cohérente, dont le livre de
Salinger n’est finalement pas si représentatif.
Lecture Jeune - mars 2009
15
Comme la littérature enfantine, la littérature adolescente est donc au
départ une initiative éditoriale, s’inscrivant dans une perspective de
chaînage qui elle-même entre en relation avec le fonds dont dispose tel
éditeur. En l’occurrence, cette collection reprend des valeurs sûres, à
la différence d’autres, qui misent sur des nouveautés ou sur des auteurs
plus récents, catalogués « ado ».
Mais on ne sait pas si les adolescents la lisent, et on se doute même
qu’ils ne la lisent pas trop, spontanément du moins. D’autant que toutes
les enquêtes sont d’accord sur ce point : l’adolescence serait le moment
de la vie où l’on lit le moins. Un article sur le site de l’Unapel (Union
des associations de parents de l’école libre), « Les ados lisent de tout5 »,
est obligé de le reconnaître. Après avoir constaté depuis 1995 la
multiplication des collections pour adolescents et contradictoirement
la recherche par les éditeurs d’un public plus large, de 10 à 90 ans,
pour retrouver le succès d’Harry Potter, Noémi Constans conclut :
« les jeunes ont à leur disposition une offre riche. Il est dommage que
beaucoup d’entre eux ne la connaissent pas », ajoutant : « On le sait :
ils lisent peu de romans, tandis que les CDI et bibliothèques constituent
les principaux acheteurs de cette littérature ».
On voit la tentative de fabriquer sinon un classique, du moins un
succès, avec un découpage en tranches d’âge de plus en plus
accentué, en contradiction avec le phénomène nommé par la critique
anglo-saxonne crossoverfiction pour désigner la littérature qui croise
les publics. Le roman renvoie-t-il seulement aux préoccupations, réelles
ou supposées, des adolescents ? C’est ce qui semble ressortir de la
rubrique La raison du plus court dans la revue Ado-livres, à propos d’un
livre de Fabrice Vigne, Les Giètes6. Le roman a pour cadre une maison
d’accueil pour personnes âgées : en attendant les visites régulières de
son petit-fils, un vieil homme passe son temps à jouer au Scrabble et à
relire son vieux journal, rédigé 45 ans plus tôt. « Photoroman, la toute
nouvelle collection des éditions Thierry Magnier, est-elle destinée aux
vieillards passionnés par les pensées de Flaubert et membres du Parti
Communiste Français ? Si oui, alors tout va bien ! Sinon, il y a lieu de
se poser quelques questions sur ce choix éditorial de Jeanne Benameur
et Francis Jolly »7.
Conscients d’un risque d’enfermement, les éditeurs proposent donc
des ouvrages qui se veulent ouverts aux autres époques de la vie et
parlent de la vieillesse ou de la mort, mais aussi et surtout ouverts au
monde et à ses conflits. Tout un courant romanesque se dote même
d’un double devoir, qui est d’entretenir la vigilance du lecteur sur les
questions essentielles tout en le soumettant à de fortes exigences nées
d’une écriture sans concession, abordant les thèmes les plus austères
dans une narration épurée, souvent elliptique et en rupture avec les
formes habituelles du récit. On a pu parler d’une « lecture de salut »,
vouée à la propagation d’un art de vivre associant libération de soi
et forte contrainte intérieure, les filles manifestant une prédilection
particulière pour cette forme de lecture8. Cette double exigence des
auteurs va de pair avec une demande éditoriale qui suscite l’éclosion
d’ouvrages modernes ayant toutes les caractéristiques des classiques,
autour de questions comme celles de la guerre -- dans nos pays qui
Lecture Jeune - mars 2009
5 « Les ados lisent de tout », in Famille
& Éducation n°450, 2004
6 Thierry Magnier, collection « Photoroman »,
Paris, 2007
7 Relevé dans son blog « Le Fond du tiroir »
par l’auteur qui, réagissant à une réception
beaucoup plus chaleureuse sur le blog
« Sylire », déclare avoir voulu écrire en fait
« un roman de la vieillesse »
8 « Lire au féminin, lire au masculin », Gérard
Mauger, in Lecture jeune n°120, p.21
16
La petite
fabrique des littéraires
classiques adolescents
Les
adaptations
au Cinéma
9 « Un âge vraiment pas tendre »,
Le Monde, 30 novembre 2007
10 Blog sur le site de Livres Hebdo,
[Du côté des lecteurs ?], « De la littérature
ado à la littérature sans lecteur »,
18 janvier 2008
L’Herbe bleue
ne la connaissent que de loin --, ou le retour d’éléments traumatiques,
notamment l’Holocauste.
Dans Sobibor de Jean Molla (« Scripto », Gallimard), Emma, une jeune
fille souffrant d’anorexie, découvre un cahier que sa grand-mère, tout
juste décédée, cachait sous une pile de linge. Elle y apprend le rôle
épouvantable qu’ont joué ses deux grands-parents à Sobibor, un camp
d’extermination dont il ne reste rien puisque les Allemands ont tout rasé
et planté des pins à sa place. C’est donc ce qu’il y a de traumatique
dans l’événement qui est en jeu : non pas simplement ce qui s’est
passé mais le silence qui vient après, l’horreur que l’on léguerait
inévitablement à ses descendants et qui pousserait une adolescente
à se détruire en refusant toute nourriture. Outre sa thématique, ce
roman nous semble caractéristique, car il a reçu de nombreux prix et
il bénéficie d’une critique très louangeuse sur divers blogs, de la part
des jeunes lecteurs eux-mêmes. Ce qui permet de nuancer le propos de
Claude Poissenot qui, revenant sur le débat né d’un article de Marion
Faure contre la noirceur des livres destinés aux adolescents9, a observé
le taux d’emprunt des ouvrages de trois auteurs, Wajdi Mouawad,
Catherine Zambon et Malin Lindroth, cités par les éditeurs comme
des écrivains qui « font œuvre ». Son enquête révélerait la très faible
attractivité de cette littérature « pourtant présentée comme supérieure »,
et un véritable divorce entre cette production éditoriale et ses éventuels
lecteurs10.
Malgré son caractère peu probant, cette enquête pose une vraie
question sur « cette coûteuse mobilisation et sur les résultats qu’elle peut
produire », mais semble oublier que cette mobilisation est par essence
celle de l’École, de l’éducation en général, vouée à promouvoir des
« classiques », c’est-à-dire des ouvrages présentant les signes d’une
qualité supposée durable. La même enquête menée sur des titres
très différents produirait sans doute le même résultat. Par contraste, il
serait intéressant d’avoir des chiffres équivalents pour d’autres romans
relevant d’un autre mode de « fabrication » réputé plus spontané,
comme Le Pavillon des enfants fous (1978, « Livre de Poche » : 1982)
qui présente également le cas d’une adolescente anorexique, celui
de l’auteur, Valérie Valère, alors âgée de 17 ans et qui mourra très
jeune d’un excès de médicaments. On lit à son sujet de nombreux
témoignages (apparemment) spontanés sur les sites marchands qui
s’appliquent aujourd’hui à perpétuer la vogue de ce type d’ouvrages.
Dans le même genre, L’Herbe bleue : journal d’une jeune fille de 15
ans (Presses de la Cité, 1972), traduction de Go ask Alice, se présente
comme le journal d’une jeune fille qui sombre par accident dans la
toxicomanie. Son auteur est en fait Béatrice Sparks, une psychologue
spécialiste des faux journaux intimes et membre de la « Church of Jesus
Christ of Latter Day Saints ». Réédité en « Pocket jeunes adultes » en
2003, il est encore présenté comme journal intime d’une jeune droguée :
« c’est une adolescente comme les autres à la fin des sixties, quelque
part dans cette Amérique profonde où les journées se ressemblent […]
Elle n’a que 15 ans lorsqu’elle découvre la drogue au cours d’une
fête chez une amie qui a versé à son insu du LSD dans des verres de
Coca […] L’adolescente sombre alors dans l’enfer de la dépendance,
Lecture Jeune - mars 2009
17
et sa vie n’est plus qu’angoisse et détresse ». Mais la supercherie est
désormais connue : « C’est un fake11 ? je suis effondré », lit-on sur un
blog. Et : « Je n’ai jamais lu ce livre mais je l’ai abondamment cité
comme exemple dans mes commentaires et autres devoirs de français.
C’est trop trippant de savoir que c un faux alors que le fait de le cité
dans un devoir marchait trop bien avec les profs »12. Cependant, à côté
de ceux qui trouvent le livre ridicule, beaucoup disent avoir été touchés
et en parlent comme du livre référence de leur adolescence.
On peut suivre le même débat au sujet de Survivre avec les loups,
débat qui nous plonge au cœur de la « fabrication » d’un roman,
posant aussi bien la question de la fiction que de son usage et de sa
prescription. Cette fabrique est multiple, elle est celle des éditeurs, des
auteurs, des pédagogues, des spécialistes du livre, des lecteurs euxmêmes, renvoyant à une idée de l’adolescence qui ne cesse de varier.
Car chaque génération s’en forge une représentation marquée par
un « livre culte », notion, qui semble tout particulièrement attachée aux
passions de la jeunesse et qui tantôt rivalise, tantôt se confond avec
celle de « classique ».
11 Un faux. Dans les jeux en ligne,
ce terme désigne un pseudonyme différent
de celui habituellement utilisé
12 Nous conservons l’écriture originale
du message
Publications
de Francis Marcoin
• À l’école de la littérature,
Éditions ouvrières, 1992
• La comtesse de Ségur ou
le bonheur immobile, Artois Presses
Université, 1999
• Librairie de jeunesse et
littérature industrielle au XIXe siècle,
Champion, 2006
• La littérature de jeunesse,
avec Christian Chelebourg,
coll. « 128 », Armand Colin, 2007
Lecture Jeune - mars 2009
18
Le dossier Lire les classiques à l’École
Annie Portelette Analyse
Annie Portelette
est professeur de Lettres
Modernes, enseignante en collège
dans l’Académie de Créteil, à
temps partagé avec d’autres
fonctions depuis 1988.
Elle est également formatrice
associée à l’IUFM de Créteil/
Paris XII et participe à deux
sujets d’études de l’INRP :
Professionnalisation/professionnalité et Enseignement et
Littérature. Depuis 2009, elle
intervient également dans la
mission « Maîtrise de la langue »
de l’Académie de Créteil.
1 Le Monde de l’Éducation, n° 373,
octobre 2008
2 « L’idée majeure est que les élèves
partagent une culture commune en
matière de littérature, qu’ils connaissent
notre patrimoine culturel et pour cela,
il faut commencer au collège. »
3 « Comment se fabrique le patrimoine ? »,
Jean Davallon, Sciences Humaines,
n° 36, 2002
Dans la perspective d’enseignante qui est la mienne, les classiques
de la littérature sont les œuvres définies par les programmes, les
arbitrages sur le corpus classique ayant été faits en amont, par
l’institution. Comme tous les autres métiers, enseigner s’apprend.
Des connaissances sur les textes, sur les débats dans la communauté disciplinaire, sur la recherche dans le domaine de la littérature, sur la didactique, sur les enjeux de la lecture littéraire, sur
le public scolaire, permettent d’élaborer des gestes professionnels
qui vont créer, pour les élèves, les conditions d’une rencontre possible avec les classiques.
Dans un article récent du Monde de l’Éducation1, Jean-Louis
Nembrini, directeur de l’enseignement, présente l’esprit des nouveaux programmes du collège, premier texte de référence pour
l’enseignant, en expliquant les enjeux de la lecture des classiques.2
Ces propos se situent du côté des objets, les textes littéraires de
l’héritage et les élèves sont invités à une lecture de célébration,
pour reprendre l’expression de Bourdieu, dans une visée intégratrice.
Tout autre est la perspective des didacticiens de la littérature, autre
éclairage essentiel pour le professeur. Dans ce même numéro du
Monde de l’Éducation, Gérard Langlade, universitaire et chercheur,
déclare que la littérature constitue « une expérience de la réalité
fictive, qui permet à l’élève de travailler son identité en parlant
d’elle à travers de la fiction. » Il se place ainsi du côté du sujet. Or,
le rapport personnel au texte est ce qui fonde la lecture littéraire ;
il participe à la construction d’une identité et à l’enrichissement
de l’imaginaire.
Le travail du professeur se situe dans la tension entre ces deux
pôles, le lecteur et le texte, dans une approche humaniste de la
culture humaniste. À l’intérieur de ce cadre, quelques fils rouges
orientent ses choix.
Des stratégies pour favoriser le processus d’affiliation à
l’héritage classique
Le premier de ces fils concerne le processus de patrimonialisation.
« L’originalité de ce mode de transmission culturelle s’opère à partir
de ceux qui reçoivent et non de ceux qui donnent. »3 Il s’agit donc
d’amener les élèves à se reconnaître comme héritiers de ce legs des
classiques, éloigné d’eux au moins dans le temps, et souvent par la
langue utilisée et le contexte culturel qui a vu naître l’œuvre. Une des
premières formes de médiation entre le texte et le lecteur concerne
les entrées dans l’œuvre proposées et leur diversification nécessaire.
Pour lancer la lecture de l’Odyssée en 6e, une tempête d’idées, suivie
Lecture Jeune - mars 2009
19
d’une recherche de classement, a permis de faire surgir les savoirs des
élèves et d’activer leur mémoire de lecteurs. Ainsi s’établit une première
familiarité avec le texte et le monde de la Grèce antique. Avec le groupe
d’élèves en difficulté, j’utilise une deuxième entrée : créer des images
du monde méditerranéen. Les lecteurs les plus démunis ne parviennent
pas toujours à élaborer des images intérieures à partir de leur lecture et
nous les perdons dès le début du travail. Un numéro de GEO4 m’a servi
de support. Au fil des photos où Ulysse est censé être passé, des élèves
font des rapprochements : cela ressemble au Portugal, à l’Algérie, au
Maroc. Ainsi se dessine une sorte de géographie méditerranéenne où
ils se reconnaissent. Couleurs, lumières, paysages se gravent dans leur
mémoire et seront réactivés dans la suite de la lecture.
Une seconde piste pour rapprocher l’œuvre du lecteur consiste à
articuler différentes versions du « texte fondateur ». J’ai d’abord
choisi de faire lire une adaptation de l’Odyssée5 pour la jeunesse,
de manière à favoriser un premier mouvement de lecture d’adhésion,
nécessaire à l’engagement dans la lecture. Des extraits d’autres
éditions ont ponctué l’étude en fonction des objectifs poursuivis et de
la lisibilité de la traduction ou de l’édition. Ainsi le premier contact
avec l’œuvre s’est fait à partir du début de l’Invocation à la muse
dans la traduction de Philippe Jacottet, relativement accessible,
permettant d’introduire la place de l’Odyssée chez les Grecs de
l’Antiquité. Un petit passage en grec met en lumière la tonalité et la
présence de vers et fournit l’occasion d’éclaircir le lien entre le titre et
le nom du personnage. Plus tard, la dimension épique, minorée dans
l’adaptation, sera introduite à partir des passages de la collection
« Épopée » de Casterman, plus proche du texte grec et lisible en 6e,
en parallèle avec quelques extraits de la traduction de Victor Bérard,
plus difficiles d’accès.
L’appropriation peut s’opérer en choisissant des problématiques
qui parlent à des élèves, notamment celle des relations père-fils. J’ai
constitué en 6e un groupement de textes autour de trois couples : Ulysse
et Télémaque, leurs retrouvailles, Dédale et Icare, Phébus et Phaëton,
soit deux passages des Métamorphoses d’Ovide6. Une consigne
ouverte permet à tous d’entrer dans le travail : « Quels points communs
entre ces trois textes ? Quelles différences ? ». Les commentaires
témoignent de l’identification aux personnages et aux situations audelà des contextes. Problèmes d’autorité des pères et de responsabilité
des adultes : « Dédale ne sait pas se faire obéir et son fils meurt ». Les
pères parlent trop, les fils n écoutent plus : « Il [Dédale] est saoulant ! »
Faiblesse des pères qui ne savent pas dire non et se laissent prendre
leur place : « Il [Phaëton] veut prendre la place de son père et c’est la
catastrophe ». Problème de père absent et de parents séparés : Phébus
cède à son fils… « oui, mais c’est parce qu’il ne vit pas avec lui, alors,
il ne peut pas vraiment lui refuser. » Au contraire, Ulysse et Télémaque
sont qualifiés d’alliés, de complices. Les élèves sont sensibles à ce père
qui avoue ses torts, et au lien fort qui l’unit à son fils : « Je suis ton père,
ton père qui t’a fait souffrir, il n’y a pas d’autre Ulysse que moi, Ulysse,
je ne suis pas un dieu. » À ma question finale sur ce qu’ils pensent de
ces pères et de ces fils de l’Antiquité, A. s’exclamera : « C’est pareil que
Lecture Jeune - mars 2009
4 La Grèce sur les traces d’Homère, GEO
n° 171, mai 1993
5 D’après la traduction de Lecomte de Lisle,
« Livre de Poche Jeunesse », Hachette, 2001
6 16 métamorphoses d’Ovide, Ovide,
traduction de Françoise Rachmühl,
« Castor Poche », Flammarion, 2003 ;
Les Métamorphoses, Ovide, traduction de
Joseph Chamonard, GF-Flammarion, 1993
20
Lire les
classiques à l’École
Les
adaptations
littéraires au Cinéma
maintenant ! ». J’apporte en conclusion l’idée que la littérature parle
des grandes questions qui préoccupent les hommes, la relation père-fils
en est une.
7 Lector in fabula, Umberto Eco,
Grasset, 1985
Les métamorphoses, Ovide
8 L’Esprit des Lois, « De l’esclavage
des nègres », Montesquieu, livre
XV,
chapitre V, 1748, GF-Flammarion, 1993
La problématique de la patrimonialisation rejoint les apports des
théories de la réception : second fil rouge pour l’enseignant. Leur
objectif est de s’intéresser à la façon dont le lecteur appréhende
le texte, dont il le reçoit et construit le sens. À l’inverse, les théories
littéraires du XXe siècle se sont d’abord intéressées au texte avant de
réfléchir au lecteur de ces textes. Le rôle de celui-ci est irremplaçable
dans l’élaboration de la signification. Sans lui, le texte n’existe pas ;
c’est sa lecture qui actualise et concrétise l’œuvre. Parlant du texte,
Umberto Eco dit : « C’est un mécanisme paresseux qui a besoin du
lecteur pour fonctionner7 ». Et Pierre Bayard distingue le texte du lecteur
du texte de l’auteur.
Transposé à l’École, cela consiste à accorder un vrai statut au lecteur,
à sa parole et à son pouvoir d’interprétation. Il revient au professeur
de faire se confronter les différentes interprétations et de renvoyer les
lecteurs au texte, pour les valider ou les invalider. Ménager un temps
pour recueillir ces premières interprétations et les mettre en débat est
essentiel : c’est accorder à l’élève un statut de lecteur, et c’est donner
les moyens au professeur de se saisir de ce matériau pour construire le
travail sur le texte. En 3e, à la lecture d’un recueil de nouvelles de Jack
London, Les Temps maudits, une élève déclare : « C’est pas intéressant,
c’est toujours pareil ! ». Cette exclamation un peu provocatrice malgré
une grande diversité de lieux, d’époques, de thèmes, peut être rejetée
par un professeur déçu et agacé ou, au contraire, considérée comme
une intuition qui peut servir de fil conducteur pour appréhender
la même vision du monde construite par chacune des nouvelles et
introduire la notion d’univers d’auteur. À la lecture de l’Invocation à la
muse au début de l’Odyssée, où est annoncé tout ce qui va suivre, un
élève s’écrie « C’est mal raconté ! » Quand cette réaction est prise en
compte, que l’élève peut s’en expliquer, son jugement témoigne d’une
réelle expérience de lecteur : « On sait tout par avance, y’a plus de
suspens ». Le professeur peut s’emparer de la remarque pour expliquer
la réception spécifique de l’œuvre chez les Grecs de l’Antiquité par
rapport à l’horizon d’attente des collégiens de 6e : moins le plaisir de
découvrir les aventures d’Ulysse que celui de réentendre un récit déjà
connu. Il peut alors inviter les élèves à faire le lien avec des expériences
identiques : souvenirs de mêmes histoires lues ou racontées, BD relues,
films revus. C’est l’occasion d’évoquer les contes qu’on réécoute depuis
des siècles, les chansons de gestes du Moyen Âge et de souligner
l’oralité de tous ces récits.
Il est possible aussi de jouer sciemment avec l’horizon d’attente des
élèves, stratégie efficace pour anticiper les obstacles et mieux préparer
la réception programmée par l’œuvre. Le texte de Montesquieu De
l’esclavage des nègres8 suscite souvent une lecture au premier degré
chez des collégiens possédant peu de références sur l’auteur, les
penseurs du XVIIIe siècle et les débats de l’époque. Après une première
expérience malheureuse ayant abouti à une impasse – la lecture du
professeur contre celle des élèves – j’ai utilisé le détour d’un autre
Lecture Jeune - mars 2009
21
texte, fonctionnant sur le même procédé de l’ironie par antiphrase
mais sur un thème qui choquerait à coup sûr les élèves. J. Swift a écrit
de Modestes propositions pour empêcher les enfants des pauvres
en Irlande d’être à charge de leurs parents ou de leur pays et pour
les rendre utiles au public, où il propose que ces enfants, assimilés
au bétail, servent à l’alimentation du pays : seraient ainsi résolus les
problèmes de famine et de surpopulation. Le transfert de l’horizon
d’attente sur De l’esclavage des nègres a été possible et les élèves ont
perçu le procédé d’argumentation.
Troisième fil rouge et enjeu essentiel de la situation scolaire, s’interroger
sur le sens de cette activité « lire les classiques ». Elle va de soi pour le
professeur de lettres qui évolue depuis le début de ses études dans
un entre soi où lire les classiques est de l’ordre de l’évidence. Elle
est à construire pour des élèves souvent éloignés de la connivence
culturelle de l’École, pour qui les classiques n’ont pas de légitimité en
soi. Attitude qui heurte et hérisse le professeur mais qui l’oblige à se
poser la question radicale : pourquoi lire les classiques ? L’approche
anthropologique offre un levier fort. S’interroger sur pourquoi des
hommes écrivent (et lisent), aide à construire le sens de cette activité
humaine adressée à d’autres hommes. Si l’on crée les conditions de
la rencontre avec le texte, on découvre que les élèves sont capables
de curiosité et prêts à surmonter des difficultés. Ils perçoivent
inconsciemment que les classiques peuvent les aider à réfléchir sur le
monde, sur eux-mêmes et participent à l’élaboration de leur monde
intérieur.
La littérature n’est pas faite pour donner lieu à des questionnaires ni
pour servir de réservoir à l’étude des figures de style ou des schémas
narratif ou actanciel. Elle est adossée aux grandes interrogations des
hommes, métaphysiques, éthiques, elle montre comment les valeurs
sont socialisées. Elle exprime en fiction des réponses aux attitudes
émotionnelles. C’est un lieu où s’expriment des connaissances sur le
monde dans des formes différentes du savoir logique et scientifique et
qui restent pertinentes pour des lecteurs de toute époque. C’est à ces
dimensions de la littérature que sont sensibles les collégiens, c’est ce
qui lui donne sens, ce qui les touche, les émeut, les effraie, les révolte,
les fait débattre et parler de leurs lectures. Les textes fondateurs, la
Bible, les mythes grecs, peuvent être travaillés dans cette perspective.
À la fin d’un cours, je demande aux élèves d’écrire deux ou trois
grandes questions que se posent les hommes de toutes les époques.
À la séance suivante, je distribue à la classe la liste des questions
retapées, qui devient objet de travail pour tous. Les fortes convergences
frappent les élèves. On procède à un classement des questions qui
fait apparaître celles en lien avec la science, auxquelles on pourrait
répondre par des recherches, et celles pour lesquelles on ne possède
pas de réponse, des « énigmes », disent les élèves. Ces dernières
concernent Dieu/les dieux, la création du monde/l’apparition des
hommes, la mort/la vie après la mort, le temps. Lors d’une autre
séance, je distribue un groupement de textes sur quelques mythes de
création : trois textes tirés de la Théogonie d’Hésiode, un passage de
la Genèse et d’autres mythes issus de cultures différentes. Les élèves
repèrent immédiatement le fil conducteur. Je leur demande de lire et
Lecture Jeune - mars 2009
22
Lire les classiques à l’École
noter les passages susceptibles de répondre aux questions formulées
par la classe. La mobilisation forte leur permet de se confronter aux
difficultés de certains textes. Le sens des mythes – des récits pour
expliquer les origines – se construit. Plus tard, des textes scientifiques
seront introduits.
Entraves et freins
9 Italo Calvino, Pourquoi lire
les classiques, « Points », Seuil, 1981
10 Tzvetan Todorov, Perspectives actuelles
de l’enseignement du français, Actes du
séminaire de la DESCO, 2001
11 Dans Perspectives actuelles
de l’enseignement du français,
Actes du séminaire de la DESCO, 2001
Dans la lecture des classiques, on pense généralement aux freins
inhérents aux élèves : langue pauvre, manque de repères culturels et
d’habitus de lecture, image de lecteurs démunis au regard d’œuvres aux
conditions d’accès difficiles qui s’inscrivent dans un contexte culturel et
historique précis, utilisent une langue particulière et renvoient à un monde
étranger aux lecteurs collégiens. La mission de l’École est précisément de
réduire la distance entre les œuvres et les lecteurs, et j’ai déjà évoqué
quelques leviers possibles.
D’autres entraves naissent des enseignants eux-mêmes et de leur
rencontre avec l’altérité des élèves. Le rapport qu’il nous arrive à nous,
professeurs de lettres, d’entretenir avec la littérature en constitue une.
Ainsi, nous donnons plus volontiers la parole aux lecteurs élèves sur les
œuvres de littérature de jeunesse et nous nous crispons quand il s’agit
de la littérature. Nous avons tendance alors à reprendre la main pour
proposer une interprétation s’appuyant sur des connaissances expertes
et toute une tradition culturelle. Nous ne sommes plus dans cette posture
décrite par Italo Calvino où « toute relecture d’un classique est une
découverte, comme une première lecture »9.
La seconde vient de notre approche de la littérature, essentiellement
textuelle, qui entre en tension avec celle des élèves qui abordent les
œuvres d’abord par les affects et les valeurs. Construire l’attention au
texte est un objectif du professeur de lettres mais en entraînant trop vite
les élèves sur ce terrain ou d’une manière trop technique, on risque de
les perdre ; situation paradoxale où « le professeur du secondaire a une
lourde tâche : intérioriser ce qu’il a appris à l’université mais ne pas
l’enseigner, le ramener plutôt au statut d’outils invisibles10. » Passer de
la centration sur le texte à la centration sur le lecteur constitue un enjeu
important de la professionnalisation.
Par ailleurs, faire face à l’inattendu qui surgit de la parole des élèves
quand on leur laisse un espace d’appropriation, revient à se mettre
en danger et la tendance à l’esquive est forte. Mais d’autres gestes
professionnels sont possibles pour apprendre à circuler dans les propos
des élèves. Parfois, l’esquive se situe du côté du choix des textes, des
textes plutôt consensuels que des œuvres fortes, qui suscitent réactions,
débats, engagements. Dans une recherche de l’INRP, le protocole voulait
qu’une même œuvre, La Petite Sirène d’Andersen, soit étudiée de la
maternelle à la terminale11 afin de faire se confronter les pratiques. Les
notions religieuses et sexuelles qui traversent le conte ont posé problème
à des enseignants : embarras pour aborder les questions autour de l’âme
immortelle considérées comme n’appartenant pas à l’espace laïc de
l’École, sentiment d’insécurité à laisser les élèves s’exprimer sur une
question pour laquelle ils n’ont pas de réponse.
Lecture Jeune - mars 2009
23
Je conclurai sur ce qui est au cœur de cet article, le travail du professeur
et les gestes professionnels qui favorisent le dialogue avec les œuvres,
leur appropriation et l’engagement du lecteur dans le travail sur le texte.
Un premier ensemble concerne la notion d’entrée dans l’œuvre : penser
la rencontre avec le texte, diversifier les entrées, privilégier celles qui
parlent aux élèves, anticiper les obstacles et concevoir des détours,
envisager la littérature de jeunesse et la littérature « jeune adulte » en
articulation plutôt qu’en opposition. Une seconde famille se centre sur les
dispositifs à prévoir pour donner un statut au lecteur : offrir du temps pour
la parole de l’élève et les échanges, partir d’une consigne de travail
ouverte et non d’un questionnaire. Un dernier groupe a trait à la place et
au rôle de l’enseignant : être dans une posture d’étayage, accueillir les
réactions des élèves et les mettre en dialogue, les faire évoluer, rebondir
entre elles, réagir dans le vif de la classe en introduisant les savoirs au
moment opportun. Tout cet artisanat du métier nécessite une formation
professionnelle.
Lecture Jeune - mars 2009
Publications
d’Annie Portelette
• « Lancer une année de lecture
littéraire en 6e », Le Français
aujourd’hui n° 149, La littérature
de jeunesse : repères, enjeux
et pratiques, Armand Colin
• « Des lecteurs de 6e à la
rencontre des textes de l’Antiquité »,
Le Français aujourd’hui n° 155,
Lecture des textes fondateurs, enjeux
culturels et littéraires, Armand Colin
• « Lire l’Odyssée en réseaux »,
Cahier pédagogique n° 462,
La littérature de jeunesse, une
nouvelle discipline scolaire ?
• « Une pratique de formation
continue en littérature dans
le second degré », Repères 37,
Pratiques effectives de la littérature
à l’école et au collège, INRP.
Articles dans une publication de
l’académie de Créteil Lire
en français en 6e
Classique littéraire,
best-seller ou œuvre culte ?
24
Le dossier Le cas du Seigneur des Anneaux
Olivier Vanhée Étude
Olivier Vanhée
est doctorant en sociologie
à l’École Normale Supérieure
de Lettres et Sciences Humaines
de Lyon.
1 Cette enquête a été réalisée en
2003/2004 auprès d’une vingtaine
d’adolescents de 12 à 17 ans, dans le
cadre d’un séminaire de recherche en
sociologie, à l’École Normale Supérieure
de Lettres et Sciences Humaines (Lyon).
Il ne s’agit donc pas d’une population
représentative mais ces entretiens approfondis permettent d’élaborer quelques
« pistes de réflexion »
2 « La réception de J.R.R. Tolkien en
France, 1973-2003 : quelques repères »,
Vincent Ferré, in Tolkien, trente ans après,
Paris, Christian Bourgois, 2004, p.25
Au-delà des romans de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux est
présent sous de multiples formes dans le paysage culturel français
et mondial. De la littérature au cinéma, du jeu de rôle au jeu vidéo,
sans compter toute une gamme de produits dérivés, cette œuvre
est particulièrement visible. Les termes employés pour la décrire
sont multiples : best-seller et « blockbuster » et aussi œuvre littéraire érudite ; « classique » du patrimoine culturel britannique et
« classique » de la culture populaire mondiale ; franchise commerciale à succès et « œuvre culte »... Ce jeu sur les dénominations
nous invite à analyser la réception du Seigneur des Anneaux dans
une perspective historique : quelles sont les instances de légitimation qui ont contribué successivement ou simultanément à
définir le statut symbolique du Seigneur des Anneaux ? En quoi les
adaptations cinématographiques et vidéo-ludiques de l’œuvre de
Tolkien ont-elles renouvelé le lectorat et le statut de son œuvre ?
Comment de jeunes lecteurs s’approprient-ils ce « classique » ?
La réponse à ces questions implique de resituer Le Seigneur des
Anneaux dans le cadre des transformations plus larges des modes
de consécration culturels. On s’attachera dans un premier temps
à suivre l’histoire éditoriale des romans de Tolkien, avant la sortie
des adaptations cinématographiques du Seigneur des Anneaux, et à
identifier les processus de légitimation en jeu. La sortie des films
en 2001, 2002, et 2003, se traduit par une évolution paradoxale :
la déclinaison de l’œuvre sur des supports et produits dérivés
multiples l’inscrit pleinement dans « l’économie médiatico-publicitaire » alors que se développent de nombreuses analyses savantes
de cet ouvrage. Une enquête par entretiens1 permet enfin de voir
quelles ont été les réceptions effectives de cette œuvre mondialisée, par des adolescents.
Une double légitimité fondée sur l’étendue du public
et un statut d’œuvre culte dans le fandom
Les romans de Tolkien ont acquis une notoriété dans les années
50 et 60 dans le monde anglo-saxon, et dans les années 70 en
France, mais la réception critique et littéraire initiale de l’œuvre
est ambivalente et très partagée. Ce qui prédomine dans les
médias est une méconnaissance de l’œuvre de Tolkien, longtemps
traitée avec mépris ou négligence2 par les détenteurs de l’autorité
culturelle.
La reconnaissance de l’auteur se joue donc d’abord à deux autres
niveaux : d’une part, une reconnaissance par le nombre, avec une
œuvre sans cesse rééditée depuis sa parution et traduite en une
Lecture Jeune - mars 2009
25
vingtaine de langues ; d’autre part, une reconnaissance plus localisée
dans le cadre des institutions de la « culture fan » et de l’émergence du
genre littéraire de la fantasy.
Ce sont essentiellement des groupes et associations de fans et
d’admirateurs qui ont contribué à la reconnaissance de son œuvre,
en dehors des instances officielles de consécration. Nous pouvons
évoquer à leur propos des « entrepreneurs culturels3 » de la fantasy
pour désigner des associations et sociétés d’admirateurs, fanzines,
revues, conventions, qui participent à la formation d’un appareil
critique de célébration.
Ces réseaux de sociabilité forment des instances relativement
autonomes de consécration et de hiérarchisation, et constituent un
moyen de résistance collectivement constitué4 contre la marginalisation
culturelle de la fantasy : « collectionner, échanger, créer des clubs,
reconstituer des séries complètes, établir des bibliographies, comparer
les éditions, les personnages, puis les auteurs, les styles, c’est se livrer
sur un terrain à peu près libre de toute autorité culturelle à la même
activité, stricto sensu, que l’historien de l’art ou de la littérature dans le
domaine réservé de la culture légitime »5.
À la grande surprise de Tolkien, son œuvre s’avère très populaire dans
la contre-culture américaine des années 606, ou encore dans la culture
hacker7 émergente, et les sous-cultures technologiques des scientifiques
et ingénieurs. Les premières sociétés d’admirateurs voient le jour
dans les années 60 : la Tolkien Society of America s’est réunie pour
la première fois en février 1965 ; en 1967 est créée la Mythopoeic
Society pour l’étude et l’appréciation de la littérature mythique et
fantastique ; la Tolkien Society est créée en 1969 au Royaume-Uni.
Pour ce qui est de la France, Vincent Ferré affirme que « la discontinuité
et des erreurs de parutions » ont « constitué un obstacle à la
reconnaissance »8 de l’auteur : différences de traduction de termes
identiques ; accès à une partie très restreinte de son œuvre, d’où une
méconnaissance du « lien essentiel entre l’invention fictionnelle et les
recherches universitaires de Tolkien »9 ; assimilation à la littérature
jeunesse et au fantastique.
Anne Besson souligne que la traduction de nombreux ouvrages de
fantasy inspirés de Tolkien a également participé au processus de
« classicisation ». La mise en place de marqueurs génériques, issus
de l’œuvre de Tolkien, la situe en œuvre fondatrice10. Anne Besson
revient d’abord sur son influence thématique : « elfes, nains, orques,
dragons, quête initiatique, puissance maléfique sont ainsi devenus
autant de signaux d’appartenance générique ». Mais au-delà de ce
« réservoir de motifs, de personnages et de structures narratives mis
à disposition du développement du genre », Anne Besson insiste sur
l’influence structurelle de l’œuvre de Tolkien : « l’immense majorité de
la production de la fantasy contemporaine ne se limite pas à un roman
isolé, mais se poursuivent en cycles courant sur plusieurs volumes.
Cette ampleur systématique se justifie par la volonté de donner
progressivement cohérence et consistance à un univers fictionnel conçu
comme complet et autonome »11.
Lecture Jeune - mars 2009
3 Lire le noir, Annie Collovald, Éric Neveu,
Armand Colin/BPI, 2004, p.19
4 La Culture des individus, Bernard Lahire,
La Découverte, 2004, p.60
5 « La constitution du champ de la bande
dessinée », Luc Boltanski, in Actes de la
recherches en sciences sociales, n°1, 1975,
p.41
6 « America in the 1960 : Reception of
Tolkien », Foster Mike, in Drout (ed.) J.R.R.
Tolkien Encyclopedia, Routledge, 2006
7 Les hackers sont des amateurs
d’informatique dont les connaissances
et compétences approfondies dans ce
domaine leur permettent des créations ou
des usages détournés de logiciels, de jeux,
ou d’Internet
8 « La réception de J.R.R. Tolkien en France,
1973-2003 : quelques repères », Vincent
Ferré, in Tolkien, trente ans après, Christian
Bourgois, 2004, p.8
9 op. cit. p.21
10 « La Terre du Milieu et les royaumes
voisins : de l’influence de Tolkien sur les
cycles de fantasy contemporains », Anne
Besson, in Tolkien, trente ans après,
Christian Bourgois, 2004, p.357
11 Anne Besson, op. cit. p.357
26
Classique littéraire, best-seller ou œuvre culte ?
Les
Le casadaptations
du Seigneur deslittéraires
Anneaux au Cinéma
12 Finie la lecture ? Lire au collège, lire
au lycée : une enquête longitudinale,
Christine Détrez, Thèse pour le doctorat de
sciences sociales, EHESS, 1998, p.291
13 « Lecture des filles et des garçons :
à propos du Seigneur des Anneaux »,
Christine Détrez, in Les jeunes et
l’agencement des sexes, La Dispute,
2007, p.46
14 Finie la lecture ? Lire au collège, lire au
lycée : une enquête longitudinale, Christine
Détrez, Thèse pour le doctorat de sciences
sociales, EHESS, 1998, p.422
15 « Formes de lecture étudiantes et
catégories scolaires de l’entendement
lectoral », Bernard Lahire, in Sociétés
contemporaines, n°48, 2002
Si les ouvrages de fantasy se singularisent par des marqueurs
génériques inspirés du Seigneur des Anneaux, nous remarquons que
le lectorat de Tolkien et de la fantasy est également bien spécifique,
plutôt masculin et de formation scientifique, ce qui a pu contribuer
à la marginalisation de l’œuvre, étant donné la moindre valorisation
culturelle et symbolique de ce type de capital scolaire et de la culture
scientifique en général.
Selon l’enquête de Christine Détrez, au collège, Le Seigneur des
Anneaux est très majoritairement lu par des garçons de milieux
favorisés et « en avance » scolairement : ces derniers le placent en
tête de leurs titres préférés. Il est par contre absent des listes des
garçons qui présentent un retard scolaire ou dont les parents sont
ouvriers12. Nous retrouvons donc d’une part une différenciation des
pactes de lecture privilégiés par ces jeunes lecteurs selon leur genre :
« alors que les filles vont plus souvent que les garçons vers les romans
classiques, les romans destinés à la jeunesse, les témoignages, les
romans psychologiques, les garçons puisent plus souvent que les
filles dans les romans de science-fiction, de fantastique et les romans
d’aventure ». Le classique de Tolkien est donc « essentiellement une
lecture de garçons. Dans un relevé des titres lus par les adolescents
sur 4 ans, seules trois filles, sur 4000 réponses, ont cité Le Seigneur
des Anneaux »13. Au-delà des différences de genre, elle constate la
« domination relative des enfants de cadres intellectuels supérieurs
au sein du lectorat d’un certain nombre de genres, surtout la
science-fiction et le fantastique »14. Christine Détrez constate enfin
la constitution d’un lectorat spécifique pour la fantasy au lycée. Les
enquêtes sur les lectures des étudiants témoignent également d’un
lectorat spécifique composé d’un grand nombre de jeunes suivant
des formations de type scientifique15.
Le Seigneur des Anneaux a donc d’abord été reconnu en tant que bestseller, dominant culturellement par l’étendue de son lectorat et la durée
de son succès, et aussi comme « œuvre culte » au sein de cercles de
fans et d’amateurs de fantasy. Il a conquis une forte légitimité auprès
d’un lectorat spécifique, plutôt masculin et de formation scientifique.
Nous pouvons donc évoquer une reconnaissance, mais celle-ci reste
partielle : les facteurs de marginalisation de cette œuvre sont nombreux.
Si l’œuvre est reconnue comme un classique, elle est cantonnée à un
genre souvent décrit comme « paralittéraire », ou aux réseaux informels
de la « culture fan »; la domination par le nombre et la popularité est en
outre un facteur de disqualification dans le champ littéraire.
La sortie des adaptations cinématographiques du
Seigneur des Anneaux et les transformations de la légitimité de cette œuvre
Dès la fin des années 80 dans le monde anglo-saxon, mais surtout
à partir des années 2000, se constituent des savoirs spécialisés
sur Le Seigneur des Anneaux, qui est transformé en objet de savoir
universitaire, et acquiert donc une reconnaissance académique.
La mise en place des « instruments de l’érudition culturelle » renvoie
Lecture Jeune - mars 2009
27
à une domination culturelle par l’officialité et le prestige, et non plus
seulement par le nombre. Un regain de légitimité et l’apparition de
commentateurs en provenance du champ de l’Université se mettent
en place, qui transfèrent leurs habitudes académiques « à l’exégèse
de biens symboliques que leur indignité culturelle protégeait jusque là
contre l’esprit de sérieux »16.
La constitution d’un domaine interdisciplinaire d’études tolkieniennes
s’est faite en lien avec un travail d’édition complète des œuvres de
Tolkien : la publication et l’élargissement des sources bibliographiques
permettant de l’appréhender dans son ensemble. Le journal des
Tolkien Studies paraît ainsi depuis 2004. Vincent Ferré évoque aussi
comme perspectives d’analyse « les problématiques liées à la fiction,
à la relation entre théorie et fiction, au merveilleux ; la richesse de
son intertextualité – avec Beowulf, les sagas islandaises, la littérature
arthurienne mais aussi Shakespeare et la Bible – son influence féconde
sur la littérature et le cinéma »17.
Le Seigneur des Anneaux tend également à être reconnu comme
une forme légitime de « littérature jeunesse », dans le cadre de la
réhabilitation de la lecture ordinaire18. L’œuvre est en effet inscrite dans
la liste des lectures conseillées en 5e et 4e, et fait l’objet de réflexions
sur son usage pédagogique19.
La sortie des films a entraîné une redéfinition du Seigneur des Anneaux
comme produit multimédia et franchise commerciale mondialisée20, ce
qui a ouvert la voie à de nouvelles formes d’appropriation de la part
d’un lectorat élargi et renouvelé. Vincent Ferré affirme ainsi que « la
véritable rupture s’est produite avec l’adaptation cinématographique
du Seigneur des Anneaux par Peter Jackson, entre 2001 et 2003. Les
ventes témoignent de l’intérêt soudain pour l’œuvre : plus de livres se
sont vendus au cours de la seule année 2001 que pendant les sept
années précédentes, entre 1994 et 2000, ou les vingt premières
années, entre 1972 et 1992 »21.
Martin Barker et Ernest Mathijs ont mené une enquête internationale
sur la réception des films, en se fondant sur plusieurs méthodes22 : une
analyse des stratégies marketing différenciées selon les pays ; une
enquête par questionnaire dans 20 pays ; des entretiens avec des
spectateurs, dont certains sont également lecteurs.
Les auteurs invitent à rompre avec l’illusion de l’instantanéité de la
réception : elle n’est pas un acte immédiat mais un processus, avec
une temporalité spécifique, une chronologie. Une œuvre existe au-delà
de sa publication : rumeurs, polémiques, produits dérivés, campagnes
de promotion, sites Internet, tous ces « matériaux ancillaires » jouent
un grand rôle dans le processus de construction du sens des objets
culturels populaires, et informent les attentes et les interprétations. Les
auteurs ont ainsi mis en évidence les différences entre les spectateurs
qui avaient lu le livre et les autres, de même que les formes spécifiques
d’interprétation d’une catégorie de spectateurs, qui « ont l’amitié
comme fil commun à travers trois principales questions (personnage
préféré, source d’information, et événement social) ». Regarder
Le Seigneur des Anneaux se fait donc entre amis et c’est un film sur
Lecture Jeune - mars 2009
16 « La constitution du champ de la bande
dessinée », Luc Boltanski, in Actes de la
recherches en sciences sociales, n°1,
1975, p.42
17 Vincent Ferré, op. cit. p.22
18 « Bien lire, entre lectures utiles et
lectures futiles », Christine Détrez, in
Bulletin des bibliothèques de France,
n°6, novembre 2001, pp.14-23
19 « Peut-on lire le Seigneur des Anneaux
en classe ? », Marie-Cécile Guernier, in
Lire au lycée professionnel, n°55, automne
2007, pp.14-20
20 Popular Culture in Global Context :
The Lord of the Rings Phenomenon, Ernst
Mathuis, Wallflower Press, 2006
21 « La réception de J.R.R. Tolkien en
France, 1973-2003 : quelques repères »,
Vincent Ferré, in Tolkien, trente ans après,
Christian Bourgois, 2004, p.30
22 Watching the Lord of the Rings :
Tolkien’s World Audiences, Martin Barker,
Ernst Mathuis, Peter Lang Publishing, 2007
28
Classique littéraire, best-seller ou œuvre culte ?
Le cas du Seigneur des Anneaux
l’amitié. Les circonstances de la réception (aller voir le film entre amis)
sont ici associées au processus d’attribution de sens au film par les
spectateurs.
23 « Lecture des filles et des garçons :
à propos du Seigneur des anneaux »,
Christine Détrez, in Les jeunes et
l’agencement des sexes, Paris, La Dispute,
2007, p.54
24 op. cit. p.62
Publications
d’Olivier Vanhée
• « La production d’une “ culture
manga “ en France : une analyse
sociologique de la pluralité des
appropriations et des pratiques
liées au manga », in Japon Pluriel
n°7, Actes du 7e colloque de
la Société française des études
japonaises, éditions Philippe
Picquier, 2008
• « Reading Harry Potter :
a Personal and Collective
Experience », Participations.
Journal of Audience & Reception
Studies, 5-2, novembre 2008
• « Les nouvelles sensibilisations
au livre », « Les librairies manga »,
« Les librairies Album »,
in Histoire des librairies, éditions
du Cercle de la librairie, 2009
On a pu essayer de voir comment la réception du film était encadrée
par ces discours et matériaux promotionnels dans le cadre d’une
enquête de réception menée en 2003-2004. Christine Détrez a
constaté une modification sensible du lectorat de Tolkien suite à la
sortie du film : « Dans une enquête réalisée en 2002 en DrômeArdèche, on obtient trois quarts de garçons et un quart de filles dans
les lecteurs déclarés du Seigneur des Anneaux ». Nous constatons
néanmoins que les discours d’accompagnement du film sont très
différenciés selon le genre du public ciblé par les magazines pour
adolescents : « Ces magazines tentent de guider les réceptions de
leurs lecteurs en associant filles et garçons à des univers différents :
émotion et prisme des identifications pour les filles, univers de l’héroïcfantasy et humour pour les garçons »23. Les entretiens mettent surtout en
évidence une différenciation des réceptions des filles selon leur milieu
social d’origine : « la critique féminine des stéréotypes genrés émane
principalement des adolescentes des milieux les plus favorisés, pour
qui elle fonctionne comme un véritable moyen de distinction : pour ces
jeunes filles, la vraie fille, la chochotte, c’est l’autre, et surtout pas elle ».
Une différence notoire avec les garçons, pour qui « l’acceptation du
stéréotype semble bien moins problématique » : « tous les adolescents
interrogés disent apprécier le film pour ses scènes de bataille et
pour l’histoire en général, se référant ainsi explicitement au modèle
classique des préférences masculines ». Mais il faut bien distinguer
ici ce qui relève d’une déclaration et d’une réelle intériorisation, et
on notera que ce sont les capitaux scolaires et l’origine sociale qui
différencient d’abord les réceptions : « l’attention à la psychologie […],
la capacité à percevoir un message dans le film, et à l’exprimer, est un
axe d’interprétation extrêmement distinctif, et qui dépend non pas de
l’identité genrée, mais bien des capitaux scolaires et sociaux détenus
par les adolescents, filles ou garçons »24. Si le lectorat du Seigneur
des Anneaux s’est donc élargi et féminisé, grâce à la médiatisation
des films, on constate une différenciation des modes d’appropriation,
et un décalage avec les horizons d’attente élaborés par les discours
d’accompagnement.
Lecture Jeune - mars 2009
29
Le dossier Les éditeurs et les « classiques »
Anne Clerc Table ronde
Du côté de l’offre éditoriale, trois éditeurs on accepté de
présenter leur démarche autour des « classiques ». Quels
titres choisissent-ils de publier ? Comment entendent-ils les
promouvoir auprès du public adolescent ? Est-ce qu’il s’agit
de proposer de nouvelles traductions, des réécritures ou de
proposer un texte intégral ? Il est intéressant dans un premier
temps, de distinguer le travail qui est réalisé sur les classiques
« du passé », notamment dans les catalogues d’Hachette
Jeunesse et de Gallimard Jeunesse, et dans un second temps,
la politique de François Martin, sur la collection « Babel J »
rééditant des ouvrages contemporains, qui seront peut-être
« les classiques de demain ».
Annick Lorant-Jolly : Charlotte Ruffault, quelle est la part des
classiques dans votre catalogue et quels sont vos critères de
sélection ?
Charlotte Ruffault : Hachette fut un des éditeurs pionniers de la
transmission populaire de la littérature. Aussi, nous nous devons de
poursuivre cette mission. À l’heure actuelle, la collection qui promeut
les classiques est « Le Livre de Poche Jeunesse ». « Le Livre de Poche »
est une filiale du groupe et il y a un dialogue permanent entre
le secteur adulte et la jeunesse, dont j’ai la charge. Mais quand
s’arrêtent les classiques et quand commencent les contemporains ?
La question se pose à chaque réédition. Premier constat : sans le
travail de prescription de l’École, certains textes ne seraient plus
lus. Nous avons classé la sélection en deux segments (en dehors
des genres) : classiques et contemporains. Hachette Jeunesse a
réservé le segment « classique » aux œuvres écrites avant les années
70/80. Cette date marque l’explosion de la littérature jeunesse en
France, l’engouement des auteurs pour ce public et la naissance de
très nombreuses collections. Avant les années 70, et l’apparition
des collections de poche pour la jeunesse, il n’y avait quasiment
que « la Bibliothèque rose » et « la Bibliothèque verte ». Mais le
fonds « contemporain », né après 1980, ne résiste pas toujours à
la dictature de l’offre et la demande… Très peu de textes récents
perdurent. Il n’y en a qu’une petite centaine dans le catalogue
et ce sont essentiellement ceux qui ont été « élus » par l’École
comme des titres de référence. On observe deux phénomènes : la
démission des parents qui ne transmettent plus « leurs » classiques,
et une banalisation du travail des auteurs. Il faut s’interroger : que
transmettre au jeune public ? Pourquoi ces titres-là en particulier ?
Parce qu’ils ont laissé chez les lecteurs (adultes), une trace plaisante,
enrichissante, indélébile.
Lecture Jeune - mars 2009
Animée par
Annick Lorant-Jolly
Avec François Martin, Actes
Sud Junior, directeur
de la collection « Babel J » ;
Catherine Bon-de Sairigné,
responsable du service
éditorial de Gallimard
Jeunesse ;
Charlotte Ruffault, directrice
d’Hachette Jeunesse, en
charge du secteur « Fiction
Jeunesse ».
Catherine Bon-de Sairigné
Après des études d’Histoire de l’Art
à l’Institut d’Art et d’Archéologie,
Catherine Bon-de Sairigné a collaboré au bimensuel Astrapi (Bayard
Presse) en tant que journaliste
extérieure avant d’écrire des livres
documentaires pour les enfants. Elle
est l’auteur de plusieurs titres de la
collection « Découverte Benjamin »
chez Gallimard Jeunesse. Entrée
chez Gallimard Jeunesse en 1984
comme responsable de cette collection, elle a été ensuite en charge
de la collection « Les Racines
du Savoir » et de la collection
« Secrets ». Elle est responsable
du département « Littérature » de
Gallimard Jeunesse, depuis 1999.
30
Les éditeurs et les « classiques »
ALJ : Quand vous décidez de rééditer un livre, dit « classique »,
tentez-vous de le remettre au « goût du jour » ?
Charlotte Ruffault
Depuis près de 30 ans fidèle au
secteur jeunesse de la littérature,
d’abord comme bibliothécaire,
puis comme éditrice, et parfois comme auteur (Gallimard,
Larousse, Syros), et après avoir
été journaliste, Charlotte Ruffault a
connu plusieurs maisons d’édition.
Conceptrice de collections qui ont
marqué leur temps : « Les Petits
carnets » par exemple, en 1975
chez Syros, ou plus tard, dans les
années 80, « Les Dictionnaires »
des sentiments, des émotions ou
encore la collection « J’accuse »,
toujours chez Syros, elle a travaillé
aussi bien avec des petits éditeurs
comme Le Sourire qui mord ou
Syros (qu’elle a dirigées pendant
cinq ans), que des plus importants
comme Bayard Jeunesse. Depuis
plus de six ans, elle est directrice
chez Hachette Livre, en charge
du secteur « Fiction Jeunesse », qui
comprend, entre autres,
les célèbres « Bibliothèque Rose »
et « Verte », et la non moins
connue collection du « Livre de
Poche Jeunesse ».
1 Oliver Twist, de Charles Dickens, « Le
Livre de Poche Jeunesse », Hachette, 2005
CR : Oui, il est important d’adapter une collection à son époque.
Notamment, en choisissant des illustrations qui sont plutôt attrayantes.
Pour ce faire, « Le Livre de Poche Jeunesse » renouvelle régulièrement
ses couvertures. Plus les œuvres sont classiques, moins elles sont
évidentes à l’achat, donc l’« enveloppe » joue un rôle prépondérant.
Il y aussi la question des traductions. Pendant longtemps, Hachette
Jeunesse s’est reposée sur des versions datant du XIXe ou du début
du XXe siècle, or une traduction « vieillit » très rapidement, beaucoup
plus vite que son texte original. Par conséquent, des classiques sont
retraduits. Cela a été le cas récemment pour Oliver Twist1, et pour
Mon ami Frédéric2.
ALJ : Gallimard Jeunesse mène également un travail de promotion
sur les classiques. Catherine Bon-de Sairigné, pouvez-vous
nous éclairer sur la politique de votre maison ?
Catherine Bon-de Sairigné : Nous sommes très attachés à soutenir
notre fonds et à faire en sorte que la vie des livres ne soit pas
éphémère. Nous publions bien sûr bon nombre de titres dits
classiques, qui font partie du patrimoine des siècles passés. Et nous
avons à notre catalogue de grands auteurs qui font indéniablement
partie des classiques et qu’il est important de soutenir : comme Kessel,
Hemingway, Roald Dahl ou Le Clézio, pour n’en citer que quelquesuns. Pour faire vivre tous ces ouvrages, nous pouvons proposer de
nouvelles traductions, plus accessibles (c’est ce qui est fait pour les
titres que nous publions dans ce que nous appelons les « Folio junior
Universels »), nous pouvons renouveler les couvertures. C’est le cas
par exemple dernièrement des illustrations de couverture des romans
de Jules Verne3. Nous n’indiquons pas de segmentation des livres
par genre au sein de nos collections, c’est pour nous trop arbitraire.
Mais sur la 4e de couverture, nous nous efforçons de donner une idée
claire du contenu du livre, de ses caractéristiques, des genres qu’il
aborde (histoire, aventure, humour etc.), de son auteur. Il y a des
auteurs qui sont devenus ou sont appelés à devenir des « classiques »,
comme Michael Morpurgo ou J.K. Rowling. Je pense qu’une
œuvre classique a une qualité littéraire, une force d’écriture et une
universalité dans les thèmes qui sont abordés. En ce sens, Harry Potter
est un futur classique. Ce sont aussi des livres qui ont un pouvoir de
séduction qui peut toucher un large éventail, par l’âge, de lecteurs.
Parmi les nouveaux auteurs, l’œuvre de Timothée de Fombelle4 est
l’un des coups de cœur de Gallimard Jeunesse, qui espère bien le
garder longtemps dans son catalogue et en faire un classique ! Les
collections de poche sont accessibles au plus grand nombre, certes,
mais il y a également les belles éditions en grands formats. Et si
la plupart du temps, le chemin s’effectue du grand format vers le
poche, il y a également des trajets inverses. Par exemple certains
titres de Michael Morpurgo, comme Cheval de guerre5, d’abord paru
en « Folio Junior », qui a été réédité avec des illustrations en couleurs
de François Place.
Lecture Jeune - mars 2009
31
ALJ : Et comment faites-vous pour décider si un texte restera
ou non au catalogue ? Comment s’effectue cette entreprise
d’élagage ?
CR : Lorsqu’il s’agit de « littérature de divertissement », un ouvrage vendu
à moins de 500 ou 400 exemplaires, n’est pas conservé. Actuellement,
en France, un ouvrage jeunesse se vend en moyenne aux alentours
de 1500 à 2000 exemplaires. En dessous de 2000 exemplaires, un
livre n’est quasiment pas rentable. Par contre, une œuvre classique,
qui est dans le catalogue depuis plus de 10 ou 20 ans, a une chance
supplémentaire. L’éditeur analyse l’état des stocks et suit l’évolution de
l’ouvrage. S’il n’est vendu qu’à 200 exemplaires, mais que les ventes
restent stables sur l’année, il est conservé. Mais, si les ventes se sont
effondrées, il part dans ce que j’appelle « le petit placard », en attendant
une occasion pour le mettre en avant.
CBDS : Notre sélection n’est pas aussi systématique. Notre équipe étudie
les chiffres de vente, mais nous pouvons choisir de conserver des livres
qui nous tiennent à cœur bien que ceux-ci n’aient pas réalisé des chiffres
de ventes extraordinaires. Mais il faut parfois faire des choix difficiles et
des arbitrages entre des titres, pour laisser de la place à des ouvrages
que l’on souhaite également défendre.
ALJ : Quelles sont les occasions qui permettent de mettre les
classiques en avant ?
CR : Parmi les « opportunités », il y a l’École, le travail de l’éditeur auprès
des professeurs. Et surtout, l’adaptation d’un classique au cinéma. Il y
a un véritable engouement des cinéastes pour la littérature jeunesse et
chaque année, une dizaine de films sont adaptés de romans jeunesse !
C’est une aubaine pour le fonds car nous pouvons mettre en lumière un
titre du patrimoine. Ainsi, nous avons travaillé sur Oliver Twist, qui a eu
la chance d’être revisité par Polanski6 au cinéma. Aussi, l’éditeur tente
de faire coïncider la publication de la nouvelle édition avec la sortie du
film. Et souvent, on retrouvera l’affiche du film en couverture. « Le Livre
de Poche Jeunesse » a également réédité Les Enfants de Timpelbach7 de
Winterfeld, à la sortie du film de Nicolas Barry, en décembre 2008. Tout
comme ce fut le cas pour Oliver Twist, les répercussions sur les ventes
sont immédiates. Ces œuvres connaissent un renouveau. Et enfin, il y
a les commémorations : les anniversaires de la naissance ou de la mort
d’un auteur, qui sont autant d’occasions pour faire vivre le catalogue des
classiques.
ALJ : Pour revenir aux classiques de demain, comment faitesvous, François Martin, pour choisir les titres qui intégreront la
collection « Babel J » ? Quels sont vos critères ?
François Martin : Actes Sud est une maison qui vient de fêter ses 30
ans, donc elle n’a pas l’ancienneté de Gallimard ou d’Hachette. Par
conséquent, nos orientations sont différentes. « Babel J » est une collection
qui tente de faire le pont entre le secteur jeunesse et le secteur adulte. Sa
vocation est « transfrontières », visant un lectorat de lycéens et de jeunes
adultes. Elle est adossée à la collection poche, prestigieuse, d’Actes
Lecture Jeune - mars 2009
2 Mon ami Frédéric, de Hans Peter Richter,
« Le Livre de Poche Jeunesse », Hachette,
2007
3 Voyage au centre de la Terre, de Jules
Verne, « Folio Junior », Gallimard Jeunesse
2008
4 Timothée de Fombelle est l’auteur de
Tobie Lolness : La vie suspendue, T.1, 2006
et Les Yeux d’Elisha, T.2, 2007, Gallimard
Jeunesse
5 Cheval de guerre, de Michael Morpurgo,
illustré par François Place, « Folio Junior »,
Gallimard Jeunesse, 2008
6 Oliver Twist, réalisé par Roman Polanski,
Pathé Distribution, 2005
7 Les Enfants de Timpelbach, de Henry
Winterfeld, « Le Livre de Poche Jeunesse »,
Hachette, 2008
32
Les éditeurs et les « classiques »
Après une formation en Lettres
modernes et journalisme, François
Martin a travaillé dans le domaine
de l’action culturelle et événementielle.
Puis il est entré aux éditions
Actes Sud Junior en 1997.
Il est aujourd’hui éditeur, en charge
de la fiction (albums, romans,
poésie…) et, à ce titre, s’occupe
de la collection « Babel J ».
Sud « Babel », une collection qui elle-même a ses spécificités, relevant
d’une démarche éditoriale intégrée. La collection « Babel J » comprend
aujourd’hui une vingtaine de titres et est constituée presque pour moitié
de traductions ; avec peut-être des ouvrages qui seront les classiques
de demain, si l’on pense à Sous le règne de Bone, de Russell Banks
ou Loin, très loin de tout de Ursula Le Guin. Tous les titres « Babel J »
sont donc issus de la littérature générale. Dans un premier temps, nous
« puisons » dans le fonds d’Actes Sud, mais également dans le catalogue
des éditeurs associés, qui aujourd’hui appartiennent au même ensemble.
Par exemple, nous avons édité deux titres de la collection « La Brune »
que dirige Sylvie Gracia aux éditions du Rouergue (Mon amour ma
vie8, de Claudie Gallay et Le Problème avec les maths9, de Catherine
Leblanc). Je tiens à souligner que « Babel J », c’est Actes Sud. Cette
filiation est essentielle car la collection prend appui sur une identité forte.
Néanmoins la collection ne se restreint pas à la maison mère et certains
titres proviennent d’éditeurs indépendants, comme Marguerite10, de Leïla
Sebbar, paru initialement chez un petit éditeur, Folies d’Encre. Pour ces
derniers, c’est une réelle opportunité car l’ouvrage sera diffusé dans les
circuits de la littérature jeunesse. L’une des spécificités d’Actes Sud, c’est
d’avoir sa propre diffusion et ses propres équipes de représentants, dont
une qui se consacre spécifiquement aux catalogues jeunesse.
8 Mon amour ma vie, de Claudie Gallay,
ALJ : Vous publiez également des titres étrangers, comment
effectuez-vous votre sélection ?
François Martin
« Babel J », Actes Sud Junior, 2008
9 Le Problème avec les maths,
de Catherine Leblanc, « Babel J »,
Actes Sud Junior, 2007
FM : Je sollicite pour cela tous les éditeurs concernés de la maison. Parmi
les traductions, nous avons ainsi Je suis le tigre sur tes épaules11. Quand
il est sorti chez Actes Sud dans les années 90, il n’a pas eu le succès
escompté et l’ouvrage a connu un second souffle lorsqu’il a été publié
dans la collection « Babel J » en 2006. Les traductions nous permettent
d’explorer des aires linguistiques qui sont rarement publiées en édition
(par exemple, Enfants des rues12, qui est traduit du chinois). J’aime
l’idée que cette collection soit ouverte sur le monde, sur la littérature
traduite, à l’image des jeunes adultes qui voyagent, étudient à l’étranger.
« Babel J » cherche à décloisonner les lectorats, mais encore fautil que nous soyons relayés, qu’il y ait des espaces, des médiateurs,
qui permettent ce passage entre secteur jeunesse et secteur adulte.
Mettre ces livres à la portée d’une nouvelle génération de lecteurs, c’est
tout le défi.
10 Marguerite, de Leïla Sebbar,
« Babel J », Actes Sud Junior, 2007
11 Je suis le tigre sur tes épaules,
de Günter Ohnemus, « Babel J »,
Actes Sud Junior, 2006
12 Enfants des rues, de Ta-Chun Chang,
« Babel J », Actes Sud Junior, 2007
Lecture Jeune - mars 2009
Gérer et valoriser
un fonds de classiques
Le dossier en bibliothèque
33
Christine Péclard Étude
Pour tenter une synthèse des différentes définitions évoquées
tout au long de la journée d’étude, le titre de « classiques » sera
attribué aux œuvres qui résistent au temps, par leur thématique,
leur style et leur écriture. Nous pouvons distinguer deux types
de « classiques ». D’une part, les œuvres qui ont défié les siècles,
le plus souvent destinées à un public d’adultes et adoptées par
les jeunes comme Defoe, Dickens, London, Stevenson, Twain,
Verne, Wilde… ou bien des œuvres destinées aux enfants, comme
Carrol, Collodi, Lagerlöf, Malot, Ségur, Stahl… D’autre part, des
œuvres contemporaines qui sont plébiscitées par les jeunes et
rééditées régulièrement.
Gérer un fonds de classiques
Les acquisitions
Une œuvre classique doit être considérée sous deux aspects : le
texte, dont le bibliothécaire retiendra l’édition intégrale, plutôt qu’une
adaptation, et sa présentation matérielle (format, couverture, illustrations
éventuelles) qui gagne à être actualisée.
Un fonds de « classiques » doit être, paradoxalement, constamment
renouvelé. Les éditions en fac-similé avec les gravures d’origine doivent
cohabiter avec des collections de poche avec ou sans illustrations, pour
offrir toutes les approches et permettre l’appropriation des œuvres, sans
phénomène de sacralisation.
Il appartient aux bibliothèques qui ont mission de conservation, comme
l’Heure Joyeuse à Paris, la BnF et la Joie par les livres, de conserver
toutes les éditions existantes comme témoignages d’une époque pour
les chercheurs à venir. Aux bibliothèques de lecture publique revient la
mission de faire la promotion de ces œuvres sous les formes les plus
attrayantes et les plus modernes possible.
La Joie par les livres aide les bibliothécaires à faire le tri dans leurs
rayons et à repérer les éditions remarquables signalées dans la Revue
des livres pour enfants ou dans le guide de lecture Escales en littérature
de jeunesse, régulièrement réédité, qui propose un choix de classiques
publiés avant 1940 : 76 titres, en additionnant les titres des deux
volumes, dans l’édition de 2001, 65 dans la réédition de 2007.
Dans l’édition de 2007, 13 titres disparaissent et non des moindres :
Oliver Twist et David Copperfield de Dickens, Moonfleet de Faulkner,
Casse-Noisette d’Hoffman, Deux pour une de Kästner, Les Patins
d’argent de Stahl, L’Île mystérieuse, Les Enfants du Capitaine Grant et
Michel Strogoff de Jules Verne.
Faut-il en déduire que ces titres sont démodés et ne se lisent plus ?
Ce serait hasardeux, si nous les comparons à ceux réédités dans la
Lecture Jeune - mars 2009
Christine Péclard
a travaillé pendant 20 ans dans
différentes bibliothèques jeunesse
en banlieue et à Paris et a créé
la bibliothèque spécialisée pour
la jeunesse dans le 19e arrondissement de Paris. Elle a été responsable
d’une bibliothèque de trois sections
dans le 13e arrondissement où elle a
développé de multiples partenariats,
avant d’être chargée de la coordination
des bibliothèques jeunesse de la Ville
de Paris. Depuis avril 2007, elle est
chargée de la préfiguration de la
médiathèque Marguerite Duras, qui
ouvrira fin 2009, rue de Bagnolet,
à Paris.
La petite fille aux oiseaux,
Lucie Rauzier-Fontayne
34
Gérer et valoriser un fonds
de classiques en bibliothèque
1 Don Quichotte, Miguel de Cervantes
Saavedra, Milan jeunesse, 2006.
Moby Dick, Herman Melville,
Hachette Jeunesse, 2001
2 Le Chancellor, Jules Verne, Actes Sud
Junior, Les mondes connus et inconnus/
Ville de Nantes, 2004
Mirifiques aventures de Maître Antifer,
Jules Verne, Actes Sud Junior, Les mondes
connus et inconnus/Ville de Nantes, 2004
Le Rayon vert, Jules Verne, Syros jeunesse,
2004
Le Sphynx des glaces, Jules Verne,
Actes Sud Junior, Les mondes connus et
inconnus/ Ville de Nantes, 2004
L’Île rose, Charles Vildrac,
Ed. Thierry Magnier, 2006
Le Prince heureux, Gallimard jeunesse,
2002
3 Escales en littérature de jeunesse,
la Joie par les livres, Ed. du Cercle
de la Librairie, 2001 et 2007
4 Des livres et vous : bibliographie
sélective pour les années collège,
production pour la jeunesse et qui ne paraissent pas plus modernes : Don
Quichotte de Cervantes, Moby Dick de Melville1, quatre titres de Jules
Verne réédités à l’occasion du centenaire de sa mort en 2005, L’Île rose
de Vildrac, et Le Prince heureux de Wilde2.
Au hasard des disparitions et des créations de collections des maisons
d’édition, les titres passent d’un catalogue à un autre et parfois
disparaissent purement et simplement en attendant une éventuelle
réédition. Quoi qu’il en soit, les bibliothécaires continuent à débusquer
avec opiniâtreté les classiques dans les catalogues d’éditeurs, afin de
les proposer à leurs lecteurs.
Ils signalent, le cas échéant, les titres épuisés dont ils déplorent la
disparition dans l’espoir d’attirer l’attention des éditeurs :
-- 32 titres signalés, sur 700 romans et nouvelles dans la dernière édition
d’Escales en littérature de jeunesse de La Joie par les Livres.3
-- 10 titres sur les 333 proposés dans la dernière édition de la bibliographie
sélective des années collège : Des livres et vous, de la Ville de Paris.4
Même s’ils sont indisponibles en librairie, ces titres se trouvent toujours
en bibliothèque et méritent d’être promus.
L’interpellation des éditeurs peut déboucher sur un véritable partenariat.
Ainsi, la collaboration entre Thierry Magnier et la Joie par les livres
a permis la réédition, en 2006 de L’Île rose de Charles Vildrac5
(réactualisé par la belle exposition que l’Heure Joyeuse a dédiée à cet
auteur, à l’occasion du 40e anniversaire de sa mort en 2001), ou encore
de La Petite Fille aux oiseaux, de Lucie Rauzier-Fontayne, publié en
19586. Certains éditeurs, comme Jean Delas de l’École des loisirs, sont
tellement conscients de la promotion apportée à leur production par les
bibliographies sélectives des bibliothèques de la Ville de Paris qu’ils en
financent les retirages et les diffusent dans leurs propres points de vente.
les Bibliothèques de la Ville de Paris,
Paris-Bibliothèques éditions,
1995, 2000, 2006
5 L’Île rose était paru
chez Albin Michel en 1924
6 La Petite Fille aux oiseaux, Lucie
Rauzier-Fontayne, Ed. Thierry Magnier,
« Romans ados », 2006.
(publiée dans « La Bibliothèque rose »,
chez Hachette en 1958)
Le classement
Tous les types de classement ont été expérimentés par les bibliothécaires :
les collections pour adolescents, mêlant les classiques et les textes
contemporains, ont été, tantôt isolées, tantôt mélangées aux romans pour
la jeunesse ou pour adultes. Tous ces classements ont trouvé des adeptes
ou des détracteurs au fil des années, autant parmi les bibliothécaires que
parmi les lecteurs.
Aujourd’hui, nous avons tout à gagner à ne pas cantonner les adolescents
aux sections jeunesse, mais à les encourager à se familiariser le plus
tôt possible avec les collections de la section adulte, en facilitant au
maximum le passage. Les passerelles telles que l’espace Intermezzo à
Toulouse, les espaces décloisonnés comme à Marne-la-Vallée, sont des
modèles qui tendent à se généraliser.
C’est sur ce principe que nous organiserons les espaces de la future
médiathèque Marguerite Duras, rue de Bagnolet, dans le 20 e
arrondissement, à Paris, sur 4 200 m2.
Valoriser un fonds de classiques
Mais cela ne suffit pas pour permettre une appropriation des collections.
Rien ne remplace le conseil au lecteur qui peut prendre plusieurs formes :
Lecture Jeune - mars 2009
35
Le conseil individualisé
L’incitation à la lecture pour les plus jeunes, diffère à l’adolescence. La
revendication d’autonomie des adolescents passe par le refus du conseil
des adultes, surtout ceux des parents et des bibliothécaires, qui ont guidé
leurs premiers pas dans la lecture. Comme le signale Claude Poissenot :
« la bibliothèque est d’inspiration parentale et d’inspiration scolaire
également. Il est donc difficile pour les adolescents de s’autonomiser par
rapport à un lieu qui émane de ce dont il convient de se détacher. »7
7 Adolescents et bibliothèques : Je t’aime,
moi non plus : Actes du colloque organisé
Les présentations de romans
Elles ont lieu dans le cadre de comités de lecture, animés par les
bibliothécaires, dans les CDI de collège ou de lycée, en partenariat avec les
professeurs documentalistes, et connaissent un grand succès. Ces comités
de lecture fonctionnent d’autant mieux qu’ils débouchent sur des rencontres
avec les auteurs, en « chair et en os »… De toute évidence, ce n’est pas le
meilleur vecteur de promotion des œuvres classiques du patrimoine.
par le Conseil général du Val d’Oise et
l’association Cible 95, le 20 octobre 2005
à l’Institut polytechnique Saint-Louis
Les prix
Certains prix littéraires (Les Incorruptibles, le Goncourt des lycéens, etc.)
sont un excellent moyen de faire lire – même de « faibles » lecteurs… –,
mais il ne s’agit que de promouvoir des romans qui font l’actualité !
Les bibliographies sélectives
Elles laissent une grande liberté aux jeunes lecteurs, proposant des
parcours de lecture par genre, thème, auteur, ou niveau de lecture. Elles
constituent un bon moyen de promotion de la littérature, surtout si la
présentation est attrayante et si la mise en page permet la reproduction
de couvertures des ouvrages proposés.
Les bibliographies sélectives par tranche d’âge, proposées par la Ville de
Paris et remises à jour tous les 5 ans, intègrent aussi bien les classiques
de la littérature de jeunesse que les meilleurs exemples de la production
la plus récente. En comparant les trois éditions de la bibliographie
sélective des années collège Des livres et vous, parues respectivement en
1995, 2000 et 2006, on peut faire un certain nombre de constatations,
d’une part par rapport au catalogue destiné aux prescripteurs, d’autre
part, par rapport à la plaquette distribuée gratuitement aux usagers qui
représente une sélection de la sélection.
L’intérêt de la première édition était précisément de mêler les classiques
« anciens » et contemporains, dans le même classement thématique :
Jules Verne voisinait ainsi avec Christian Léourier ou Michel Honaker,
Tom Saywer, l’intrépide, côtoyait Le Prince de Central Park ou Smith8;
London, Stevenson ou Mac Orlan proposaient la découverte de
terres lointaines, tout comme François Place ou Michael Morpurgo.
L’Enfant de Jules Vallès ne rougissait pas du voisinage avec L’Enfant du
dimanche de Gudrun Mebs. Enfin, les maîtres du polar s’appelaient
aussi bien Jonquet, Horowitz ou Pennac, que Doyle ou Leblanc. Dix
ans et deux éditions plus tard, les œuvres du patrimoine ont cédé, sous
la poussée d’une production pléthorique (10 000 titres de littérature
jeunesse édités en 2008, dont 6 000 nouveautés), dont on a retenu
les meilleurs titres.
Lecture Jeune - mars 2009
L’Enfant du dimanche, Gudrun Mebs
8 Tom Saywer, Mark Twain ; Le Prince de
Central Park, Evan H. Rhodes ; Smith, Léon
Garfield
36
Gérer et valoriser un fonds
de classiques en bibliothèque
9 Le parti pris de ne retenir dans cette
liste que les titres déjà parus en 1995
(date de la 1ère édition de « Des livres
et vous »), élimine de fait les titres plus
récents, cités dans la dernière édition,
dont certains ont déjà acquis le statut
de « classiques », comme Jean-Claude
Mourlevat, L’Enfant-Océan, paru en
1999, Louis Sachar, Le Passage, 2000,
John Marsen, Lettres de l’intérieur,
1998, Philippe Pulmann, À la croisée
des mondes, dont le premier tome :
Les Royaumes du Nord est paru en 1998,
ou encore J. K. Rowling, Harry Potter
à l’école des sorciers, 2002 et plus
récemment, Timothée de Fombelle,
Tobie Lolness : La Vie suspendue, 2006 et
Les Yeux d’Elisha, 2007
Le Passeur, Lois Lowry
Publications
de Christine Péclard
• « Le rôle de la formation
dans le métier de bibliothécaire
pour enfants », C. Péclard et
M.-L. Gestin, in La Revue des
livres pour enfants, n° 193-194,
juin 2000
• « Un projet d’établissement
fédérateur », in Lecture Jeune,
n° 112, décembre 2004
• « Les bibliothèques et les
tout-petits », in Lectures, livres,
et bibliothèques pour enfants,
Cercle de la Librairie, p.128-136,
1993
• « Une aventure : l’Heure
Joyeuse », mémoire de fin d’étude
du DSB, 1985
Les « classiques » ont quasiment disparu de l’édition de 2006, à une
exception près : Bilbot le Hobbit, de Tolkien, paru en 1937, donc
correspondant aux critères de la sélection de La Joie par les Livres
(parution avant 1940).
Pour les œuvres contemporaines, le taux de renouvellement entre deux
éditions reste très important. Sur les 434 titres de l’édition de 2006,
34 ont plus de 10 ans, soit 7,8 % seulement de la sélection.
Au total, 55 titres de la deuxième édition, dont 21 parus entre 1999
et 2000, sont encore cités dans la troisième édition, soit 12,6 % de la
sélection.
Si l’on compare la 1ère et la 3e édition de la bibliographie, seuls 37 titres
de l’édition de 1995, dont 4 titres épuisés, sont cités parmi les 434 de
l’édition de 2006, soit 8,5 % (cf. liste des titres cités en tableau).
Il est assez rassurant de voir que les auteurs cités comme « classiques »
par Françoise Ballanger et l’aréopage qu’elle a consulté pour établir son
palmarès ont été également retenus par les bibliothécaires parisiens :
ainsi Michael Morpurgo, Robert Cormier et Lois Lowry sont
consacrés comme classiques. Marie-Aude Murail est toujours
plébiscitée par les jeunes, même si son œuvre est trop « dans l’air du
temps », comme le souligne Françoise Ballanger, pour résister au
passage des générations.
Enfin, cette sélection9 donne raison à François Martin, directeur de la
collection « Babel J» chez Actes Sud Junior, qui vient de rééditer Loin, très
loin de tout de Ursula Le Guin.
Est-ce à dire que les bibliothécaires renoncent à leur rôle de passeur
en refusant de promouvoir les classiques, en contradiction avec le soin
qu’ils mettent à maintenir cette offre pour les générations présentes et
futures ? Laisserons-nous définitivement à l’Éducation Nationale le soin
de transmettre ces œuvres ?
Suivons plutôt l’exemple du comité de lecture de Livres au trésor qui,
conscient de l’enjeu, propose à ses participants de revisiter les classiques
et réalise des bibliographies sur les grands héros de la littérature enfantine
comme Peter Pan. La comparaison de ces différentes sélections permet
de dégager un certain consensus, au moins parmi les prescripteurs. Il
reste maintenant à vérifier que ce palmarès est le même pour les lecteurs
concernés ! C’est un nouveau sujet d’étude à approfondir.
Titres communs à la première (1995) et à la troisième édition (2006)
Des Livres et vous : bibliographie sélective pour les années collège
1937 1980
1979
1980
1981
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Bilbot le Hobbit, J.R.R. Tolkien
Anastasia Krupnik, L. Lowry
Les Garennes de Watership Down, R. Adams
La Tue-mouche, J.-H. Malineau (épuisé)
Une difficile amitié, M. Sachs
Allô! Ici le tueur, J. Bennet
La Steppe infinie, E. Hautzig
Cheval de guerre, M. Morpurgo
Premier amour dernier amour, S. Morgenstern
Harlem Blues, W.D.Myers
Mon enfance en Allemagne nazie, I. Koehn
L’Éclipse (épuisé), R. Cormier
Singularité, W. Sleator (épuisé)
La Marque du feu, J. Carol Thomas
Loin de chez moi, D. Kherdian
Bonne nuit, M. Tom, M. Magorian
Hypatia, A. Zitelman
Nous construirons une ère nouvelle
(épuisé), R. Finckh
L’île du Crâne, A. Horowitz
1991
1992
1993
1994
1995
Loin, très loin de tout, U. Le Guin
Dinky rouge sang, M.-A. Murail
Promenade par temps de guerre, A.-M. Pol
Shabanu, S. Fisher Staples
Les derniers géants, F. Place
Pas de vacances pour Immense-Savoir, M. Salzman
Le chant de Be, L. Beake
À fleur de peau, T. Damgarembga
Cher inconnu, B. Dohertie
Sudie (épuisé), S. Flanigan
La fille du Carnaval, T. Lenain
Années d'enfance, O. Jona
Tom et le jardin de minuit, P. Pearce
Bébés de farine, A. Fine
Le Passeur, L. Lowry
Sur l’autre rive, L. Sauerwein
C’est la vie Lili, V. Dayre
Avec tout ce qu’on a fait pour toi,
M. Brantôme
Lecture Jeune - mars 2009
Le dossier
Internet, nouvel espace
de légitimation adolescente
des œuvres ? L’exemple
des fanfictions sur Fascination
37
Hélène Sagnet Étude
Des fans s’emparant de leur univers préféré pour en rédiger leurs
propres versions et prolongements, le phénomène ne semble
pas nouveau1. L’Américain Henry Jenkins, spécialiste des communautés de fans, fixe l’origine des fanfictions à la série télévisée
Star Trek, dont l’arrêt avait conduit les fans à rédiger des suites,
publiées dans des fanzines2. Autour de séries ou de films cultes
comme Star Wars, s’inventent des récits qui explorent les « vides »
de l’histoire, élaborent des hypothèses de lecture, etc. Internet a
évidemment donné de l’ampleur au phénomène ; les fanfictions
ne sont plus uniquement rédigées par des fans au sens premier
du terme et leur lectorat s’est élargi. Désormais, des histoires
s’écrivent à partir de multiples univers (mangas, jeux vidéo, films,
livres…). Sur le site américain fanfiction.net, on peut lire plus
de 375 000 récits dédiés à Harry Potter (on les appelle des potterfictions), 41 400 textes autour du Seigneur des Anneaux, et plus
de 40 000 histoires sur Twilight, la série de Stephenie Meyer3 ! Si
l’engouement autour d’Harry Potter et du Seigneur des Anneaux4
ne surprend guère (ces œuvres ne pourraient-elles être qualifiées
de « classiques » ?), le phénomène Twilight est plus étonnant !
Naviguer sur Internet dans les espaces adolescents consacrés à
cette série, nous permet d’observer les engouements réels des
jeunes, ainsi que les nouvelles modalités d’appropriation des
textes. Et si Twilight ne peut, certes, pas accéder au statut d’œuvre
patrimoniale, il n’en reste pas moins un titre marquant dans le
parcours de lecture de nombreux adolescents. Qu’est-ce qui a
séduit 25 millions de lecteurs de par le monde ? Comment, sans
l’appui du marketing et de la publicité dans un premier temps,
s’est constituée la communauté de fans de Stephenie Meyer ?
Les ingrédients du succès
« La plus bouleversante tragédie amoureuse depuis Les Hauts de
Hurlevent » argue l’éditeur. Fascination tient plutôt de la littérature
populaire romantique5. Le récit est fortement ancré dans un quotidien
marqué par les codes des fictions teenage américaines – high school,
grosses voitures, etc. Le tout est mâtiné de fantastique, par le biais
des personnages de vampires et de loups-garous. En résumé : la très
banale Bella tombe amoureuse du sublime Edward qui se révèle être un
vampire, ce qui complexifie grandement leur vie sentimentale. Au-delà
de l’histoire d’amour contrariée – Edward met Bella en danger et celleci doute de ses sentiments à l’égard de Jacob, son ami le loup-garou
– l’ouvrage traite très largement de désir et de sensualité. La grande
affaire est que Bella et Edward, très attirés l’un par l’autre, ne peuvent
Lecture Jeune - mars 2009
Margaux, Élodie, Noémie et Bérénice ont
été contactées via Internet puis interrogées
lors d’entretiens téléphoniques.
Les textes cités, repris d’Internet (blogs,
forums) sont retranscrits littéralement.
Hélène Sagnet
est directrice de Lecture Jeunesse,
directrice de rédaction de la revue
Lecture Jeune.
1 Conan Doyle, qui avait fait mourir son
héros, Sherlock Holmes, n’avait-il pas dû
lui redonner vie après que des lecteurs ont
décidé d’inventer des suites aux romans ?
2 Aux États-Unis, les fanfictions sont largement étudiées dans le cadre du courant des
cultural studies. Un ouvrage de référence
est paru en 2006 : Fan fictions and fan
commmunities in the age of Internet, K.
Hellekson, K. Busse (dir.), McFarland &
Company, Jefferson (États-Unis)
3 Tous les chiffres cités datent d’octobre 2008
4 Lire l’article d’Olivier Vahnée p. 24
5 Même si l’auteur fait référence aux classiques de la littérature romantique, Les Hauts
de Hurlevent, Orgueil et préjugés, Roméo et
Juliette, etc. qu’elle cite en exergue de chaque
tome et fait lire à son héroïne, Bella !
38
Internet, nouvel espace de légitimation adolescente
des œuvres ? L’exemple des fanfictions sur Fascination
6 Le premier tome de la série s’ouvre sur
une citation de la Genèse, sur le Bien et le
Mal. La couverture fait également référence
au fruit défendu. Au fil des tomes, les
idées véhiculées sur le statut de la femme,
l’individualisme et le communautarisme,
le repli sur la famille, le mariage,
l’avortement, etc. dérangent !
7 « Ce qui me plaît, c’est que c’est à la fois
fantastique et réel… » (Margaux, 14 ans, 3e)
8 « On s’identifie au personnage de Bella
parce qu’elle est banale. »
(Elodie, 20 ans, Licence de Lettres)
9 Noémie, 20 ans, classe préparatoire
École vétérinaire
10 « J’en parle tout le temps à mes amis. »
(Margaux)
11 « On a envie que le livre soit plus connu…
L’écrivain mérite d’être connu. » (Margaux)
12 « J’ai relu Fascination cinq ou six fois. Je
relis régulièrement mes passages préférés… »
(Noémie)
13 « J’ai eu envie d’aller sur un forum
pour parler du livre. J’ai retrouvé la fille
qui me l’avait conseillée… J’ai trouvé plein
d’informations… J’ai cherché des choses sur
l’écrivain… » (Margaux)
14 « Sur mon blog, j’ai mis mes propres
analyses des caractères des personnages. »
(Noémie)
15 « Oui, le blog c’était pour prolonger un
peu l’univers… C’était aussi en attendant la
sortie, pour combler l’attente. » (Noémie)
16 En France, beaucoup sont hébergés sur
la plateforme Skyblog, par exemple : http://
eternity-edward.skyrock.com/; http://x-lionand-lamb-x.skyrock.com/, etc.
avoir de vie sexuelle sans risque, tant que Bella est humaine. Notons
d’ores et déjà que l’ouvrage nous semble assez peu progressiste. Audelà des très nombreux stéréotypes véhiculés sur le statut de la femme
(Bella est présentée comme une véritable petite femme d’intérieur,
et comme un être sans défense et, de fait, constamment sous la
surveillance d’autrui), l’ouvrage met en avant l’impossibilité de faire
l’amour avant le mariage – c’est la condition qu’Edward, né à un
autre siècle, pose à la transformation de Bella en vampire6. Quoi qu’il
en soit, l’auteure est parvenue à créer un univers captivant – parce
que toujours très réaliste, nourri de détails du quotidien, malgré la
dimension fantastique7 – et un personnage d’héroïne romantique, un
peu « fleur bleue », auquel s’identifient aisément les jeunes lectrices8. Il
est perçu comme un livre qui « fait rêver toutes les filles »9.
La découverte de l’ouvrage et son partage
Pour les lectrices, la découverte de l’ouvrage fut un moment important :
« Je suis entrée dans une librairie et c’est une jeune fille qui me l’a
conseillé. Ses yeux brillaient tellement… Ça m’a impressionné la
façon dont elle m’en a parlé ! » (Margaux). Fascination est souvent
conseillé par des pairs : « Il y avait des articles sur les blogs. Les gens
en parlaient de façon positive, encourageaient les autres à le lire…
Ils parlaient d’un livre exceptionnel ! Leurs critiques… c’était très fort !
Il y avait de l’émotion… On le voyait que sur quelques blogs, y avait
pas de presse. » (Elodie). L’objet livre a aussi largement contribué à les
séduire : « J’ai trouvé les couvertures magnifiques. » (Margaux). Et puis,
pour elles, la magie opère, voilà un livre qu’on ne peut pas lâcher :
« Je l’ai lu d’une traite. En deux jours. Quand je l’ai refermé je n’avais
qu’une envie, m’y replonger. C’était comme une drogue ! J’y repensais
tout le temps pendant la journée. C’était obsessionnel » (Noémie). Dès
lors, elles souhaitent partager ce plaisir10 et faire connaître le livre et
son auteur11.
Des formes d’appropriation actives du livre
« C’est un livre à part, il y a eu beaucoup d’émotions ! C’était la
première fois que je me sentais à ce point dans un livre. Après je
n’ai rien pu lire d’autre pendant longtemps, je trouvais les autres livres
fades… Oui, je ne voulais pas quitter cet univers » (Elodie). Pour ne pas
« quitter l’univers », les jeunes filles développent différentes stratégies.
Évidemment, elles relisent l’ouvrage12. Elles éprouvent le besoin d’en
savoir plus sur l’auteur, son univers, et fréquentent sites et forums qui lui
sont dédiés13. Et elles élaborent également des analyses personnelles,
notamment des personnages14. Ces bonnes lectrices ont aussi construit
des réseaux de lecture à partir de Fascination qui fait très directement
référence à Jane Austen et à la littérature romantique : « Bella lit des
livres. Ça m’a donné envie de lire. J’ai lu Les Hauts de Hurlevent, je
l’ai beaucoup aimé. Et Roméo et Juliette, moins. Avant j’avais déjà
lu des histoires de vampires, Héritier de Dracula, Entretien avec un
vampire… Mais je n’ai pas encore lu Bram Stoker » (Margaux). Mais
Lecture Jeune - mars 2009
39
ce qu’elles cherchent avant tout, c’est de pouvoir partager leur plaisir
de lecture, mettre en mots leurs émotions, d’où la fréquente création de
blogs consacrés à la série15.
Blogs, forums et sites d’information
Il existe des milliers de blogs autour de Fascination16. Le site de Noémie
http://fascination50.skyrock.com/ a été créé dès février 2006 !
Il a depuis reçu près de 460 000 visites ! Extrêmement riche – plus
de 56 articles – le blog est devenu « officiel ». Noémie, par le biais
d’un concours, a en effet été choisie par Hachette pour se rendre au
lancement du tome IV à New York. Le récit de ce séjour a attiré plus de
50 000 visiteurs en quelques jours ! Que trouve-t-on sur ces blogs ? Des
éléments liés à l’actualité – extraits et bandes annonces du film17, avis
sur le tome IV et événements autour de sa sortie… – ; de l’information sur
l’auteur ; des analyses – analyse des couvertures de l’ouvrage, fiches sur
les personnages, cartes et photographies des lieux du récit, éléments de
mythologie indienne et vampirique… – ; des jeux et sondages – voter
pour son personnage préféré, pour le meilleur tome de la série, pour ou
contre l’adaptation du livre au cinéma ?, faut-il que Bella se transforme en
vampire ? ou encore, le mormonisme de Stephenie Meyer influe-t-il sur le
sort des personnages ? – et également les recettes des plats que prépare
Bella, la bibliothèque de Bella, des playlists, des fanfictions, etc.
Les échanges s’organisent également sur des forums. Sur http://forum.
ados.fr/livres-bd/liste_categorie.html par exemple on trouve près de
100 pages et plus de 20 000 messages consacrés à Fascination. De
quoi y parle-t-on ? De son plaisir de lecture avant tout18 ; de l’actualité
– la sortie du dernier tome ou l’adaptation cinématographique19.
Quelques échanges également sur les goûts et la culture littéraire des
jeunes lectrices : « Donc voilà, après avoir essayé les grands auteurs j’ai
le droit de dire que j’aime SM [Stephenie Meyer]. Comme dis ma prof
de français, il faut lire des classiques mais aussi ce qu’on aime même si
pour certain, c’est de la merde, le principe est de lire » ! Les fanfictions
sont aussi fréquemment évoquées : « c une fille qui traduit des chapitres
du tome 1 mais vu par edward tu devrais les lire c trop bien meme si c
juste des fanfictions ecrite par des fans comme le dit emmy ».
17 Twilight. Chapitre 1 : Fascination, de
Catherine Hardwicke, janvier 2009
18 « Je viens de découvrir ce forum !!! Quel
plaisir de voir que vous comprenez toutes
ce qu’on ressent aprés avoir lu ces livres. »
(retranscription littérale)
19 « moi ossi j’ai tres peur de l’adaptation
du livre au ciné car c’est nous qui nous
imaginons notre edward est en voyan un qui
doit le representer sa va nous gacher un peu
le “film” mais bon en tout cas ces livres sons
vraiment magnifique… »
20 « J’aime bien écrire. J’avais déjà écrit des
fanfictions, sur une série télévisée Un dos
tres… J’ai lu des fanfictions sur des sites de
fans de séries TV… Sur Harry Potter aussi…
J’en ai écrit mais ça m’inspirait pas trop…
J’ai lu des fanfictions sur Fascination et ça
m’a plu. Fascination ça m’a inspiré ! … Oui
je crois que c’était le plaisir d’écrire avant
tout… J’ai écrit cinq ou six chapitres. J’ai
commencé là en septembre [2008]… Ça
venait tout seul, c’était très facile… Avec
cette fanfiction sur mon blog j’ai eu beaucoup de visites, avant j’en avais pas trop.
Les « com » [commentaires] ça fait plaisir…
Oui ça donne envie d’écrire, de travailler
l’imagination. » (Margaux)
Les fanfictions
Les fanfictions sont donc une des modalités d’appropriation active
de l’œuvre20. Si pour d’autres titres – Harry Potter, Le Seigneur des
Anneaux, etc. – les jeunes auteurs cherchent à tester leur connaissance
de l’œuvre et à proposer des hypothèses de lecture – en respectant
toujours l’œuvre initiale21 – dans le cas de la série de Stephenie Meyer,
qui joue largement sur la « culture du sentiment », il semble que l’on
soit dans une réception plus ordinaire et la fanfiction est ici avant tout
un moyen de prolonger l’univers, de rester avec les personnages, en
attendant « la suite » de l’histoire. C’est aussi un bon outil pour mettre
en mots des fantasmes et faire vivre aux personnages tout ce qu’on
a imaginé (et que l’histoire n’a pas dit)22. Mais certaines jeunes filles
Lecture Jeune - mars 2009
21 « Si on veut mettre beaucoup de détails il
faut forcément très bien connaître le bouquin.
Il faut parfois aller relire des passages pour
rester cohérent » (Bérénice, alias Eternara, 16
ans, licence de japonais, auteur sur le site
fanfic-fr.net/)
22 Beaucoup de fanfictions dédiées à
Fascination ont un caractère sexuel explicite,
la première nuit entre Edward et Bella est
fréquemment décrite
40
Internet, nouvel espace de légitimation adolescente
des œuvres ? L’exemple des fanfictions sur Fascination
23 http://the-meadow.fr/ : http://fascination.
forumactif.fr/concours-f16/concours-de-fanfiction-premier-prix-breaking-dawn-t2039.htm
24 http://fanfiction.net : plus de 40 000
textes sur Twilight.
http://www.fanfic-fr.net/ : 9 textes
25 Dans la fanfiction intitulée « Vérité »,
l’auteur écrit : « Je veux rendre hommage,
comme certains disent, à Jacob Black, qui
est mon personnage préféré »
26 « Admiratrice du XVIIe siècle, j’écris cette
fanfic à cette époque, dans un contexte
improbable à Fascination, mais tel que je l’ai
imaginé... » Aléanore, « Le temps d’une valse »
27 Lire l’article « Le succès de la série
Twilight » dans la rubrique « Rencontre
avec… » en page 3 du n° 128 de la
revue Lecture Jeune (décembre 2008)
Bibliographie
complémentaire
• « Les fanfictions, nouveau lieu
d’expression de soi pour la
jeunesse ? », S. François, in Agora
débats/jeunesse n°46, 2007
• Aux frontières du champ littéraire :
sociologie des écrivains amateurs,
C. Poliak, Economica, coll. Études
sociologiques, 2007
• « Les fanfictions sur Internet »,
M. Martin, in Médiamorphoses
n°186, 2006
• Fan fictions and fan commmunities
in the age of Internet, K. Hellekson,
K. Busse (dir.), McFarland &
Company, Jefferson (États-Unis), 2006
• Les cultes médiatiques : culture
fan et œuvres cultes, P. Le Guern,
Rennes, Presses Universitaires
de Rennes, 2002
@
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de cet article sur notre site :
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sont tellement fan qu’elles s’y refusent presque : « J’ai lu en anglais la
fanfiction The lion and the lamb. C’est écrit par une des créatrices
du site Twilight Lexicon. C’est une suite possible du tome 1. Non…
Ça ressemble trop à la vraie histoire. Ça pouvait tellement être
possible… Je voulais pas mélanger les fictions avec la vraie histoire… »
(Noémie).
On peut lire les fanfictions consacrées à Fascination sur les blogs des
fans, sur des forums, sur des sites qui organisent des concours23 et
également sur les sites de fanfictions24. Les fanfictions sont de petits
exercices de style qui utilisent des procédés narratifs classiques. Ainsi,
on trouve fréquemment des textes adoptant un point de vue autre
que celui de Bella – le récit d’Edward. Certaines histoires donnent
davantage d’importance à un personnage secondaire – beaucoup sont
consacrées à Jacob, lequel jouit du soutien de fans qui souhaiteraient
que Bella en tombe amoureuse25. Les dénouements sont modifiés – Bella
épouse Jacob – et des suites sont imaginées – Bella est transformée
en vampire. Certains événements précis font l’objet de courts récits
– le mariage d’Edward et Bella, leur première nuit, etc. Des auteurs
s’emparent des non-dits de l’histoire et inventent par exemple le passé
des personnages – quels humains étaient les vampires avant leur
transformation ? D’autres modifient le contexte même du récit – Edward
et Bella se rencontrent au XVIIe siècle26. Plus simplement, de nombreuses
fanfictions racontent la même histoire mais avec les propres mots des
jeunes rédacteurs.
Aujourd’hui, le phénomène Twilight est largement rattrapé par
le marketing27. L’ouvrage est devenu un best-seller vendu à plus de
25 millions d’exemplaires dans le monde, l’auteur est consacré et
l’adaptation au cinéma attire plus de deux millions de spectateurs en
France. Le Wall Street Journal aurait écrit : « Harry va devoir faire de
la place à Edward et Bella ». Mais pour de nombreuses jeunes filles
Fascination restera avant tout une expérience de lecture inoubliable,
un ouvrage à part dans leur petite bibliothèque intérieure : « Oui, je
crois que c’est un livre dont je me souviendrai, même quand je serais
adulte » (Noémie). Par divers « bricolages » (pour reprendre le terme
de Michel De Certeau), elles ont cherché à prolonger et surtout à
partager leur expérience de lecture. Internet leur a offert les espaces
nécessaires. C’est en parcourant ces lieux de pratique des adolescents
– sites, blogs, forums, etc. – que nous pourrons prendre en compte la
réalité de leurs goûts ! C’est là également que nous découvrirons la très
grande richesse et créativité de leurs formes de lecture !
Fascination, 2005 (Twilight).
Tentation, 2006 (New moon).
Hésitation, 2007 (Eclipse).
Révélation, 2008 (Breaking down),
coll. « Black Moon », Hachette Jeunesse
Lecture Jeune - mars 2009
Parcours de lecture
Livres accroche
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
page 42 à 46
page 47 à 48
page 49
Et après
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
page 50 à 59
page 60 à 62
page 63
Lecteurs confirmés
Littératures
Bandes dessinées
Documentaires
Ouvrages de référence
page 64 à 66
page 67 à 68
page 69
page 70
42
Parcours de lecture
Livres accroche Littératures
1I
Ange
Intervista, 2008 (Cinémascope)
310 p.
13,90 €
978-2-35756-016-1
Genre
Fantastique
Mots clés
Famille
Amitié
Paris
L’Arche de Noa
Noa est une jeune fille de 11 ans, studieuse et serviable. Elle suit les
cours au collège, avec ses amis, les jumeaux, Benjamin et Clément,
et leur acolyte Gabriel. Mais un soir, de retour de l’école, elle est la
seule à entendre des bruits venant des sous-sols du bâtiment. Durant
la nuit, elle est réveillée par d’autres sons étranges, puis par une voix :
elle aperçoit alors un elfe, nommé Tura, qu’elle essaie d’attraper, en
vain. Le lendemain, elle assiste dans l’escalier de son immeuble à
une bataille entre elfes et fées. Et surtout, elle se fait attaquer par une
horrible femme-louve ! Noa va découvrir que sa petite sœur a réveillé
le Mal Absolu, et va tout faire pour la sauver !
Ce roman fantastique est parfois décevant en termes de qualité
littéraire, mais son rythme haletant séduira les adolescents. En
effet, les références aux titres de fantasy à succès sont nombreuses
(Harry Potter, Le Seigneur des Anneaux...). En outre, le narrateur
s’adresse directement au lecteur, l’entraînant vers de fausses pistes,
l’engageant à bien lire ce qui va suivre, de manière à instaurer une
certaine interactivité. L’Arche de Noa plaira autant aux fans du
genre qu’aux débutants en la matière.
■ Sébastien Féranec
2 I Mon Kdi® n’est pas un Kdo
Michel Besnier
Ill. d’Henri Galeron
Motus, 2008
(« Pommes pirates papillons »)
72 p.
10 €
978-2-90735-491-2
Genre
Poésie
Mots clés
Consommation
Supermarché
Guidés par Michel Besnier et Henri Galeron, parcourons les allées
du supermarché, jalonnées de « rouleaux doux d’essuie-tout », de
« PQ triple épaisseur qui sent la fleur », de « coquillettes coudes
spaghetti farfalle vermicelle torti » et autres « maquereaux à la
moutarde » ! Dans ce recueil de poésies entièrement consacré au
temple de la société de consommation, textes et illustrations se
répondent judicieusement, se renvoyant la balle avec drôlerie et
malice ! Michel Besnier s’amuse autant avec les mots qu’Henri
Galeron avec ses crayons : jeux de langage, coupures de mots
inattendues se mêlent aux illustrations au trait qui donnent aux
textes une dimension nouvelle ! Imprimé sur un épais papier recyclé,
le livre s’avère aussi un très bel objet. Mais surtout, sous cet aspect
à la fois comique et élégant, se cache une critique très fine de notre
société « ultra-consommatrice » dans laquelle nous évoluons tous,
en grands habitués des supermarchés ! Un ouvrage qui séduira les
lecteurs de tout âge !
■ Marianne Joly
Lecture Jeune - mars 2009
43
3I
Tels quels
Monsieur Teckel possède un corps infiniment long. Épris d’amour
pour une chienne aux jolis cils, il n’hésite pas à user du bistouri pour
« se raccourcir », sans penser une seconde que Madame Teckel
pourrait l’aimer tel qu’il est…
Ce court album, publié hors collection chez Autrement dans un petit
format à l’italienne, aborde sans esbroufe le sens du verbe « aimer ».
Les mots sont absents : Juliette Binet, cette illustratrice tout juste
diplômée des Arts décoratifs de Strasbourg, aime que le silence
reflète avec tendresse la violence du monde qui nous entoure.
L’amour et la violence… deux sentiments qui se mêlent parfois à
l’image de cet album. La réflexion philosophique est déclenchée et
l’adulte pourra guider le jeune lecteur dans ses interrogations.
■ Élise Hoël
4I
Autrement Jeunesse, 2008
20 p.
10 €
978-2-74671-173-0
Genre
Album
Mots clés
Amour
Différence
Handicap
Au rebond
Alex est un jeune lycéen qui vit seul avec sa mère célibataire dans un
petit appartement de cité. Sa vie ne lui semble pas « assez », jusqu’au
jour où il fait la connaissance de Christian qu’il estime plus chanceux.
Ce dernier est le fils unique d’une riche famille bourgeoise, habite une
grande villa et connaît un certain succès auprès des filles… Mais, un
jour, le jeune homme ne vient plus en classe et ne donne plus aucune
nouvelle. Alex, inquiet pour son ami, débarque chez lui et découvre la
maison laissée à l’abandon. Le père de Christian a quitté le foyer pour
une autre femme et le jeune homme veille sur sa mère complètement
déprimée… Alex et sa mère vont les aider et, ensemble, ils vont
découvrir l’importance de la solidarité.
Ce roman de Jean-Philippe Blondel, très facile d’accès et sans
prétention, décrit avec justesse les affres de l’adolescence, les
problèmes du quotidien, et montre que si, à côté, l’herbe semble
toujours plus verte, la vie réserve parfois des surprises… Le style enlevé
du roman et les réflexions des personnages, drôles, malgré la situation,
nous entraînent à leurs côtés. Le tout sur fond de « basket », qui rythme
la vie des adolescents. Transformés par cette expérience, les deux amis
paraissent plus forts et plus authentiques.
■ Anne Clerc
5I
Juliette Binet
Jean-Philippe Blondel
Actes Sud Junior, 2009
(romans ado)
99 p.
9€
978-2-74277-969-7
Genre
Roman d’apprentissage
Mots clés
Amitié
Séparation
Solidarité
Saia
Farid, Karim et Sofiane se retrouvent seuls sur la montagne
d’Annemasse, en Haute-Savoie : leur père a rejoint depuis longtemps
l’Algérie et leur mère vient de mourir. Ils décident de partir à la
recherche de l’oncle Omar au Pays Basque. Si la situation prête aux
Lecture Jeune - mars 2009
Jean-François Chabas
L’École des loisirs, 2008 (Médium)
98 p.
8€
44
Livres accroche
978-2-21109-115-8
Genre
Roman d’apprentissge
Mots clés
Mort
Fratrie
Fugue
larmes, les jeunes gens tiennent le coup grâce aux blagues et aux jeux
et les trois frères ne montrent jamais leur chagrin.
Bien qu’il soit ici question de mort, le ton, léger, instaure une distance
qui permet de savourer le récit. En effet, les jeux de mots sont nombreux
et les situations sont décrites avec humour. Les personnages, anticaricaturaux, charment. Le lecteur passe agréablement du rire aux
larmes et continue, longtemps après la lecture, de réfléchir à l’une des
phrases qui ponctuent le roman : « Les frères courent, et ils oublient leur
peine ».
■ Agnès Donon
6 I La Fin du monde
Fabrice Colin
Mango, 2009 (Autres Mondes)
190 p.
9€
978-2-74042-434-6
Genre
Science-fiction
Mots clés
Nucléaire
Adolescence
Quatre adolescents aux quatre coins du monde. Jim, un jeune
Américain. François, un Français vivant à Paris, Xian, un Chinois
passionné d’échecs. Et enfin, Hafsa qui vit en Palestine. Quatre
destinées et quatre points de vue, alors qu’éclate un conflit nucléaire.
Les États-Unis seront les premiers touchés mais les attaques s’enchaînent,
visant les capitales et les mégapoles du monde entier… Un seul espoir :
rejoindre une base secrète au Groenland, en attendant que l’hiver
nucléaire s’achève.
Fabrice Colin propose une œuvre pour la jeunesse « efficace » et
sans ornements. De fait, on peut lui reprocher de passer outre la
description du contexte politique qui conduit à ce conflit mondial et
d’avoir simplifié son style ; plus percutant que littéraire. Mais l’intérêt
de cette fiction réside ailleurs : la montée en puissance de la peur et
du désespoir, tandis que les villes sont détruites les unes après les
autres. Cette angoisse est d’autant plus intense, qu’elle repose sur les
points de vue des adolescents, disséminés à travers le monde. Il s’agit
bien d’un roman jeunesse « sur-mesure », qui n’est pas sans rappeler
certains « blockbusters » du cinéma américain, exploitant les mêmes
thématiques. En ce sens, bien qu’il ne s’agisse pas d’une œuvre
impérissable, on peut penser que ce nouveau roman de Fabrice Colin
touchera un large public.
■ Anne Clerc
7 I Mes années 70
Claudine Desmarteau
Panama, 2008
54 p.
19,50 €
978-2-75570-361-0
Genre
Album
Une petite fille, qu’on imagine aisément être l’illustratrice, raconte
son enfance dans les années 70. Chaque double page traite d’une
thématique, d’un événement ou d’un objet représentatif de l’époque.
Il est ainsi question du téléphone fixe orange, de la télévision en noir
et blanc, des cagoules « qui grattent », des sous-pulls, de l’immonde
papier peint, etc. Fidèles à leurs grands formats, les éditions Panama
proposent un album aux planches colorées et dynamiques où l’orange
et le marron prédominent !
Lecture Jeune - mars 2009
Littératures
Un ouvrage réussi qui ne fera pas que le bonheur des nostalgiques
de l’époque « Flower Power ». Les plus jeunes et les adolescents
pourront imaginer les années 70, sous le regard amusé de Claudine
Desmarteau. Un univers psychédélique à partager en famille.
L’occasion également pour les lecteurs de comparer leur jeunesse avec
celle de leurs parents, car comme le rappelle l’auteur, certains mots
ou expressions n’existaient pas encore à l’époque : « Internet, TGV,
mondialisation, chômage, etc. »
■ Anne Clerc
Mots clés
Années 70
Humour
Nostalgie
8 I À la poursuite de l’enfantôme
Suite au divorce de ses parents, la famille de Charles (sa mère Laura et
sa sœur Jasmin) emménage dans un immeuble ultramoderne à Verneuil,
en Normandie. Nouvelle vie, nouveau lycée, nouveaux amis et nouveaux
problèmes, car un « enfantôme » vient hanter les nuits de la petite fille, Jasmin.
Tout le clan familial s’en retrouve bouleversé. Charles fuit l’appartement tous
les jeudis soirs, il visionne de vieux films fantastiques dans le cinéma de
quartier et sympathise avec Yves, le projectionniste. Laura, pour sa part,
est accaparée par son travail et envoie sa fille chez un psychologue, une
fois par semaine. Rêve ou réalité ? Qu’en est-il de l’esprit de cette fille qui
obsède Jasmin ? Charles, pour aider sa petite sœur, tournera un film sur
ledit spectre : une certaine Lise Colombelle morte à l’âge de 6 ans, sous les
bombardements, en 1944…
Jean-Baptiste Evette propose une fiction douce-amère qui oscille entre
réalisme et fantastique. Charles, l’adolescent de 15 ans, se découvre
une passion pour le cinéma tandis qu’il est partagé entre son esprit
cartésien et la voix du fantôme présent dans la vie de Jasmin. C’est un
roman captivant, au style soigné. Les chapitres courts et bien structurés
permettent d’aborder de nombreux sujets : le divorce, les premiers
émois amoureux, les relations d’amitié et surtout la construction de son
identité.
■ Anne Clerc
Jean-Baptiste Evette
Ill. de Julie Serprix
Gallimard Jeunesse, 2008
(Hors-Piste)
157 p.
8,50 €
978-2070-6199-48
Genre
Fantastique
Mots clés
Fantôme
Psychologie
Divorce
9 I La Guerre des livres
Le contexte est celui d’une guerre civile. Shadi, jeune pilote de l’école
spatiale de la Sécession, se retrouve prisonnier sur une planète ennemie :
Libellia, la Bibliothèque des Mondes. Auprès du conservateur idéaliste
et altruiste de la bibliothèque, Angus, le jeune homme s’initiera à l’art
ancestral de la lecture sur papier, fera la connaissance de bouquinistes,
relieurs et collectionneurs. À travers toutes ces rencontres, il comprendra
peu à peu pourquoi tous ces gens sont passionnés par les livres.
Clandestin, il se voit poursuivi par les services secrets de l’Empereur du
clan ennemi. Ce dernier, dont la fille est mourante, doit retrouver dans
l’un des livres, l’information qui permettra de la sauver !
Lecture Jeune - mars 2009
Alain Grousset
Ill. de Manchu
Gallimard Jeunesse, 2008
(Hors-Piste)
141 p.
8€
978-2-07-061882-8
Genre
Science-fiction
45
46
Livres accroche
Mots clés
Livres
Savoir
Sans alarmisme, ni rejet de la technologie, l’auteur nous raconte
pourquoi on peut aimer les livres : leur utilité dans un univers où
« l’hyperéseau », « l’overblog » et les livres numériques sont les seuls
accès au Savoir. L’écriture est simple, le propos est clair, pas de
néologismes incongrus ou d’inventions inutiles. En outre, l’intrigue est
passionnante et les personnages, aux caractères affirmés, rendent la
lecture agréable.
■ Thomas Bailly
10 I L’Écho des armes
Yann Mens
Thierry Magnier, 2008
(Nouvelles)
154 p.
9€
978-2-84420-640-4
Genre
Nouvelles
Mots clés
Guerre
Conflit
Violence
Un recueil de nouvelles sur les conflits et les guerres qui jalonnent la
planète : du quotidien des civils, à la réalité du combat, en passant
par les membres des groupes armés aux quatre coins de la planète,
quasiment toutes les formes d’affrontements présentes à travers le monde,
sont évoquées. Comme souvent dans ce type d’ouvrage, la qualité des
textes est inégale. Il n’en reste pas moins que ces récits sont forts, riches
en émotion. Yann Mens a pris le parti d’évoquer des guerres qui nous
semblent lointaines et dont les médias parlent peu (le conflit de la Côte
d’Ivoire dans la nouvelle Awa, par exemple).
À travers ces textes, nous ne lisons pas seulement des récits de
guerre mais nous voyons aussi les répercussions que peuvent avoir
les affrontements sur une amitié, ou les choix que l’on est obligé de
faire. Les conflits, malgré la souffrance qu’ils provoquent, font émerger
des sentiments profonds et favorisent la solidarité, l’entraide, point
de départ à la tolérance. Cet ouvrage nous donne à réfléchir sur la
condition humaine .
■ Marilyne Duval
11 I Jeu de mains
Adeline Yzac
Éditions du Rouergue, 2009
(doAdo)
111 p.
7€
9-782-84156-995-3
Mots clés
Masturbation
Sexualité
Humour
Valantin a 14 ans. Son truc, c’est sa « Pepsi », comme il dit. Son
membre, sa verge, son pénis. Il change de nom en fonction de son
humeur ou de celle de son engin. Parce qu’il s’en moque, Valantin : au
quotidien, il y a la vie, le plaisir et surtout, les filles, avec leurs seins,
leurs cuisses et leurs mains. Il ne voit pas de mal à se faire du bien,
même si, de temps en temps, il se demande ce qui cloche chez lui.
Valantin confond, à son plus grand étonnement, désir, colère et plaisir.
Il commence à comprendre que tout va ensemble, que les frontières
sont ténues, que l’un provoque l’autre.
Ce texte court, percutant et drôle, aborde crûment la masturbation,
sujet encore souvent tabou. Le résultat est, curieusement, pudique.
Jeu de mains parle avec justesse du désir, de la sexualité et de la
sensualité, qui prend souvent le dessus. Car après tout, comme dans la
vie, ce qui saisit Valantin, ce n’est qu’un afflux de sang.
■ Marie Cambolieu
Lecture Jeune - mars 2009
47
Parcours de lecture
Livres accroche BD
12 I
Le Diable des sept mers, T.1
Cette histoire de pirates, riche en péripéties, se situe au début du
XVIIIe siècle en Caroline du Sud et dans les îles côtières. Au début
du récit une jeune héritière, Harriet, fuit, prête à tout pour échapper
à l’autorité de son vieux père, riche planteur au passé trouble. Son
mariage secret avec le jeune Conrad, immédiatement découvert,
déclenche une cascade d’événements dramatiques, de poursuites
et de rencontres où s’affrontent les protagonistes : pirates féroces
aux trognes inquiétantes parmi lesquels se détachent Murdoch,
surnommé « le diable des sept mers », l’Iguane et les Anglais
chargés de les anéantir au cours d’un abordage sanglant. L’appât
du gain et la recherche de trésors enfouis dans des îles au sable
fin entraînent ces hommes à commettre meurtres et trahisons. Le
suspense est maîtrisé dans ce récit ponctué de ruptures et le lecteur
n’a qu’une hâte : connaître enfin l’aboutissement de cette chasse
au trésor. Le graphisme sert admirablement la narration, alternant
les évocations moites des bayous, les grands ciels bleus des îles,
le fracas sanglant des abordages et les nuits effroyables où se
balancent les corps des pendus. Gageons que la suite sera aussi
réussie !
■ Colette Broutin
Yves H.
Ill. d’Hermann
Dupuis, 2008 (Aire libre)
48 p.
14 €
978-2-8001-4239-5
Mots clés
Piraterie
13 I Dom Juan
Cette transposition de la pièce de Molière en bande dessinée, suivie
du texte intégral, a pour ambition de faciliter la compréhension de
l’œuvre. Il suffit de comparer la tirade de Sganarelle, sur le tabac, et
le portrait qu’il fait de Dom Juan, avec sa traduction graphique, pour
saisir l’efficacité du procédé. En effet, un découpage judicieux de la
tirade, éclairé par un dessin expressif quoique manquant d’originalité,
plonge immédiatement le lecteur au cœur de l’intrigue. Les techniques
de la bande dessinée sont ainsi mises à profit intelligemment et le
lecteur parvient, sans peine, jusqu’à la fin de l’acte V. Plans larges,
gros plans, plongées et contre-plongées, zooms, champs et contrechamps participent à la mise en scène de la comédie. Quand le
texte seul nécessite des compétences de lecteur confirmé, la bande
dessinée s’avère très efficace car elle permet de visualiser ce qu’il faut
imaginer. Ainsi le sermon que Dom Louis adresse à son fils silencieux
(acte IV, scène 4) est traité en plans fixes. Le père, de dos, s’adresse
Lecture Jeune - mars 2009
Simon Léturgie
D’après l’œuvre de Molière
Vents d’Ouest, 2008
(Commedia)
38 p.
7,50 €
978-2-7493-0381-9
Mots clés
Comédie
48
Livres accroche
à Dom Juan dont les mimiques traduisent tour à tour l’indifférence,
l’ennui, l’agacement, l’exaspération. À conseiller aux lecteurs que
rebute la confrontation aux textes classiques.
■ Colette Broutin
14 I Vinland Saga, T.1
Makoto Yukimura
Kurokawa, 2009
218 p.
7,50 €
978-2-351-42355-4
Genre
Manga
Mots clés
Viking
Nous sommes en royaume franc, au début du XIe siècle. Deux clans
s’affrontent pour la prise d’une forteresse. Une troupe de Vikings,
commandée par Askelaad, assiste à la scène. Le chef envoie Thorfinn,
un jeune garçon, pour passer un pacte avec le chef des assiégeants :
s’ils acceptent de partager le butin, 100 guerriers nordiques viendront
les aider en attaquant la forteresse par le lac, point faible de la
défense. Les Vikings, après avoir traversé la montagne attaquent à
revers. Ils s’emparent du butin malgré l’accord passé avec les Francs.
De retour au village, Thorfinn affronte Askelaad au cours d’un duel
pour venger la mort de son père. Vaincu, il se retire sur un bateau où
il raconte à une jeune esclave l’histoire de sa famille.
C’est avec un vrai plaisir que le lecteur retrouve le mangaka, Makoto
Yukimura, qui nous avait enchantés avec sa série de science-fiction
intitulée Planètes (Panini, 2005). Ce manga met en avant son souci
du trait réaliste et précis. Mais ce qui surprend davantage, c’est
évidemment le thème choisi : les Vikings. Car ce manga historique,
ce qui est plutôt rare, est très bien documenté. Il suffit d’observer les
croquis préparatifs de la maison de Thors, père de Thorfinn, en fin
de volume. L’auteur s’appuie sur des événements connus de l’histoire
médiévale européenne pour construire un récit autour du jeune homme,
dont l’unique objectif est la vengeance. Cette série, qui compte déjà
six titres au Japon a tous les atouts pour devenir un classique : un
graphisme de qualité et un sujet passionnant.
■ Sébastien Féranec
Lecture Jeune - mars 2009
49
Parcours de lecture
Livres accroche Documentaires
15 I
Le Dico des héros de l’Antiquité
Les Dieux ne sont pas évoqués dans cet ouvrage seuls les héros y
trouvent leur place. Il est aussi question des légendes qui ont fait leur
renommée. Les personnages sont classés par ordre alphabétique,
d’Abraham à Zénon, et non par période ou civilisation, ce qui est
ingénieux car la recherche est ainsi facilitée. Les cinq civilisations de
l’Antiquité européenne sont présentées : hébraïque, mésopotamienne,
grecque, égyptienne et romaine. Les textes sont accompagnés
d’illustrations et de photographies qui présentent des lieux de
l’Antiquité. À la fin, une courte bibliographie permet d’en savoir plus
sur cette époque : documentaires, romans ou bandes dessinées.
Cet ouvrage pourra être feuilleté par plaisir ou servir pour des
exposés qui ne demandent pas d’approfondissement. Les textes
sont clairs et concis et les illustrations informent efficacement. Les
indications pour se repérer dans l’ouvrage sont habilement mises en
page par la maquette claire et aérée. La brièveté et la limpidité des
énoncés rendent ce documentaire accessible à tous les lecteurs.
■ Thomas Bailly
Vivianne Koenig
Ill. de Lise Herzog
La Martinière Jeunesse, 2008
126 p.
15 €
978-2-7324-3827-6
Mots clés
Antiquité
Histoire
Héros
16 I Au secours, mon corps !?
Cinq chapitres présentent, tour à tour, les changements psychologiques
liés à la puberté (« Mon corps, ma tête et moi »), les évolutions
physiques (« Petite anatomie »), l’hygiène de vie (« À l’écoute de mon
corps »), les complexes et l’affirmation de la personnalité (« (Se) plaire
et séduire »), les dangers et les comportements à risque (« Pas sympa
pour le corps »). Tous les petits bobos et grands questionnements qui
préoccupent les ados, filles et garçons, sont traités avec tact et sans
dramatiser le propos, en proposant aussi quelques pistes pour obtenir
plus d’informations : Fil Santé, Points Accueil Écoute Jeunes… On peut
regretter qu’il n’y ait pas d’adresses complètes.
Des « flashs » en couleur et une typographie très variée mettent en
avant des articles courts et pertinents, le tout agrémenté de dessins
humoristiques et de doubles pages de photos d’ados. Raison de plus,
pour les jeunes – et les moins jeunes – de feuilleter ce livre et d’y revenir
à volonté.
■ Nikoleta Bouilloux-Lafont
Lecture Jeune - mars 2009
Florence Lotthé-Glaser
Ill. de Marion Puech et
Marc Clamens
Bayard Jeunesse, 2008
(Okapi 100% ado)
91 p.
12,90 €
978-2-7470-2323-8
Mots clés
Puberté
Corps
Santé
50
Parcours de lecture
Et après Littératures
17 I
Ange
Syros, 2008 (Soon)
276 p.
14,50 €
978-2-74-850711-9
Genre
Science-fiction
Mots clés
Espace
Amour
À mille miles de toute terre
habitée
Depuis le départ de son père, Deyann vit éloigné de tous sur un satellite
minier complètement autonome et isolé à l’extrémité de l’univers. Un
jour, les alarmes du niveau 32 se déclenchent et Deyann découvre le
corps sans vie d’une jeune fille vêtue d’une robe rouge. De retour aux
commandes de la station, il se rend compte qu’il n’est plus seul : une
terrible bête répandant du froid autour d’elle s’attaque à lui. En se
faufilant par une faille, Deyann accède alors à d’autres mondes.
Le duo Ange (pseudonyme de Anne et Gérard Guéro) a construit un
univers original que le lecteur découvre en même temps que le héros.
Grâce aux mondes parallèles, différentes époques sont exposées et les
passages intertemporels rendent la narration très attrayante. Certains
remarqueront les multiples références cinématographiques (à Alien,
entre autres). Par ailleurs l’histoire d’amour entre Deyann et la jeune
fille vient s’ajouter au plaisir de lecture. Un roman captivant, bien
équilibré entre sentiments et aventure.
■ Sébastien Féranec
18 I Une jolie fille rien que pour moi
Aurélie Antolini
Intervista, 2008 (Les Mues)
177 p.
14 €
978-2-910-75390-0
Genre
Humour
Mots clés
Enfance
Amour
Quotidien
Le narrateur, âgé de 11 ans, nous livre ici son quotidien rocambolesque,
dans un style insolite, candide et touchant. Il mène une vie tranquille
auprès de sa « mère célibataire », Gisèle, jusqu’au jour où celle-ci fait
entrer dans sa vie un homme, que notre héros désigne comme « le
type qui lui sert de père ». Au même moment, ils partent tous les trois
en vacances dans le sud de la France et le jeune garçon va faire la
connaissance de Minouche ; elle a le même âge que lui et il tombe
éperdument amoureux… Mais à l’heure de la rentrée et des amitiés
nouvelles, non seulement notre narrateur doit délaisser sa dulcinée,
mais il semble avoir levé le voile sur son mystérieux père…
S’il déroute dans un premier temps, le roman de cette auteure de
29 ans se lit avec plaisir, comme on dévorerait des sucreries. Le style
dénote dans la production littéraire jeunesse actuelle et apporte un peu
de fraîcheur. En effet, le texte est ponctué d’expressions surréalistes,
de néologismes ou de métaphores qui font sourire le lecteur. Le thème
du premier amour a été largement couvert par de nombreux écrivains,
mais Aurélie Antolini tire son épingle du jeu en y ajoutant quelques
Lecture Jeune - mars 2009
51
pincées d’intrigue et d’humour ! Enfin, les lettres échangées entre
Minouche et le narrateur durant la période scolaire sont tendres, justes
et pleines de poésie. Un ouvrage à la couverture acidulée qui plaira
aux jeunes lecteurs.
■ Anne Clerc
Réseau de lecture : La collection « Les Mues » chez Intervista, existe
depuis 2006 et propose de beaux livres aux titres souvent insolites.
On (re)lira avec autant de plaisir les deux ouvrages de Raphaële
Moussafir : Du vent dans mes mollets (2006), Et pendant ce temps-là,
les araignées tricotent des pulls autour de nos bilboquets (2007).
19 I Gringo Shaman
Robin vient d’avoir le bac. Il ne sait pas encore de quoi sera fait son
avenir. Ses pensées divaguent vers d’autres continents, des lieux
lointains peuplés d’Indiens réducteurs de têtes, d’Amazones et de
drogues sacrées. Il voit ce monde en rêve, au coin des rues, dans le
cabinet du psychiatre. Robin n’a d’autre solution que de se croire fou,
ou bien d’écouter le mystérieux shaman qui vient lui rendre visite la nuit
et l’investit d’une mission… Après avoir convaincu ses parents, et reçu
les recommandations de sa grand-mère, il part en Équateur pour une
expérience des plus inoubliables.
Aux frontières du fantastique, ce roman, sous forme de quête
initiatique, s’empare des rituels sacrés des anciens, qui trouvent un
écho sans pareil dans les délires propres à l’adolescence. L’écriture très
travaillée (marque de fabrique de la collection « Exprim’ ») s’accorde
parfaitement à la tonalité du récit. Le choix des titres de la bandeson mentionnés en tête d’ouvrage nous semble cependant artificiel et
certaines musiques détonnent.
■ Élise Hoël
Rolland Auda
Sarbacane, 2008 (Exprim’)
195 p.
9€
978-2-84865-239-9
Genre
Roman d’apprentissage
Mots clés
Injustice
Magie
Quête initiatique
20 I Le Secret de la pierre occulte
Le 13 avril 1099, Idruk Mayflower fête son quatorzième anniversaire. Lui
et son maître alchimiste Luitpirc se rendent à l’abbaye de Westminster où ils
découvrent le corps de Gauffrey, tué conformément aux rites sataniques. Le
redoutable Inquisiteur suprême, Lord Malkmus de Mordred, semble vouloir
arrêter à tout prix Idruk, lequel commence à comprendre l’importance de
ses pouvoirs magiques, dépassant de loin ceux de l’alchimie…
Dès le début, le lecteur est immergé dans l’univers du Moyen Âge, où
Inquisition et sorcellerie rivalisent. Puis le fantastique domine avec des
références aux récits légendaires et féeriques des chevaliers de la Table
Ronde. Les rebondissements sont nombreux et les personnages bien
campés. Le roman devient alors une longue quête initiatique où le lecteur,
s’identifiant à Idruk, affronte d’imaginaires obstacles. Une aventure qui ne
manque pas de piquant !
■ Sébastien Féranec
Lecture Jeune - mars 2009
Artur Balder
Trad. de l’anglais par
Maryvonne Ssossé
Albin Michel Jeunesse, 2008 (Wiz)
581 p.
17 €
978-2-22618-612-6
Genre
Fantastique
Mots clés
Angleterre
Moyen Âge
Sorcellerie
52
Et après
21 I Le Temps des miracles
Anne-Laure Bondoux
Bayard Jeunesse, 2009
(Millézime)
256 p.
11,90 €
978-2747026451
Genre
Roman d’apprentissage
Mots clés
Exil
Le Temps des miracles est l’histoire d’une fuite, celle de Blaise Fortune
et Gloria Bohème abandonnant la Géorgie – et plus précisément le
Caucase, rongé par les conflits d’indépendance entre Géorgiens,
Abkhazes et Tchètchènes – pour rejoindre la France et son ancestrale
triade « Liberté, Égalité, Fraternité ». Gloria a recueilli le garçon au fond
du verger de son père, alors qu’un train venait de dérailler. L’enfant
lui a été confié par une femme portant le nom de Jeanne Fortune,
blessée dans l’accident. Au fil de leurs pérégrinations, Gloria et Blaise
croiseront une galerie de personnages, tout droit sortis d’un film d’Emir
Kusturica. Tout d’abord à Tblissi, dans « l’Immeuble » communautaire :
Mademoiselle Talia, chanteuse à l’opéra, Abdelmalik, le grand noir
boxeur, Sergueï le coiffeur ou encore Madame Hanska, la vieille
bique. À Soukoumi, ils rencontreront Nour et sa fille Fatima. Leur
route se poursuivra ensuite en Russie, en Ukraine, etc. En Hongrie, ils
montent finalement dans un camion censé les conduire vers cet Eden
qu’est la France : Blaise à l’arrière avec les bestiaux, Gloria à l’avant.
Mais arrivés à destination, Gloria est embarquée par la police et Blaise
reste seul sur le territoire français et devient un « mineur étranger isolé ».
Dans son cœur reste le souvenir de Gloria et la promesse qu’elle lui a
faite ; retrouver sa mère, Jeanne Fortune… Qu’adviendra-t-il ?
Voici un roman aigre-doux à l’image de la vie. Le lecteur songe à
l’univers des films d’Emir Kusturica, et notamment La vie est un miracle,
qui, tel ce roman, sonnent comme une ode à la vie. Certains trouveront
enfin dans ce roman une véritable réflexion sur le métier d’écrivain. « Y
a-t-il une différence entre dire un mensonge et inventer une histoire ? »
se demande Blaise… N’est-ce pas justement tout l’art de l’auteur que
d’inventer des récits pour oublier l’inconsistance de l’existence ? Il est des
livres qu’on relit à tout âge et à tout moment de la vie, car ils sont porteurs
d’un message universel… Le Temps des miracles en fera certainement
partie !
■ Marianne Joly
Autre avis : Tout comme dans Pépites et Les Larmes de l’assassin,
nous retrouvons dans le nouveau roman d’Anne-Laure Bondoux des
personnages attachants, enthousiastes et pleins de vie. Ici, les miracles
sont multiples : tout d’abord la destinée de Blaise Fortune, protégé par
Gloria. Ce couple traverse les épreuves et le petit garçon devient un
adolescent : il apprend à se battre, il grandit, il côtoie la mort et découvre
l’amour. Dernier miracle : les retrouvailles de Blaise avec Gloria, alors
qu’il vit en France depuis de nombreuses années. La vieille femme lui
révélera alors les origines de sa naissance et sa véritable identité. L’auteur
traite avec justesse les questions de la filiation et de l’exil. L’énergie
est présente tout au long des pages, et « la chasse au désespoir » est
réussie.
■ Anne Clerc
Un site Internet est spécifiquement dédié à l’œuvre :
http://letempsdesmiracles.bondoux.net/index.html. Ndlr.
Lecture Jeune - mars 2009
Littératures
53
22 I Cadavre au sous-sol
Tasha, 15 ans, vit à Vancouver avec son père Léonard, gérant d’une
chaîne de restaurants. Sa vie bascule quand le corps de sa mère est
retrouvé dans le sous-sol du Café Montréal. Les indices désignent tous
le même coupable : le père de Tasha, condamné avant d’être jugé.
Tasha refuse cette accusation et décide de mener son enquête en
compagnie de son ami Mike.
Norah Mc Clintock maîtrise à la perfection l’art du roman policier. De
multiples prix canadiens ont récompensé son talent. Les obstacles que doit
franchir Tasha sont nombreux ; le lecteur partage les doutes du personnage
et s’interroge sur l’identité du coupable. L’enquête captive et le suspense
s’intensifie jusqu’au dénouement. La (re)lecture est aussi très appréciée car
elle permet de découvrir les indices glissés ça et là par l’auteur. Ce roman
est une très bonne entrée dans le genre.
■ Sébastien Féranec
Norah Mc Clintock
Rageot, 2008 (Heure noire)
250 p.
7,30 €
978-2-7002-3144-1
Genre
Roman policier
Mots clés
Famille
Meurtre
23 I L’Apprenti
Depuis dix ans, Séverine Magois traduit fidèlement pour les Éditions
Théâtrales l’œuvre de Daniel Keene, dramaturge et metteur en scène
australien de premier plan, dont le public français a su apprécier le
regard très humain porté sur les tragédies de nos existences modernes.
Keene, qui inspire nos metteurs en scène, a été artiste en résidence au
Théâtre de la Commune d’Aubervilliers en 2004 et écrit souvent à la
demande de compagnies françaises.
L’Apprenti, sa première pièce longue destinée au jeune public, explore
un thème récurrent de son théâtre, les relations entre père et fils, dans
un registre nouveau, plus proche du conte que de la tragédie. Julien
douze ans a du mal à s’entendre avec son père, qui possède certes deux
paires de lunettes, une pour voir de près, une pour voir de loin, mais ne
« voit rien de rien ». De sa fenêtre, le jeune garçon observe les clients du
café d’en face, à la recherche d’un autre père, plus disponible. Ce sera
Pascal, un homme solitaire, sans famille, que Julien se choisira et qui
devra apprendre le rôle de père.
Treize scènes, une par mois, durant un an. Deux personnages agaçants
et attachants qui « vivent d’instant en instant devant nos yeux ». Un plateau
de théâtre vide, où lumières et bruitages suggèrent seuls le passage des
saisons et les lieux – marché, parc, cinéma, grilles du collège, etc. – où
se retrouvent Pascal et Julien, comme n’importe quel père et son fils. Au
fil des rencontres, ces deux-là apprennent à se connaître, se regarder,
se parler, se disputent aussi, et en viennent même à se ressembler. « Je
veux que mes personnages hissent leur âme à la surface de leur peau »,
dit Keene, dont le théâtre s’attaque toujours « au cœur du tumulte », là
où l’on passe du rire aux larmes, où le silence existe et où les mots ont la
force du poème.
■ Charlotte Plat
Lecture Jeune - mars 2009
Daniel Keene
Trad. de l’anglais (Australie) par
Séverine Magois
Éditions Théâtrales, 2008
(Jeunesse)
88 p.
7€
978-2-84260-255-0
Genre
Théâtre
Mots clés
Adolescence
Famille
54
Et après
24 I Déchaîné
Ally Kennen
Trad. de l’anglais par
Alice Marchand
Gallimard Jeunesse, 2009 (Scripto)
351 p.
13 €
978-2070-5773-30
Genre
Thriller
Mots clés
Amour
Famille
Violence
Suffit-il qu’un livre soit publié pour être de la littérature ? De toute
évidence, la réponse est « non » pour Déchaîné d’Ally Kennen. Il s’agit
bien là d’un pur produit fabriqué pour capter un lectorat peu exigeant,
friand de sensations fortes. On retrouve tous les poncifs, tous les lieux
communs sur les quartiers laissés à l’abandon, peuplés de familles
pauvres, de parents défaillants, d’adolescents à la dérive et livrés à
eux-mêmes. Ainsi Charlie Parsons, le héros, se fait trancher l’extrémité
du majeur par son meilleur copain, Démon, dès les premières lignes
et ce malheureux bout de chair, conservé dans un bocal, finira
pieusement enterré par son propriétaire à la page 350. Entre-temps, il
aura laissé libre cours à ses pulsions qui le conduisent à entamer une
correspondance avec un condamné à mort et à voler un 15 tonnes de
victuailles dont il se gave. Un séjour en prison, au régime ultra-sévère,
va le faire réfléchir et le ramener sur le « droit chemin » ! Car, il a un
bon fond, le bougre ! Il a même compris que les études pouvaient le
sortir de sa « merde » (sic). Enterrons donc ce livre et espérons qu’il
n’aura pas de descendance !
■ Colette Broutin
25 I Les Hurluberlus
E.L. Konigsburg
Trad. de l’anglais (États-Unis) par
Sylvie Dorthan
Bayard Jeunesse, 2008 (Millézime)
347 p.
11,50 €
9-782 84156-995-3
Mots clés
Patrimoine
Humour
Solidarité
Margaret Rose Kane, 12 ans, doit passer l’été dans un épouvantable
camp de vacances, mais fait tout son possible pour en échapper. En la
ramenant chez ses oncles, Jake Kaplan, le fils de l’odieuse directrice
du camp, découvre au fond de leur jardin l’œuvre d’une vie : celle
des oncles de Margaret, Alex et Morris Rose, anciens bijoutiers et
horlogers. Il s’agit de trois tours construites par ces personnages
farfelus. Toutes sortes de matériaux de récupération ont servi à leur
élaboration. Jake, lui-même artiste, est fasciné par ces œuvres. Ce
garçon secret, intelligent et sensible fait évidemment chavirer le cœur
de Margaret qui lui voue une admiration sans bornes. C’est alors que
la terrible nouvelle tombe : les voisins ont obtenu du conseil municipal
la permission de démolir les tours. Aidés par des amis d’enfance,
Margaret et Jake comptent mettre sur pied un plan pour les protéger
et défendre leur statut d’œuvre d’art et de patrimoine culturel de la
ville.
E.L. Konigsburg a beau écrire des histoires aux thématiques fort
différentes, son style et son audace offrent à chaque fois un défi pour le
jeune lecteur, qu’elle met au même niveau que ses personnages. Elle les
veut intelligents et ouverts. Elle aborde des concepts, rarement traités
en littérature jeunesse : il est question d’art, de culture, de patrimoine
et surtout de la protection de celui-ci. Sujet éculé ? Certainement pas. À
travers l’œil amoureux des frères Rose, on découvre l’art populaire. On
regrettera que le texte, parfois pesant et calqué sur l’anglais, aplanisse
Lecture Jeune - mars 2009
Littératures
le style mordant et inventif de ce « pilier » de la littérature de jeunesse
américaine. N’en reste pas moins la trame de fond, subtile et profonde,
qui pousse à la réflexion. Le roman s’adresse à des adolescents bons
lecteurs et curieux !
■ Marie Cambolieu
26 I Le Bruit des os qui craquent
Cela se passe aujourd’hui, en Afrique, dans un pays déchiré par la
guerre civile, au cœur de la forêt où campent des rebelles. Elikia, 13 ans,
forcée de devenir enfant-soldat après le massacre de sa famille, décide
de s’échapper avec Joseph, 8 ans. Le récit de leur fuite, de leur accueil
à l’hôpital, de la mort d’Elikia constitue la trame de l’intrigue. L’infirmière
Angelina, qui les accueille à l’hôpital, vient transmettre le récit posthume
d’Elikia. Mais « on ne rédige pas des rapports officiels avec des propos
d’enfants ».
Les voix alternent entre celles des enfants et les monologues de l’infirmière,
entrecoupés de fragments du journal d’Elikia. La forme très contemporaine
du plaidoyer d’Angelina, sur un sujet politique brûlant, invite le public à
prendre parti. Le récit se déroule sur deux plans : le dialogue direct des
enfants en relation avec l’action en cours et le récit intérieur de chacun
qui accompagne le dialogue comme un aparté… partition à quatre
voix, que coupe régulièrement celle de l’infirmière face au silence de
la commission. Le récit a une forte dimension tragique : Elikia va mourir
et nous l’accompagnons dans cette marche qui n’en finit pas. Si le style
impose une distance, la prose poétique laisse deviner les émotions et les
sentiments. Ce texte n’est pas une œuvre originale destinée à la jeunesse. Il
possède une qualité rare : il n’invite pas à s’apitoyer sur le sort des enfantssoldats et à voler à leur secours. En effet, les personnages de cette histoire
prennent en charge leur destin avec la dignité et la simplicité des héros
tragiques. Ils amènent le public, adolescents et adultes, à réfléchir sur les
racines d’un drame humain et politique de notre temps. ■ Nicole Wells
Suzanne Lebeau
Éditions Théâtrales, 2008
(Jeunesse)
93 p.
7€
978-2-84260-298-7
Genre
Théâtre
Mots clés
Enfants-soldats
Guerre
Pauvreté
27 I La Résistance : l’histoire de Peter
Après s’être échappés de Grange Hall (La Déclaration, LJ n° 124),
Anna et Peter sont devenus des Légaux. Ils vivent dans une banlieue
de Londres et élèvent ensemble Ben, le jeune frère d’Anna. Pour
pouvoir fournir au Réseau Souterrain des informations, Peter va
accepter le travail que lui propose son grand-père, Richard Pincent,
propriétaire du laboratoire qui produit les pilules de longévité. Une
fois infiltré dans « Pincent Pharma », Peter apprend qu’une nouvelle
génération de pilules va bientôt arriver sur le marché. Il va aussi
découvrir, avec horreur, d’où proviennent les cellules souches
nécessaires à la fabrication de la longévité +…
Lecture Jeune - mars 2009
Gemma Malley
Trad. de l’anglais par
Nathalie Perrony
Naïve, 2008 (Naïveland)
414 p.
18 €
978-2-35021-166-4
55
56
Et après
Genre
Science-fiction
Mots clés
Adolescence
Dictature
Immortalité
La Résistance fait suite à La Déclaration, premier roman traduit
de Gemma Malley paru il y a plus d’un an, mais le ton change
radicalement. La Déclaration, alternant récit et extraits du journal
intime d’Anna, était un roman intimiste axé sur les questionnements
de cette jeune fille, une « Surplus » qui avait peu à peu intégré et
admis l’illégitimité de son existence. Ce deuxième volume, écrit
uniquement à la troisième personne et centré sur Peter, est un roman
d’action hanté par la question du choix politique. Peter devra choisir
entre vivre dans une société qui va à l’encontre de ses convictions
personnelles, et l’adhésion à un groupuscule pour qui l’idéologie a
plus de valeur qu’une vie humaine. Choisir entre les progrès de la
science, luttant contre la vieillesse et la maladie, et les dérives de la
manipulation génétique qu’elle implique… Sur un scénario classique
– prévisible –, ce deuxième tome est moins rythmé, du moins dans
sa première partie, et il prend des allures de roman initiatique, Peter
étant confronté aux questions philosophiques que soulève l’auteur.
Il grandit et fait des choix d’adulte. Moins bouleversant que La
Déclaration, La Résistance reste un bon moment de lecture.
■ Rozenn Muzellec
28 I Allers sans retours
Jean-Hugues Oppel
Syros, 2008 (Rat noir)
121 p.
10 €
978-2-7485-0748-5
Genre
Roman policier
Mots clés
Vengeance
Justice
Prison
Flash-back sur un braquage : quatre coupables et une seule arrestation.
Plusieurs années se sont écoulées lorsque Dominique venge Claude,
qui a fini par se suicider, après un long séjour derrière les barreaux.
L’ambiguïté des prénoms, masculin ou féminin, est un habile procédé,
qui permet de centrer le récit autour de Claude, une femme courageuse
qui n’a pas voulu dénoncer ses trois complices. L’univers carcéral s’est
refermé sur elle, jusqu’à la pousser à un acte irrémédiable. Le lien entre
les personnages est peu à peu dévoilé : le frère a décidé de rendre
« justice » à sa sœur et le déroulement est inéluctable, comme dans une
tragédie antique.
Jean-Hugues Oppel dénonce ici l’enfer de la prison et les
humiliations quotidiennes. Le roman met aussi en cause la
« vendetta », mécanisme de la haine qui ne peut tenir lieu de justice.
Ce texte peut amorcer un débat sur la justice et la prison. Un
exemple de roman noir réussi !
■ Cécile Robin-Lapeyre
29 I Il était une fois dans le Nord
Philip Pullman
Trad. de l’anglais par Jean Esch
Ill. de John Lawrence
Gallimard Jeunesse, 2008
Tome supplémentaire de la fameuse trilogie À la croisée des mondes,
ce roman se déroule avant la naissance de Lyra. Lee Scoresby,
accompagné de son « daemon-lièvre » Hester, arrive à Novy
Odense, ville du grand Nord. L’atmosphère y est très tendue à cause
Lecture Jeune - mars 2009
Littératures
des prochaines élections à la mairie. Témoin d’ignobles manœuvres
politico-financières, Lee ne pourra s’empêcher d’intervenir. Il
rencontrera l’ours guerrier, Iorek Byrnison et ces deux personnages
fabuleux s’allieront contre un ennemi commun.
L’univers de la trilogie est présent dans ce roman grâce au talent
de conteur de l’auteur qui nous emmène avec aisance dans le
merveilleux. La dimension épique et poétique charmera les jeunes,
notamment ceux qui ne connaissent pas encore l’œuvre de Pullman.
L’esthétique de l’objet livre est très travaillée : la couverture est toilée et
l’ouvrage est orné de gravures signées John Lawrence. Un jeu intégré
à la fin de l’ouvrage en amplifie la beauté et attirera de nombreux
lecteurs joueurs.
■ Sébastien Féranec
95 p.
12,50 €
978-2-07-062125-5
Genre
Fantasy
Mots clés
Amitié
Arctique
30 I Arthur, l’autre légende
L’auteur de ce roman ose s’attaquer au légendaire roi Arthur ! Alors que
e
les historiens savent peu de choses de ce V siècle troublé, ce nouveau
récit prétend détruire le mythe et rétablir la vérité en « apportant son
dé à coudre à l’océan de légendes qu’il a inspirées » ! Dans ce texte
palpitant, la narratrice est une petite paysanne, Wynna, sauvée d’un
massacre perpétré par Arthur et ses hommes. Ces derniers soumettent
ceux qui refusent de prêter allégeance au roi. Elle est confiée à
Myrddin, le barde, alias Merlin, qui a mis son intelligence et sa ruse
au service d’Arthur. La Bretagne insulaire est une mosaïque de fiefs
et Myrddin rêve de reconstruire un puissant royaume en éradiquant
les Saxons, ralliant les Irlandais et autres seigneurs à son maître. Il est
prêt à tout pour faire de lui un grand roi pacifique, y compris mettre
en scène des légendes, trahir et faire assassiner ceux qui peuvent
faire obstacle à ses desseins. Myrddin garde la jeune fille auprès de
lui, et la déguise en garçon. Devenu l’écuyer Wynn, elle participe
aux péripéties des conquêtes d’Arthur et de Merlin, ce qui permet à
l’auteur, par le truchement d’un regard neuf, d’évoquer cet univers
violent. Les héros légendaires y perdent leurs vertus chrétiennes et leur
beauté idéalisée. Ils sont caricaturés avec un humour rappelant les
Monthy Python.
Ce roman, d’une grande qualité littéraire, peut se savourer selon
plusieurs niveaux de lecture. Certains aimeront décrypter les
correspondances entre les personnages et les héros de la légende
arthurienne, d’autres apprécieront le point de vue original d’une petite
fille devenue pivot des gestes héroïques.
■ Colette Broutin
Autre avis : Versez quelques cuillères d’aventures arthuriennes, ajoutez
quelques personnages bien trempés, saupoudrez le tout d’une petite
touche « british »… vous obtiendrez alors un roman croustillant ! Arthur,
l’autre légende réjouira aussi bien les fans de chevalerie que les
amateurs d’humour anglais décalé ! Philip Reeve revisite le mythe du
Lecture Jeune - mars 2009
Philip Reeve
Trad. de l’anglais par
Stéphane Carn
Gallimard Jeunesse, 2008
(Scripto)
368 p.
12 €
978-2-07-061440-0
Genre
Roman d’aventures
Mots clés
Légendes
Moyen Âge
Chevalerie
57
58
Et après
roi Arthur et réunit tous les ingrédients pour tenir le lecteur en haleine :
multiplication des péripéties, intrigues et démythification du grand roi !
Le tout dans un style tellement habile que le lecteur croirait voir les
scènes se dérouler sous ses yeux : les personnages sont parfaitement
dépeints et l’ambiance de la Bretagne insulaire minutieusement
reconstituée. Philip Reeve est décidément un fameux barde, car on ne
lâche pas le roman avant de l’avoir fini ! Enfin, il faut saluer l’excellente
traduction de Stéphane Carn qui a adroitement conservé le style
florissant de l’auteur. Le roman a reçu en 2008 le « Carnegie Medal »,
décerné par un jury de bibliothécaires jeunesse en Grande--Bretagne.
■ Marianne Joly
31 I
Mark Walden
Trad. de l’anglais par
Anne-Judith Descombey
Éditions du Masque, 2008 (MSK)
298 p.
11 €
978-2-7024-3382-9
Genre
Fantastique
Mots clés
Amitié
Quête initiatique
Grande École du Mal et de la Ruse,
T.1
Otto Malpense, 13 ans, se réveille en compagnie de Wing Fanchu
dans un hélicoptère qui survole l’océan. Ils ont tous deux été enlevés
pour intégrer la G.E.M.R. : la Grande École du Mal et de la Ruse. Le
docteur Néro, fondateur et directeur de l’établissement, les accueille
pour former l’élite du mal : « Ici, nous voulons voir se développer toutes
vos potentialités, s’épanouir votre fourberie innée, nous voulons vous
aider à tourner le plus mal possible. À peine « recrutés », Otto, Wing,
Shelby et Laura vont réunir leurs « pouvoirs » pour échapper à leur sort.
Rien ne pourra les arrêter… ou presque !
Le lecteur ignore comment et pourquoi les élèves ont été choisis
et découvre au fur et à mesure les défauts de chacun d’entre eux.
L’écriture fluide de Mark Walden, rend la lecture captivante. Le
mystère est omniprésent et le suspense s’intensifie au fil des pages,
jusqu’au dénouement. Un roman qui incite à réfléchir sur les notions
de Bien et de Mal. Il s’agit d’un premier tome, dont on attend la suite
impatiemment.
■ Sébastien Féranec
32 I Clic
Collectif
Trad. de l’anglais par
Marie Cambolieu
Milan, 2008 (Macadam)
248 p.
13 €
978-2-7459-3266-2
Un roman, dix auteurs. Et pas n’importe lesquels : David Almond, Eoin
Colfer, Nick Hornby, Roddy Doyle… Pari audacieux et original, au
service d’une cause : le soutien à Amnesty International. Le roman
débute avec la mort du photographe de presse George Keane, dit
« Gé », qui laisse inconsolables ses petits-enfants : Jason, un ado rebelle,
et surtout la petite Maggie. Chacun hérite d’un paquet mystérieux :
l’adolescent découvre une liasse de photos de célébrités, dédicacées
à son nom, et la fille, une boîte insolite, contenant sept coquillages
exotiques, avec une carte énigmatique en guise de testament :
Lecture Jeune - mars 2009
Littératures
« Relance-les tous ! ». À partir de là, des histoires s’enchaînent et
s’enchevêtrent ; des rebondissements inattendus nous réservent de
belles surprises. Chaque auteur reprend le « cadavre exquis » et lève
un peu plus le voile sur Gé, en superposant les événements et les
rencontres qui l’ont mené à travers le monde. Des plages d'Angleterre
à la ville de Sapporo, en passant par la Russie et l’Australie, on
retrouve les traces du photographe et l’on découvre son portrait en
creux.Parallèlement, on assiste à l’évolution de Jason et de Maggie,
qui, chacun à sa manière, continuent l’œuvre de leur grand-père.
La diversité des styles et des tons du roman fait écho à la multitude
d’époques, de personnages et de contrées lointaines qui s’entrecroisent
avant de laisser apparaître le puzzle reconstitué d’une vie, l’univers
d’un homme. Si tous les récits n’ont pas la même charge émotionnelle
ni la même subtilité, l’ensemble évite les subterfuges cousus de fil blanc,
impose sa logique et laisse une agréable impression d’unité.
■ Nikoleta Bouilloux-Lafont
Réseau de lecture : Vous retrouverez les chroniques de certains titres
phares de ces auteurs dans nos numéros précédents, à savoir la série
Artemis Fowl, d’E. Colfer (LJ n° 103-105-107-119), À propos d’un
gamin, de N. Hornby (LJ n° 107), Rendez-vous au pub, de R. Doyle (LJ
n° 99), Glaise, de D. Almond (LJ n° 125)…
Lecture Jeune - mars 2009
Genre
Cadavre exquis
Mots clés
Photographie
Voyage
59
60
Parcours de lecture
Et après BD
33 I
Alcante
Ill. de Fanny Montgermont
Dupuis, 2008 (Aire Libre)
80 p.
18 €
978-2-80014-211-1
Mots clés
Maladie
Paternité
Différence
La vie d’un homme bascule quand une femme, avec qui il a vécu 13
ans auparavant, l’appelle pour le rencontrer. Jusque là, il a mené
une vie facile de grand adolescent, séducteur et égoïste. Il découvre
qu’il a un fils, atteint d’une maladie génétique incurable, la progéria,
qui accélère le vieillissement. La jeune femme, gravement malade
elle aussi, sollicite son aide pour s’occuper de l’enfant pendant son
hospitalisation. Comment assumer cette paternité imprévue qui, non
seulement bouleverse sa vie sentimentale et professionnelle, mais le
confronte à un fils dont l’apparence sénile le met mal à l’aise ?
Le récit est admirablement servi par un dessin aux couleurs légères,
expression juste et intime des émotions qui bouleversent les
personnages. Au cours de ces instants partagés, le père et le fils se
découvrent, se heurtent, vivent des moments de complicité émouvante
où leurs mains se joignent dans un amour infini. Sans céder à la
sensiblerie, cet album plein de pudeur éclaire le drame des enfants
atteints d’une maladie génétique rare, qui vivent dans l’attente
angoissante d’une mort prématurée.
■ Colette Broutin
34 I
Boulet
Delcourt, 2009 (Shampoing)
200 p.
16,90 €
978-2756-01454-8
978-2756-01710-5
Mots clés
Quotidien
Internet
Quelques jours ensemble
Notes, T.1 et T.2
Ces ouvrages racontent peu de choses si ce n’est de petits épisodes,
des tranches de vie récoltées au jour le jour par le dessinateur pour
enfants, Boulet. Toutes les planches de cette bande dessinée sont
issues de la première année d’existence du blog de l’auteur. C’est en
quelque sorte un journal « ex-time » de l’auteur où les thèmes – des
plus farfelus au plus sérieux – sont abordés sur le ton de l’humour : le
ménage, le sexe, Internet, les courses, les amis, la vision de soi, la
télévision, etc. Avec toute sa palette graphique, Boulet nous propose
sa vision de la vie ; celle d’un adolescent qui a grandi trop vite,
confronté à tous les problèmes des « vrais » adultes.
Il y a une certaine connivence entre cet « adulescent » de 28 ans
et les plus jeunes car le regard qu’il pose sur le monde et ses
interrogations pourraient être partagés par des adolescents :
les complexes physiques, l’humour « potache », une certaine
nonchalance, un goût prononcé pour la lecture des mangas, pour
la musique, etc. Le dessin varie d’un « strip » à l’autre et l’anarchie
dans la succession des thèmes – conséquence de la publication
Lecture Jeune - mars 2009
61
quotidienne de ses planches sur son blog – rendent la lecture
plaisante. La série devrait compter 4 tomes.
■ Thomas Bailly
Vous pouvez consulter le blog de Boulet à l’adresse suivante :
www.bouletcorp.com/blog/. Ndlr.
35 I
Vinci, T.1 : L’Ange brisé
Pourquoi François Ier s’est-il déplacé en personne pour confier un
tableau au prieur de l’abbaye de Vauluisant ? Ce portrait peint par
le grand Léonard de Vinci ne ressemble en rien à son œuvre connue.
Pourquoi ce tableau mystérieux doit-il n’être vu de personne ? Le
roi revient quelques années en arrière, en 1494, à Milan, lorsque
d’étranges crimes sont perpétrés. De grands personnages de la ville
ont été retrouvés le visage dépecé et certains témoins évoquent la
présence d’une énorme chauve-souris ou d’un monstre de deux mètres
de haut. Le prévôt fait appel au grand Léonard pour ses connaissances
en anatomie mais ne le soupçonne-t-il pas d’être le tueur ?
Une superbe bande dessinée historique, à l’intrigue bien ficelée.
Une affaire criminelle palpitante dans le décor d’une ville de la
Renaissance italienne, minutieusement reconstituée, aux chaudes
couleurs aquarellées. Le choix du papier glacé renforce la précision
et la luminosité du dessin. On attend le second et dernier tome avec
impatience.
■ Agnès Donon
Didier Convard
Ill. de Gilles Chaillet
Glénat, 2008 (Caractère)
56 p.
13 €
978-2-7234-5771-2
Mots clés
Léonard de Vinci
François Ier
Renaissance
Mattéo, première époque
(1914-1915)
36 I
Durant la guerre de 14--18, se décide le destin de Mattéo, jeune héros
de cette bande dessinée. Fils d’un anarchiste espagnol et réfugié en
Catalogne française, il aurait pu échapper à la mobilisation. Mais
comment résister aux pressions de son entourage ? L’heure du départ
approche : le jeune homme espère une victoire rapide. Mattéo pense
à la jolie Juliette dont il est amoureux. Celle-ci ne lui cache pas ses
préférences pour ceux qui partent au combat. Ainsi, Mattéo partage
le sort de milliers de soldats fracassés dans la boue des tranchées et
stupidement sacrifiés par la folie de leurs supérieurs.
Le dessin aquarellé, superbe, et la palette choisie permettent de saisir
aussi bien les paysages et la boucherie des combats que les portraits
expressifs de ceux qui sont entraînés dans l’horreur des combats. Le
réalisme des images renforce ce puissant plaidoyer contre la guerre.
Gageons que la suite des aventures de Mattéo, déserteur malgré lui,
sera aussi réussie.
■ Colette Broutin
Lecture Jeune - mars 2009
Jean-Pierre Gibrat
Futuropolis, 2008
64 p.
16 €
978-2-7548-0113-3
Mots clés
Première Guerre mondiale
Courage
Amour
62
Et après
37 I
Éric Liberge
Musée du Louvre/Futuropolis,
2008
65 p.
16 €
978-2-7548-0168-3
Mots clés
Musée
Patrimoine
Surdité
Cette bande dessinée est la troisième collaboration entre le musée du
Louvre et les Éditions Futuropolis. Une fois de plus, c’est une réussite !
L’auteur, Éric Liberge, inscrit ce livre dans la politique du musée pour
rendre accessibles ses collections au public sourd et malentendant. Il
imagine un scénario qui rend perceptible, à un lecteur entendant,
l’univers des sourds et les difficultés quotidiennes auxquelles ils sont
confrontés. Le héros est un jeune sourd-muet qui doit effectuer un stage
au musée du Louvre. Mais les circonstances lui font rencontrer un étrange
gardien qui lui propose de le seconder dans la surveillance nocturne
de l’établissement, pendant les heures impaires ! C’est alors que le récit
bascule et que les frontières s’effacent entre réel et imaginaire. En effet,
qui n’a rêvé, au moins une fois, de visiter un musée, seul, la nuit ?
Le lecteur s’identifie au jeune héros en partageant sa fantastique
expérience et surtout ses angoisses, car ce gardien surprenant lui
confie une lourde responsabilité : prendre en charge la souffrance des
œuvres d’art en les libérant de leur immobilité ! Au fil des pages, dont
le graphisme est sans défaut, on évolue dans le décor des galeries,
reconnaissant les œuvres au second plan, pendant qu’au premier se
joue l’aventure du héros. Mais très vite le cadre des vignettes se modifie
jusqu’à exploser comme les murs du Musée ! En adoptant le point de
vue du jeune sourd, le récit met en scène ses émotions, ses révoltes,
ses douleurs, sa formidable énergie et sa sensibilité exceptionnelle.
Mais est-ce compatible avec la nécessité absolue de conserver et de
protéger les œuvres d’art ?
■ Colette Broutin
Réseau de lecture : Nous conseillons les deux bandes dessinées déjà
parues dans cette collection : Période glaciaire (2005) de Nicolas de
Crécy et Les Sous-Sols du révolu (2006) de Marc-Antoine Mathieu.
38 I
Tsutomu Takahashi
Kana, 2008 (Big Kana)
240 p.
13,50 €
978-2-5050-0321-2
Genre
Manga
Mots clés
Japon
Famille
Aux heures impaires
Bakuon Rettô, T.1
En 1980, Takashi Kase vient de déménager dans un nouveau quartier
de Tokyo, plus proche de la campagne. Ses parents ont ainsi souhaité
l’éloigner de ses mauvaises fréquentations. Mais très vite, il se retrouve
entraîné par des motards, les Zéros, groupe de bôsôzokus. Lors de
sa première virée en moto en tant que passager, Takashi est pris en
chasse par la police.
Le portrait de l’adolescent en quête d’identité est très juste et non
exagéré. Cette série (dont treize volumes sont déjà publiés au Japon)
est l’œuvre de Tsutomu Takahashi, créateur de Sidooh (Panini Comics).
Nous retrouvons ici sa spécificité : des dessins très réalistes. Les grandes
planches sur des doubles pages traduisent le dynamisme des actions et
mettent en valeur les indéniables talents artistiques de l’auteur.
■ Sébastien Féranec
Lecture Jeune - mars 2009
BD
63
Parcours de lecture
Et après Documentaires
39 I
Les Machos expliqués à mon frère
Clémentine Autain, militante féministe, retrace l’histoire du combat
pour l’égalité des sexes et invite le lecteur à se forger un regard critique
sur l’état actuel des rapports entre les hommes et les femmes. En ciblant
quelques banalités (pourquoi du bleu pour les garçons et du rose
pour les filles ?), stéréotypes ancrés dans nos mentalités, elle interroge
l’intime, l’identité, et la possibilité pour chacun de se construire en tant
qu’individu et d’apprendre à se détacher des modèles imposés.
De nombreux exemples, précis et datés, viennent appuyer l’exposé de
l’auteur. La forme dialogique et le style oral rendent le texte limpide
et dynamique, captivant le lecteur dès les premières lignes. La clarté
du récit et la simplicité d’approche sont des éléments appréciables
qui permettront au lecteur d’approfondir un sujet en l’impliquant
directement.
■ Élise Hoël
40 I
Clémentine Autain
Ill. de Lise Herzog
Seuil, 2008 (Expliqué à)
99 p.
7€
978-2-02097-004-4
Mots clés
Féminisme
Injustice
Relation fille/garçon
Victor Schoelcher : « non à
l’esclavage »
Joseph Wresinski: «non à la misère»
Dans le premier livre, il est question de Victor Schoelcher qui obtient
l’abolition de l’esclavage par un décret de la IIe République, le 27
avril 1848, puis il poursuit inlassablement son action pour que la loi
soit effectivement appliquée. C’est un homme cultivé dont les opinions
républicaines lui valurent d’être exilé par Napoléon III, honneur qu’il
partagea avec son ami Victor Hugo.
Le père Joseph Wresinski, quant à lui, a fondé le Mouvement ATD-QuartMonde et le texte en souligne la spécificité, de ses débuts, à Noisy-le-Grand
pendant l’hiver 1957, jusqu’à la grande manifestation au Trocadéro
baptisée « Journée mondiale de lutte contre la misère », en 1987.
Ces récits clairs et bien écrits sont complétés par une chronologie et
une actualisation des problématiques qui, malheureusement, n’ont pas
disparu. Des personnalités engagées dans ces combats sont évoquées.
Une documentation iconographique, une liste des associations et
organisations non gouvernementales luttant contre l’esclavage et
la pauvreté fournissent des outils pour une éventuelle exploitation
pédagogique.
■ Colette Broutin
Lecture Jeune - mars 2009
Gérad Dhôtel
Actes Sud Junior, 2008
(Ceux qui ont dit non)
95 p.
7,80 €
978-2-7427-7761-1
Caroline Glorion
Actes Sud Junior, 2008
(Ceux qui ont dit non)
95 p.
7,80 €
978-2-7427-7758-7
Mots clés
Esclavage
Misère
64
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Littératures
41 I
J.M.G. Le Clézio
Gallimard, 2008 (Blanche)
206 p.
18 €
978-2-07-012283-7
Genre
Roman historique
Mots clés
Guerre
Adolescence
L’histoire dans l’Histoire : Ethel n’a que dix ans lorsqu’elle découvre
l’Exposition Coloniale avec son grand-oncle Soliman. Celui-ci éveille pour
toujours sa curiosité sur le monde. La petite fille se lie d’amitié avec Xénia,
une exilée russe. Les réunions hebdomadaires dans le salon paternel font
écho à la catastrophe annoncée : la guerre, précédée par une vague
d’antisémitisme. Jusqu’alors, bercée par la confusion des voix, Ethel ne
donnait pas de sens aux propos des adultes. Devenue adolescente, elle
découvre leur hypocrisie et leur cupidité. Face à l’image négative de
ce microcosme social, de cette bourgeoisie d’affaires opportuniste et
raciste, la jeune fille se forge une pensée positive.
Avec ce personnage emblématique, le roman donne une clef de l’œuvre
de l’auteur : l’adolescence est souvent synonyme de clairvoyance (Ethel
rappelle Esther, l’« Étoile errante » qui a fuit la France pour Israël). Ce
roman de la mémoire s’inspire de la biographie de la mère de l’auteur.
Le portrait maternel émeut et la personnalité de l’écrivain se dessine en
creux : « J’ai écrit cette histoire en mémoire d’une jeune fille qui fut malgré
elle une héroïne à vingt ans. » Cette jeune fille lutte pour un monde plus
juste, honore les valeurs que ne respectent plus les adultes. Ethel est une
adolescente idéalisée qui touchera un public de jeunes adultes.
■ Cécile Robin-Lapeyre
42 I
Xavier Gual
Trad. de l’espagnol par
Antoine Martin
Au Diable Vauvert, 2008
292 p.
17 €
978-2-84626-148-7
Mots clés
Banlieue
Drogue
Ritournelle de la faim
Ketchup
Miki, adolescent d’une banlieue espagnole, a abandonné les études,
selon lui inutiles. Son unique désir est de s’acheter une belle voiture, ce
qui nécessite de trouver un financement. Quels que soient les moyens
utilisés, Miki trouvera de l’argent : les deals se multiplient, les filles sont des
marchandises et son ami Sapo l’entraîne sur le tournage d’un film porno.
Le récit est très réaliste. La traduction est réussie et les dialogues,
proches d’une écriture scénaristique, rendent la lecture facile. Les
chapitres sont courts et les points de vue alternent : le professeur clame
sa colère face à l’intolérable attitude de Miki, la mère, le policier, le
dealer, le skinhead livrent leurs pensées. Ce roman est provocateur, et
ne plaira pas à tous les lecteurs. Les scènes et le vocabulaire sont crus
et peignent une jeunesse aussi désespérée que désespérante, qui n’a
plus aucune valeur, ni même l’amour ou l’amitié ! La lecture marque les
esprits et incite à la réflexion.
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - mars 2009
65
43 I
Ailleurs
Une femme quitte précipitamment l’Australie avec ses deux enfants
pour se réfugier dans la grande demeure familiale, en France. Elle y
retrouve sa mère, son frère et sa belle-sœur qui vient d’accoucher. Mais
l’enfant est mort né et la jeune femme ne peut se résoudre à l’enterrer.
Alors que le roman se déroule de nos jours – quelques détails comme
un portable, suffisent à l’indiquer – l’intrigue semble se passer dans
une époque lointaine, ailleurs… L’atmosphère est lourde et mêle deux
drames parallèles : le cadavre du bébé évoque un scénario morbide
et l’épouse a fui la maltraitance conjugale. Beaucoup de questions
resteront en suspens dans ce roman, comme le sort du père que l’enfant
tente de joindre au téléphone. La mort rôde sur la demeure et menace
tous les protagonistes…
Peu de mots, pas de descriptions inutiles, ni de digressions, une
littérature efficace : une écriture envoûtante décrit par touches
suggestives un huis clos qui se déroule dans un lieu tout aussi enchanteur
que maléfique. Les lecteurs les plus âgés apprécieront ce conte sombre,
car il n’est pas sans rappeler l’univers cinématographique qui leur est
familier : gothique et fantastique.
■ Cécile Robin-Lapeyre
44 I
Julia Leigh
Trad. de l’anglais par
Jean Guiloineau
Christian Bourgois, 2008
104 p.
15 €
978-2-267-01995-7
Mots clés
Famille
Mort
Violence
Toute la nuit devant nous
Trois nouvelles, sans lien entre elles, composent ce recueil. « Le fils
de l’étoile » se déroule lors d’une colonie de vacances. François se
singularise des autres garçons et prend sur le narrateur, Mestrel, un
ascendant d’autant plus fort que ce dernier devient le bouc émissaire de
ses camarades. Ces deux solitaires connaîtront une amitié fusionnelle et
le plus fort vengera le plus faible… L’atmosphère particulière repose sur
la fascination et la répulsion inspirées par le personnage central. À cette
dualité s’ajoute l’opposition entre les registres : réaliste et fantastique.
La deuxième nouvelle décrit comment quatre adolescents décident de
sacrifier leur vie pour attirer l’attention sur le désastre écologique qui
menace la Terre. La préparation de leur action se déroule, implacable
et bouleversante ! La troisième nouvelle a pour cadre Marseille, le
football et les quartiers Nord. « Le père à Francis » a essayé de sauver
les « minots » de sa cité, mais aujourd’hui il est mort. Un adolescent, en
prison, se souvient. Il a laissé filer la chance que lui offrait cet homme
généreux. Une histoire juste, jusque dans le langage du jeune homme et
la nostalgie terrible qui s’en dégage.
Trois ambiances radicalement différentes, pour un thème commun :
l’adolescence, associée à la mort. Des récits d’une lecture facile, avec
une chute tragique, dont le lecteur ne ressort pas indemne. À réserver à
des lecteurs assez matures. Un petit chef-d’œuvre du genre !
■ Cécile Robin-Lapeyre
Lecture Jeune - mars 2009
Marcus Malte
Zulma, 2008
125 p.
15,50 €
978-2843-04459-5
Genre
Nouvelles
Mots clés
Adolescence
Violence
Mort
66
Lecteurs confirmés
45 I
Haruki Murakami
Trad. du japonais par
Hélène Morita
Belfond, 2008
432 p.
21,50 €
978-2-7144-4284-0
Genre
Nouvelles
Mots clés
Fantastique
Poésie
Une jeune fille promet à son petit copain qu’elle fera l’amour avec
lui quand elle aura un mari. Victime d’un singe kleptomane, une
jeune femme sent son propre nom lui échapper. Au cours d’une
promenade, un médecin ramasse une pierre en forme de rein,
qui ferait un bon presse-papiers dans son cabinet. Mais la pierre
ne tient pas en place. Un détective « totalement bénévole », que
cela « intéresse énormément, sur un plan personnel, de localiser
les personnes qui ont disparu », recherche un homme d’affaires
volatilisé entre le vingt-quatrième et le vingt-sixième étage de son
immeuble. Vainement.
Singulières, envoûtantes, bien qu’inégales, voici vingt-trois nouvelle du
grand Murakami. L’occasion de se laisser ravir par l’art du conteur, par
son univers insolite, traversé de hasards et de coïncidences, d’étranges
échappées oniriques. Le fantastique de Murakami possède une
séduction tenace, un humour désinvolte dignes de Buñuel. Narquois,
l’auteur renvoie personnages et lecteurs à leur propre perplexité, sans
proposer d’explication : « Des choses qui commencent sans raison
s’arrêtent sans raison. Le contraire peut être vrai aussi. »
■ Charlotte Plat
46 I
Nathalie Papin
L’école des loisirs, 2008 (Théâtre)
62 p.
6,50 €
978-2-211-09330-9
Genre
Théâtre
Mots clés
Coma
Vie
Mort
Saules aveugles, femme endormie
La Morsure de l’âne
Au bord du royaume des ombres, un fleuve sépare le monde des
vivants de celui des morts. Le long de sa berge, dans une zone
« vague », circulent les égarés, ni vivants ni morts. Mais ce lieu se
métamorphose et on devine une chambre d’hôpital en soins intensifs.
Dans ce lieu insolite, Paco devrait mourir. Il croise des créatures qui
semblent sorties de mythes anciens. D’autres sont de simples humains.
Plongé dans l’inconscience, il est fortement tenté d’abandonner. Mais
les signaux qui arrivent du monde des vivants l’emportent.
La pièce comporte 16 scènes sans titre, non numérotées. Un premier
ensemble s’articule autour du ballet des passeurs de la mort : Noïké,
l’âne, la Mort. Le groupe suivant s’organise autour des humains,
ceux qui ont déjà anticipé la mort de Paco, et ceux qui se battent
pour le rappeler à la vie. Mais le véritable combat est celui de Paco
avec son corps, dont il voudrait bien se débarrasser. Ce dernier
s’accroche, et l’invite à tenter avec lui un retour vers la vie. Le
dialogue très linéaire s’attache à rendre la fluidité du rêve et de ses
figures. Dans cette opération de dévoilement, le suspense est moindre
mais le questionnement important. Chacun demande des comptes,
argumente, se laisse convaincre. Ce texte réussit à raconter en termes
à la fois simples et poétiques une expérience aux frontières de la
mort.
■ Nicole Wells
Lecture Jeune - mars 2009
67
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés BD
47 I
Je mourrai pas gibier
Mettre en image le roman de Guillaume Guéraud était un pari risqué
et audacieux, mais Alfred nous propose une adaptation réussie qui
permet une nouvelle lecture de l’oeuvre. Le village de Mortagne,
où évolue l’adolescent Martial, est scindé en deux clans : ceux qui
travaillent à la scierie de M. Listrac et les autres, qui se consacrent à
la vigne, au Château Clément. Martial gravite autour de ces groupes,
tout comme Terence, le simple d’esprit de la bourgade. Ce dernier est
attaqué de toute part. Il est victime d’insultes, jusqu’au jour où il est
passé à tabac.
Alfred a choisi de dessiner avec un simple stylo bic, sur du vieux
papier. Le trait est vif, précis, les visages, comme taillés au couteau. La
mise en scène graphique de l’auteur révèle de nouveaux aspects du
texte de Guéraud. Ici, le malaise général et intrinsèque qui plane sur
Mortagne marque le lecteur. Certainement plus que la tuerie finale. Le
ciel, terne, pèse sur la campagne, les regards sont tour à tour vides ou
apeurés. Les couleurs servent admirablement le dessin d’Alfred. Une
adaptation réussie qui saura toucher un nouveau public, non habitué à
la lecture des romans destinés aux adolescents.
■ Anne Clerc
48 I
Alfred
D’après l’œuvre
de Guillaume Guéraud
Delcourt, 2009 (Mirages)
111 p.
14,95 €
978-275601-313-8
Mots clés
Meurtre
Violence
Shutter Island
Cette bande dessinée est une adaptation du roman éponyme de
Dennis Lehane, publié en 2003. Dans les années 1950, l’îlot de
Shutter Island, au large de Boston, abrite un hôpital psychiatrique où
sont internés des criminels souffrant de troubles mentaux. Le marshal
Tedy Daniels et son coéquipier Chuck Aule prennent le bateau pour
se rendre dans la forteresse, à la demande du directeur. En effet,
une prisonnière, Rachel Solando, s’est évadée sans laisser de traces,
excepté une feuille de papier laissée sur son lit sur laquelle elle a
dessiné une succession de chiffres et de lettres, sans signification
apparente. Les enquêteurs s’interrogent sur le véritable rôle des
médecins psychiatres qui semblent leur cacher la vérité. Se livrent-ils à
des traitements expérimentaux sur les malades, en particulier ceux qui
sont enfermés dans le phare ? On comprend que l’inspecteur a des
motifs personnels pour être sur cet îlot : il recherche le responsable de
la mort de sa femme, un certain Andrew Laeddis… jusqu’au moment
où le récit bascule !
Lecture Jeune - mars 2009
Dennis Lehane
Ill. de Christian de Metter
Rivages/Casterman, 2008
128 p.
18 €
978-2-203-00775-8
Mots clés
Suspense
Angoisse
68
Lecteurs confirmés
L’atmosphère de ce huis clos, hanté par de dangereux psychopathes,
est admirablement servie par le graphisme et de sombres teintes
encrées, jouant sur les contrastes sépia. Le lecteur est littéralement piégé
par des indices savamment distillés, qui le conduisent à une terrifiante
révélation finale. C’est une œuvre aboutie car on relit attentivement cet
album pour savourer l’agencement des dessins et des textes avec le
plaisir d’y déceler la maîtrise parfaite du récit.
■ Colette Broutin
49 I
Nancy Peña
La boîte à bulles, 2008
(Contre-jour)
78 p.
17 €
978-2-8453-070-2
Mots clés
Londres
Tea Party
On retrouve avec plaisir l’univers singulier de Nancy Peña qui dans Le
chat du kimono, – voir LJ n° 123 – déjà nous avait charmés. Tea Party
est d’ailleurs une suite se déroulant quinze années plus tard à Londres.
On croise à nouveau nos drôles de héros qui avaient de près ou de loin
côtoyé le personnage du chat. Alice Barnes est devenue une jolie jeune
femme et c’est elle désormais qui revêt le kimono aux chats. Son père
a mis au défi Lord Mac Dale de dénicher le meilleur thé du monde et
les deux hommes ont engagé pour ce faire des « cookery counsellers » !
Victor Neville tentera de s’acquitter aux mieux de cette tâche. Mais
parviendra-t-il à gérer ses hallucinations et les pièges tendus par Alice
Barnes ? Skerlock Holmes pourrait-il l’aider à démêler les trompeuses
apparences ? Attention Victor Neville car « seuls les chats ont neuf
vies ! »
Gentiment déjanté, joliment référencé, Tea Party propose un univers
délicat et réjouissant, tout empreint d’onirisme. L’élégant trait noir
s’emplit d’ailleurs de rouge lorsque l’histoire semble flirter avec le
fantastique… On a hâte de partir à la recherche de la recette perdue
des « merveilleux black shortbreads » aux côtés de Neville !
■ Hélène Sagnet
Lecture Jeune - mars 2009
69
Parcours de lecture
Lecteurs confirmés Documentaires
50 I
L’Europe de A à Z
Ce documentaire se présente sous une forme classique : l’abécédaire.
Cette disposition permet une recherche facile en 26 rubriques mais cette
entrée alphabétique a quelques inconvénients : par exemple les mots
clés retenus représentent parfois des symboles. Un index thématique
permet aussi une consultation ponctuelle. L’ouvrage peut également se
lire de bout en bout, comme un socle de culture générale. Le contenu
recouvre l’identité européenne, géographique, politique, économique
et culturelle.
Les encarts sont intéressants (le traité de Lisbonne, la Turquie, le
vieillissement de la population, etc.). Vision positive de la construction
européenne, l’ouvrage ne donne pas la parole à ses détracteurs.
Malgré l’apparence « cahier d’écolier », l’illustration démarque ce livre
d’un manuel scolaire et semble le destiner à un public jeune. Sa lecture
demande cependant un niveau de connaissances acquis à partir du
lycée. Nous regrettons la lisibilité parfois imparfaite : typographie trop
petite, couleur qui noie le texte. Mais c’est un ouvrage riche, qui ne sera
pas trop vite obsolète, hormis l’encart sur l’Euro.
■ Cécile Robin-Lapeyre
51 I
Claire A. Poinsignon
Ill. de Frédérique Bertrand
Arte éditions / Éditions du Rouergue,
2008
127 p.
15 €
978-2-84156-961-8
Mots clés
Europe
Histoire
Rebelles sur grand écran
Cet ouvrage très complet propose d’analyser différentes figures de
rebelles aussi bien dans des classiques que dans des films plus récents,
aux genres très différents. Cinq catégories de rebelles structurent
l’ouvrage : « Rebelles sans cause », « J’vous dis merde », « Rebelles avec
causes », « Le démon des armes » et « Paradis perdu ». Le documentaire
donne des informations générales sur les cinéastes, sur certains acteurs
mythiques et propose de décortiquer très précisément quelques scènesclés. Les résumés des films, les biographies des cinéastes cités ainsi
qu’un petit glossaire des termes techniques bouclent ce documentaire.
Pierre Gabaston, professeur des écoles et spécialiste du cinéma nous
offre ici une étude transversale très réussie. Destiné à des adolescent
passionnés de cinéma ou à des professeurs désireux de faire étudier
cette thématique en classe, l’ouvrage apporte des éléments très précis
sur un sujet qui sort des sentiers battus et ne manquera pas d’intéresser
les jeunes !
■ Marianne Joly
Lecture Jeune - mars 2009
Pierre Gabaston
Actes Sud Junior/ Cinémathèque
française, 2008 (Atelier cinéma)
88 p.
16 €
978-2-7427-7968-0
Mots clés
Cinéma
Rebelles
70
Parcours de lecture
Ouvrages de référence
52 I
Collectif
Hachette et la Bibliothèque
nationale de France/Centre
national de la littérature pour
la jeunesse – La Joie par les livres,
2008
231 p.
23 €
9-782-01201-767-2
Mots clés
Traduction
Édition
Mondialisation
Traduire les livres pour
la jeunesse : enjeux et spécificités
Cet ouvrage de référence est composé des actes du colloque qui
s’est tenu à la Bibliothèque nationale de France les 31 mai et 1er juin
2007. Acteurs de l’édition jeunesse (éditeurs, auteurs, traducteurs)
et universitaires se sont penchés sur le cas de la traduction de
littérature pour la jeunesse. Quelle est la part des ouvrages traduits
dans la production francophone ? Où se vendent les livres français ?
Pourquoi la production anglo-saxonne semble-t-elle franchir toutes les
frontières avec un même succès ? Autant de questions auxquelles ces
professionnels du secteur tentent de répondre, avec leurs expériences,
leurs visions propres. Les traducteurs invités parlent avec bonheur et
passion de leur métier à la fois si beau et si difficile, et les éditeurs,
de leurs coups de cœur et succès de librairie (notamment Cécile
Terouanne évoque l’acquisition de Twilight pour Hachette). On notera
une réflexion profonde et passionnante de la traduction comme vectrice
de culture étrangère et prisme de perception d’une littérature, à travers
l’enquête de Nathalie Beau (de la Joie par les livres) et de Mathilde
Lévêque (Enseignante chercheuse), et le point de vue de Vivianne
Ezratty (de la bibliothèque de L’Heure joyeuse). Enfin, il est question
des particularités de la traduction de livres en direction d’un jeune
public, pour la fiction romanesque, mais aussi pour l’album, le manga
ou le documentaire.
Si toutes ces problématiques apportent un éclairage nécessaire et
fascinant sur un domaine qui, en dépit de son histoire riche et ancienne,
est en perpétuelle évolution, on regrettera que certaines interventions
restent théoriques et ne fassent pas davantage état des contraintes
ressenties par les acteurs de l’édition au quotidien (délais toujours plus
serrés, communication réduite, etc.) À l’heure de la mondialisation
et alors que la frontière entre littérature pour la jeunesse et pour les
adultes devient souvent ténue, il est dommage qu’un ouvrage aussi
ambitieux et destiné à un public de professionnels n’ait pas davantage
pris en compte les conditions actuelles de réalisation des livres.
■ Marie Cambolieu
Lecture Jeune - mars 2009
En savoir plus
Formations
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Informations
page 74
72
En savoir plus
Formations Lecture Jeunesse Programme
Premier semestre 2009
Nos stages et journées d’étude se déroulent à Paris à des dates prédéterminées. Ils sont également
proposés sur site à la demande des bibliothèques municipales, bibliothèques départementales de prêt,
IUFM, associations… Programmes détaillés : www.lecturejeunesse.com
Stages : Savoirs de base
● Les mangas
niveau « repères »
Problématique
La France est le second pays lecteur de mangas après
le Japon. Les jeunes se sont emparés de ces livres dont
les héros et valeurs, étonnamment, leur ressemblent.
Comment mieux appréhender la qualité littéraire et
graphique de ces ouvrages ? Comment se repérer
dans les courants et les genres pour prendre une place
de conseil auprès des jeunes ?
Objectifs
- Acquérir des clés de compréhension de la société
japonaise
- Situer les grands courants, les genres, les auteurs
incontournables
- Identifier les éditeurs, les collections, les séries
- Maîtriser le fonctionnement narratif et graphique de
ces ouvrages
- Choisir et comparer les titres en vue d’une politique
d’acquisition raisonnée
Dates : 1-2-3 avril 2009
Clôture des inscriptions : 4 mars 2009
● Les adolescents et les documentaires
Problématique
Pour leurs recherches scolaires, les adolescents
utilisent Internet avant de se tourner vers le livre
documentaire, oubliant qu’il peut constituer une étape
dans leur repérage tout en suscitant le plaisir de la
lecture. Comment prendre en compte la demande de
renseignements scolaires et le besoin de découvertes
personnelles dans la constitution d’un fonds qui soit à
la fois cohérent et repérable ?
Objectifs
Object
Dates : 13-14-15 mai 2009
Clôture des inscriptions : 15 avril 2009
Clôture
● Les albums et les adolescents
●
- Développer une politique d’acquisition de
documentaires qui prenne en compte les programmes
scolaires et les centres d’intérêts des jeunes, en
complémentarité avec les ressources d’Internet
- Identifier les collections « jeunesse » ainsi que certaines
collections généralistes accessibles aux adolescents
- Comparer les documentaires portant sur un même
thème et évaluer leur qualité
Problématique
Les adolescents d’aujourd’hui ont une culture de
l’image très étendue. Lecteurs de bandes dessinées
notamment, comment leur faire découvrir et apprécier
de nouvelles formes visuelles dans le domaine du
livre ?
Objectifs
- Identifier l’offre éditoriale
- Découvrir et analyser des univers d’auteurs
- Proposer des pistes d’entrée dans les littératures
graphiques
Dates : 3-4-5 juin 2009
Clôture des inscriptions : 6 mai 2009
- Définir
- Identif
des titre
intérêt
- Explor
- Analy
jugeme
public a
Dates :
Problé
La band
créativi
et l’ima
riches e
en bibli
Object
- Comp
le rapp
- Identi
d’intére
- Analys
Dates :
Clôture
● Les romans à l’adolescence
niveau « repères »
Problématique
Comment se repérer dans la production d’ouvrages
de fiction, pour proposer aux jeunes des livres
adaptés à leurs parcours de lecteurs ?
Lecture Jeune - mars 2009
●
Problé
On ass
théâtra
d’entré
73
Inscriptions
Catherine Escher
Tél. : 01-44-72-81-50 – [email protected]
Renseignements pédagogiques
Hélène Sagnet – Nikoleta Bouilloux-Lafont
Tél. : 01-44-72-81-52
Tarifs des journées d’étude
Tarifs des stages
405 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
305 € TTC (Prise en charge personnelle)
Objectifs
- Définir les enjeux de la lecture à l’adolescence
- Identifier les collections « pour » adolescents ainsi que
des titres de littérature générale pouvant susciter leur
intérêt
- Explorer des univers d’auteurs
- Analyser et critiquer un livre, en dépassant le simple
jugement de valeur personnel et en gardant à l’esprit le
public auquel le roman est destiné
Dates : 10-11-12 juin 2009
Clôture des inscriptions : 13 mai 2009
60 € TTC (Prise en charge de l’employeur)
30 € TTC (Prise en charge personnelle)
ces textes et leurs mises en scène pour le public
adolescent ?
Objectifs
- Comprendre les spécificités du texte théâtral et ses
enjeux pour un jeune public
- Identifier dans le répertoire théâtral contemporain des
textes susceptibles de s’adresser aux adolescents
- Proposer de nouvelles modalités de rapport au texte :
lire, dire et jouer
Dates : 1-2-3 juillet 2009
Clôture des inscriptions : 3 juin 2009
● La bande dessinée
niveau « repères »
Problématique
La bande dessinée est une forme littéraire d’une grande
créativité. Fondée sur la force du rapport entre le texte
et l’image, elle offre des pistes d’entrée dans la lecture
riches et singulières. Comment la valoriser et l’utiliser
en bibliothèque ?
Objectifs
- Comprendre le fonctionnement narratif (et notamment
le rapport texte/image)
- Identifier les titres et les collections susceptibles
d’intéresser un public adolescent
- Analyser, critiquer et conseiller une bande dessinée
Dates : 24-25-26 juin 2009
Clôture des inscriptions : 27 mai 2009
● Le théâtre et les adolescents
Problématique
On assiste à un véritable renouveau du répertoire
théâtral contemporain jeune public. Quelles pistes
d’entrée singulières en lecture peut-on trouver dans
Lecture Jeune - mars 2009
74
En savoir plus
Informations
Festivals et salons
Exposition
• Le 29e Salon du livre de Paris ouvre ses portes
du 13 au 18 mars avec le Mexique comme invité
d’honneur.
Site Internet : www.salondulivreparis.com
• Le 4e Festival du Livre Jeunesse du Havre, aura lieu du
27 au 29 mars et le thème en sera « Gourmandises ».
Site Internet: http://festihavrelivrejeunesse.over-blog.com
• L’exposition « Le Louvre invite la bande dessinée.
Le petit dessein » se tient du 22 janvier au 13 avril
2009.
Depuis 2005, le musée du Louvre s’est associé avec
les éditions Futuropolis pour créer une collection de
bandes dessinées. Le principe est de demander à un
auteur de BD de choisir une oeuvre, une collection,
une salle du Louvre et d’en faire un élément important
de l’« histoire ». On pourra y voir des planches des
quatre albums de la collection :
- Période glaciaire, par Nicolas de Crécy (2005) ;
- Les Sous-sols du Révolu, par Marc-Antoine Mathieu
(2006) ;
- Aux heures impaires, par Eric Liberge (2008) ;
- Le Ciel au-dessus du Louvre, par Bernar Yslaire et
Jean-Claude Carrière (à paraître en 2009)
Site Internet : www.louvre.fr
Prix
Appel à témoignages
• Le 36e Festival de la BD d’Angoulême a décerné
le prix du meilleur album à Winshluss pour Pinocchio
(éditions Les Requins Marteaux) et le prix « Essentiel »
Jeunesse au Petit Prince (éditions Gallimard, « Fétiche »)
de Joann Sfar.
Site : www.bdangouleme.com
Le numéro 130 (parution en juin 2009) de la revue
Lecture Jeune sera consacré à l’humour !
• La 10 e Fête du livre jeunesse de Villeurbanne
aura lieu les 25 et 26 avril 2009. Pour célébrer cet
anniversaire, de nombreux auteurs et illustrateurs :
Nathalie Novi, Susie Morgenstern, François Roca ou
Lionel Le Neouanic seront de la fête !
Site Internet : www.marie-villeurbanne.fr
• Le Prix Sorcières 2009 a récompensé Ulrich Hub
pour son roman L’Arche part à 8 heures (Alice Jeunesse,
« Les Romans ») dans la catégorie « romans 9-12 ans »
et deux titres ex-aequo dans la catégorie « romans
adolescents » : Le dernier Orc, de Silvana de Mari,
traduit de l’italien par Jacques Barbéri (Albin Michel
Jeunesse, « Wiz ») et Be Safe, de Xavier-Laurent Petit
(L’École des loisirs, « Médium »).
Revues
• Le prochain numéro de la revue Hors-cadre[s],
à paraître en mars 2009, aura pour thème
« Apparitions/disparitions ».
Qu’est-ce qui faire rire les adolescents (au cinéma,
sur Internet, à la télé, dans les livres...) ?
Partageons-nous leurs codes et pratiques dans ce
domaine ? L’humour relève-t-il d’une dimension
sexuée, générationnelle ?
Nous souhaitons vivement recueillir vos témoignages !
- Pourriez-vous, en quelques lignes, nous faire part des
réflexions et actions menées autour de l’humour en
bibliothèque, en direction d’un public d’ados (actions,
animations, etc.) ?
- Pourriez-vous partager vos observations (les textes
qui les font rire), vos succès dans la médiation de titres
et également vos déboires (textes que vous jugiez
hilarants ou en tout cas amusants et qui ne les ont pas
fait sourire !!) ?
- Nous publierons ces courts témoignages dans notre
revue !
Merci de nous écrire à l’adresse suivante :
Anne Clerc
[email protected]
Lecture Jeune - mars 2009
Index
Auteurs
page 76
Titres
page 77
Genres et mots clés
page 78
76
Index Auteurs
A
Alcante
Alfred
Ange
Antolini, Aurélie
Auda, Rolland
Autain, Clémentine
B
Balder, Arthur
Besnier, Michel
Binet, Juliette
Blondel, Jean-Philippe
Bondoux, Anne-Laure
Boulet
C
Chabas, Jean-François
Chaillet, Gilles
Clintock, Norah Mc
Colin, Fabrice
Convard, Didier
D
De Metter, Christian
Desmarteau, Claudine
Dhôtel, Gérard
notice
33
47
1, 17
18
19
39
notice
20
2
3
4
21
34
notice
5
35
22
6
35
notice
48
7
40
E
notice
G
notice
H
notice
K
notice
L
notice
Evette, Jean-Baptiste
Gabatson, Pierre
Gibrat, Jean-Pierre
Glorion, Caroline
Grousset, Alain
Gual, Xavier
H., Yves
Hermann
Keene, Daniel
Kennen, Ally
Koenig, Viviane
Konigsburg, E.L.
Le Clézio, J.M.G
Lebeau, Suzanne
Lehane, Denis
Leigh, Julia
Léturgie, Simon
8
Liberge, Éric
Lotthé-Glaser, Florence
37
16
M
notice
O
notice
P
notice
R
notice
T
notice
W
notice
Y
notice
Malley, Gemma
Malte, Marcus
Mens, Yann
Montgermont, Fanny
Murakami, Haruki
Oppel, Jean-Hugues
Papin, Natalie
Pena, Nancy
Poinsignon, Claire A.
Pullman, Philip
Reeve, Philip
Takahashi, Tsutomu
Walden, Mark
Yukimura, Makoto
Yzac, Adeline
27
44
10
33
45
28
46
49
50
29
30
38
31
14
11
51
36
40
9
42
12
12
23
24
15
25
41
26
48
43
13
Lecture Jeune - mars 2009
77
Index Titres
A
À la poursuite de l’enfantôme
À mille miles de toute terre habitée
Ailleurs
Allers sans retours
Apprenti (L’)
Arche de Noa (L’)
Arthur, l’autre légende
Au rebond
Au secours, mon corps !?
Aux heures impaires
notice
8
17
43
28
23
1
30
4
16
37
B
notice
C
notice
Bakuon Rettô, T.1
Bruit des os qui craquent (Le)
38
26
Cadavre au sous-sol
Clic
D
22
32
Déchaîné
Diable des sept mers (Le), T.1
Dico des Héros de l’Antiquité (Le)
Dom Juan
E
Écho des armes (L’)
Europe de A à Z
notice
24
12
15
13
notice
10
50
F
notice
G
notice
Fin du monde (La)
Grande École du Mal
et de la Ruse, T.1
Gringo Shaman
Guerre des livres (La)
6
notice
I
notice
J
notice
Il était une fois dans le Nord
Je mourrai pas gibier
Jeu de mains
Joseph Wresinski :
« non à la misère »
Q
notice
R
notice
S
notice
T
notice
Quelques jours ensemble
Rebelles sur grand écran
Résistance : l’histoire de Peter (La)
Ritournelle de la faim
Tea Party
Tels quels
Temps des miracles (Le)
Toute la nuit devant nous
Traduire les livres pour la jeunesse :
enjeux et spécificités
5
45
20
48
49
3
21
44
52
V
notice
Victor Schoelcher :
« non à l’esclavage »
Vinci : L’Ange brisé, T.1
Vinland Saga
40
notice
51
27
41
notice
Une jolie fille rien que pour moi
47
11
M
33
U
29
notice
34
Saia
Saules aveugles, femmes endormies
Secret de la pierre occulte (Le)
Shutter Island
25
K
Ketchup
notice
Notes, T.1 et T.2
31
19
9
H
Hurluberlus (Les)
N
42
Machos expliqués à mon frère (Les) 39
Mattéo, première époque
(1914-1915)
36
Mes années 70
7
Mon Kdi n’est pas un Kdo
2
Morsure de l’âne (La)
46
Lecture Jeune - mars 2009
18
40
35
14
78
Index Genres et mots clés
Genres
D
A
notice
Album
3, 7
C
notice
F
notice
Cadavre exquis
32
Fantastique
Fantasy
1, 8, 20, 31
29
H
notice
Humour
18
M
notice
Manga
14, 38
N
notice
Nouvelles
10, 44, 45
P
notice
Poésie
R
Roman
Roman
Roman
Roman
2
d’apprentissage
d’aventures
historique
policier
S
Science-fiction
T
Théâtre
Thriller
notice
Adolescence
Amitié
Amour
Angleterre
Angoisse
Années 70
Antiquité
Arctique
B
Banlieue
Bibliothèque
Bonheur
C
Chevalerie
Cinéma
Coma
Comédie
Conflit
Consommation
Corps
Famille
Fantastique
Fantôme
Féminisme
François Ier
Fratrie
Fugue
H
notice
Mots clés
A
F
22, 28
23, 26, 46
24
notice
6, 23, 27, 41, 44
1, 4, 29, 31
3, 17, 18, 24
20
48
7
15
29
notice
42
21
notice
30
51
46
13
10
2
16
notice
Édition
Enfance
Enfants-soldats
Esclavage
Espace
Europe
Exil
4, 5, 19, 21
30
6, 9, 17, 27
27
3, 33
8
42
E
G
notice
notice
Dictature
Différence
Divorce
Drogue
52
18
26
40
17
50
21
notice
1, 22, 23, 24, 38, 43
45
8
39
35
5
5
Guerre
Handicap
Héros
Histoire
Humour
I
Immortalité
Injustice
Internet
notice
10, 26,14
notice
3
15
15, 50
7, 11, 25
notice
27
19, 39
34
J
notice
L
notice
M
notice
Japon
Justice
Légendes
Léonard de Vinci
Livres
Londres
Magie
Maladie
Masturbation
Meurtre
Misère
Mondialisation
Mort
Moyen Âge
Musée
N
Nostalgie
Nucléaire
38
28
30
35
9
49
19
33
11
22, 47
40
52
5, 43, 44, 46
20, 30
37
notice
7
6
Lecture Jeune - mars 2009
P
notice
Paris
Paternité
Patrimoine
Pauvreté
Photographie
Piraterie
Poésie
Prison
Psychologie
Puberté
1
33
25, 37
26
32
12
45
28
8
16
Q
notice
Quête initiatique
Quotidien
R
19, 31
18, 34
Rebelles
Relations fille/garçon
Renaissance
S
Santé
Savoir
Séparation
Solidarité
Sexualité
Solidarité
Supermarché
Surdité
Suspense
notice
51
39
35
notice
16
9
4
4
11
20, 25
2
37
48
T
notice
V
notice
Traduction
Vengeance
Vie
Viking
Violence
Voyage
52
28
46
14
10, 24, 43, 44, 47
32
79
Ours
Lecture Jeune
190, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 44 72 81 50 - Fax : 01 44 72 05 47
Courriel : [email protected]
Directrice de la publication
Bernadette Seibel
Directrice de la rédaction
Hélène Sagnet (81-52)
Rédactrice en chef
Anne Clerc (81-53)
Administration
Catherine Escher (81-50)
Comité de rédaction
Patrick Borione, Madeleine Couet-Butlen, Annick Lorant-Jolly,
Bernadette Seibel, Véronique Soulé, Jean-Claude Utard, Anne Zali
Conception
Réalisation
Isabelle Dumontaux
Correction
Florence Nahon
Illustration de couverture
© Chloé Poizat
Ont collaboré à ce numéro
Thomas Bailly, Nikoleta Bouilloux-Lafont, Michelle Brillatz, Colette Broutin, Marie
Cambolière, Michelle Charbonnier, Anne Clerc, Agnès Donon, Marilyne Duval,
Sébastien Féranec, Laurence Guillaume, Elise Hoël, Marianne Joly, Gilberte
Mantoux, Amélie Mondésir, Rozenn Muzellec, Charlotte Plat, Jean Ratier, Cécile
Robin-Lapeyre, Hélène Sagnet, Sonia Seddiki, Nicole Wells.
Impression
L’ARTESIENNE - Dépôt légal : mars 2009
Tél. : 03 21 72 78 90
I.S.S.N. 1163-4987
C.P.P.P. n° 1107G79329
Revue éditée par l’association Lecture Jeunesse
Association de loi 1901 déclarée le 4 janvier 1974
Agréée par le Secrétariat d’Etat Jeunesse et Sport le 27/01/1977 – N° 94.155
Cette revue est publiée avec le concours de la Mairie de Paris,
du Centre national du livre et de la Direction du livre et de la lecture (Ministère de
la culture).
L’Association reçoit également le soutien du Fonds Merymu (Fondation de France).
Lecture Jeune - mars 2009
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Email : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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