e portrait de Vanessa François
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e portrait de Vanessa François
Portrait VANESSA FRANÇOIS Première de cordée Passionnée de montagne, Vanessa François a tout plaqué en 2003 pour répondre à l’appel des cimes. L’accident qui l’a rendue paraplégique, il y a deux ans, n’a pas freiné son envie de prendre de la hauteur. Son prochain challenge ? L’ascension d’El Capitan, paroi mythique, dans le Parc national de Yosemite aux États-Unis, en 2013. n exergue de Chez Vaness, le blog (1) sur lequel elle se raconte avec pudeur et humour, Vanessa François a inscrit « Un site en mouvement ». Natation, ski de fond, parapente, handbike…, en cliquant sur les onglets, les photos défilent révélant une femme paraplégique en perpétuelle quête d’activités. « Je suis à fond dans le sport, confirme la quadragénaire. Cela a toujours été ma soupape. » Déjà rompue à la pratique de la course à pied, Vanessa découvre la montagne à 18 ans, un peu par hasard, grâce à un stage UCPA. C’est le coup de foudre ! Installée comme infirmière à Lille, elle profite du moindre congé pour rejoindre les sommets et « faire de la montagne ». À tel point qu’en 2003, elle choisit de tout quitter pour s’installer à Saint-Gervais, au pied du Mont-Blanc. « J’ai eu envie de prendre l’air… », résume-t-elle. Elle assouvit alors sa soif de sensations fortes et devient une alpiniste aguerrie. En 2006, elle décide même de se présenter à l’examen probatoire du diplôme d’aspirant-guide. Son niveau insuffisant en ski ... E (1) www.vanessafrancois.com N°14 • SUPPLÉMENT AU N°711 • SEPTEMBRE 2012 9 10 Portrait – elle s’y est mise sur le tard à 25 ans ! – lui ferme les portes de ce nouveau métier. « J’ai toujours eu du mal à renoncer à une jolie face nord en période hivernale pour aller m’entraîner en ski ! », plaisante-t-elle. Ce qui lui plaît dans la montagne ? La beauté des paysages, l’esprit de cordée, cette alchimie qui se crée entre plusieurs compagnons qui se font confiance mutuellement. Des souvenirs de courses, elle en a à la pelle : la Walker, la face nord de l’Eiger, la Manitua dans les Grandes Jorasses avec bivouacs en paroi. Des noms qui fleurent bon le challenge et son lot d’émotions. ... FAUCHÉE EN PLEINE ASCENSION Son accident, survenu lors d’une « journée de grand beau temps », vient la faucher en pleine ascension. Ce jour-là, la sortie a bien démarré. Avec ses deux compagnons de cordée, elle finit la descente en rappel. Chacun à son tour commence l’escalade. Soudain, elle est stoppée net. « Je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai juste ressenti un choc énorme qui m’a plaquée contre la paroi. Là, je me souviens m’être dit : Non, je ne vais pas finir ma vie d’alpiniste ici. » Écrasée contre le rocher par un énorme bloc de neige, Vanessa reste consciente. Malgré les paroles réconfortantes de ses coéquipiers, elle comprend qu’elle vient de perdre ses jambes… Évacuée par le Peloton de Gendarmerie de Haute Montagne (PGHM), elle perd connaissance. « Je n’ai même pas senti quand le secouriste a coupé la corde. » Au CHU de Grenoble, le bilan est sérieux : fracture de Vanessa François en 6 dates Avril 1972 : Naissance en Belgique. Hiver 1990 : Premier stage d’alpinisme. Septembre 2003 : Installation à Saint-Gervais (Haute-Savoie). 29 avril 2010 : Accident dans la face sud de l’Aiguille du Midi. Février 2011 : Première participation au Championnat de France de ski de fond handisport aux Contamines. Mai 2013 : projet d’expédition “El Capitan à bout de bras” dans le Parc national de Yosemite (États-Unis). la colonne vertébrale en D6-D7 avec un énorme déplacement… Elle se réveille après deux jours de coma artificiel. « C’est bizarre de se retrouver dans cette situation lorsque l’on a été soi-même infirmière en réanimation. » S’ouvre ensuite une période de neuf mois de rééducation qu’elle débute à Saint-Hilaire-du-Touvet (Isère) et achève à Sancellemoz (Haute-Savoie) pour se rapprocher de ses amis. « Petit à petit, je me suis réapproprié mon nouveau corps et je me suis adaptée à ce nouveau rythme de vie. » Pas facile quand on est une personne aussi dynamique que Vanessa. Impatiente de découvrir son fauteuil, elle déchante vite. « Je me suis vite aperçu que ce n’était qu’une chaise, certes roulante, mais rien de transcendant en définitive. » L’inactivité lui pèse. Un jour, Marion, une de ses amis, décide de l’emmener faire de la voile sur le lac d’Annecy. « C’était vraiment un moment de grâce. J’ai senti que le mouvement m’était nécessaire. J’avais besoin de bouger. » À partir de ce déclic, elle se met à la recherche de nouvelles sensations. À Sancellemoz, une kinésithérapeute lui propose de la mettre en contact avec l’équipe handisport N°14 • SUPPLÉMENT AU N°711 • SEPTEMBRE 2012 de ski de fond. Un stage de deux semaines lui permet de « reprendre contact avec la neige et de renouer avec l’effort physique ». Ses amis la soutiennent, trop heureux de l’aider à « retrouver le chemin d’une autre montagne ». UNE NOUVELLE “ÉPOPÉE VERTICALE” Ce sont eux aussi qui lui reparlent pour la première fois d’El Capitan, cette paroi qui fait rêver tous les alpinistes, située dans le Parc national de Yosemite en Californie. Vanessa s’intéresse alors au parcours de Karen Darke, une athlète britannique paraplégique qui a réussi l’ascension en 2007. Cette nouvelle “épopée verticale” lui permet d’oublier son long parcours vers l’autonomie. Avec trois compagnons d’alpinisme, le projet prend forme : cinq jours d’ascension par la voie Zodiac pour 600 m de paroi. Le 19 avril 2012, l’équipe a reçu une des six bourses Millet Expedition Project. Un encouragement à trouver d’autres partenaires qui l’aidera à boucler le budget de 20 000 € nécessaire à l’expédition. Karen Darke a proposé de prêter une partie de son matériel à Vanessa. Reste plus qu’à s’entraîner pour apprivoiser le système qui lui permettra de grimper le long de la paroi. « À chaque traction des bras, j’avancerai de 30 centimètres, ce qui représente 4 000 mouvements au total. Il faut que je fasse attention à ne pas me blesser. » Si le chiffre donne le tournis, il n’entame pas la détermination de l’alpiniste. Le mouvement, c’est sa vie. ● Texte Claudine Colozzi / Photo DR