Le journal de la - STA HealthCare Communications

Transcription

Le journal de la - STA HealthCare Communications
Le journal de la
Volume 10, numéro 2
Juillet 2000
3
Éditorial
Qu’est-ce qu’un rhumatologue?
4
Rhumatologie pédiatrique
Évaluation des résultats dans
l’arthrite idiopathique juvénile
10
13
16
Actualités médicales
Consensus canadien sur l’emploi
des antagonistes du TNF dans le
traitement de l’AR
Point de vue de l’historien
Une entrevue avec le
Dr Jean-Pierre Pelletier
Des nouvelles de la SCR
Consultants
Comité éditorial
Rédacteur en chef
Glen Thomson, M.D.,
FRCPC
Ancien président
SCR
Rhumatologue
Directeur, CIADS
Professeur adjoint
University of Manitoba
Winnipeg (Manitoba)
Michel Zummer, M.D.,
FRCPC
Professeur adjoint
Université de Montréal
Directeur, Division de
rhumatologie, Hôpital
Maisonneuve-Rosemont,
Montréal (Québec)
Barry E. Koehler, M.D.,
FRCPC
Professeur agrégé de clinique
University of
British Columbia
Membre du personnel actif
Richmond General Hospital
Richmond (ColombieBritannique)
Ronald M. Laxer, M.D.,
FRCPC
Professeur de pédiatrie
et de médecine
University of Toronto
Directeur, Division de
rhumatologie
The Hospital for
Sick Children
Toronto (Ontario)
Simon Carette, M.D.,
FRCPC
Professeur
Université de Toronto
Chef, Division de
rhumatologie, The
Toronto Hospital/Mount
Sinai Hospital
Toronto (Ontario)
J. Carter Thorne, M.D.,
FRCPC, FACP
Secrétaire-trésorier
SCR
Conférencier
University of Toronto
Rhumatologue
York County Hospital et
Toronto General Hospital
Newmarket (Ontario)
Janet Pope, M.D., MPA,
FRCPC
Professeure adjointe
University of
Western Ontario
Service de rhumatologie
Victoria Hospital
London (Ontario)
Denis Choquette, M.D.,
FRCPC
Professeur adjoint
de clinique
Directeur, Programme
de rhumatologie
Université de Montréal
Montréal (Québec)
Walter P. Maksymowych,
M.B., Ch. B., ABIM,
MRCP, FRCPC
Professeur agrégé et
rhumatologue
University of Alberta
Edmonton (Alberta)
Arthur A.M. Bookman,
M.D., FRCPC
Vice-président
SCR
Professeur agrégé
University of Toronto
Coordonnateur clinique
Division de rhumatologie
The Toronto Hospital
Toronto (Ontario)
Mission du journal de la SCR
La mission du journal de la SCR est de promouvoir
l’échange de l’information et des opinions au sein
de la communauté canadienne de rhumatologie.
ÉQUIPE DE RÉDACTION
Paul F. Brand
Directeur de la publication
Maria Bishop
Coordonnatrice de la rédaction
Russell Krackovitch
Rédacteur de projets
Marie Laliberté
Rédactrice-réviseure, français
Donna Graham
Coordonnatrice de la production
Dan Oldfield
Directeur-conception graphique
Jennifer Brennan
Services administratifs
Ian W.D. Henderson, M.D.
Conseiller médical
John L. Liberman, CR
Conseiller juridique
Robert E. Passaretti
Éditeur
Copyright@2000. LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE est publié par STA Communications inc., Pointe-Claire, Québec. Tous droits réservés. Le contenu de cette publication ne peut être reproduit, conservé dans un système informatique ou distribué de quelque façon que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre) sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Ce journal est publié tous les trois mois. Poste-publication. Enregistrement n° 0137855. Port payé à Saint-Laurent, Québec.
Date de publication : juillet 2000. Les auteurs sont choisis selon l’étendue de leur expertise dans une spécialité donnée. LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE n’engage que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Société canadienne de rhumatologie, de STA Communications inc., de Pfizer Canada inc.
ou de Searle Canada. Il est recommandé que les médecins évaluent l’état de leurs patients avant de procéder à tout acte médical suggéré par les auteurs ou les membres du comité
éditorial. De plus, les médecins devraient consulter les monographies de produit officiellement approuvées avant de prescrire tout médicament mentionné dans un article. Prière
d’adresser toute correspondance à : LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE, 955, boul. Saint-Jean, bureau 306, Pointe-Claire (Québec), H9R 5K3. Toutes
les annonces de produits pharmaceutiques sur ordonnance ont été approuvées par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique.
Éditorial
Qu’est-ce qu’un rhumatologue?
Q
u’est-ce qu’un rhumatologue et qu’est-ce que ce
spécialiste sait faire le mieux? Nous sommes des
spécialistes de l’arthrite et, à ce titre, nous traitons
des patients atteints de maladies qui touchent les articulations, les muscles, les os et le système immunitaire. Croyezvous que les gens ordinaires savent cela? Plus important
encore, croyez-vous que les autres médecins connaissent
nos compétences spéciales? À en juger par les patients que
ces derniers nous adressent, je répondrais « non » à cette
question. Souvent, un patient atteint d’une maladie inflammatoire d’apparition nouvelle nous est adressé seulement au
stade avancé de la maladie et, pourtant, nous recevons un
nombre incalculable de demandes de consultations pour des
cas de syndrome de douleur chronique, de coup de fouet
cervical, de troubles post-traumatiques et de fibromyalgie.
À l’heure actuelle, le Canada compte environ 300 rhumatologues. Les pionniers de la rhumatologie avaient évalué les besoins à un rhumatologue par 100 000 habitants.
Toutefois, certains proposent maintenant une évaluation
plus précise, c’est-à-dire un rhumatologue par 70 000 habitants, vu la complexité des schémas thérapeutiques actuels
et les exigences des programmes de formation.
Aujourd’hui, 26 postes de professeurs de rhumatologie
sont à pourvoir dans les universités canadiennes, et un
grand nombre de postes de rhumatologues sont vacants en
milieu communautaire. Nous ne formons pas assez de rhumatologues, ne serait-ce que pour remplacer ceux et celles
qui partent. Comme l’explique le Dr Jean-Pierre Pelletier
dans son entretien, nous savons que nous ne formons pas
un nombre adéquat de chercheurs cliniciens ni de scientifiques en recherche fondamentale. Même si nous augmentions dès aujourd’hui le nombre de postes de stagiaires, ces
futurs cliniciens ou chercheurs ne seront prêts que dans
dix ans. La problématique est plus vaste encore parce que
nous n’attirons pas les étudiants en médecine vers notre
spécialité, comme en témoigne le nombre de postes de rhumatologues à pourvoir dans tout le pays. Rien d’étonnant,
Dianne P. Mosher, M.D., FRCPC
Professeure agrégée, Dalhousie University,
et membre du personnel actif, Queen Elizabeth II Health
Sciences Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse).
donc, à ce que les gens – et même les médecins – ne
sachent pas exactement ce que nous faisons. Ceci dit, comment pouvons-nous améliorer cette situation?
Ces problèmes ne sont pas aussi insolubles qu’ils le
semblent. Pour la première fois depuis des décennies, nous
avons accès à de nouveaux traitements efficaces pour mieux
aider nos patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou
d’autres maladies inflammatoires générales. Nous pouvons,
aujourd’hui, traiter l’ostéoporose. De plus, au Canada, les
chercheurs mènent activement des travaux particulièrement
intéressants sur les maladies inflammatoires, les maladies du
tissu conjonctif, l’arthrose et l’ostéoporose.
Nous pourrions peut-être profiter de cet enthousiasme
pour inciter les étudiants en médecine et les résidents à se
consacrer à la rhumatologie? Grâce à l’arrivée de nouveaux
médicaments, les entreprises pharmaceutiques allouent des
sommes plus importantes. Ce financement pourrait servir à
créer des programmes pour les étudiants et les résidents en
rhumatologie en plus d’être investi dans la formation médicale continue. Nous pouvons exercer des pressions politiques pour que les gouvernements augmentent leur part du
financement des programmes de formation et de recherche
dans le domaine de l’arthrite.
Je suis convaincue que nous, les rhumatologues canadiens,
devons faire connaître à tous et à chacun nos compétences
spéciales et consacrer nos efforts dans ce domaine. Nous
savons tous combien cette spécialité apporte de la satisfaction... et des défis. Nous devons encourager les étudiants à
faire carrière en rhumatologie, que ce soit sur le plan clinique
ou de la recherche fondamemtale. De plus, il faut améliorer
les compensations pour nos services afin de conserver nos
membres.
C’est ce défi que nous relèverons dans les trois à
cinq années à venir.
En septembre, vous recevrez un questionnaire évaluant
les besoins de la Société canadienne de rhumatologie préparé par le Dr Glen Thompson et le Dr Denis Choquette.
Votre opinion est primordiale afin de développer les
prochaines orientations de la Société.
Merci!
Dianne P. Mosher
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 3
Rhumatologie
pédiatrique
Évaluation des résultats dans
l’arthrite idiopathique juvénile
L
es instruments utilisés pour évaluer l’état de santé, la
capacité fonctionnelle, l’invalidité et la qualité de
vie chez les adultes atteints d’arthrite rhumatoïde
(AR) ont été largement commentés dans des articles
récents, et les organismes de réglementation, comme la
Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, rendent maintenant obligatoire l’utilisation de ces indicateurs de résultats dans les études cliniques. De tels
instruments ont également été conçus pour évaluer les
enfants atteints d’arthrite idiopathique juvénile (AIJ). Le
Pediatric Rheumatology Collaborative Study Group
[PRCSG] et le Pædiatric Rheumatology International
Trials Organization [PRINTO] ont décidé d’inclure un de
ces instruments dans les six indicateurs de résultats dans
les études cliniques. L’adoption d’un instrument de
mesure de la capacité fonctionnelle des enfants marque
une étape historique dans la rhumatologie au Canada.
La capacité fonctionnelle, l’état de santé et la qualité
de vie, des paramètres décrits dans la littérature médicale, sont souvent utilisés de façon interchangeable et,
pour cette raison, leur signification peut varier.1 Le terme
« capacité fonctionnelle » a une portée générale et décrit
les effets de la maladie sur l’aptitude d’une personne à
exécuter les tâches courantes.
Quant au terme « état de santé », il réfère à une évaluation ponctuelle du bien-être physique, psychologique et
social d’une personne par rapport aux valeurs de départ.
L’indicateur « qualité de vie » touche à la fois à l’état
de santé et à la capacité fonctionnelle, et il devrait
Ciarán M. Duffy, M. B., B. Ch., M. Sc., FRCPC
Directeur de la Division de rhumatologie,
à l’Hôpital de Montréal pour enfants et
professeur agrégé au Département de pédiatrie à
l’Université McGill et au Centre universitaire de santé McGill,
à Montréal (Québec).
Le Dr Duffy est également chercheur principal à la
Société d’arthrite du Canada.
4 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
inclure également la propre perception du patient de la
nature et de l’importance des changements survenus
dans sa vie à cause de la maladie.1 Dans ce contexte, on
essaie de mesurer la qualité de vie liée à la santé. En
effet, il semble que les patients, y compris les enfants,
sont capables de faire la distinction entre l’état de santé,
la qualité de vie et la qualité de vie liée à la santé,2 bien
que certains en doutent.3
L’indicateur « qualité de vie liée à la santé » peut être
générique ou spécifique d’une maladie. Le second est
plus facilement applicable dans les études cliniques
parce qu’il est plus sensible pour détecter des changements cliniques importants (réactivité). Divers groupes
ont essayé d’élaborer un indicateur définitif qui
convienne aux enfants atteints d’AIJ.
L’instrument idéal est commode et facile à utiliser. À
savoir que les parents ou l’enfant peuvent répondre au
questionnaire en peu de temps. De plus, ce dernier permet de mesurer la fonction physique, la fonction psychologique et la fonction sociale, y compris la vie à
l’école et au sein de la famille ainsi que les comportements. Par ailleurs, il inclut des questions sur la douleur.
En outre, l’instrument est fiable, valide et sensible. On
peut l’utiliser dans divers pays et, par conséquent, dans
différentes cultures. De fait, le questionnaire se prête
facilement à la traduction et aux changements permettant de l’adapter à un contexte donné. Bref, force est de
constater que l’utilisation de tels instruments de mesure à
l’échelle internationale pose un défi important.4,5
Aucun des instruments de mesure commentés dans le
présent article ne satisfait à tous ces critères. Néanmoins,
des progrès importants ont été accomplis. Ceux
ci-dessous ont été évalués de façon approfondie dans
d’autres articles;5,6 alors nous ne les commentons que
brièvement.
INSTRUMENTS SPÉCIFIQUES DE LA MALADIE —
PARAMÈTRES DE LA FONCTION PHYSIQUE
Le questionnaire CHAIMS
(Childhood Arthritis Impact Measurement Scales)
Le questionnaire CHAIMS a été le premier instrument de
mesure spécifique de l’AIJ. Il s’agit d’une version modi-
fiée du questionnaire AIMS. Malheureusement, la
capacité de mesure de cet instrument présente des
lacunes, sauf en ce qui concerne la douleur, dont la fiabilité est bonne, et la validité, convergente. Les lacunes
sont principalement attribuables au fait que la plupart
des questions ne s’appliquent pas à des enfants âgés de
moins de six ans. Soulignons également que la validité
apparente, la validité de contenu et la sensibilité du
questionnaire CHAIMS n’ont pas été démontrées. Ainsi,
cet instrument n’est pas utilisé actuellement.
Le questionnaire d’évaluation de la santé de l’enfant
CHAQ (Childhood Health Assessment Questionnaire).
Le questionnaire CHAQ, issu du questionnaire d’évaluation de la santé de l’adulte (HAQ), comprend
deux indices : l’invalidité et la douleur. Le questionnaire
sur l’invalidité porte sur les huit aspects suivants en
30 points : se vêtir et faire sa toilette, se lever, manger et
marcher, l’hygiène, la portée, la force de préhension et
les activités.7 Pour chaque aspect de la capacité fonctionnelle, au moins une question convient aux enfants de
tous âges.
La réponse à chaque question est notée à l’aide d’une
échelle en quatre points (de 0 à 3) selon le degré de difficulté qu’éprouve l’enfant. Parmi les questions portant
sur un aspect de la capacité fonctionnelle, on retient le
résultat le plus élevé. Si l’enfant doit utiliser des aides ou
des dispositifs, ou s’il a besoin d’assistance, le résultat
minimal pour cet aspect de la capacité fonctionnelle est
de 2. L’indice d’invalidité correspond au résultat moyen
pour les huit aspects de la capacité fonctionnelle.
De son côté, l’indice de la douleur est déterminé par la
présence de douleur, mesurée à l’aide d’une échelle
analogique visuelle de 100 mm, extrapolée à une
échelle de 0 à 3. Une autre échelle analogique de
100 mm permet de mesurer l’évaluation globale de
l’arthrite par le patient ou par le parent.
La fiabilité et la validité du questionnaire CHAQ sont
excellentes, et ses propriétés de discrimination sont
bonnes. De plus, le questionnaire a une bonne valeur de
prédiction et il est utile dans les études longitudinales.
D’ailleurs, il a été utilisé très souvent à cette fin. Les
résultats préliminaires permettent de croire que le questionnaire CHAQ est sensible, mais il faudra démontrer le
taux de sensibilité par une étude clinique contrôlée avant
d’utiliser systématiquement le CHAQ dans les études sur
l’efficacité. Cependant, CHAQ peut être administré aux
enfants de tous âges et dans diverses langues. Par surcroît,
il offre un excellent potentiel clinique pour le suivi à
longue échéance des enfants atteints d’AIJ et probablement d’autres maladies rhumatismales infantiles.8
Le questionnaire JAFAR (Juvenile Arthritis Functional
Assessment Report). Le questionnaire JAFAR est dérivé
des questionnaires AIMS, HAQ et McMaster Health
Index Questionnaire.9 Le questionnaire JAFAR, unidimensionnel et en 23 points, permet d’évaluer l’aptitude à
effectuer des tâches physiques chez les enfants âgés de
plus de sept ans. L’évaluation est faite à l’aide d’une
échelle, en trois points (de 0 à 2). Le résultat total est
dans la plage de 0 à 46, un résultat peu élevé
témoignant d’une meilleure capacité fonctionnelle. Il
existe deux versions de ce questionnaire : une pour
l’enfant (JAFAR-C) et une pour les parents (JAFAR-P).
Le JAFAR est très fiable et hautement valide. Toutefois,
bien que les résultats d’une petite étude clinique contrôlée permettent de croire que le questionnaire JAFAR
est sensible, d’autres études de plus grande envergure
La capacité fonctionnelle, l’état de santé et la
qualité de vie, des paramètres décrits dans la
littérature médicale, sont souvent utilisés de
façon interchangeable et, pour cette raison,
leur signification peut varier.
doivent être menées pour démontrer de façon concluante le degré de sensibilité de cet instrument et pour
déterminer son utilité dans les études cliniques sur l’efficacité d’un traitement.
Le plus grand inconvénient du questionnaire JAFAR
est qu’il ne convient pas à des enfants de moins de
sept ans, ce qui empêche de l’utiliser pour évaluer les
enfants atteints d’une AIJ d’apparition précoce.
Il n’en demeure pas moins un instrument pratique, très
utile en clinique et dans le suivi à long terme pour la
plupart des enfants atteints d’arthrite chronique, même
s’il apporte à peine plus d’information que le questionnaire CHAQ.
Le questionnaire JASI (Juvenile Arthritis Self-Report
Index). Le questionnaire JASI a été élaboré pour évaluer
de façon plus précise l’activité physique chez les
enfants âgés de plus de huit ans atteints d’AIJ.10 Cet
instrument vise à mesurer particulièrement la réactivité des enfants et il sert principalement aux interventions de réadaptation. Le JASI compte 100 questions
portant sur cinq catégories de la fonction physique
(soins personnels, vie domestique, mobilité, activités
scolaires et parascolaires). Le résultat total est dans la
plage de 0 à 100, le plus élevé témoignant d’une
meilleure capacité fonctionnelle. Les auteurs ont
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 5
inclus une échelle d’évaluation de type Likert en
sept points pour évaluer la difficulté à exécuter des
tâches. Dans une composante secondaire (questionnaire JASI, 2e partie), les patients doivent nommer les
cinq activités qu’ils trouvent les plus difficiles. Ces
dernières sont évaluées lors du suivi. Cette stratégie
fait de la deuxième partie du questionnaire JASI un
outil plus sensible et aussi plus spécifique.
Le questionnaire JASI a été élaboré de façon très
méticuleuse, et il offre une fiabilité et une validité de
premier ordre. Cependant, son plus grand inconvénient est qu’il ne peut être administré à des enfants
âgés de moins de huit ans. On ne peut donc pas
Ces six instruments diffèrent beaucoup les uns
des autres, et ils ont été conçus avec des
objectifs différents, ce qui confère à chacun
ses qualités propres.
l’utiliser dans les cas d’AIJ de début précoce. En outre,
parce que c’est un questionnaire très détaillé, il faut
beaucoup de temps pour y répondre (45 minutes), ce
qui pourrait le rendre moins intéressant dans le contexte clinique.
Il n’en reste pas moins que le questionnaire JASI est
un instrument complet et un excellent instrument de
mesure qui convient particulièrement à la recherche
dans les études longitudinales.
INSTRUMENTS SPÉCIFIQUES DE LA MALADIE —
PARAMÈTRES DE LA QUALITÉ DE VIE
Questionnaire JAQQ (Juvenile Arthritis Quality of Life
Questionnaire). Le questionnaire JAQQ permet de
mesurer la fonction physique et psychologique. Il inclut
des données spécifiques du patient et il porte spécialement sur la maladie (et par conséquent, sur les mesures
de la qualité de vie liées à la maladie).11 Ce questionnaire
convient à tous les groupes d’âge et aux sous-groupes de
patients atteints d’arthrite chronique. Également, les
patients peuvent y répondre seuls en peu de temps.
Le questionnaire JAQQ comprend 74 questions
portant sur quatre aspects principaux : les mouve-
6 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
ments globaux (17 questions), la motricité fine
(16 questions), la fonction psychosociale
(22 questions) et les symptômes généraux
(19 questions). La réponse à chaque question est
notée à l’aide d’une échelle de 1 à 7 (« jamais » à
« toujours », selon la fréquence à laquelle la tâche
est difficile pour l’enfant), 7 correspondant au résultat
le moins bon. Bien que les patients répondent à
toutes les questions chaque fois, le résultat correspond à la moyenne des cinq résultats les plus élevés
pour chacun des aspects de la capacité fonctionnelle.
Le résultat total pour le questionnaire JAQQ correspond à la moyenne de ceux des quatre aspects. Une
échelle d’évaluation de la douleur a été incluse, mais
elle est comptabilisée séparément. Ce questionnaire
existe en anglais, en français et en hollandais.
En raison de sa nature très détaillée, le questionnaire JAQQ offre une validité et une sensibilité excellentes et pourrait être l’instrument idéal dans les études
cliniques.
Le questionnaire CAHP (Childhood Arthritis Health
Profile). Cet instrument est conçu pour tous les aspects
du bien-être des enfants atteints d’AIJ, c’est-à-dire la
capacité physique, le fonctionnement psychosocial et les
conséquences de la maladie sur la famille.12 Le questionnaire CAHP a été élaboré en parallèle avec un instrument générique, le questionnaire CHQ (Childhood
Health Questionnaire).13 Il existe également une version
pour les parents et une version pour les adolescents
(13 ans et plus).
Les patients répondent seuls au questionnaire CAHP,
divisé en trois modules : état de santé général mesuré
par le questionnaire CHQ, les échelles d’évaluation spécifiques de l’AIJ et les caractéristiques du patient. Le
premier rapport sur l’évaluation de cet instrument a porté
sur le développement, la validité et la fiabilité des
échelles pour évaluer la capacité fonctionnelle (spécifiques de l’AIJ et non spécifiques de la maladie).
Le CAHP se révèle un instrument prometteur. Même
si le questionnaire est complexe, les parents et les
enfants peuvent y répondre en moins de 15 minutes. Un
instrument convivial de saisie des données a été conçu
pour faciliter l’utilisation de l’instrument dans des
circonstances cliniques ordinaires, et l’on travaille
actuellement à simplifier le système de pointage.
CONCLUSION
Nous souhaitions vous présenter un aperçu général des
six instruments de l’AIJ ainsi que des recherches menées
pour mesurer la capacité fonctionnelle et la qualité de vie
liée à la maladie. Ces six instruments diffèrent beaucoup
les uns des autres, et ils ont été conçus avec des objectifs
différents, ce qui confère à chacun ses qualités propres.
Le questionnaire CHAIMS a été moins bien étudié, et
ses propriétés de mesure sont moins bonnes. Il est donc
peu probable qu’on continue de l’utiliser.
À l’opposé, les questionnaires CHAQ et JAFAR sont
d’excellents instruments de mesure en plus d’être largement utilisés. Par ailleurs, il faut peu de temps pour
répondre à ces questionnaires simples. Cependant, bien
qu’ils soient utiles en recherche, ils conviennent probablement beaucoup mieux au contexte clinique. CHAQ
offre un net avantage par rapport à JAFAR parce qu’il
convient à tous les groupes d’âge.
Le questionnaire JASI est lui aussi un excellent instrument de mesure, mais, parce qu’il faut beaucoup de
temps pour répondre à toutes les questions, on l’utilisera
de préférence comme outil de recherche plutôt que
comme outil clinique.
De son côté, le questionnaire JAQQ est tout aussi
détaillé, mais il faut moins de temps pour y répondre. Il
peut être administré à des patients de tous âges et il est
très sensible. Il convient particulièrement bien aux
études cliniques – c’est d’ailleurs précisément pour cela
qu’il a été conçu.
Les propriétés de mesure du questionnaire CAHP
sont également excellentes, spécialement sur le plan
de la discrimination. C’est un questionnaire très
détaillé qui exige plus de temps. Il servira donc probablement davantage à la recherche dans les études
longitudinales. Il est important de souligner que le
questionnaire JAQQ et le questionnaire CAHP permettent tous deux de mesurer la qualité de vie liée à la
maladie, et il pourrait être important de les utiliser
dans des études sur les résultats à longue échéance du
traitement de l’AIJ.
En raison de l’expansion du réseau de collaboration
des études cliniques, il a été nécessaire d’adapter les
instruments aux besoins des divers pays. À cette fin, le
groupe PRINTO souhaite que les questionnaires CHAQ
et CHQ soient adaptés et traduits en plusieurs langues,
compte tenu du grand nombre de participants aux études
cliniques coordonnées par cet organisme. À mesure que
progresseront les études du groupe PRINTO, l’utilité de
ces instruments à l’échelle internationale pourra être
mieux évaluée.
Références
1. Gill TM, Feinstein AR: A critical appraisal of the quality of quality-oflife measurements. JAMA 1994; 272(8):619-26.
2. Feldman B, Grundland B, McCullough L, Wright V: Distinction of quality of life, health related quality of life, and health status in children
referred for rheumatologic care. J Rheumatol 2000; 27(11):226-33.
3. Tucker LB: Whose life is it anyway? Understanding quality of life in
children with rheumatic diseases. J Rheumatol 2000; 27(1):8-11.
4. Burgos-Vargas R: Assessment of quality of life in children with
rheumatic disease. J Rheumatol 1999; 26(7):1432-5.
5. Duffy CM, Tucker L, Burgos-Vargas R: Update on functional assessment tools. J Rheumatol 2000; 27 (Suppl 58):11-4
6. Duffy CM, Duffy KN: Health assessment in the rheumatic diseases of
childhood. Curr Opin Rheum 1997; 9(5):440-7.
7. Singh G, Athreya BH, Fries JF, Goldsmith DP: Measurement of
health status in children with juvenile rheumatoid arthritis. Arthritis
Rheum 1994; 37(12):1761-9.
8. Feldman BM, Ayling-Campos A, Luy L, Stevens D, Silverman ED,
Laxer RM: Measuring disability in juvenile dermatomyositis: validity of
the childhood health assessment questionnaire. J Rheumatol 1995;
22(2):326-31.
9. Howe S, Levinson J, Shear E, Hartner S, McGirr G, Schulte M, Lovell
D: Development of a disability measurement tool for juvenile rheumatoid arthritis: The Juvenile Arthritis Functional Assessment Report for
Children and their Parents. Arthritis Rheum 1991; 34(7):873-80.
10. Wright FV, Law M, Crombie V, Goldsmith CH, Dent P: Development
of a self-report functional status index for juvenile rheumatoid arthritis. J Rheumatol 1994; 21(3):536-44.
11. Duffy CM, Arsenault L, Duffy KN, Paquin JD, Strawczynski H: The
Juvenile Arthritis Quality of Life Questionnaire—development of a
new responsive index for juvenile rheumatoid arthritis and juvenile
spondyloarthritides. J Rheumatol 1997; 24(4):738-46.
12. Tucker LB, De Nardo BA, Abetz LN, Landgraf JM, Schaller JG: The
childhood arthritis health profile (CAHP): Validity and reliability of the
condition specific scales. Arthritis Rheum 1995; 38:S183.
13. Landgraf JM, Abetz L, Ware JE: The Childhood Health
Questionnaire: a user manual. The Health Institute, New England
Medical Centre, Boston, 1996.
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 7
Actualités
médicales
Consensus canadien sur l’emploi des
antagonistes du TNF dans le traitement de l’AR
L
’arthrite rhumatoïde (AR) est une maladie caractérisée
par la destruction de l’articulation qui entraîne une
invalidité grave et un lourd fardeau économique,
autant pour les patients que pour la société, et une
espérance de vie moins longue. Un nombre croissant de
résultats de recherche montrent que les lésions articulaires sont présentes dès le début et qu’elles évoluent
inéluctablement avec le temps. En outre, il existe une
relation causale directe entre la synovite, les changements anatomiques et l’invalidité.1
Avec les années, les scientifiques en sont venus à un
accord général sur les principaux objectifs du traitement
de l’AR : la maîtrise rapide de l’inflammation articulaire
et la prévention de la destruction de l’articulation. Pour
atteindre ces objectifs, les médecins prescrivent aujourd’hui les antirhumatismaux à des doses plus élevées ou
en traitement d’association. Les plus récents progrès des
recherches sur la pathogenèse de l’AR ont permis de
développer une nouvelle classe d’antirhumatismaux
appelés « biomédicaments ». Ces nouveaux médicaments ciblent, de façon sélective, les éléments
pathogènes de la maladie. Plusieurs de ces nouveaux
agents, par exemple, ont pour cible le facteur de nécrose
tumorale alpha (TNFa), une cytokine jouant un rôle de
premier plan dans les mécanismes pathologiques de
l’AR.
En se fondant sur ces prémisses et sur ces récents
progrès, les scientifiques se sont entendus sur la définition suivante d’un « traitement efficace » dans les
études cliniques : le traitment doit produire une
amélioration clinique (conformément aux critères de
réponse de l’American College of Rheumatology
[ACR])2 et un ralentissement de la progression radiologique, mesurée par des méthodes d’évaluation uniformisées (les plus utilisées étant la méthode de Sharp
ou la méthode modifiée de Sharp).3 En raison des
résultats des études cliniques bien conçues, contrôlées
et à répartition aléatoire, et aussi de l’information issue
Boulos Haraoui, M.D., FRCPC
Professeur agrégé de clinique de médecine, U. de Montréal, et
directeur de recherche clinique, Département de rhumatologie,
CHUM, Hôpital Notre-Dame, Montréal (Québec).
10 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
de la vaste expérience clinique, le méthotrexate (MTX)
est devenu l’antirhumatismal le plus prescrit en traitement de première intention. Il améliore non seulement
les signes et les symptômes de l’AR, mais il ralentit
aussi la progression radiologique de la maladie.
Malheureusement, le MTX amène une rémission chez
quelques patients seulement, même si on observe une
certaine amélioration clinique chez une bonne part
des patients (les « répondeurs partiels »). Le défi le
plus important en rhumatologie, à l’heure actuelle, est
de trouver un agent efficace produisant des effets
bénéfiques plus grands chez les patients dont l’arthrite
cède en partie seulement au MTX.
MONOTHÉRAPIE PAR LES ANTIRHUMATISMAUX
Parmi les quelques agents qui ont manifesté une efficacité clinique significative et qui ont ralenti la progression
de la maladie de façon notable, deux méritent une attention particulière :
Le leflunomide (AravaMD) est un nouvel immunosuppresseur, récemment approuvé par la Direction générale
de la protection de la santé, de Santé Canada, pour le
traitement de l’AR. Son principal mode d’action est l’inhibition de la synthèse de la pyrimidine, ce qui diminue la
prolifération des lymphocytes et l’expansion clonale.
Deux études cliniques distinctes ont montré que l’efficacité du leflunomide a été comparable à celle du MTX (dose
moyenne de 13,5 mg/sem.); les taux de réponse conformes au critère 20 de l’ACR ont été d’environ 40 %.4
Fait intéressant, les taux de réponse aux critères 50 et 70
de l’ACR ont tous deux été plus élevés que dans les
groupes traités par le MTX, et ils témoignent d’une
amélioration clinique importante chez les patients
répondeurs. De même, le leflunomide et le MTX ont
ralenti la progression de la maladie dans une mesure
semblable. De plus, lorsque les patients n’ayant pas
répondu au MTX ont été traités par le leflunomide dans
une étude libre non contrôlée, 50 % ont satisfait au
critère de réponse 20 de l’ACR. Des études cliniques
contrôlées sont actuellement menées pour évaluer le
leflunomide en association avec le MTX.
L’étanercept (EnbrelMD) est la protéine hybride soluble
du récepteur du TNF. C’est le premier médicament qui a
produit une amélioration importante chez des patients
atteints d’une AR grave n’ayant pas répondu à plusieurs
antirhumatismaux, y compris le MTX.5
Lorsqu’il a été comparé directement au MTX à dose
élevée dans le traitement de l’AR au stade précoce
(début depuis moins de trois ans), l’étanercept a manifesté un début d’action plus rapide, et les chercheurs ont
observé une tendance à un taux de réponse ACR plus
favorable.6 Les deux agents ont ralenti très efficacement
l’évolution des lésions structurales par rapport à la progression radiologique prévue.
ANTIRHUMATISMAUX EN ASSOCIATION
Deux articles récents présentent une synthèse des résultats de différents traitements par l’association d’antirhumatismaux.7,8 L’excellent profil d’innocuité du MTX en
fait la pierre angulaire des cinq associations les plus efficaces. Dans trois de ces traitements, le deuxième
antirhumatismal était un médicament d’appoint pour des
patients ayant répondu en partie au MTX.
MTX + cyclosporine A (CsA).9,10 Dans une étude de
six mois contrôlée par un placebo, l’ajout de la CsA a
produit une réponse d’importance clinique. Pendant la
phase de prolongation, on a remplacé le placebo par la
CsA. Après six mois, le taux de réponse a été le même
que dans le groupe ayant reçu la CsA pendant l’étude
principale. À la lumière des résultats d’une étude clinique
précédente, contrôlée et ouverte, la CsA a ralenti la progression radiologique.11,12 Cependant, bien que l’association MTX/CsA puisse être envisagée en traitement de
deuxième intention dans les cas de réponse partielle au
MTX, la toxicité à longue échéance (hypertension, hausse
de la créatinine sérique) risque d’en limiter l’utilité.
MTX + étanercept. L’ajout de l’étanercept (25 mg,
sous-cutanés, deux fois par semaine) a produit un taux
de réponse ACR sans précédent dans les études cliniques
sur l’AR.13 Pendant l’étude libre (phase de prolongation),
certains patients ont poursuivi le traitement pendant plus
de 30 mois, et le taux de réponse a été maintenu.
Caractérisée par une toxicité très bénigne, cette association médicamenteuse semble offrir une des options
thérapeutiques les plus efficaces à l’heure actuelle.
MTX + infliximab (RemicadeMD). L’infliximab est un
anticorps monoclonal chimère anti-TNF. Il est administré
en association avec le MTX en perfusion intraveineuse,
toutes les huit semaines. Dans l’étude ATTRACT (Anti-TNF
Trial in Rheumatoid Arthritis with Concomitant Therapy),
des patients atteints depuis longtemps d’une AR modérée
à grave et ayant présenté une réponse clinique partielle au
MTX ont été répartis de façon aléatoire pour recevoir le
placebo ou l’infliximab selon différents schémas posologiques.14 Sur le plan statistique, les quatre groupes traités
par l’infliximab ont présenté des résultats comparables, plus
favorables que ceux du groupe placebo. En effet, le ralentissement de la progression radiologique a été encore plus
remarquable dans ces quatre groupes. En plus de son profil
d’innocuité favorable sur une période d’un an, cette association semble un des traitements actuels les plus efficaces.
Par ailleurs, deux traitements d’association ont été
évalués en traitement de première intention lors de
deux études cliniques différentes : Le traitement à l’aide
de trois antirhumatismaux (trithérapie), qui associe
d’emblée le MTX, l’hydroxychloroquine (HCQ) et la sulfasalazine (SSZ), a été comparé à l’association HCQ + SSZ
ou au MTX administré seul dans une étude d’une durée de
deux ans.15 Le principal indicateur de l’efficacité était une
amélioration de 50 % du critère composé de Paulus après
neuf mois de traitement. À ce stade, les patients non
répondants étaient exclus de l’étude. Les patients ayant
reçu la trithérapie ont présenté des résultats beaucoup plus
favorables que les deux autres groupes. À la fin des
deux années, plus de 75 % des patients présentaient une
réponse soutenue, définie par l’amélioration de 50 % du
critère de Paulus.
Cette étude est néanmoins limitée par le très petit
nombre de patients (31 dans le groupe trithérapie, 36 dans
le groupe MTX en monothérapie) et par l’absence d’une
évaluation radiologique. Les résultats d’une deuxième étude, dont la population était aussi peu nombreuse,
ont été présentés sous forme de résumé,16 mais les
chercheurs n’ont pas réussi à reproduire un taux de
réponse clinique aussi favorable. Seulement 46 % des
patients ont présenté une réponse clinique conforme au
critère 50 de l’ACR, comparativement à 36 % dans le
groupe MTX +HCQ.
Dans l’étude COBRA (Combinatietherapie Bij
Reumatoide Artritis), menée auprès de patients atteints
d’une AR au stade précoce, l’association SSZ (2g/j) +
MTX (7,5 mg/sem.) + prednisone (60 mg/j, diminuée
graduellement en 28 semaines) s’est d’abord révélée plus
efficace que la SSZ administrée seule. Toutefois, à la
semaine 58, l’efficacité clinique était semblable.17 Dans
le groupe recevant le traitement d’association, la progression radiologique a toutefois été plus lente, comme
le montre l’évaluation à la semaine 80. L’absence d’un
groupe « monothérapie par le MTX » (doses croissantes
jusqu’à 17,5 mg à 20 mg) jette un doute important sur
l’utilité d’un tel traitement d’association.
Nous pouvons donc conclure que de nombreux résultats d’études démontrent que, si le MTX à dose élevée
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 11
(de 17,5 mg/sem. à 25 mg/sem.) ne produit pas les effets
bénéfiques optimaux, l’ajout d’antagonistes du TNF au
schéma thérapeutique offre un traitement d’un meilleur
rapport risques-avantages. Par surcroît, cette association
permet d’atteindre le double objectif du traitement :
amélioration clinique et ralentissement radiologique de
la maladie.
ladie – en général, un traitement par le MTX, administré
au moins à raison de 15 mg par semaine pendant
trois mois.
Un antagoniste du TNF pourrait être prescrit en traitement de première intention lorsqu’une affection concomitante (par exemple, une hépatopathie ou une
néphropathie grave) risque d’entraîner des contre-indications à d’autres agents.
UTILISATION JUDICIEUSE DES AGENTS ANTI-TNF
Puisqu’il existe déjà des antirhumatismaux efficaces, les
médecins devront justifier le recours aux nouveaux
agents plus coûteux, par exemple, les antagonistes du
TNF. Les traitements usuels opposés à l’AR, notamment
le MTX, préviennent les coûts directs élevés (hospitalisations fréquentes, arthroplastie, entre autres) et les coûts
indirects (invalidité, décès prématuré) de cette maladie.
Bref, les résultats des études cliniques sont suffisamment concluants pour adopter le consensus suivant : il
convient d’ajouter un antagoniste du TNF au traitement
par le MTX ou par d’autres antirhumatismaux lorsque ce
dernier n’est pas suffisamment efficace. Cependant, on
ne doit pas ajouter d’antagoniste du TNF sans d’abord
démontrer que l’antirhumatismal ne maîtrise pas la ma-
RECOMMANDATION CONSENSUELLE
Vu le taux d’invalidité élevé et l’espérance de vie moins
longue des patients atteints d’AR, la Société canadienne
de rhumatologie est fortement convaincue qu’un traitement efficace par les antagonistes du TNF doit être offert
le plus tôt possible à tous les patients admissibles à ce
traitement. En outre, ces patients doivent avoir facilement accès à cette modalité de traitement grâce aux
régimes provinciaux d’assurance-médicaments et aux
régimes d’assurance privés. On prévoit que le coût initial
élevé du traitement par les antagonistes du TNF sera
atténué par la baisse des coûts encore plus élevés liés à
la morbidité, à la diminution de la productivité et à la
mortalité précoce.
Références
1. Scott DL, Pugner K, Kaarela K et coll. : The links between joint
damage and disability in rheumatoid arthritis. Rheumatology (Oxford)
2000; 39(2):122-32.
2. Felson DT, Anderson JJ, Boers M et coll. : The American College of
Rheumatology preliminary core set of disease activity measurements for rheumatic clinical trials. The Committee on Outcome
Measures in Rheumatoid Arthritis Clinical Trials. Arthritis Rheum
1993; 36(6):729-40.
3. Sharp JT, Lidsky MD, Collins LC et coll. : Methods of scoring the
progression of radiologic changes in rheumatoid arthritis. Correlation
of radiologic, clinical and laboratory abnormalities. Arthritis Rheum
1971; 14(6):706-20.
4. Strand V, Cohen S, Schiff M et coll. : Treatment of active rheumatoid
arthritis with leflunomide compared with placebo and methotrexate.
Leflunomide Rheumatoid Arthritis Investigation Group. Arch Intern
Med 1999; 159(21):2542-50
5. Moreland LW, Baumgartner SW, Schiff MH et coll. : Treatment of
rheumatoid arthritis with a recombinant human tumor necrosis factor
receptor (p75)-Fc fusion protein. N Engl J Med 1997; 33:141-7.
6. Finck B, Martin R, Fleischmann R et coll. : A phase III trial of etanercept vs. Methotrexate in early rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum
(Suppl. 1999); 42:S117-280.
7. Verhoeven AC, Boers M, Tugwell P: Combination therapy in rheumatoid arthritis: Updated systematic review. Br J Rheumatol 1998;
37(6):612-9.
8. Pincus T, O’Dell JR, Kremer JM: Combination therapy with multiple
disease-modifying antirheumatic drugs in rheumatoid arthritis: a preventive strategy. Ann Intern Med 1999; 131(10):768-74.
9. Tugwell P, Pincus T, Yocum D et coll. : Combination therapy with
cyclosporine and methotrexate in severe rheumatoid arthritis. The
Methotrexate Cyclosporine Combination Study Group. N Engl J Med
1995; 333(3):137-41.
10. Stein CM, Pincus T, Yocum D et coll. : Combination treatment of
severe rheumatoid arthritis with cyclosporine and methotrexate for
forty-eight weeks: an open-label extension study. The Methotrexate
Cyclosporine Study Group. Arthritis Rheum 1997; 40(10):1843-51.
11. Forre O: Radiologic evidence of disease modification in rheumatoid
arthritis patients treated with cyclosporine. Results of a 48-week
multicenter study comparing low-dose cyclosporine with placebo.
Norwegian Arthritis Study Group. Arthritis Rheum 1994;
37(10):1506-12.
12. Ferraccioli GF, Bambara LM, Ferraris M et coll. : Effects of
cyclosporine on joint damage in rheumatoid arthritis. The Italian
Rheumatologists Study Group on rheumatoid arthritis. Clinical
Experimental Rheumatology 1997; 15 (Suppl. 17): S83-9.
13. Weinblatt ME, Kremer JM, Bankhurst AD et coll. : A trial of etanercept, a recombinant tumor necrosis factor receptor:Fc fusion protein, in patients with rheumatoid arthritis receiving methotrexate. N
Engl J Med 1999; 340(4):253-9.
14. Maini R, St Clair EW, Breedveld F et coll. : Infliximab (chimeric antitumour necrosis factor alpha monoclonal antibody) versus placebo
in rheumatoid arthritis patients receiving concomitant methotrexate:
a randomised phase III trial. ATTRACT study group. Lancet 1999;
354(9194):1932-9.
15. O’Dell JR, Haire CE, Erikson N et coll. : Treatment of rheumatoid
arthritis with methotrexate alone, sulfasalazine and hydroxychloroquine, or a combination of all three medications. N Engl J Med
1996; 334(20):1287-91.
16. O’Dell JR, Leff R, Paulsen G et coll. : Methotrexate (M)Hydroxychloroquine (H)-sulfasalazine (S) versus M-H or M-S for
rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum (Suppl.) 1999; 9:S117-282.
17. Boers M, Verhoeven AC, Markusse HM et coll. : Randomised comparison of combined step-down prednisolone, methotrexate, and
sulphasalazine with sulphasalazine alone in early rheumatoid arthritis.
Lancet 1997; 350(9074):309-18.
12 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
Point de vue de
l’historien
Une entrevue avec le Dr Jean-Pierre Pelletier
Le Dr Jean-Pierre Pelletier a reçu le Distinguished Scientist Award de la SCR dernièrement
pour sa contribution à la recherche sur la rhumatologie au Canada. Nous vous proposons
ses réflexions sur ce domaine de spécialité.
Q
Dr Pelletier, qu’est-ce qui vous a incité à choisir
la rhumatologie pour faire carrière?
Pendant mes études de médecine au Centre hospitalier de
l’Université de Montréal (CHUM) à la fin des années 1970,
j’ai fait un stage en rhumatologie. Je me suis alors rendu
compte qu’il restait beaucoup à faire pour soulager les
souffrances des patients atteints d’arthrite.
J’avais obtenu un baccauléréat en biochimie à
l’Université de Montréal et j’ai constaté que la recherche
sur l’arthrose en était à ses tout débuts. Par ailleurs, des
chercheurs venaient de formuler l’hypothèse que l’étiologie
de l’arthrite était principalement biochimique et, à cause
de ma formation, ma curiosité a été piquée.
Puis, j’ai appris que la Société d’arthrite offrait une
bourse pour étudier avec le Dr David Howell à Miami, en
Floride. Le Dr Howell était un pionnier de la recherche sur
les mécanismes physiopathologiques de l’arthrose et sur le
rôle des enzymes protéolytiques. Il venait de découvrir que
le traitement de l’arthrose devrait avoir pour objectif d’inhiber les protéases. C’était une occasion en or pour un
jeune médecin chercheur, et je ne pouvais laisser passer
cette occasion! Cette première expérience m’a ouvert les
portes de la communauté scientifique, ce qui m’a permis
plus tard de contribuer à une meilleure compréhension de
la physiopathologie de l’arthrose.
Q
Depuis vos débuts, comment a évolué l’exercice
de la rhumatologie en milieu universitaire et en
milieu communautaire?
Lorsque j’ai terminé mes études de médecine en 1980, les
modalités de traitement n’avaient pas changé depuis des
années, et la recherche commençait seulement à explorer les
mécanismes pathologiques de l’arthrite. Entre 1970 et 1995,
les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été les seuls
ajouts à notre arsenal thérapeutique. D’ailleurs, j’ai tendance à
Jean-Pierre Pelletier, M.D.
Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) –
Hôpital Notre-Dame, Montréal (Québec).
penser que cette période était un prolongement de la « période de noirceur » du traitement des maladies rhumatismales.
Les recherches effectuées pendant ces années ont finalement
porté des fruits et ont mené à la découverte récente des biomédicaments et des inhibiteurs de la COX-2. La découverte
de nouveaux médicaments pourrait rendre la rhumatologie
encore plus intéressante pour les jeunes médecins puisque
nous sommes maintenant en mesure d’offrir des traitements
plus efficaces à nos patients, de leur offrir une lueur d’espoir.
Q
Quels changements ont marqué la rhumatologie
au Canada pendant votre carrière?
Au Canada, ce domaine de spécialité a changé, mais j’ai
bien peur que ce ne soit pas pour le mieux. Au cours des
10 dernières années, le nombre de rhumatologues en
milieu universitaire et de chercheurs a diminué au Canada.
La formation de rhumatologues universitaires – qui avait
toujours bénéficié du soutien des universités – semble
chose du passé. Je suis convaincu que la rhumatologie universitaire survivra difficilement à cette tendance actuelle au
Canada. À notre centre (le Centre d’arthrite du CHUM),
nous formons en moyenne seulement un nouveau rhumatologue par année. Comment alors réussir à remplacer les
rhumatologues qui prendront leur retraite au cours des
10 prochaines années? Si nous ne réussissons pas à attirer
de nouveaux candidats dans cette spécialité, les patients
risquent de ne pas avoir accès à un rhumatologue lorsqu’ils
en auront besoin.
En outre, cette absence de soutien du milieu universitaire nous empêche d’attirer des médecins chercheurs en
rhumatologie, alors que ceux-ci apportent des connaissances et des points de vue essentiels dans un groupe de
recherche.
Les occasions de recherche, comme celles dont j’ai eu
la chance de bénéficier après mes études de médecine,
n’existent plus. Au cours des 10 dernières années, seulement un de nos étudiants a décidé de se consacrer à la
recherche. Cette situation affaiblit certainement l’influence
de la rhumatologie au Canada dans l’ensemble de la communauté scientifique.
suite à la page 16
Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 13
Des nouvelles
de la SCR
ÉNONCÉ DE MISSION
La mission de la Société canadienne de rhumatologie
(SCR) est de représenter les rhumatologues canadiens et
de promouvoir la poursuite de l’excellence dans le traitement de l’arthrite et la recherche sur l’arthrite au Canada
par le leadership, la formation et la communication.
RÉUNIONS DE RHUMATOLOGIE À VENIR AU CANADA
Inscrivez ces dates tout de suite! La prochaine réunion
annuelle hivernale de la SCR aura lieu à Mont-Tremblant,
au Québec, du 21 au 24 février 2001. Le Dr Paul Haraoui
([email protected]), de Montréal, est président du programme. Nous vous rappelons aussi que le Congrès de
l’ILAR (Intl League of Associations for Rheumatism) se
déroulera à Edmonton, du 21 au 25 août 2001, et sera
présidé par le Dr Tony Russell. Le Dr Paul Davis préside
le comité du programme.
ÉVALUATION DES BESOINS EN L’AN 2000
En 1993, la SCR, alors présidé par le Dr Paul Davis, a entrepris la première évaluation des besoins poussée auprès des
membres de la SCR. Les conclusions ont permis de faire de
la Société ce qu’elle est aujourd’hui. Cette année, une
enquête de suivi sera conçue par Dr Glen Thomson et
Dr Denis Choquette avec l’aide du Dr Paul Davis. Ce projet a pour but de vérifier si la SCR continue de répondre aux
besoins de ses membres. Faites-vous un devoir de répondre
au questionnaire lorsque vous le recevrez par la poste!
CRÉATION D’UN CONSEIL DES
SOCIÉTÉS PHARMACEUTIQUES
La SCR a mis sur pied un conseil des sociétés pharmaceutiques avec l’aide de Jean-Claude Dairon, qui agira à
titre d’expert-conseil pour resserrer les liens de la SCR
avec les sociétés pharmaceutiques, particulièrement au
moment de la réunion annuelle, mais aussi pendant
toute l’année. Le comité de direction prévoit annoncer
de nouveaux projets à ses membres pendant la
prochaine année. Si vous avez des suggestions, veuillez
entrer en contact avec le secrétaire de la SCR.
COMITÉS
N’hésitez pas à entrer en contact avec le président des divers
comités si vous avez des questions, des suggestions ou si
vous avez besoin d’aide. Le site Web de la SCR évoluent
constamment. Pour obtenir l’accès à ce site, entrez en contact avec Steve Edworthy ou avec le secrétaire de la SCR.
Programme scientifique :
Paul Haraoui ([email protected])
Thérapeutique :
Janet Pope ([email protected])
Barry Koehler ([email protected])
Effectifs :
Michel Zummer ([email protected])
Jamie Henderson ([email protected])
Liaison :
Gunnar Kraag ([email protected])
Formation :
Ken Blocha ([email protected])
Média :
Arthur Bookman ([email protected])
Responsable du site Internet :
Steven Edworthy ([email protected])
suite de la page 13
Q
À votre avis, comment évoluera la rhumatologie
au Canada?
Nous devrons prendre le taureau par les cornes et examiner d’un oeil critique l’avenir de notre spécialité au cours
de la prochaine décennie. La rhumatologie n’est pas un
domaine pour s’enrichir. Les honoraires des rhumatologues cliniciens n’ont pas augmenté au cours des
cinq dernières années dans plusieurs provinces. Ainsi,
plusieurs rhumatologues ont réorienté leur carrière pour
des raisons de revenu seulement, et ce, à une époque où
nous avons besoin de plus en plus d’effectifs. Et comme
16 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie
je l’ai dit auparavant, nous ne recrutons pas assez de
nouveaux candidats en rhumatologie. Nous devons
également résoudre le problème du sous-financement
insuffisant de la recherche.
Q
Quel conseil donneriez-vous à ceux et celles qui
aimeraient devenir rhumatologues?
Je suggérerais à ceux qui entreprennent une carrière de
chercheurs en rhumatologie d’être prudents et de s’assurer de travailler au sein d’un groupe où ils auront l’occasion et la possibilité de devenir chercheur autonome.