Engrais naturel - Revista Pesquisa Fapesp

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Engrais naturel - Revista Pesquisa Fapesp
Agriculture y
Engrais
naturel
Une légumineuse
utilisée
comme engrais
peut augmenter
la production
de canne à
sucre de 35%
Evanildo da Silveira
Publié en décembre 2014
1
L
es engrais verts à base de biomasse d’espèces végétales utilisées par les exploitants agricoles
du monde entier et qui servent
à fertiliser d’autres plantes ne datent
pas d’hier, mais il y a peu d’études
scientifiques expliquant leur fonctionnement et quantifiant leurs résultats.
C’est justement ce qu’a cherché à découvrir l’agronome Edmilson José Ambrosano, chercheur à l’Agence Pauliste
de Technologie des Agrobusiness (Apta), du Secrétariat à l’Agriculture et à
l’Approvisionnement de São Paulo, dans
deux projets soutenus par la FAPESP.
Les études montrent que l’utilisation
du crotalaire (Crotalaria juncea) peut
remplacer totalement l’apport d’engrais
à base d’azote chimique dans les champs
62 z édition spéciale novembre 2015
de canne à sucre, favorisant ainsi un gain
de productivité de l’ordre de 35% et un
bénéfice financier d’environ 150%.
Le crotalaire est une plante vigoureuse
et à croissance rapide originaire d’Asie.
C’est l’espèce qui produit la plus grande
quantité de biomasse dans un minimum
de temps. C’est en outre une plante fibreuse utilisée pour la fabrication de
papiers spéciaux.
L’un des principaux avantages de son
utilisation comme engrais vient du fait
qu’il s’agit d’une légumineuse, famille
dont les espèces ont la capacité de fixer
ou d’incorporer l’azote de l’air en une
molécule organique. « Dans le règne végétal et à de rares exceptions, il n’y a que
les légumineuses qui parviennent à fixer
l’air atmosphérique à l’aide de bacté-
ries qui se trouvent dans leurs racines »,
explique Edmilson José Ambrosano.
« Outre le fait de fournir cet élément,
le crotalaire est également utilisé pour
récupérer les sols dégradés ».
Quant à la canne à sucre, c’est l’une des
principales cultures agricoles du pays. La
production de canne est une culture semipérenne, étant cultivée au même endroit
durant quatre ou huit ans avec une récolte
par an. À la fin de ce cycle, les champs de
canne à sucre sont détruits et à nouveau
replantés. Au Brésil, 1,9 millions d’hectares sont replantés chaque année. « C’est
dans ces zones ou dans de nouvelles que
l’on incorpore l’engrais vert pour récupérer le sol et introduire l’azote », déclare
Edmilson José Ambrosano. « Ceci se fait
au Brésil depuis 1934 ».
Technique nucléaire
Plantation
de crotalaire
(à gauche) :
une plus grande
quantité
de biomasse
en un temps
plus court
Expérimentation
réalisée au Cena,
à Piracicaba,
par l’application
de composants
d’azote 15
sur le crotalaire
(dessous)
Photographies 1 Fabio colombini 2 Edmilson Ambrosano / apta
1
L’objectif de la recherche qui a commencé en 2003 et qui s’est poursuivie
jusqu’à récemment était d’étudier l’effet
de l’apport d’engrais vert sur la canne à
sucre. « Nous savions déjà que le crotalaire était un bon engrais et fonctionnait
bien en tant que fournisseur d’azote »,
explique-t-il. « Nous voulions savoir
combien de cet élément était transféré
de la légumineuse vers la canne à sucre.
Nous en avons profité pour vérifier le
transfert de l’azote présent dans le sulfate d’ammonium qui est un engrais
chimique très répandu. Notre intention
était de comparer l’efficacité des deux
types d’engrais, le vert et le chimique ».
Pour mener cette étude, Edmilson Ambrosano a réalisé une expérience à l’aide
d’une méthode appelée marquage isotopique de l’azote. C’est l’élément le plus
abondant de l’atmosphère terrestre et il
représente environ 78% de la totalité des
gaz qui entourent la planète, l’oxygène
ne représentant que 21% de ces gaz. Il
se trouve dans l’air sous la forme de N2,
molécules formées de deux atomes liés
par une liaison covalente (qui partage les
électrons) triple, hautement résistante.
C’est pour cela que les animaux et les
plantes ne parviennent pas à métaboliser l’azote.
Les légumineuses sont une manière
naturelle de tirer profit de l’azote grâce
aux bactéries, principalement celles du
genre Rhizobium. Ces microorganismes
s’associent et entrent en symbiose avec
les plantes, créant des nodules sur leurs
racines qui leur permettent de capturer
le gaz de l’air (le sol est poreux), et le
transformer en composants azotés composés d’acides aminés
2
qui peuvent être métabolisés par les végétaux.
Les fabricants d’engrais
utilisent une autre manière pour transformer
l’azote de la nature en
élément utilisable par les
plantes, mais ce processus est coûteux en énergie et c’est donc l’engrais
le plus onéreux.
L’azote existe dans la
nature sous la forme de
deux isotopes, l’azote14
( 14 N), qui représente
99,634% du total dans
l’atmosphère, et le 15
( 15 N), équivalent à 0,366%. Les isotopes sont des variantes d’un même
élément chimique, avec les mêmes
propriétés, le même nombre de protons mais pas de neutrons. Ainsi, le
14N possède sept protons et sept neutrons, par contre le 15N possède un neutron de plus, ce qui le rend plus lourd.
« C’est pour cela que nous avons dû imaginer une manière pour marquer ces
éléments présents dans le crotalaire et
pouvoir ainsi vérifier la quantité dont la
canne à sucre tirerait profit », explique
Edmilson Ambrosano.
Cette étude a été menée au Centre
d’Énergie Nucléaire dans l’Agriculture
(Cena), de l’Université de São Paulo
(USP), également à Piracicaba, qui a produit de l’azote contenant 70% de 15N et
30% de 14N. L’étape suivante a consisté à préparer deux terrains, un de 2,80
mètres sur 2 et l’autre de 1,40 mètre sur 1,
pour y planter le crotalaire. Dans le premier terrain la plante a reçu un apport
d’urée riche en 15N, par aspersion sur ses
feuilles. Dans le second, la plantation a
reçu un apport de sulfate d’ammonium,
également riche en 15N. On a ensuite laissé la plante se développer jusqu’à une
hauteur d’environ 2 mètres. Les deux terrains ont ensuite été fauchés et la canne à
sucre y a été plantée pour y être cultivée
pendant cinq ans et récoltée trois fois.
La récupération du 15N a été mesurée
au cours des deux premières récoltes.
Pour réaliser ces mesures, le chercheur prélevait des feuilles de la canne à
sucre qui partaient ensuite au laboratoire
pour analyser la quantité d’azote marqué,
c’est-à-dire du 15N du crotalaire, à l’aide
d’un spectromètre de masse. « Dans les
deux premières récoltes consécutives,
la transmission d’azote du crotalaire
vers la canne à sucre a été de 19% et de
21%, et pour celui ayant reçu un apport
de sulfate d’ammonium, a été de 46% à
49% », raconte Edmilson Ambrosano. «
Nous avons conclu que cet apport d’azote
est subvenu aux besoins de la canne qui
s’élèvent à 70 kilos par hectare ».
Bien que le sulfate d’ammonium ait
transmis davantage d’azote à la canne
à sucre, l’engrais vert possède d’autres
avantages qui dépassent cette différence.
« Outre le fait d’être bon marché, le crotalaire protège le sol des fortes pluies en
le décompactant et en améliorant l’infiltration de l’eau », déclare Edmilson
Ambrosano. n
Projets
1. Dynamique de l’azote sur la canne à sucre après apport
d’engrais vert avec Crotalaria juncea (nº 2006/59705-0) ;
Modalité Aide à la Recherche Régulière; Chercheur responsable Edmilson José Ambrosano (Apta) ; Investissement 36 860,00 reais (FAPESP).
2. Dynamique de l’azote sur la canne à sucre après apport
d’engrais vert avec Crotalaria juncea (nº 1998/16446-6) ;
Modalité Ligne Régulière d’Aide au Projet de Recherche ; Chercheur responsable Edmilson José Ambrosano
(Apta); Investissement 26 309,10 reais et 701,02 dollars
US (FAPESP).
Article scientifique
Ambrosano, E. J. et al. 15N-labeled nitrogen from green
manure and ammonium sulfate utilization by the sugarcane
ratoon. Scientia Agricola. v. 68, n. 3, p. 361-8. jun. 2011. pESQUISA FAPESP z 63

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