Témoignage. Une mère en quête de vérité

Transcription

Témoignage. Une mère en quête de vérité
Pays de
Dinan
TÉMOIGNAGE.
LE PETIT BLEU
JEUDI 26 FÉVRIER 2015
www.le-petitbleu.fr
9
Le combat d’une mère pour la vérité
Dylan Vadis a perdu la vie sur la route le 19 mai 2014. Il avait 17 ans. Neuf mois plus tard, sa mère ne sait toujours pas comment
s’est déroulé l’accident. Mais elle tente tout pour retrouver le chauffeur d’un camion rouge qui pourrait témoigner de ce qu’il a vu.
Sylvie Vadis se souvient de
cette nuit-là comme si c’était
hier. La nuit du 19 au 20 mai
2014, celle où son fils Dylan, 17
ans, a perdu la vie. « Ce soir-là,
j’étais en conseil municipal à
Pleslin-Trigavou, explique celle
qui est élue de la commune depuis mars dernier. Je suis rentrée chez moi, je me suis mise
à l’ordinateur pour bosser…
A 22h24, mon portable a
sonné. Un numéro que je ne
connaissais pas. Une femme
m’apprenait que Dylan avait
eu un accident. J’ai entendu
mon fils me dire « ça va, maman ». Ce seront ses derniers
mots. »
« J’étais
sidérée,
incapable de
pleurer »
Sylvie saute dans sa voiture
et file vers Châteauneuf, le lieu
que la femme lui avait indiqué au
téléphone. En fait, c’est à proximité de l’échangeur de Plerguer
que Dylan gisait sur la voie de
gauche de la RN176. Il revenait
de Pontorson. Sa moto - une 125
cm3 - se trouvait à une cinquantaine de mètres. « Quand je suis
arrivée sur place, les pompiers
s’occupaient de lui. Je ne suis
pas allée voir Dylan, ça restera
mon plus grand regret. Mais
à ce moment-là je ne voulais
pas déranger les pompiers, je
ne voulais pas les empêcher
de sauver mon fils. Alors j’ai
attendu, en le sachant étendu sur la route. Le médecin
urgentiste m’a parlé de multiples fractures, d’un choc au
Sylvie et Dylan au château du Guildo, l’un de ses lieux préférés.
thorax. Mais « le ventre est
souple et le pronostic vital
n’est pas engagé », m’a-t-il
dit. J’étais soulagée, je me suis
dit : c’est réparable. »
C’est plus tard, aux urgences
de Saint-Malo, qu’un médecin
lui annonce que Dylan a fait
une hémorragie interne et un
arrêt cardiaque. Son décès a
été prononcé à 00h20. La nouvelle la laisse « sans réaction ».
« J’étais sidérée, incapable de
pleurer. » Elle avertit le père de
Dylan, Loïc, et sa sœur, Morgane. Malgré le choc, malgré
la douleur, une « décision évi-
dente » s’impose pour la famille. Dylan était donneur d’organes, « comme nous tous ».
Sa cornée a pu être greffée et a
permis à quelqu’un de recouvrer
la vue. « C’est un acte de générosité conforme à ce que
Dylan a toujours été. »
Neuf mois ont passé depuis
le drame. Mais Sylvie n’a toujours pas de certitudes sur ce
qu’il s’est passé. Elle sait que
l’accident a eu lieu entre 21h43,
heure où Dylan utilisait sa carte
bleue dans une pizzéria de Pontorson, et 22h12, heure où les
secours ont été appelés. D’après
ses calculs, le moment précis serait entre 22 h et 22h05. « Il
n’y aurait pas eu de témoins
directs. C’est le conducteur
d’une voiture, en train de dépasser un camion, qui a aperçu Dylan allongé sur la file de
gauche. Il s’est arrêté, ainsi
que le chauffeur du camion.
La femme qui m’avait appelée est arrivée juste après.
C’est elle qui a alerté les secours. Le camion, lui, était
parti quand les gendarmes
sont arrivés. » Si bien que le
chauffeur routier n’a jamais été
auditionné. « Et les gendarmes
« Mon fils est dans le cœur des gens »
Le fameux sourire de Dylan. C’était à
Noël, en 2013.
Dylan Vadis avait toujours le sourire. Sa
maman, lors de ses obsèques, avait utilisé
l’image de l’arc-en-ciel pour parler de lui
et des « 17 années de bonheur » qu’il a
apportées, à elle et à ses proches. Elle avait
invité les gens à penser à son fils dès qu’ils
en verraient un dans le ciel…
« Depuis, je reçois régulièrement des
cartes postales, des photos d’arc-en-ciel.
Une façon de me dire « Dylan est passé
chez nous ». J’ai même reçu un bracelet
aux couleurs de l’arc-en-ciel, de façon
anonyme. Certains de ses amis, que je
ne connaissais pas, ont pris le temps
d’écrire une lettre manuscrite pour me
dire à quel point il comptait pour eux.
Pour la maman que je suis, tous ces témoignages, ça compte… Mon fils est
toujours dans le cœur des gens. »
Elle a pu le constater à de nombreuses
occasions. Le soir des obsèques, les coureurs du Team Pays de Dinan (dont Sylvie
est la secrétaire) avaient trusté les quatre
premières places de la course nocturne de
Matignon et dédié leur course à Dylan, en
passant la ligne d’arrivée « avec la main
sur le cœur ». Même esprit à l’Entente Cycliste Rance-Frémur, où Dylan était vététiste.
Ses potes ne l’oublient pas et lui ont dédié
nombre de victoires, ce qui a fait vivre à sa
maman autant de « moments d’émotions
saisissants ». Ils viennent aussi de faire éditer
des autocollants « I ride 4 Dylan » au profit
de l’association Souffles d’Espoir contre le
cancer, pour laquelle Dylan s’était investi.
Professionnellement, le jeune homme
avait aussi trouvé sa voie. Il faisait son
apprentissage à la boulangerie-pâtisserie
de Languenan. Et il aurait passé son bac
pro le mois prochain, au CFA d’Aucaleuc.
« Aujourd’hui, je ne peux qu’imaginer
ce qu’aurait été la vie de mon enfant. »
Mais celle qui est auteur de polars, en plus
d’être correspondante locale pour Le Petit
Bleu et Ouest-France, n’en fera pas un livre.
« En tout cas, je n’ai pas écrit une ligne.
Ça aurait été un exutoire, je préfère
d’abord m’apaiser. Au cours du tour de
Rance vintage, j’ai rencontré une femme
formidable, une championne cycliste, qui
a perdu sa fille dans un accident. Je lui ai
demandé : « Comment je vais remonter
la pente ? » Elle m’a dit : « Sylvie, ce n’est
pas une pente. C’est un col hors-catégorie. » Je m’aperçois que je suis toujours
en bas de ce col. »
Mais, paraphrasant Saint-Augustin, elle
confie : « Dylan est partout où je vais,
partout où je pose les yeux. » Et, de cela
au moins, elle en est certaine.
B.R.
de Cancale, en charge de l’enquête, n’ont pas passé d’appels à témoins. » Sylvie, de
son côté, a lancé des appels sur
Facebook. Sans résultats.
L’expertise de la moto n’a
révélé aucune trace de choc,
mais un autre aspect interroge
la famille. « Dans le sac à dos
de Dylan, il manquait sa carte
bleue, sa carte grise, son attestation d’assurances, son
permis. » Ils auraient dû être
dans son blouson ; celui-ci aurait été fouillé deux fois, sans
résultats. Les proches n’ont jamais pu récupérer le blouson
en question. « Ses vêtements
étaient impropres à la restitution, nous a-t-on dit. Ils ont
été brûlés dès le lendemain
de l’accident par les pompiers.
Ceux-ci ont fini par s’en excuser, ils ont reconnu un dysfonctionnement. Les affaires
auraient dû suivre Dylan à
l’hôpital. » Pour tenter de retrouver ses papiers, les abords de
la 4-voies ont été fouillés, « mais
deux mois après l’accident »,
soupire Sylvie.
Finalement, la famille n’a récupéré que la chaîne en argent
de Dylan « qui était restée au
bord de la route et qu’un
pompier a pris la peine de
revenir chercher le lendemain
de l’accident ». Cette chaîne a
été transformée en deux bracelets, chacun porté par Sylvie et
Morgane.
Le 21 octobre, le parquet de
Saint-Malo a classé l’affaire « au
motif que nulle implication
d’un véhicule tiers n’a pu être
rapportée ». Mais Sylvie, elle,
n’est sûre de rien. Et ne pas savoir ce qui est arrivé à son fils lui
est insupportable. « Dylan a pu
perdre le contrôle de sa moto
tout seul. Je n’exclus pas qu’il
ait pris un risque. Mais je voudrais simplement avoir une
certitude. Je ne veux accuser
personne ; je ne cherche ni un
coupable, ni un responsable.
Je veux juste comprendre les
circonstances de l’accident. »
« Le temps
joue contre
moi »
C’est toute seule qu’elle
s’est lancée à la recherche du
fameux chauffeur routier. « Lui
seul pourra m’apporter une
réponse, en me disant ce qu’il
a vu ce soir-là. » Elle a raconté
sa quête sur France 3 Bretagne.
Après Facebook, des appels
à témoins vont être publiés
dans deux magazines destinés
aux routiers. « Ce chauffeur
était a priori français, son camion avait une bâche rouge,
sans rien d’écrit dessus. J’ai
contacté des entreprises de
transports auxquelles cela
pouvait correspondre et je
leur ai demandé d’en parler
à leurs chauffeurs. Une seule
a répondu. Je ne comprends
pas ce manque d’empathie, ce
n’est pourtant pas si compliqué… D’autant que le temps
joue contre moi, c’est une
course contre la montre que
j’ai engagée. » Cette course,
elle compte la mener jusqu’au
bout. « Mes proches soutiennent ma démarche. Je dois à
mon fils de tout tenter pour
savoir la vérité. »
Bernadette RAMEL
■■Pour contacter Sylvie : 06
67 66 67 53. Mail. sylvie.
[email protected]