Le journal de la - STA HealthCare Communications
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Le journal de la - STA HealthCare Communications
Le journal de la Volume 10, numéro 2 Juillet 2000 3 Éditorial Qu’est-ce qu’un rhumatologue? 4 Rhumatologie pédiatrique Évaluation des résultats dans l’arthrite idiopathique juvénile 10 13 16 Actualités médicales Consensus canadien sur l’emploi des antagonistes du TNF dans le traitement de l’AR Point de vue de l’historien Une entrevue avec le Dr Jean-Pierre Pelletier Des nouvelles de la SCR Consultants Comité éditorial Rédacteur en chef Glen Thomson, M.D., FRCPC Ancien président SCR Rhumatologue Directeur, CIADS Professeur adjoint University of Manitoba Winnipeg (Manitoba) Michel Zummer, M.D., FRCPC Professeur adjoint Université de Montréal Directeur, Division de rhumatologie, Hôpital Maisonneuve-Rosemont, Montréal (Québec) Barry E. Koehler, M.D., FRCPC Professeur agrégé de clinique University of British Columbia Membre du personnel actif Richmond General Hospital Richmond (ColombieBritannique) Ronald M. Laxer, M.D., FRCPC Professeur de pédiatrie et de médecine University of Toronto Directeur, Division de rhumatologie The Hospital for Sick Children Toronto (Ontario) Simon Carette, M.D., FRCPC Professeur Université de Toronto Chef, Division de rhumatologie, The Toronto Hospital/Mount Sinai Hospital Toronto (Ontario) J. Carter Thorne, M.D., FRCPC, FACP Secrétaire-trésorier SCR Conférencier University of Toronto Rhumatologue York County Hospital et Toronto General Hospital Newmarket (Ontario) Janet Pope, M.D., MPA, FRCPC Professeure adjointe University of Western Ontario Service de rhumatologie Victoria Hospital London (Ontario) Denis Choquette, M.D., FRCPC Professeur adjoint de clinique Directeur, Programme de rhumatologie Université de Montréal Montréal (Québec) Walter P. Maksymowych, M.B., Ch. B., ABIM, MRCP, FRCPC Professeur agrégé et rhumatologue University of Alberta Edmonton (Alberta) Arthur A.M. Bookman, M.D., FRCPC Vice-président SCR Professeur agrégé University of Toronto Coordonnateur clinique Division de rhumatologie The Toronto Hospital Toronto (Ontario) Mission du journal de la SCR La mission du journal de la SCR est de promouvoir l’échange de l’information et des opinions au sein de la communauté canadienne de rhumatologie. ÉQUIPE DE RÉDACTION Paul F. Brand Directeur de la publication Maria Bishop Coordonnatrice de la rédaction Russell Krackovitch Rédacteur de projets Marie Laliberté Rédactrice-réviseure, français Donna Graham Coordonnatrice de la production Dan Oldfield Directeur-conception graphique Jennifer Brennan Services administratifs Ian W.D. Henderson, M.D. Conseiller médical John L. Liberman, CR Conseiller juridique Robert E. Passaretti Éditeur Copyright@2000. LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE est publié par STA Communications inc., Pointe-Claire, Québec. Tous droits réservés. Le contenu de cette publication ne peut être reproduit, conservé dans un système informatique ou distribué de quelque façon que ce soit (électronique, mécanique, photocopie, enregistrement ou autre) sans l’autorisation écrite de l’éditeur. Ce journal est publié tous les trois mois. Poste-publication. Enregistrement n° 0137855. Port payé à Saint-Laurent, Québec. Date de publication : juillet 2000. Les auteurs sont choisis selon l’étendue de leur expertise dans une spécialité donnée. LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE n’engage que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement les opinions de la Société canadienne de rhumatologie, de STA Communications inc., de Pfizer Canada inc. ou de Searle Canada. Il est recommandé que les médecins évaluent l’état de leurs patients avant de procéder à tout acte médical suggéré par les auteurs ou les membres du comité éditorial. De plus, les médecins devraient consulter les monographies de produit officiellement approuvées avant de prescrire tout médicament mentionné dans un article. Prière d’adresser toute correspondance à : LE JOURNAL DE LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DE RHUMATOLOGIE, 955, boul. Saint-Jean, bureau 306, Pointe-Claire (Québec), H9R 5K3. Toutes les annonces de produits pharmaceutiques sur ordonnance ont été approuvées par le Conseil consultatif de publicité pharmaceutique. Éditorial Qu’est-ce qu’un rhumatologue? Q u’est-ce qu’un rhumatologue et qu’est-ce que ce spécialiste sait faire le mieux? Nous sommes des spécialistes de l’arthrite et, à ce titre, nous traitons des patients atteints de maladies qui touchent les articulations, les muscles, les os et le système immunitaire. Croyezvous que les gens ordinaires savent cela? Plus important encore, croyez-vous que les autres médecins connaissent nos compétences spéciales? À en juger par les patients que ces derniers nous adressent, je répondrais « non » à cette question. Souvent, un patient atteint d’une maladie inflammatoire d’apparition nouvelle nous est adressé seulement au stade avancé de la maladie et, pourtant, nous recevons un nombre incalculable de demandes de consultations pour des cas de syndrome de douleur chronique, de coup de fouet cervical, de troubles post-traumatiques et de fibromyalgie. À l’heure actuelle, le Canada compte environ 300 rhumatologues. Les pionniers de la rhumatologie avaient évalué les besoins à un rhumatologue par 100 000 habitants. Toutefois, certains proposent maintenant une évaluation plus précise, c’est-à-dire un rhumatologue par 70 000 habitants, vu la complexité des schémas thérapeutiques actuels et les exigences des programmes de formation. Aujourd’hui, 26 postes de professeurs de rhumatologie sont à pourvoir dans les universités canadiennes, et un grand nombre de postes de rhumatologues sont vacants en milieu communautaire. Nous ne formons pas assez de rhumatologues, ne serait-ce que pour remplacer ceux et celles qui partent. Comme l’explique le Dr Jean-Pierre Pelletier dans son entretien, nous savons que nous ne formons pas un nombre adéquat de chercheurs cliniciens ni de scientifiques en recherche fondamentale. Même si nous augmentions dès aujourd’hui le nombre de postes de stagiaires, ces futurs cliniciens ou chercheurs ne seront prêts que dans dix ans. La problématique est plus vaste encore parce que nous n’attirons pas les étudiants en médecine vers notre spécialité, comme en témoigne le nombre de postes de rhumatologues à pourvoir dans tout le pays. Rien d’étonnant, Dianne P. Mosher, M.D., FRCPC Professeure agrégée, Dalhousie University, et membre du personnel actif, Queen Elizabeth II Health Sciences Centre, Halifax (Nouvelle-Écosse). donc, à ce que les gens – et même les médecins – ne sachent pas exactement ce que nous faisons. Ceci dit, comment pouvons-nous améliorer cette situation? Ces problèmes ne sont pas aussi insolubles qu’ils le semblent. Pour la première fois depuis des décennies, nous avons accès à de nouveaux traitements efficaces pour mieux aider nos patients atteints de polyarthrite rhumatoïde ou d’autres maladies inflammatoires générales. Nous pouvons, aujourd’hui, traiter l’ostéoporose. De plus, au Canada, les chercheurs mènent activement des travaux particulièrement intéressants sur les maladies inflammatoires, les maladies du tissu conjonctif, l’arthrose et l’ostéoporose. Nous pourrions peut-être profiter de cet enthousiasme pour inciter les étudiants en médecine et les résidents à se consacrer à la rhumatologie? Grâce à l’arrivée de nouveaux médicaments, les entreprises pharmaceutiques allouent des sommes plus importantes. Ce financement pourrait servir à créer des programmes pour les étudiants et les résidents en rhumatologie en plus d’être investi dans la formation médicale continue. Nous pouvons exercer des pressions politiques pour que les gouvernements augmentent leur part du financement des programmes de formation et de recherche dans le domaine de l’arthrite. Je suis convaincue que nous, les rhumatologues canadiens, devons faire connaître à tous et à chacun nos compétences spéciales et consacrer nos efforts dans ce domaine. Nous savons tous combien cette spécialité apporte de la satisfaction... et des défis. Nous devons encourager les étudiants à faire carrière en rhumatologie, que ce soit sur le plan clinique ou de la recherche fondamemtale. De plus, il faut améliorer les compensations pour nos services afin de conserver nos membres. C’est ce défi que nous relèverons dans les trois à cinq années à venir. En septembre, vous recevrez un questionnaire évaluant les besoins de la Société canadienne de rhumatologie préparé par le Dr Glen Thompson et le Dr Denis Choquette. Votre opinion est primordiale afin de développer les prochaines orientations de la Société. Merci! Dianne P. Mosher Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 3 Rhumatologie pédiatrique Évaluation des résultats dans l’arthrite idiopathique juvénile L es instruments utilisés pour évaluer l’état de santé, la capacité fonctionnelle, l’invalidité et la qualité de vie chez les adultes atteints d’arthrite rhumatoïde (AR) ont été largement commentés dans des articles récents, et les organismes de réglementation, comme la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, rendent maintenant obligatoire l’utilisation de ces indicateurs de résultats dans les études cliniques. De tels instruments ont également été conçus pour évaluer les enfants atteints d’arthrite idiopathique juvénile (AIJ). Le Pediatric Rheumatology Collaborative Study Group [PRCSG] et le Pædiatric Rheumatology International Trials Organization [PRINTO] ont décidé d’inclure un de ces instruments dans les six indicateurs de résultats dans les études cliniques. L’adoption d’un instrument de mesure de la capacité fonctionnelle des enfants marque une étape historique dans la rhumatologie au Canada. La capacité fonctionnelle, l’état de santé et la qualité de vie, des paramètres décrits dans la littérature médicale, sont souvent utilisés de façon interchangeable et, pour cette raison, leur signification peut varier.1 Le terme « capacité fonctionnelle » a une portée générale et décrit les effets de la maladie sur l’aptitude d’une personne à exécuter les tâches courantes. Quant au terme « état de santé », il réfère à une évaluation ponctuelle du bien-être physique, psychologique et social d’une personne par rapport aux valeurs de départ. L’indicateur « qualité de vie » touche à la fois à l’état de santé et à la capacité fonctionnelle, et il devrait Ciarán M. Duffy, M. B., B. Ch., M. Sc., FRCPC Directeur de la Division de rhumatologie, à l’Hôpital de Montréal pour enfants et professeur agrégé au Département de pédiatrie à l’Université McGill et au Centre universitaire de santé McGill, à Montréal (Québec). Le Dr Duffy est également chercheur principal à la Société d’arthrite du Canada. 4 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie inclure également la propre perception du patient de la nature et de l’importance des changements survenus dans sa vie à cause de la maladie.1 Dans ce contexte, on essaie de mesurer la qualité de vie liée à la santé. En effet, il semble que les patients, y compris les enfants, sont capables de faire la distinction entre l’état de santé, la qualité de vie et la qualité de vie liée à la santé,2 bien que certains en doutent.3 L’indicateur « qualité de vie liée à la santé » peut être générique ou spécifique d’une maladie. Le second est plus facilement applicable dans les études cliniques parce qu’il est plus sensible pour détecter des changements cliniques importants (réactivité). Divers groupes ont essayé d’élaborer un indicateur définitif qui convienne aux enfants atteints d’AIJ. L’instrument idéal est commode et facile à utiliser. À savoir que les parents ou l’enfant peuvent répondre au questionnaire en peu de temps. De plus, ce dernier permet de mesurer la fonction physique, la fonction psychologique et la fonction sociale, y compris la vie à l’école et au sein de la famille ainsi que les comportements. Par ailleurs, il inclut des questions sur la douleur. En outre, l’instrument est fiable, valide et sensible. On peut l’utiliser dans divers pays et, par conséquent, dans différentes cultures. De fait, le questionnaire se prête facilement à la traduction et aux changements permettant de l’adapter à un contexte donné. Bref, force est de constater que l’utilisation de tels instruments de mesure à l’échelle internationale pose un défi important.4,5 Aucun des instruments de mesure commentés dans le présent article ne satisfait à tous ces critères. Néanmoins, des progrès importants ont été accomplis. Ceux ci-dessous ont été évalués de façon approfondie dans d’autres articles;5,6 alors nous ne les commentons que brièvement. INSTRUMENTS SPÉCIFIQUES DE LA MALADIE — PARAMÈTRES DE LA FONCTION PHYSIQUE Le questionnaire CHAIMS (Childhood Arthritis Impact Measurement Scales) Le questionnaire CHAIMS a été le premier instrument de mesure spécifique de l’AIJ. Il s’agit d’une version modi- fiée du questionnaire AIMS. Malheureusement, la capacité de mesure de cet instrument présente des lacunes, sauf en ce qui concerne la douleur, dont la fiabilité est bonne, et la validité, convergente. Les lacunes sont principalement attribuables au fait que la plupart des questions ne s’appliquent pas à des enfants âgés de moins de six ans. Soulignons également que la validité apparente, la validité de contenu et la sensibilité du questionnaire CHAIMS n’ont pas été démontrées. Ainsi, cet instrument n’est pas utilisé actuellement. Le questionnaire d’évaluation de la santé de l’enfant CHAQ (Childhood Health Assessment Questionnaire). Le questionnaire CHAQ, issu du questionnaire d’évaluation de la santé de l’adulte (HAQ), comprend deux indices : l’invalidité et la douleur. Le questionnaire sur l’invalidité porte sur les huit aspects suivants en 30 points : se vêtir et faire sa toilette, se lever, manger et marcher, l’hygiène, la portée, la force de préhension et les activités.7 Pour chaque aspect de la capacité fonctionnelle, au moins une question convient aux enfants de tous âges. La réponse à chaque question est notée à l’aide d’une échelle en quatre points (de 0 à 3) selon le degré de difficulté qu’éprouve l’enfant. Parmi les questions portant sur un aspect de la capacité fonctionnelle, on retient le résultat le plus élevé. Si l’enfant doit utiliser des aides ou des dispositifs, ou s’il a besoin d’assistance, le résultat minimal pour cet aspect de la capacité fonctionnelle est de 2. L’indice d’invalidité correspond au résultat moyen pour les huit aspects de la capacité fonctionnelle. De son côté, l’indice de la douleur est déterminé par la présence de douleur, mesurée à l’aide d’une échelle analogique visuelle de 100 mm, extrapolée à une échelle de 0 à 3. Une autre échelle analogique de 100 mm permet de mesurer l’évaluation globale de l’arthrite par le patient ou par le parent. La fiabilité et la validité du questionnaire CHAQ sont excellentes, et ses propriétés de discrimination sont bonnes. De plus, le questionnaire a une bonne valeur de prédiction et il est utile dans les études longitudinales. D’ailleurs, il a été utilisé très souvent à cette fin. Les résultats préliminaires permettent de croire que le questionnaire CHAQ est sensible, mais il faudra démontrer le taux de sensibilité par une étude clinique contrôlée avant d’utiliser systématiquement le CHAQ dans les études sur l’efficacité. Cependant, CHAQ peut être administré aux enfants de tous âges et dans diverses langues. Par surcroît, il offre un excellent potentiel clinique pour le suivi à longue échéance des enfants atteints d’AIJ et probablement d’autres maladies rhumatismales infantiles.8 Le questionnaire JAFAR (Juvenile Arthritis Functional Assessment Report). Le questionnaire JAFAR est dérivé des questionnaires AIMS, HAQ et McMaster Health Index Questionnaire.9 Le questionnaire JAFAR, unidimensionnel et en 23 points, permet d’évaluer l’aptitude à effectuer des tâches physiques chez les enfants âgés de plus de sept ans. L’évaluation est faite à l’aide d’une échelle, en trois points (de 0 à 2). Le résultat total est dans la plage de 0 à 46, un résultat peu élevé témoignant d’une meilleure capacité fonctionnelle. Il existe deux versions de ce questionnaire : une pour l’enfant (JAFAR-C) et une pour les parents (JAFAR-P). Le JAFAR est très fiable et hautement valide. Toutefois, bien que les résultats d’une petite étude clinique contrôlée permettent de croire que le questionnaire JAFAR est sensible, d’autres études de plus grande envergure La capacité fonctionnelle, l’état de santé et la qualité de vie, des paramètres décrits dans la littérature médicale, sont souvent utilisés de façon interchangeable et, pour cette raison, leur signification peut varier. doivent être menées pour démontrer de façon concluante le degré de sensibilité de cet instrument et pour déterminer son utilité dans les études cliniques sur l’efficacité d’un traitement. Le plus grand inconvénient du questionnaire JAFAR est qu’il ne convient pas à des enfants de moins de sept ans, ce qui empêche de l’utiliser pour évaluer les enfants atteints d’une AIJ d’apparition précoce. Il n’en demeure pas moins un instrument pratique, très utile en clinique et dans le suivi à long terme pour la plupart des enfants atteints d’arthrite chronique, même s’il apporte à peine plus d’information que le questionnaire CHAQ. Le questionnaire JASI (Juvenile Arthritis Self-Report Index). Le questionnaire JASI a été élaboré pour évaluer de façon plus précise l’activité physique chez les enfants âgés de plus de huit ans atteints d’AIJ.10 Cet instrument vise à mesurer particulièrement la réactivité des enfants et il sert principalement aux interventions de réadaptation. Le JASI compte 100 questions portant sur cinq catégories de la fonction physique (soins personnels, vie domestique, mobilité, activités scolaires et parascolaires). Le résultat total est dans la plage de 0 à 100, le plus élevé témoignant d’une meilleure capacité fonctionnelle. Les auteurs ont Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 5 inclus une échelle d’évaluation de type Likert en sept points pour évaluer la difficulté à exécuter des tâches. Dans une composante secondaire (questionnaire JASI, 2e partie), les patients doivent nommer les cinq activités qu’ils trouvent les plus difficiles. Ces dernières sont évaluées lors du suivi. Cette stratégie fait de la deuxième partie du questionnaire JASI un outil plus sensible et aussi plus spécifique. Le questionnaire JASI a été élaboré de façon très méticuleuse, et il offre une fiabilité et une validité de premier ordre. Cependant, son plus grand inconvénient est qu’il ne peut être administré à des enfants âgés de moins de huit ans. On ne peut donc pas Ces six instruments diffèrent beaucoup les uns des autres, et ils ont été conçus avec des objectifs différents, ce qui confère à chacun ses qualités propres. l’utiliser dans les cas d’AIJ de début précoce. En outre, parce que c’est un questionnaire très détaillé, il faut beaucoup de temps pour y répondre (45 minutes), ce qui pourrait le rendre moins intéressant dans le contexte clinique. Il n’en reste pas moins que le questionnaire JASI est un instrument complet et un excellent instrument de mesure qui convient particulièrement à la recherche dans les études longitudinales. INSTRUMENTS SPÉCIFIQUES DE LA MALADIE — PARAMÈTRES DE LA QUALITÉ DE VIE Questionnaire JAQQ (Juvenile Arthritis Quality of Life Questionnaire). Le questionnaire JAQQ permet de mesurer la fonction physique et psychologique. Il inclut des données spécifiques du patient et il porte spécialement sur la maladie (et par conséquent, sur les mesures de la qualité de vie liées à la maladie).11 Ce questionnaire convient à tous les groupes d’âge et aux sous-groupes de patients atteints d’arthrite chronique. Également, les patients peuvent y répondre seuls en peu de temps. Le questionnaire JAQQ comprend 74 questions portant sur quatre aspects principaux : les mouve- 6 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie ments globaux (17 questions), la motricité fine (16 questions), la fonction psychosociale (22 questions) et les symptômes généraux (19 questions). La réponse à chaque question est notée à l’aide d’une échelle de 1 à 7 (« jamais » à « toujours », selon la fréquence à laquelle la tâche est difficile pour l’enfant), 7 correspondant au résultat le moins bon. Bien que les patients répondent à toutes les questions chaque fois, le résultat correspond à la moyenne des cinq résultats les plus élevés pour chacun des aspects de la capacité fonctionnelle. Le résultat total pour le questionnaire JAQQ correspond à la moyenne de ceux des quatre aspects. Une échelle d’évaluation de la douleur a été incluse, mais elle est comptabilisée séparément. Ce questionnaire existe en anglais, en français et en hollandais. En raison de sa nature très détaillée, le questionnaire JAQQ offre une validité et une sensibilité excellentes et pourrait être l’instrument idéal dans les études cliniques. Le questionnaire CAHP (Childhood Arthritis Health Profile). Cet instrument est conçu pour tous les aspects du bien-être des enfants atteints d’AIJ, c’est-à-dire la capacité physique, le fonctionnement psychosocial et les conséquences de la maladie sur la famille.12 Le questionnaire CAHP a été élaboré en parallèle avec un instrument générique, le questionnaire CHQ (Childhood Health Questionnaire).13 Il existe également une version pour les parents et une version pour les adolescents (13 ans et plus). Les patients répondent seuls au questionnaire CAHP, divisé en trois modules : état de santé général mesuré par le questionnaire CHQ, les échelles d’évaluation spécifiques de l’AIJ et les caractéristiques du patient. Le premier rapport sur l’évaluation de cet instrument a porté sur le développement, la validité et la fiabilité des échelles pour évaluer la capacité fonctionnelle (spécifiques de l’AIJ et non spécifiques de la maladie). Le CAHP se révèle un instrument prometteur. Même si le questionnaire est complexe, les parents et les enfants peuvent y répondre en moins de 15 minutes. Un instrument convivial de saisie des données a été conçu pour faciliter l’utilisation de l’instrument dans des circonstances cliniques ordinaires, et l’on travaille actuellement à simplifier le système de pointage. CONCLUSION Nous souhaitions vous présenter un aperçu général des six instruments de l’AIJ ainsi que des recherches menées pour mesurer la capacité fonctionnelle et la qualité de vie liée à la maladie. Ces six instruments diffèrent beaucoup les uns des autres, et ils ont été conçus avec des objectifs différents, ce qui confère à chacun ses qualités propres. Le questionnaire CHAIMS a été moins bien étudié, et ses propriétés de mesure sont moins bonnes. Il est donc peu probable qu’on continue de l’utiliser. À l’opposé, les questionnaires CHAQ et JAFAR sont d’excellents instruments de mesure en plus d’être largement utilisés. Par ailleurs, il faut peu de temps pour répondre à ces questionnaires simples. Cependant, bien qu’ils soient utiles en recherche, ils conviennent probablement beaucoup mieux au contexte clinique. CHAQ offre un net avantage par rapport à JAFAR parce qu’il convient à tous les groupes d’âge. Le questionnaire JASI est lui aussi un excellent instrument de mesure, mais, parce qu’il faut beaucoup de temps pour répondre à toutes les questions, on l’utilisera de préférence comme outil de recherche plutôt que comme outil clinique. De son côté, le questionnaire JAQQ est tout aussi détaillé, mais il faut moins de temps pour y répondre. Il peut être administré à des patients de tous âges et il est très sensible. Il convient particulièrement bien aux études cliniques – c’est d’ailleurs précisément pour cela qu’il a été conçu. Les propriétés de mesure du questionnaire CAHP sont également excellentes, spécialement sur le plan de la discrimination. C’est un questionnaire très détaillé qui exige plus de temps. Il servira donc probablement davantage à la recherche dans les études longitudinales. Il est important de souligner que le questionnaire JAQQ et le questionnaire CAHP permettent tous deux de mesurer la qualité de vie liée à la maladie, et il pourrait être important de les utiliser dans des études sur les résultats à longue échéance du traitement de l’AIJ. En raison de l’expansion du réseau de collaboration des études cliniques, il a été nécessaire d’adapter les instruments aux besoins des divers pays. À cette fin, le groupe PRINTO souhaite que les questionnaires CHAQ et CHQ soient adaptés et traduits en plusieurs langues, compte tenu du grand nombre de participants aux études cliniques coordonnées par cet organisme. À mesure que progresseront les études du groupe PRINTO, l’utilité de ces instruments à l’échelle internationale pourra être mieux évaluée. Références 1. Gill TM, Feinstein AR: A critical appraisal of the quality of quality-oflife measurements. JAMA 1994; 272(8):619-26. 2. Feldman B, Grundland B, McCullough L, Wright V: Distinction of quality of life, health related quality of life, and health status in children referred for rheumatologic care. J Rheumatol 2000; 27(11):226-33. 3. Tucker LB: Whose life is it anyway? Understanding quality of life in children with rheumatic diseases. J Rheumatol 2000; 27(1):8-11. 4. Burgos-Vargas R: Assessment of quality of life in children with rheumatic disease. J Rheumatol 1999; 26(7):1432-5. 5. Duffy CM, Tucker L, Burgos-Vargas R: Update on functional assessment tools. J Rheumatol 2000; 27 (Suppl 58):11-4 6. Duffy CM, Duffy KN: Health assessment in the rheumatic diseases of childhood. Curr Opin Rheum 1997; 9(5):440-7. 7. Singh G, Athreya BH, Fries JF, Goldsmith DP: Measurement of health status in children with juvenile rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum 1994; 37(12):1761-9. 8. Feldman BM, Ayling-Campos A, Luy L, Stevens D, Silverman ED, Laxer RM: Measuring disability in juvenile dermatomyositis: validity of the childhood health assessment questionnaire. J Rheumatol 1995; 22(2):326-31. 9. Howe S, Levinson J, Shear E, Hartner S, McGirr G, Schulte M, Lovell D: Development of a disability measurement tool for juvenile rheumatoid arthritis: The Juvenile Arthritis Functional Assessment Report for Children and their Parents. Arthritis Rheum 1991; 34(7):873-80. 10. Wright FV, Law M, Crombie V, Goldsmith CH, Dent P: Development of a self-report functional status index for juvenile rheumatoid arthritis. J Rheumatol 1994; 21(3):536-44. 11. Duffy CM, Arsenault L, Duffy KN, Paquin JD, Strawczynski H: The Juvenile Arthritis Quality of Life Questionnaire—development of a new responsive index for juvenile rheumatoid arthritis and juvenile spondyloarthritides. J Rheumatol 1997; 24(4):738-46. 12. Tucker LB, De Nardo BA, Abetz LN, Landgraf JM, Schaller JG: The childhood arthritis health profile (CAHP): Validity and reliability of the condition specific scales. Arthritis Rheum 1995; 38:S183. 13. Landgraf JM, Abetz L, Ware JE: The Childhood Health Questionnaire: a user manual. The Health Institute, New England Medical Centre, Boston, 1996. Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 7 Actualités médicales Consensus canadien sur l’emploi des antagonistes du TNF dans le traitement de l’AR L ’arthrite rhumatoïde (AR) est une maladie caractérisée par la destruction de l’articulation qui entraîne une invalidité grave et un lourd fardeau économique, autant pour les patients que pour la société, et une espérance de vie moins longue. Un nombre croissant de résultats de recherche montrent que les lésions articulaires sont présentes dès le début et qu’elles évoluent inéluctablement avec le temps. En outre, il existe une relation causale directe entre la synovite, les changements anatomiques et l’invalidité.1 Avec les années, les scientifiques en sont venus à un accord général sur les principaux objectifs du traitement de l’AR : la maîtrise rapide de l’inflammation articulaire et la prévention de la destruction de l’articulation. Pour atteindre ces objectifs, les médecins prescrivent aujourd’hui les antirhumatismaux à des doses plus élevées ou en traitement d’association. Les plus récents progrès des recherches sur la pathogenèse de l’AR ont permis de développer une nouvelle classe d’antirhumatismaux appelés « biomédicaments ». Ces nouveaux médicaments ciblent, de façon sélective, les éléments pathogènes de la maladie. Plusieurs de ces nouveaux agents, par exemple, ont pour cible le facteur de nécrose tumorale alpha (TNFa), une cytokine jouant un rôle de premier plan dans les mécanismes pathologiques de l’AR. En se fondant sur ces prémisses et sur ces récents progrès, les scientifiques se sont entendus sur la définition suivante d’un « traitement efficace » dans les études cliniques : le traitment doit produire une amélioration clinique (conformément aux critères de réponse de l’American College of Rheumatology [ACR])2 et un ralentissement de la progression radiologique, mesurée par des méthodes d’évaluation uniformisées (les plus utilisées étant la méthode de Sharp ou la méthode modifiée de Sharp).3 En raison des résultats des études cliniques bien conçues, contrôlées et à répartition aléatoire, et aussi de l’information issue Boulos Haraoui, M.D., FRCPC Professeur agrégé de clinique de médecine, U. de Montréal, et directeur de recherche clinique, Département de rhumatologie, CHUM, Hôpital Notre-Dame, Montréal (Québec). 10 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie de la vaste expérience clinique, le méthotrexate (MTX) est devenu l’antirhumatismal le plus prescrit en traitement de première intention. Il améliore non seulement les signes et les symptômes de l’AR, mais il ralentit aussi la progression radiologique de la maladie. Malheureusement, le MTX amène une rémission chez quelques patients seulement, même si on observe une certaine amélioration clinique chez une bonne part des patients (les « répondeurs partiels »). Le défi le plus important en rhumatologie, à l’heure actuelle, est de trouver un agent efficace produisant des effets bénéfiques plus grands chez les patients dont l’arthrite cède en partie seulement au MTX. MONOTHÉRAPIE PAR LES ANTIRHUMATISMAUX Parmi les quelques agents qui ont manifesté une efficacité clinique significative et qui ont ralenti la progression de la maladie de façon notable, deux méritent une attention particulière : Le leflunomide (AravaMD) est un nouvel immunosuppresseur, récemment approuvé par la Direction générale de la protection de la santé, de Santé Canada, pour le traitement de l’AR. Son principal mode d’action est l’inhibition de la synthèse de la pyrimidine, ce qui diminue la prolifération des lymphocytes et l’expansion clonale. Deux études cliniques distinctes ont montré que l’efficacité du leflunomide a été comparable à celle du MTX (dose moyenne de 13,5 mg/sem.); les taux de réponse conformes au critère 20 de l’ACR ont été d’environ 40 %.4 Fait intéressant, les taux de réponse aux critères 50 et 70 de l’ACR ont tous deux été plus élevés que dans les groupes traités par le MTX, et ils témoignent d’une amélioration clinique importante chez les patients répondeurs. De même, le leflunomide et le MTX ont ralenti la progression de la maladie dans une mesure semblable. De plus, lorsque les patients n’ayant pas répondu au MTX ont été traités par le leflunomide dans une étude libre non contrôlée, 50 % ont satisfait au critère de réponse 20 de l’ACR. Des études cliniques contrôlées sont actuellement menées pour évaluer le leflunomide en association avec le MTX. L’étanercept (EnbrelMD) est la protéine hybride soluble du récepteur du TNF. C’est le premier médicament qui a produit une amélioration importante chez des patients atteints d’une AR grave n’ayant pas répondu à plusieurs antirhumatismaux, y compris le MTX.5 Lorsqu’il a été comparé directement au MTX à dose élevée dans le traitement de l’AR au stade précoce (début depuis moins de trois ans), l’étanercept a manifesté un début d’action plus rapide, et les chercheurs ont observé une tendance à un taux de réponse ACR plus favorable.6 Les deux agents ont ralenti très efficacement l’évolution des lésions structurales par rapport à la progression radiologique prévue. ANTIRHUMATISMAUX EN ASSOCIATION Deux articles récents présentent une synthèse des résultats de différents traitements par l’association d’antirhumatismaux.7,8 L’excellent profil d’innocuité du MTX en fait la pierre angulaire des cinq associations les plus efficaces. Dans trois de ces traitements, le deuxième antirhumatismal était un médicament d’appoint pour des patients ayant répondu en partie au MTX. MTX + cyclosporine A (CsA).9,10 Dans une étude de six mois contrôlée par un placebo, l’ajout de la CsA a produit une réponse d’importance clinique. Pendant la phase de prolongation, on a remplacé le placebo par la CsA. Après six mois, le taux de réponse a été le même que dans le groupe ayant reçu la CsA pendant l’étude principale. À la lumière des résultats d’une étude clinique précédente, contrôlée et ouverte, la CsA a ralenti la progression radiologique.11,12 Cependant, bien que l’association MTX/CsA puisse être envisagée en traitement de deuxième intention dans les cas de réponse partielle au MTX, la toxicité à longue échéance (hypertension, hausse de la créatinine sérique) risque d’en limiter l’utilité. MTX + étanercept. L’ajout de l’étanercept (25 mg, sous-cutanés, deux fois par semaine) a produit un taux de réponse ACR sans précédent dans les études cliniques sur l’AR.13 Pendant l’étude libre (phase de prolongation), certains patients ont poursuivi le traitement pendant plus de 30 mois, et le taux de réponse a été maintenu. Caractérisée par une toxicité très bénigne, cette association médicamenteuse semble offrir une des options thérapeutiques les plus efficaces à l’heure actuelle. MTX + infliximab (RemicadeMD). L’infliximab est un anticorps monoclonal chimère anti-TNF. Il est administré en association avec le MTX en perfusion intraveineuse, toutes les huit semaines. Dans l’étude ATTRACT (Anti-TNF Trial in Rheumatoid Arthritis with Concomitant Therapy), des patients atteints depuis longtemps d’une AR modérée à grave et ayant présenté une réponse clinique partielle au MTX ont été répartis de façon aléatoire pour recevoir le placebo ou l’infliximab selon différents schémas posologiques.14 Sur le plan statistique, les quatre groupes traités par l’infliximab ont présenté des résultats comparables, plus favorables que ceux du groupe placebo. En effet, le ralentissement de la progression radiologique a été encore plus remarquable dans ces quatre groupes. En plus de son profil d’innocuité favorable sur une période d’un an, cette association semble un des traitements actuels les plus efficaces. Par ailleurs, deux traitements d’association ont été évalués en traitement de première intention lors de deux études cliniques différentes : Le traitement à l’aide de trois antirhumatismaux (trithérapie), qui associe d’emblée le MTX, l’hydroxychloroquine (HCQ) et la sulfasalazine (SSZ), a été comparé à l’association HCQ + SSZ ou au MTX administré seul dans une étude d’une durée de deux ans.15 Le principal indicateur de l’efficacité était une amélioration de 50 % du critère composé de Paulus après neuf mois de traitement. À ce stade, les patients non répondants étaient exclus de l’étude. Les patients ayant reçu la trithérapie ont présenté des résultats beaucoup plus favorables que les deux autres groupes. À la fin des deux années, plus de 75 % des patients présentaient une réponse soutenue, définie par l’amélioration de 50 % du critère de Paulus. Cette étude est néanmoins limitée par le très petit nombre de patients (31 dans le groupe trithérapie, 36 dans le groupe MTX en monothérapie) et par l’absence d’une évaluation radiologique. Les résultats d’une deuxième étude, dont la population était aussi peu nombreuse, ont été présentés sous forme de résumé,16 mais les chercheurs n’ont pas réussi à reproduire un taux de réponse clinique aussi favorable. Seulement 46 % des patients ont présenté une réponse clinique conforme au critère 50 de l’ACR, comparativement à 36 % dans le groupe MTX +HCQ. Dans l’étude COBRA (Combinatietherapie Bij Reumatoide Artritis), menée auprès de patients atteints d’une AR au stade précoce, l’association SSZ (2g/j) + MTX (7,5 mg/sem.) + prednisone (60 mg/j, diminuée graduellement en 28 semaines) s’est d’abord révélée plus efficace que la SSZ administrée seule. Toutefois, à la semaine 58, l’efficacité clinique était semblable.17 Dans le groupe recevant le traitement d’association, la progression radiologique a toutefois été plus lente, comme le montre l’évaluation à la semaine 80. L’absence d’un groupe « monothérapie par le MTX » (doses croissantes jusqu’à 17,5 mg à 20 mg) jette un doute important sur l’utilité d’un tel traitement d’association. Nous pouvons donc conclure que de nombreux résultats d’études démontrent que, si le MTX à dose élevée Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 11 (de 17,5 mg/sem. à 25 mg/sem.) ne produit pas les effets bénéfiques optimaux, l’ajout d’antagonistes du TNF au schéma thérapeutique offre un traitement d’un meilleur rapport risques-avantages. Par surcroît, cette association permet d’atteindre le double objectif du traitement : amélioration clinique et ralentissement radiologique de la maladie. ladie – en général, un traitement par le MTX, administré au moins à raison de 15 mg par semaine pendant trois mois. Un antagoniste du TNF pourrait être prescrit en traitement de première intention lorsqu’une affection concomitante (par exemple, une hépatopathie ou une néphropathie grave) risque d’entraîner des contre-indications à d’autres agents. UTILISATION JUDICIEUSE DES AGENTS ANTI-TNF Puisqu’il existe déjà des antirhumatismaux efficaces, les médecins devront justifier le recours aux nouveaux agents plus coûteux, par exemple, les antagonistes du TNF. Les traitements usuels opposés à l’AR, notamment le MTX, préviennent les coûts directs élevés (hospitalisations fréquentes, arthroplastie, entre autres) et les coûts indirects (invalidité, décès prématuré) de cette maladie. Bref, les résultats des études cliniques sont suffisamment concluants pour adopter le consensus suivant : il convient d’ajouter un antagoniste du TNF au traitement par le MTX ou par d’autres antirhumatismaux lorsque ce dernier n’est pas suffisamment efficace. Cependant, on ne doit pas ajouter d’antagoniste du TNF sans d’abord démontrer que l’antirhumatismal ne maîtrise pas la ma- RECOMMANDATION CONSENSUELLE Vu le taux d’invalidité élevé et l’espérance de vie moins longue des patients atteints d’AR, la Société canadienne de rhumatologie est fortement convaincue qu’un traitement efficace par les antagonistes du TNF doit être offert le plus tôt possible à tous les patients admissibles à ce traitement. En outre, ces patients doivent avoir facilement accès à cette modalité de traitement grâce aux régimes provinciaux d’assurance-médicaments et aux régimes d’assurance privés. On prévoit que le coût initial élevé du traitement par les antagonistes du TNF sera atténué par la baisse des coûts encore plus élevés liés à la morbidité, à la diminution de la productivité et à la mortalité précoce. Références 1. Scott DL, Pugner K, Kaarela K et coll. : The links between joint damage and disability in rheumatoid arthritis. Rheumatology (Oxford) 2000; 39(2):122-32. 2. Felson DT, Anderson JJ, Boers M et coll. : The American College of Rheumatology preliminary core set of disease activity measurements for rheumatic clinical trials. The Committee on Outcome Measures in Rheumatoid Arthritis Clinical Trials. Arthritis Rheum 1993; 36(6):729-40. 3. Sharp JT, Lidsky MD, Collins LC et coll. : Methods of scoring the progression of radiologic changes in rheumatoid arthritis. Correlation of radiologic, clinical and laboratory abnormalities. Arthritis Rheum 1971; 14(6):706-20. 4. Strand V, Cohen S, Schiff M et coll. : Treatment of active rheumatoid arthritis with leflunomide compared with placebo and methotrexate. Leflunomide Rheumatoid Arthritis Investigation Group. Arch Intern Med 1999; 159(21):2542-50 5. Moreland LW, Baumgartner SW, Schiff MH et coll. : Treatment of rheumatoid arthritis with a recombinant human tumor necrosis factor receptor (p75)-Fc fusion protein. N Engl J Med 1997; 33:141-7. 6. Finck B, Martin R, Fleischmann R et coll. : A phase III trial of etanercept vs. Methotrexate in early rheumatoid arthritis. Arthritis Rheum (Suppl. 1999); 42:S117-280. 7. Verhoeven AC, Boers M, Tugwell P: Combination therapy in rheumatoid arthritis: Updated systematic review. Br J Rheumatol 1998; 37(6):612-9. 8. Pincus T, O’Dell JR, Kremer JM: Combination therapy with multiple disease-modifying antirheumatic drugs in rheumatoid arthritis: a preventive strategy. Ann Intern Med 1999; 131(10):768-74. 9. 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J’avais obtenu un baccauléréat en biochimie à l’Université de Montréal et j’ai constaté que la recherche sur l’arthrose en était à ses tout débuts. Par ailleurs, des chercheurs venaient de formuler l’hypothèse que l’étiologie de l’arthrite était principalement biochimique et, à cause de ma formation, ma curiosité a été piquée. Puis, j’ai appris que la Société d’arthrite offrait une bourse pour étudier avec le Dr David Howell à Miami, en Floride. Le Dr Howell était un pionnier de la recherche sur les mécanismes physiopathologiques de l’arthrose et sur le rôle des enzymes protéolytiques. Il venait de découvrir que le traitement de l’arthrose devrait avoir pour objectif d’inhiber les protéases. C’était une occasion en or pour un jeune médecin chercheur, et je ne pouvais laisser passer cette occasion! Cette première expérience m’a ouvert les portes de la communauté scientifique, ce qui m’a permis plus tard de contribuer à une meilleure compréhension de la physiopathologie de l’arthrose. Q Depuis vos débuts, comment a évolué l’exercice de la rhumatologie en milieu universitaire et en milieu communautaire? Lorsque j’ai terminé mes études de médecine en 1980, les modalités de traitement n’avaient pas changé depuis des années, et la recherche commençait seulement à explorer les mécanismes pathologiques de l’arthrite. Entre 1970 et 1995, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été les seuls ajouts à notre arsenal thérapeutique. D’ailleurs, j’ai tendance à Jean-Pierre Pelletier, M.D. Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) – Hôpital Notre-Dame, Montréal (Québec). penser que cette période était un prolongement de la « période de noirceur » du traitement des maladies rhumatismales. Les recherches effectuées pendant ces années ont finalement porté des fruits et ont mené à la découverte récente des biomédicaments et des inhibiteurs de la COX-2. La découverte de nouveaux médicaments pourrait rendre la rhumatologie encore plus intéressante pour les jeunes médecins puisque nous sommes maintenant en mesure d’offrir des traitements plus efficaces à nos patients, de leur offrir une lueur d’espoir. Q Quels changements ont marqué la rhumatologie au Canada pendant votre carrière? Au Canada, ce domaine de spécialité a changé, mais j’ai bien peur que ce ne soit pas pour le mieux. Au cours des 10 dernières années, le nombre de rhumatologues en milieu universitaire et de chercheurs a diminué au Canada. La formation de rhumatologues universitaires – qui avait toujours bénéficié du soutien des universités – semble chose du passé. Je suis convaincu que la rhumatologie universitaire survivra difficilement à cette tendance actuelle au Canada. À notre centre (le Centre d’arthrite du CHUM), nous formons en moyenne seulement un nouveau rhumatologue par année. Comment alors réussir à remplacer les rhumatologues qui prendront leur retraite au cours des 10 prochaines années? Si nous ne réussissons pas à attirer de nouveaux candidats dans cette spécialité, les patients risquent de ne pas avoir accès à un rhumatologue lorsqu’ils en auront besoin. En outre, cette absence de soutien du milieu universitaire nous empêche d’attirer des médecins chercheurs en rhumatologie, alors que ceux-ci apportent des connaissances et des points de vue essentiels dans un groupe de recherche. Les occasions de recherche, comme celles dont j’ai eu la chance de bénéficier après mes études de médecine, n’existent plus. Au cours des 10 dernières années, seulement un de nos étudiants a décidé de se consacrer à la recherche. Cette situation affaiblit certainement l’influence de la rhumatologie au Canada dans l’ensemble de la communauté scientifique. suite à la page 16 Le journal de la Société canadienne de rhumatologie / 13 Des nouvelles de la SCR ÉNONCÉ DE MISSION La mission de la Société canadienne de rhumatologie (SCR) est de représenter les rhumatologues canadiens et de promouvoir la poursuite de l’excellence dans le traitement de l’arthrite et la recherche sur l’arthrite au Canada par le leadership, la formation et la communication. RÉUNIONS DE RHUMATOLOGIE À VENIR AU CANADA Inscrivez ces dates tout de suite! La prochaine réunion annuelle hivernale de la SCR aura lieu à Mont-Tremblant, au Québec, du 21 au 24 février 2001. Le Dr Paul Haraoui ([email protected]), de Montréal, est président du programme. Nous vous rappelons aussi que le Congrès de l’ILAR (Intl League of Associations for Rheumatism) se déroulera à Edmonton, du 21 au 25 août 2001, et sera présidé par le Dr Tony Russell. Le Dr Paul Davis préside le comité du programme. ÉVALUATION DES BESOINS EN L’AN 2000 En 1993, la SCR, alors présidé par le Dr Paul Davis, a entrepris la première évaluation des besoins poussée auprès des membres de la SCR. Les conclusions ont permis de faire de la Société ce qu’elle est aujourd’hui. Cette année, une enquête de suivi sera conçue par Dr Glen Thomson et Dr Denis Choquette avec l’aide du Dr Paul Davis. Ce projet a pour but de vérifier si la SCR continue de répondre aux besoins de ses membres. Faites-vous un devoir de répondre au questionnaire lorsque vous le recevrez par la poste! CRÉATION D’UN CONSEIL DES SOCIÉTÉS PHARMACEUTIQUES La SCR a mis sur pied un conseil des sociétés pharmaceutiques avec l’aide de Jean-Claude Dairon, qui agira à titre d’expert-conseil pour resserrer les liens de la SCR avec les sociétés pharmaceutiques, particulièrement au moment de la réunion annuelle, mais aussi pendant toute l’année. Le comité de direction prévoit annoncer de nouveaux projets à ses membres pendant la prochaine année. Si vous avez des suggestions, veuillez entrer en contact avec le secrétaire de la SCR. COMITÉS N’hésitez pas à entrer en contact avec le président des divers comités si vous avez des questions, des suggestions ou si vous avez besoin d’aide. Le site Web de la SCR évoluent constamment. Pour obtenir l’accès à ce site, entrez en contact avec Steve Edworthy ou avec le secrétaire de la SCR. Programme scientifique : Paul Haraoui ([email protected]) Thérapeutique : Janet Pope ([email protected]) Barry Koehler ([email protected]) Effectifs : Michel Zummer ([email protected]) Jamie Henderson ([email protected]) Liaison : Gunnar Kraag ([email protected]) Formation : Ken Blocha ([email protected]) Média : Arthur Bookman ([email protected]) Responsable du site Internet : Steven Edworthy ([email protected]) suite de la page 13 Q À votre avis, comment évoluera la rhumatologie au Canada? Nous devrons prendre le taureau par les cornes et examiner d’un oeil critique l’avenir de notre spécialité au cours de la prochaine décennie. La rhumatologie n’est pas un domaine pour s’enrichir. Les honoraires des rhumatologues cliniciens n’ont pas augmenté au cours des cinq dernières années dans plusieurs provinces. Ainsi, plusieurs rhumatologues ont réorienté leur carrière pour des raisons de revenu seulement, et ce, à une époque où nous avons besoin de plus en plus d’effectifs. Et comme 16 / Le journal de la Société canadienne de rhumatologie je l’ai dit auparavant, nous ne recrutons pas assez de nouveaux candidats en rhumatologie. Nous devons également résoudre le problème du sous-financement insuffisant de la recherche. Q Quel conseil donneriez-vous à ceux et celles qui aimeraient devenir rhumatologues? Je suggérerais à ceux qui entreprennent une carrière de chercheurs en rhumatologie d’être prudents et de s’assurer de travailler au sein d’un groupe où ils auront l’occasion et la possibilité de devenir chercheur autonome.