CANADA PROVINCE DE QUGBEC DISTRICï DE JOLIETTE NO

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CANADA PROVINCE DE QUGBEC DISTRICï DE JOLIETTE NO
CANADA
PROVINCE DE QUGBEC
DISTRICï DE JOLIETTE
NO. 70536-000082-964
COUR SUPÉRIEURE
............................
PRÉSENT: L'HONORABLE JUGE
PIERRE BCLIVEAU, J.C.S.
MME CORFUNE DELANGIS
Appelante
JUGEMENT
1.
L'appelante a et6 accusée d'avoir, le 28 septembre 1995,
conduit un vehicule routier t~une vitesse de 134 km/ hre dans une
zone où la vitesse permise est de 100 km/hre.
Le 25 juin 1996, le procès a eu lieu devant le juge de la Cour
municipale de Joliette. Le 6 aoat 1996, ce dernier a declare
I'appelante coupable et lui a impose une amende de 135$ plus les
frais avec un delai de trente jours pour acquitter le tout.
2.
3.
j
L'appelante se pourvoit contre la dkclaration de culpabilitk.
1
LA PREUVE
I
La preuve dkposée consiste en un rapport d'infraction aux
termes de l'article 62 du Code de procédure pénale.
!
5.
,
4.
Ce document indique ce qui suit:
1"
L'agent qui a effectue l'arrestation est un opérateur '
1
accrédité de rayon laser depuis le mois de juin 1994;
I
6.
1
2'
L'appareil utilisé comme detecteur de vitesse, de ;
marque Laser Techno et de modele L ï ï 20-20, a fait
I'objet, avant et apres l'interception, d ' u n e ;
vérification electronique
une distance prémesurée j
de vingt-cinq metres par alignement vertical ,
horizontal du rayon laser;
3O
L'appareil etait en bon ktat de fonctionnement;
4O
L'appareil a enregistré une vitesse de 134 km/hre
une distance de 345 mbtres;
5"
L'agent a estime visuellement la vitesse A 135 '
km/ hre.
I
L'appelante n'a présenté aucune dkfense.
LA QUESTXON EN LITIGE
I
Dans son avis d'appel, l'appelante a fait valoir trois motifs 1
7.
fondés sur Isarr@tVille de Baie-Comeau c. D'Astotis, [1992] R.J.Q. '
1483, portant sur la connaissance judiciaire de l'appareil Radar et la
preuve que doit soumettre la poursuite dans le cas d'une '
I
interception au moyen d'un tel instrument. Elle soutient que. le ,
-2-
juge de première instance n'a pas connaissance judiciaire de la 1
bonne condition de l'appareil Laser Ln 20-20, qui est différent du
Radar, et qu'il en est ainsi de I'instrument lui-même, de son ;
aptiîude B faire une lecîure idequate de la vitesse ainsi que des
tests de vérification effectues.
i
i
1
l
1
II en resulterait donc, selon l'appelante, une absence de 1
preuve quant h l'infraction reprochee.
1
9.
Dans l'arrêt Ville de Baie-Comeau c. D'Astous, 119921 R.J.Q. ;
1483, la Cour d'appel du Quebec, par la voix du juge Gendreau, a 1
formule les principes applicables en matiere de preuve par radar:
... je crois que le radar, comme instrument de
défection et de mesure, est de connaissance
judiciaire. Son usage dans la navigation aérienne
et maritime est aussi répandu que celui de la
boussole. D'autre part, tout Nord-Américain sait
d'expérience qu'il est aussi utilisé pour mesurer la
vifesse des automobiles. L'on a appris, au cours des
études secondaires ou collégiales, que le principe à
& base du radar est l'émission, par un appareil, de
faisceaux de rayons éiectromagnétiques qui,
réfléchis par un obstacle, retournent à l'émetteur.
N'importe lequel dictionnaire ou encyclopédie
journit au lecteur des précisions scientifiques. Ce
qui était donc au de%ut du premier conflit mondial
un secret militaire est devenu aujourd'hui une
indiscutable réalité.
Toutefois, même si le principe du radar est
connu et universeuement accepte, cela ne signifie
pas pour autant que le résultat dome par le radar
opéré par le policier Picard pour mesurer la vitesse
de l'automobile de M. D'Astous sur le bol~levard
inflèche, à Baie-Comeau, le 2 juin 1986, soit exact.
Ce fait doit C t r e établi par le poursuivant; le juge
doit être convaincu que l'instrument utilise contre
l'accuse etait en bon &a? de fonctionnement, exact
et fiable.
I
!
I
l
!
1
1
I
l
Cependant, on le constate, ce qui est alors combattu
n'est pas le principe même du radar ou son
utilisation générale comme instrument de
détection et mesure de la vitesse, mais un appareil
en particulier ou un genre d'appareil.
j
Dès lors, à cause du statut du radar par rapport à
celui de l'ivressomètre, le poursuivant est tenu à
une preuve plus étendue. Il devra démontrer que
l'appareil utilisé est jïable, ce qui permet à l'accusé
de soulever un doute sur les résultats obtenus.
1
1
En somme, la démonstration que l'opérateur est
qualifié, que son appareil fut testé avant et après
son usage, et que le test démontre que
l'instrument est préczs établit une preuve . prima
facie, sujette, bien sûr, au doute raisonnnble que
l'inculpé pourra soulever.
(pp. 1488, 1489. L'emphase est du soussigné)
!
10.
La jurisprudence est constante sur ce point. 'Ace sujet, voir:
R.
R.
R.
R.
11.
!
:
c. Cook, (1994) 2 M.V.R. ( 3 4 281 (C.Sup.N.E.).
c. Werenkn, (1981) 11M.V.R. 280 (C.B.R.A.).
c. Grainger, (1958) 120 CCC. 321 (CA.0.).
c. Lawless, (1981) 11M.V.R. 296 (C.Sup.1.P.E.).
La règle est identique en droit américain. Voir:
People c. Bmlby, iii. App., 413 N.E. 2d 553.
12. Dans le cas d'un odomètre, les Cours d'appel ont décidé que
sa mesure est présumée exacte à défaut de preuve contraire. A ce ,
sujet, voir:
!
P.G.Q. c. Robitaille, [1991] R.J.Q. 314 (CA).
R. c. Biand, (1974)20 CCC (2d) 332 (CA.0.).
13. 11 n'est donc pas necessaire de prouver sa fiabilité au 1
moment de I'interception d u conducteur dans chacun des litiges.
La situation du radar, au plan juridique, est quelque peu différente
puisque, contrairement à l'odomètre, cet appareil ne fonctionne
pas de manière autonome. Comme la Cour d'appel l'a indique, I
1
«un appareil radar est un instrument encore plus spécialise (que
I'odometre) puisque seuls des gens experimentés peuvent le '
1
manoeuvrer>, (R. c. Robitaille, p. 317).
1
14. Il résulte donc de ce qui précède qu'au sens du droit de la
preuve, il existe trois types differents d'appareils de detedion, soit
ceux reconnus expressernent par la loi, ceux dont le tribunal a
connaissance judiciaire et les autres. Quant au premier type,
comme c'est le cas de I'ivressomhtre, l'appareil est répute fiable à
tous egards. La poursuite n'a donc pas à demontrer la fiabilite du
type d'appareil en cause et de celui utilisé dans une instance
donnée. Bien plus, l'accuse n'est pas admis à tenter de «démontrer
en termes géneraux l'imprécision possible des éléments du
système ou la faillibilité inhérente d'instruments approuvés par la
loi» (R. c. Moreau, [1979]1 RC.S. 261,272). Quant à la fiabilite dans
une instance donnee, elle est présumee mais I'accuse peut
présenter une preuve pour ecarter la présomption (R. c. St-Pierre,
[1995] 1R.C.S. 791).
15. Quant au deuxième groupe, comme c'est le cas d u radar a u
Québec alors que la loi ne reglemente pas son utilisation, la
poursuite n'a pas à demontrer la fiabilite du genre d'appareil
utilisé, ce dont le tribunal a connaissance judiciaire, mais il lui faut
prouver que l'opérateur est qualifié, que son appareil fut testé
avant et après son usage, et que le test démontre que l'instrnment
est précis (Ville de Baie-Comeau c. D'Astous, p. 1489), sauf
evidemment, s'il s'agit d'un appareil, comme un odomhtre, dont
la manipulation ne requiert aucune expertise particulière (R. c.
Robitaille). En d'autres termes, il n'est pas necessaire de prouver la
fiabilite in abstracto, soit celle relative à la technologie du radar,
mais il faut le faire quant à la fiabilité in concreto de chaque
appareilau fil des litiges. Enfin, quant au troisihme
type
-
,
j
,
,
'
~
1
'
l
l'appareils, la poursuite doit prouver sa fiabilité in abstracto et iri
oncreto.
6. En l'espèce, la preuve soumise par le biais du constat
l'infraction démontre la fiabilité in conneto de I'appareil utilisé,
oit le laser LTI 20-20 ayant conduit à I'interception de Mme
)elangis le 28 septembre 1995. Cela constituerait donc une preuve
'rima fncie de sa culpabilité si la Cour devait conclure, pour
)araphraser le juge Gendreau, que «le principe du (laser) est connu
t universellement accepté>,,i.e. qu'un tribunal en a connaissance
udiciaire comme instrument de détection de la vitesse.
7. Cette problématique souleve donc deux questions que la
:our devra apprkcier. Dans un premier temps, il s'agira de
léterminer B quelie catégorie d'appareils appartient le «laser
echnon L ï ï 2C-20 au sens d u droit de la preuve. S'agit-il d'une
ethnologie relevant de la connaissance judiciaire d u tribunal
clon la seconde catégorie knoncée supra ou, plutôt, d'un appareil
aisant partie du groupe «residuaire» compte tenu, notamment, de
o n caractère relativement récent? Dans la première hypothèse,
'analyse de la Cour doit s'cureter et le verdict de culpabilité être
:onfirmt! puisque, comme nous l'avons vu, la poursuite a
iémontré clairement, en l'absence de preuve contraire, la fiabilité
n cotlcreto de l'appareil laser utilisé le jour de l'interception.
Dans la seconde hypothèse, la Cour devra se pencher sur
me deuxième question, A savoir si, vu l'ensemble de la preuve
;oumise par la poursuite en l'espece, cette dernière s'est déchargée
ie son fardeau d'etablir en sus la fiabilité in abstracto du laser
: o r n e instrument permettant de mesurer la vitesse d'un
réhicule de manière fiable.
18.
l
1
I
'
'
I
l
,
i
1
'
I
I
ANALYSE
!
Avant de répondre à ces questions eu kgard aux faits de
i'espece, la Cour étudiera successivement la jurisprudence du
Québec puis celle des autres provinces.
1
19.
20.
Les parties ont soumis à la Cour deux décisions de la Cour
municipale de Montréal où, contrairement la présente affaire, la ,
poursuite avait fait entendre le policier qui avait effectué
l'opération de mesurage. La situation était donc différente de celle l
qui prévaut en l'espece alors que le rapport d'infraction constitue 1
la seule preuve au dossier.
I
1
1
!
21. Dans la décision Ville de Montréal c. Fredette, J.E. 95-947,
rendue le 30 mars 1995, le constable avait explique qu'il avait capte
la vitesse «B l'aide d'un appareil émettant un faisceau de lumière
(laser). [...] (C)ontrairement au radar qui utilise des ondes qui
mesure
i
que
couvrent un espace de plus en plus grand au fur et ?
les ondes s'éloignent d u radar, le laser utilise u n faisceau de
lumiere étroit qui s'élargit relativement tres peu sur une certaine
distance. [...] (L)'avantage de cette technologie est qu'il peut viser
diredement un seul véhicule sans aucun risque d'avoir un autre
véhicule dans le faisceau de lumiere, contrairement au faisceau du
radar qui peut capter plusieurs véhicules B la foisn (p. 2).
Le policier avait expliqué qu'il avait effectué plusieurs tests
pour verifier le bon fonctionnement de l'appareil. Ceux-ci visaient
A démontrer que les arcuits internes étaient en bon état, que i
l'alignement de la lunette permettait au point rouge d'être sur I
i
l'objet fixe visé et que l'appareil mesurait avec précision une
distance prémesuree (id.).
22.
23.
Le juge Discepola a ajouté le commentaire suivant:
Aucune preuve n'est soumise pour démontrer
que la technologie utilisée par l'appareil peut
mesurer avec FabiIité In vitesse d'un véhicule en
mouvement. Le constable d'ailleurs admet qu'il
n'a effectué aucun test à ce sujet.
(p. 3)
1
1
I
I
1
I
I
l
24. Le juge Discepola a ensuite constate que «toute definition 1
que l'on retrouve dans la plupart des dictionnaires décrit le radar 1
comme etant un dispositif capable de mesurer la position et la
vitesse d'un objet» (p. 4), ajoutant que la description du laser dans
le dictionnaire Hachette, edition 1989, «ne fait aucune mention de 1
sa capadte de mesurer la vitesse d'un objet» (id.). Rejetant la
poursuite, il a invoque avec approbation la decision rendue par la
Cour provinciale de l'Alberta dans l'affaire R. c. Sutherland, (1994)
47 M.V.R (2d) 254, où le juge Patterson a indique que le laser
n'avait pas la notoriete necessaire pour qu'on en ait connaissance
judiciaire.
1
1
1
25.
Le juge Discepola a conclu quq«(u)njour le laser aura une
notorieté tout aussi grande que le radar. A ce moment-la, le (
Tribunal aura une connaissance d'office que le laser est capable de 1
mesurer la vitesse de vehicules,, (p. 5).
!
confirme cette décision seance /
26. Mon collegue Pierre Viau a
tenante le 26 juin 19951, enterinant spécifiquement cette dernière
I
remarque du juge Discepola (C.S., no. 500-36-000142-953).
i
27. Dans l'affaire Ville de Montréal c. Romero, J.E. 95-1414, i
1
rendue le 8 juin 1995, le constable appel6 A temoigner avait;
indique qu'on avait utilise un «radar au lasen>,modele LTI 20-20, i
i
comme en l'espece. il avait effectue les memes venfications que
son coll6gue dans l'affaire Ville de Montréal c. Fredette, en e n !
fournissant toutefois les details. Par ailleurs, il avait indique que I
lors de sa formation à l'Institut de Police, il avait capté la vitesse I
d'un vehicule en utilisant les deux types de radars, soit un
traditionnel fonctionnant h ondes selon le prinape de Doppler et 1
celui utilisant le rayon laser. Les resultats avaient et6 identiques. Il i
avait egalement effectue des tests semblables Montreal et, encore 1
une fois, les ledures concordaient (p. 4).
La transaption du jugement porte la date du 21 juin 1995 mais le plumitif
d é p d par les parties indique le 26 *in 1995.
!
.-
Le constable avait également expliqué que l'appareil
fonctionnait en émettant deux rayons, dans une séquence de 113
de seconde, qui mesuraient la distance entre la source de lumière
et l'objet. Il est donc facile, par une regle de trois fondée sur la
distance parcourue, de mesurer la vitesse de l'objet en
mouvement, en l'espèce une automobile (pp. 4-5). Comme on
peut le constater, la preuve présentee dans cette affaire était
différente de celle de I'espke et de celle soumise au juge Discepola.
28.
29.
Après avoir étudié I'arrêt Ville de Baie-Comeazi c. D'Astous
et consulté le Larousse illustré de 1994, le juge Boisvert a conclu ,
qu'il avait connaissance judiciaire qu'un radar laser est « u n
instrument permettant de déterminer la distance d'un objet par 1
l'kmission d'un faisceau de rayons de lumiere amplifi&, lequel, ,
après réflexion contre un obstacle, retourne vers le récepteur,, I
(p. 11).Il a ajoute qu'il avait connaissance judiciaire des équations lI
simples necessaires pour calculer la vitesse.
l
1
~
1
1
30. Toutefois, après étude de toute la jurisprudence pertinente,
le juge Boisvert a dédaré qu'il n'avait pas la connaissance
judiciairr que l'appareil LTI 20-20 «est un type d'appareil radar au
laser capable de déterminer la vitesse d'un vehicule en
mouvement,, (p. 14). Il a par ailleurs indiqué 'iu'u'il n'avait pas
connaissance judiciaire que le délai de 113 de seconde spécifié par
le manufacturier était fiable (p. 15).
31. Cela étant, il a conclu que les vérifications effectuées avant
et ap&s I'opération permettaient de condure au bon état de
fondionnement d'un tel radar de sorte que le tribunal pouvait
valablement considérer comme prouvé «prima facie que cet
appareil en particulier (était) capable d'évaluer la vitesse à laquelle
circul(ait) un véhicule automobien (p. 17). il a donc conclu à 1a
culpabilité de rappelant.
32.
La Cour comprend donc le jugement du juge Boisvert
comme signifiant qu'un tribunal, qui a connaissance judiciaire d u
l I
determiner la distance d'un objet et des principes generaux de
fonctionnement d'un tel appareil, mais qui n'a pas connaissance
judiciaire de la capacité d'un radar au laser de marque Marksman
Lïï 20-20 comme instrument permettant de mesurer la vitesse
d'un vehicule en mouvement, pourrait neanmoins, dans une
instance domee, conclure à l'existence d'une preuve prima fncie
de i'infradion dans la mesure oh le temoignage et les explications
d'un technicien, ayant dejà effectue un ou des tests independants
impliquant parallelement le laser et un radar conventionnel, ou
encore un odometre, pourra suppleer à la carence initiale au
niveau d u fardeau de preuve, notamment quant aux deux
mesures faites en 113 de secondes et au fonctionnement exact au
niveau de la distance.
33.
Lors de l'audition de l'appel de I'affaire Ville de Montréal c.
Fredette, le juge Viau a d'ailleurs pris acte que, devant le juge
Boisvert, on avait presente une preuve comparative sur le laser et
le radar conventionnel qui pouvait justifier une declaration de
culpabilite. Comparant les faits exposés au juge Boisvert dans V i l l e
de Montréal c. Romero
ceux soumis à son attention, mon
collegue s'exprimait ainsi:
U n examen des notes sténographiques démontre
que le policier responsable du fonctionnement de
l'appareil au laser n a présenté aucune preuve
établissant, par exemple, une comparaison entre
cet appareil et u n radar conventionnel comme il
l'a fait, plus tard, dans la cause présentée 2
monsieur le juge Denis Boisvert. Avec respect, la
Ville ne saurait a p p u y k son argument sur le
jugement de monsieur le juge Boisvert car il
semble que devant ce dernier, la Ville et le m ê m e
policier aient alors décider de corriger le tir, pour
(employer) une expression courante et de
présenter une preuve comparative afin d'étayer
son argument portant sur la fibilité et la validité
de l'appareil au laser.
(p. 2)
I
Comme nous le verrons, les principes degages par le juge 1
Boisvert dans son jugement, et enterines par mon collegue Viau
dans l'affaire Ville de Montréal c. Fredette, reflètent bien l'état de
la jurisprudence canadienne sur le laser et sa fiabilité comme I
instrument permettant de mesurer la vitesse. L'on se doit
toutefois d'être prudent dans leur application chaque cas d'espece
où la preuve soumise, comme c'est le cas dans la presente affaire,
pourra être différente de la preuve complete et convaincante dont
beneficiait le juge Boisvert.
1
34.
1
35. A cet egard, la Cour prend acte que le technicien avait alors 1
l
précisé qu'il s'agissait d'un uradar laser* alors qu'en l'espece, le
constat d'infraction mentionne que le detecteur de vitesse est un 1
ulaser technon. De meme, le juge Boisvert a eu le benefice
d'entendre le temoignage du policier opkrateur venu expliquer
avec force détails sa formation en ce domaine, son experience, la
nature précise des tests effectues et, plus fondamentalement, le fait
qu'il avait, a plus d'une reprise par le passe, effectue des tests '
comparatifs impliquant le laser et un radar traditionnel ayant
conduit des résultats identiques. En l'espece, la seule preuve au
l
dossier est le constat d'infraction où la nature précise des tests 1
n'apparaft pas et où aucun indice ne permet de conclure que des
I
tests comparatifs aient et6 effectués en quelqu'occasion par ,
l'operateur.
i
'
LAJURIÇPRUDENCEDES AUTRES PROVPICES
36. En Alberta, la Cour du Banc de la Reine, dans l'affaire R. c. ,
Chow, (1991) 65 C.C.C. (3d) 162, s'est penchk sur la question de la '
preuve photographique par radar Multinova. La poursuite voulait
deposer une photographie du véhicule sur laquelle on pouvait 1
l
voir la plaque d'immatriculation de celui-ci ainsi que la vitesse,
l'heure et la date de I'infradion reprochee.
i
Le policier qui avait thoigne avait reçu une formation
relative A l'installation et l'utilisation de l'appareil sans qu'elle ait
porté sur le fonctionnement techhique de celui-ci. Le jour de
37.
i
-~
l'interception, il avait effectué un-test intégr6 dans l'instrument
qui indiquait un ban état de fonctionnement et il avait également
fait des tests visuels en comparant son estime de la vitesse avec
celle enregistrée. Il avait toutefois reconnu ne pas connaître
l'appareil comme tel.
38. La juge Conrad a déclaré qu'il s'agissait d'un instrument
technologique inconnu des tribunaux. Elle a ajoute ce qui suit:
/
1
1
11
1
1
1
I
1
The Crown has failed to adduce technical
evidence of the general trustworthiness of the
process of speed detection by means of Multanova
(sic) radar camera and judicial notice cannot be
taken of that fart at this time. That evidence of
trushoorthiness could be based on general
experience as to the class of instrument with a
knowledge that the mechanism of this instrument
complies with the trustworthy type. There being
no euidence on that issue, the trial judge could not
consider i f .
39.
La Cour d'appel a infirme cette decision [ ( l m ) 68 C.C.C (3d)
1901, opinant que la fiabdit6 de l'appareil avait été démontrée par
le fait qu'il avait fonctionne de fason precise plus t6t durant la
journée. Elle a indiqué qu'en i'espèce, aucune question en contreinterrogatoire n'avait mis en cause le bon fonctionnement de
l'appareil. On peut donc conclure qu'on a consideré, dans cette
affaire, que le témoignage de ragent de la paix sur ses observations
visuelles et le test effectue sur l'appareil suffisaient pour en
garantir la fiabilité.
1:
:
i
'
:
I
Toutefois, il est important de noter que la Cour d'appel a
conclu son jugement dans les termes suivants:
40.
The record we have compels the conclusioti that
the Multitlova, aptly desnibed as a marriage
between radar and photography, provided and
recorded accurate information and what
recorded was admissible in evidence.
(p. 1921 e. L'emphase est du soussign6)
if
1
f
!
41. Selon le soussign6, il faut comprendre l'arrêt de la Cour
d'appel comme inferant la fiabilité de la camera Multinova du fait
que son mecanisme fait appel h deux technologies eprouvées, le
radar et la photographie, dont les tribunaux ont en consequence
connaissance judiciaire de la fiabilite in abstracto. De l'avis du
soussigne, cela ne serait pas nécessairement le cas du laser. Aussi,
l'arrêt de la Cour d'appel ne contredirait pas la decision de la juge
Conrad qui avait conclu qu'il s'agissait d'une nouvelle
technologie dont les tribunaux n'ont pas connaissance judiciaire.
42. Dans l'affaire R. c. Alladina, (1994) 4 M.V.R. (3d) 180, la Cour
du Banc de la Reine de l'Alberta s'est penchée sur la détedion de la
vitesse par un radar laser Lïï 20-20, de la nature de celui utilise en
l'espèce. Le constable avait effectué les tests pdvus par le
manufacturier et quelques mois plus tard, avait teste l'appareil en
le comparant un radar conventionnel. Il avait egalement declaré
que la vitesse emegistree lui apparaissait exacte. Le juge Roslak a
declare qu'a défaut de preuve contraire, la verification par les tests
prescrits suffisait (par. 12). Invoquant une decision non rapportée
dans une affaire R. c. Kolthammer, Doc Edmonton 9303-0090-ç601 (C.B.R.A.), 22 juillet 1993, il a ajoute qu'a defaut de preuve
contraire, la comparaison avec le radar conventionnel, même
effeduee quelques mois plus tard, etait egalement acceptable h titre
d'«approved test» (par. 16-17).
1
43. Dans l'affaire R. c. Sutherland, (1993) 47 M.V.R. (2d) 254,
l'agent de la paix avait indique qu'il avait effectue les tests suggéres
par le manufacturier dont le quatrieme consistait A pointer
l'appareil sur objet stationnaire pour s'assurer qu'on lisait une
vitesse nulle (par. 7). Le juge Patterson, de la Cour provinciale, a
pris acte que dans le cas du radar, le temps lui avait confer6 sa
notoriete en tant qu'appareil permettant de mesurer la vitesse
(par. 16-17). 11 a conclu qu'il ne saurait en être ainsi d u laser et de
:
l
1
ses utilisations comme instrument de detection de la vitesse de ;
sorte qu'il faut alors apporter une preuve independante de
fiabilite. A cet bgard, il a suggere que cela se fasse par une
i
comparaison ponduelle de l'appareil avec un .radar speedmetern I
l
dûment verifie. il a ajoute qu'une seule verification de conformité i
suffisait si bien qu'il n'est pas nécessaire de la reprendre pour
I
chaque operation Constatant qu'aucun test comparatif n'avait et6
demontre, il a rejeté la poursuite pour ce motif.
1
La Cour du Banc de la Reine a rejeté l'appel de cette décision
[(1994) 3 M.V.R. (3d) 3171. Après etude de deux déasions non
rapportées ainsi que de celle rendue dans R. c. Alladita, le juge '
Smith a declare ce qui suit:
44.
1 agree with C r m n counsel that 1 can take
judicial notice of the speed of light. 1 disagree with
Crown counsel's argument that i f one applies the
speed of light to the fourth test, one can extrapolate
that the LTI 20-20 must be working correctly for
moving objects. This reasoning works for
stationay objects. When one introduces the
further variable of movement, one kas to assume
that the clocking device is correctly measuring the
i n t m l s of time between pulses of light during
which some distance is travelled. For a stationay
object this assumption is not required. Nor is the
axis of movement relevant.
(par. 13)
1
l
l
I
l
1
I
;
45.
La Cour du Banc de la Reine de l'Alberta a de nouveau été
confrontee au problkme dans l'affaire R. c. Shaw, (1995) 13 M.V.R. !
(3d) 94. Dans cette affaire, l'agent de la paix avait effectue les quatre !
tests suggeres par le manufacturier en plus de comparer, avant \
l'interception de l'accusé, un resultat obtenu par l'appareil LTI 2020 sur un objet en mouvement avec celui mesure par un radar
conventionnel. Le juge Wilson, invoquant l'affaire R. c. Alladiria,
a deciare que cette preuve constituait le chaînon manquant dans
l'affaire R. c. Sutherland.
1
1
1l
46.
Apres étude de toute cette jurisprudence, la Cour
provinciale de Colombie-Britannique en est venue à la même
conclusion dans i'affaire R. c. Chamberlain, [19%] B.C.J. no. 1562,
concluant qu'à defaut d'un test comparatif quelconque, on ne
pourrait conclure à la culpabilité de i'accusé. Le juge MacKenzie a
indique qu'une telle vérification aurait pu consister à conduire un
vehicule tout en comparant la mesure obtenue par l'appareil et
celle relevée sur i'odometre. Ce faisant, il a rejet6 la prétention
qu'il suffisait simplement que le policier, qui avait suivi des cours
sur l'estimation visuelle de la vitesse, indique qu'il pouvait
l'appreàer avec une marge d'erreur de 10%. Il a cependant juge
que cet élément de preuve, en conjonction avec les autres
6léments soumis à son attention, notamment les tests effectues à
la suggestion du manufacturier et les qualifications de l'operateur,
suffisaient à conclure à la commission de i'infraction.
47. Dans l'affaire R. c. Halliday, (1995) 19 M.V.R. (3d) 7, la Cour
provinciale de l'Alberta en est venue à la conclusion contraire
dans le cas d'une interception p-qr camera Muitinova. Le juge
Gmman indiquait que le «self test» d u manufacturier ais not
sufficient to satisfy the circurnstancial guarantees of
trustworthiness required by the cases, nor are comrn. Zdunich's
visual observations in this case suffiaent to supply that guarantee
and this "self-test" alone does not ailow me to conclude beyond a
reasonable doubt that the Multinova was able to accurately
measure speeds at the time of the offence allegeds (par. 18).
l
/
48. Par contre, dans l'affaire R. c. Cox, [19%] A.J. no. 57, la Cour
de district de cette province a jugé qu'une comparaison des
n5sultats obtenus par un appareil LTI 20-20 avec un radar
I
conventionnel, effedu6e 13 mois auparavant, et le temoignage d u
I
policier voulant que son estimation visuelle correspondît à la
l
ledure de l'appareil constituaient une preuve suffisante de la 1
fiabilité de l'appareil.
A ~ C A T I OANL'EÇPÈCE Eï CONCLUSION
La connaissance judidaire du laser comme instrument
permettant de mesurer la vitesse
I
!
',
I
49.
Des constantes se dégagent de toute cette jurisprudence.
Prernihrement, il y a unanimité quant au fait qu'un tribunal n'a ,
pas connaissance judiciaire que le laser est un instrument
susceptible de mesurer la vitesse.
50.
Dans l'arrêt Ville de Baie-Comeau c. D'Astozts, la Cour
d'appel, citant divers auteurs, rappelait que la connaissance
judiciaire peut decouler de la notoriété ou de la consultation de
documents genéralement accessibles. A cet égard, le juge Gendreau
déclarait ce qui suit:
En somme, il est des faits dont l'existence et la
véracité sont acquises à toute personne avertie; ces
connaissances évoluent avec les époques et sont
sujettes, pour certaines, au lieu où siège le
tribunal: ainsi, par exemple, si tout Parisien
connaît l'importance et la localisation de la rue dzi
Faubourg-Saint-Honoré, il lui en sera tout
autrement de la rue Saint-Germain à :Rimouski.
De même, la télévision, le cinéma et le principe de
la rotation de la terre sont
aujourd'hui
d'indiscittables réalités, mais chacun sait qu'il n'en
fut pas toujours ainsi.
Certains faits peuvent aussi être vérifiés aisément
en consultant des documents
généralement
accessibles et dont l'autorité est reconnue, comme
une carte géographique, u n dictionnaire, une
encyclopédie. Fortin (Jacques Fortin, Preuve
pénale, Montréal, Éd. Thémis, 1984) ém't:
La règle est la suivante: si le fait est notoire au
point de ne pas être susceptible d'être
raisonnablement contesté, ou si son exactitude
peut être facilement verifiee au moyen d'autorités
accessibles, le juge peut en prendre connaissance
d'office. Le crithre est donc la fiabilité de la
connaissance du tribunal, qui se mesure au regard
1
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i,
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,
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I
I
j
l
de la notoriéte du fait dans le milieu où siege le
tribunal. Si le tribunal ne connaît pas le fait en
question, il peut quand même en prendre
connaissance d'office en vérifiant son exactitude
dans une source accessible et indiscutable.
(pp. 1486-1487)
I
1I
1
1
51. La Cour n'a aucune hesitation h conclure, comme l'a fait
l'ensemble de la jurisprudence, que l'utilisation d u laser comme ;
détecteur de vitesse n'est pas un fait notoire quoique, comme nous
l'enseigne la Cour d'appel et l'ont mentiorné les juges Viau et
Discepola, cela le deviendra 6venîuellement.
l
1
!
1
52. Qu'en est-il maintenant des dictionnaires et encyclopédies?
Le Petit Lnrousse illustré, édition 1996, définit le terme laser I
l
comme suit:
1
Appareil pouvant engendrer un faisceau de
rayonnement spatialement et temporellement
cohérent, susceptible de multiples applications
dans la recherche scientifique, l'armement, la
médecine, les télécommunications, l'industrie, etc.
53. Quant au Petit Robert, édition 1994, il definit le terme laser I
comme suit :
1
Générateur d'ondes
électromagnétiques
(du
proche infrarouge aux rayons X) fincfionnant sur
le principe de l'émission stimulée (pompage
optique) d'un rayonnement monochromatique
cohérent qui permet d'obtenir une grande
puissance énergétique très directive et un faisceau
très fin.
54. La Cour note également que Le grand hro'usse universel,
édition 1989, Tome 9, pp. 6152-6154,ét Le grand Robert de la langue
fiançaise, edition revisée de 1992, Tome V, p. 966, ne mentionnent
pas la mesure de la vitesse parmi les applications du laser.
,
I
,
55. Par ailleurs, I'Encyclopaedia Universalis, édition 1995, 1
comporte pour sa part vingt pages de discussions sur le laser i
qu'elle présente ainsi dans un premier temps:
i
,
Les lasers (le mot u laser » est formé des initiales
des mots anglais light amplification by stimulated
emission of radiations, signifinnt: ampliJication de
lumière par émission stimulée de rayonnement)
sont des sources nouvelles de rayonnement,
mettant en oeuvre une technique spéciale
d'émission, dite astimuléeu, par opposition à celle
des sources usuelles de lum~ère, qui est
aspontanée». L'intérêt des lasers tient à leur
grande cohérence, cist-à-dire a ce que leurs
éléments engendrent des vibrations synchrones,
pendant un temps très long par rapport à leur
période, alors que, dans l'émission spontanée, de
fréquents changements de phase interviennent,
qui rendent incohérentes les lumïeres émises en
des instants ou par des points même très voisins.
(p. 492)
1
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1
56. Dans la partie traitant du laser intitulée «Applications des
lasers h la physique et dans l'industrie» on traite de la «Mesure des
vitesses - Mesure des vitesses linéaires». Dans un premier temps,
les auteurs expliquent, d'une maniere relativement technique, le
fonctionnement du radar traditionnel pour ensuite expliquer les
inconvbnients du systeme et les avantages du laser et conclure
dans les termes suivants:
Depuis plus de dix ans, la plupart des avions
sont équipés en série de tels gyromètres, dont plus
d'une centaine de milliers sont maintenant e n
service. Des missiles et des lanceurs, comme
Ariane, en sont également munis. Un montage
analogue a pennis de répéter, avec une précision
mille fois plus grande, la célèbre expérience de
Michelson et Morley, confirmant ainsi la
constance de la vitesse de la lumime (cf.
RELATIVITÉ).
(p. 504)
1
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j
l
57. On constate donc que les dictionnaires les plus usuels de la
langue française, dans des éditions rkcentes, ne traitent pas de
l'utilisation du laser comme instrument de detection de la vitesse.
Peut-on conclure a la connaissance judiciaire du fait que
l'encyclopédie universelle y fait allusion?
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1
1
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1
1
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La Cour ne le croit pas. D'une part, m@mesi la Cour d'appel
mentionne qu'on- peut consulter une encydopedie, elle y fait
allusion en indiquant qu'il s'agit d'un exemple de document
agéneralement accessiblem. C'est aussi l'opinion du regrette
professeur Fortin Peut-on soutenir que sont facilement accessibles
des encyclopédies de plus de trente volumes? Peut-on egalement
soutenir qu'est facilement accessible I'explication qu'on peut y
trouver sur l'utilisation du laser comme moyen de mesurer la
vitesse alors qu'elle se retrouve après un expose technique de plus
de dix pages sur le sujet? Poser ces questions, c'est y répondre.
58.
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1
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59. Ainsi, la Cour est d'avis qu'elle n'a pas connaissance i
judiciaire du laser comme appareil permettant de mesurer I
i
adéquatement la vitesse des vehicules Cet instrument, qui fait
appel une technologie relativement recente, du moins dans son I
I
I
application à cet effet sur le rdseau routier, fait donc partie de la 1
troisihme categorie d'appareils de detedion de sorte que la
1
poursuite doit etablir sa fiabilite in abstracto. C'est la seconde !
I
question que la Cour doit aborder.
,
Les garanties suffisantes de la fiabilité in abstucto du laser comme
instrument de détection de la vitesse
60. En se réferant à l'ensemble de la jurisprudence que nous
avons etudiée, on peut dans un deuxihme temps constater que les
seuls tests de verifications suggerk par les manufacturiers ne
suffisent pas garantir la fiabilite de l'appareil. II faut en outre
effectuer un test qui permette de s'assurer de sa fiabilite sur un
objet en mouvement. Cela peut se faire en comparant i'occasion
la mesure enregistrée par le detecteur laser avec celie relevee par
un radar conventionnel, comme l'ont notamment suggeré les
juges Viau et Boisvert, ou avec celle notbe sur un odomètre. II
s'agit là de deux .appareils dont un tribunal a connaissance
judiciaire de la fiabilité s'il a et6 dament testé.
1
61. La Cour est par ailleurs plus sceptique quant à la possibilité
de se fier h i'obsewation visuelle d'un constable comme garantie
de fiabilitk de l'appareil. Cette preuve, qui relève' plut8t de
l'arbitraire et certes pas de la science, ne lui apparaît guPre
convaincante et peu compatible avec les objectifs du recours à une
preuve scientifique qui se veut précise et fiable. Par conséquent,
elle ne devrait pas influer sur la decision d'un tribunal dans une
affaire @nale.
1 62.
Il faut par aiiieurs noter que toute cette jurisprudence porte
sur des cas où l'agent de la paix a témoigne et a et6 sujet à un
contre-interrogatoire sur l'utilisation de l'appareil et la pertinence
des tests qu'il a effectues.
63. JI en résulte donc que la preuve que doit présenter un
poursuivant doit à la fois tenir compte du fait qu'un tribunal n'a
pas connaissance judiciaire que le laser LTl 20-20 est un
instrument de detedion de la vitesse qui est fiable ainsi que des
exigences formul6es par la Cour d'appel dans l'arrêt Ville de BaieComeau c. D'Astous.
Outre le fait que l'opérateur est qualifie et que l'appareil est
en bon état de fonctionnement, il faut donc prouver qu'il peut
mesurer la vitesse de f a p n précise. Cela peut se faire en indiquant
qu'on a comparé, à un certain moment et peut-être même en une
seule occasion, la mesure qu'il peut relever avec celle constatée
l'aide d'un radar conventionnel ou d'un odometre. Il n'est
evidemment pas nécessaire que cette operation soit faite après
chaque interception car les tests suggérés par le manufacturier
permettent de s'assurer ponctuellement du bon fonctionnement
de l'appareil. Il n'est pas non plus nécessaire que le policier vienne
temoigner de ce fait à chaque occasion; il peut évidemment le
consigner dans son rapport d'infraction mais il doit alors le faire
64.
1'
1
de façon claire et précise en specifiant brievement les circonstances
dans lesquelles le ou les tests comparatifs ont et6 effectues.
65. En I'espece, la preuve a demontre que l'appareil LTI 20-20
etait en bon etat de fonctionnement lors de i'infraction reprochee.
Toutefois, la poursuite n'a su demontrer qu'il pouvait mesurer la
vitesse d'une manikre fiable. En effet, bien que l'on puisse, a la
lecture du constat d'infraction, supposer que les tests effectues par
l'agent en l'espèce aient et6 ceux suggéres par le manufacturier,
i'absence de pressions B cet egard est fatale compte tenu de la
fiabilité que l'on ne peut, jusqu'à maintenant, reconnaître à la
technologie du Laser dont l'apparition et l'utilisation comme
instnunent de detection de la vitesse sur le reseau routier sont
relativement récentes.
66.
Ii en rksulte, avec beaucoup d'kgards pour le juge de i
i
premiere instance B qui l'on n'avait pas cite les decisions rendues
dans les autres provinces, comme on ne l'avait d'ailleurs pas fait I
!
devant le soussigne, que la Cour d ~ iintervenir.
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i
APPENDICE
I!
l
67. Par ailleurs, la Cour prend acte que i'article 332 du Code de ,
la sécurité routière, qui n'est pas encore en vigueur bien qu'il ait
et6 adopte en 1986, prkvoit ce qui suit:
,
La vitesse d'un véhicule routier peut être
332
mesurée au moyen d'un appareil approuvé par
règlement et utilisé de In manière prescrite par
règlement.
L'utilisation de cet appareil d'une telle manière,
au moment où une infraction est alléguée avoir
été commise, fait preuve, en l'absence de toute
preuve contraire, que l'appareil a mesuré
exactement la vitesse du véhicule routier visé par
cette infraction.
I
1
I
1
I
I
68.
On ne peut que déplorer que le législateur n'ait pas jugé bon
de donner effet a cette disposition, comme on l'a fait dans d'autres
provinces.
:
Quant aux frais, la Cour rappelle que dans l'arrêt R. c.
Terrace St-Sulpice Inc, [1992] R.J.Q. 585, la Cour d'appel a jugé que
replace dans son contexte et tenant compte de I'article 287 qui
impose au juge de rendre le jugement «qui aurait dQ être rendu en
première instance,,, l'article 289 permet de condamner l'intimé
aux frais et ce, tant en première instance qu'en appel.
69.
Cela etant, l'article 233 prévoit que le juge de premiere
70.
instance peut condamner le defendeur ou le poursuivant aux frais,
«mais dans ce dernier cas seulement si la poursuite est abusive ou
manifestement mal fondee, ce qui est une derogation au droit
commun voulant que, sauf cas exceptionnels, la partie qui
succombe acquitte les frais» (R. c. Terrace St-Sulpice Itzc, p. 589).
71. Qu'en est-il dans le cas où l'accusé se pourvoit de sa
condamnation et obtient gain de cause alors que la poursuite
n'était pas, comme en l'espece, abusive ou manifestement mal
fondée? Trois hypotheses sont possibles. On peut considérer que la
cour d'appel peut condamner cette dernière aux frais devant les
deux niveaux de juridiction, limitant la portée de l'article 223 aux
seuls cas où le jugement de première instance est final. On peut
cette disposition
par ailleurs condure que la regle prevue
s'applique egalement devant la cour d'appel, empêchant
pratiquement toute condamnation aux frais. En effet, le défendeurappelant ne pourrait se voir octroyer des depens que dans les cas
très exceptionnels où la poursuite et la condamnation étaient
totalement non fondées. Enfin, on peut interprkter le pouvoir de
la cour d'appel de statuer sur les frais aux deux niveaux comme
étant limite par l'article 223 dans le cas de ceux de premiere
instance mais que cette règle exhorbitante du droit commun ne
s'applique pas lorsqu'il s'agit de statuer sur ceux encourus devant
elle.
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1
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,
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l
72.
La Cour retient cette demihre hypothhse. En effet, rien ne
saurait justifier que le principe énoncé A l'article 223 ne s'applique
plus d u seul fait que l'accusé a porté sa cause en appel et a eu gain
de cause. La poursuite ne devient évidemment pas abirsive ou
manifestement mal fondée pour autant. Par ailleurs, on ne saurait,
a moins d'un texte clair, étendre la portée de cette règle
exceptionnelle A la condamnation aux frais devant la cour d'appel,
privant ainsi l'appelant qui a gain de cause des frais qui seraient
normalement les siens en vertu du droit commun.
73.
La Cour retient donc la troisieme hypothhse, prenant
d'ailleurs acte que dans l'arrêt R. c. Terrace Si-Sulpice Inc, la Cour
d'appel a condamné le poursuivant aux frais de l'appel sur
sentence alors qu'il semble bien que la condamnation prononcée
en premihre instance n'était pas abusive ou manifestement mal
fond6e (p. 590). Cela confirme implicitement que le poursuivant
peut être condamné aux frais devant la cour d'appel du seul fait
qu'il succombe. Par ailleurs, la question des frais en première
instance ne se posait pas dans cette affaire puisque l'appelant
n'avait pas contesté sa condamnation.
La Cour rappelle par ailleurs qu'elle n'a pas juridiction pour
fixer le montant des frais, ceux-ci étant établis par rPglement (R. c.
T m c e St-SuIpice lnc., p. 589).
74.
75.
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En l'espèce, il n'y a pas lieu de s'écarter de ces regles.
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Pour ces motifs, la Cour
1
Accueille l'appel;
Annule le verdict de culpabilité prononcé en l'espèce;
Annule la condamnation aux frais prononcée en premiere
instance;
Condamne l'intimée aux frais devant cette Cour.
(S) PIERRE BELIVEALE,
J.C.S.
Pierre Beliveau
Procureur de l'appelante: Me Robert Beauséjour
Procureur de l'intimée: Me Louis-Fran~oisAsselin