Correction de la presbytie en LRPG : connaître les
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Correction de la presbytie en LRPG : connaître les
Contactologie Correction de la presbytie en LRPG : connaître les concepts optiques des lentilles et respecter leurs règles d’adaptation Christine Brodaty D epuis 1999, l’amélioration constante des matériaux et de la qualité visuelle des lentilles souples multifocales (LSH MF) en font nos lentilles de première intention quand le bilan préadaptation le permet. Qu’elles soient journalières, bimensuelles ou mensuelles, elles assurent un confort subjectif instantané et un confort visuel optimum en moins d’un mois de port régulier. Quelles sont alors les indications des lentilles rigides perméables aux gaz multifocales (LRPG MF) ? Quelles sont les indications et les contre-indications des LRPG multifocales ? En matière de LRPG MF, le meilleur concept optique est celui de la “translation” La sélection initiale des candidats porteurs conditionne le succès de l’adaptation. Les LSH MF fonctionnent en vision simultanée. Toutes les zones visuelles actives étant situées en face de la pupille, c’est le jeu pupillaire qui permet au cortex visuel de sélectionner les images utiles. Elles sont donc très dépendantes du diamètre et du jeu pupillaires. Dans le cas des LRPG MF, position primaire du regard, la zone optique de vision de loin (VL) est située en face de la pupille puisqu’il s’agit de lentilles à VL centrale. Dans le regard en bas, pour la lecture, les LRPG n’accompagnent pas l’abaissement des globes oculaires. Elles restent en appui sur le bord palpébral inférieur, ce qui donne une impression de “translation”. Ainsi, l’axe visuel passe dans la partie inférieure des lentilles, dédiée à la vision de près (VP). Le porteur de LRPG devenu presbyte est le principal candidat Cependant il existe aussi d’autres indications. Ainsi, les insuffisances lacrymales avérées peuvent parfois bénéficier de ce type de lentilles quand les LSH sont très mal tolérées. Bien entendu, les LRPG sont les lentilles à tenter en première intention quand l’astigmatisme est cornéen pur, supérieur à une dioptrie, et qu’il ne peut être négligé lors du bilan préadaptation. En effet les LSH MF sphériques ne restaureraient pas une acuité visuelle satisfaisante. On compte essentiellement deux contre-indications aux LRPG multifocales Il s’agit : -de l’astigmatisme interne (associé ou non à un astigmatisme cornéen), dont l’absence de correction démasquerait un astigmatisme dit “résiduel” qui limiterait l’acuité visuelle ; -de l’absence de bonne acuité visuelle de près dans toute les positions du regard. Nous y reviendrons avec la description des concepts optiques. Paris, [email protected] 14 Les Cahiers Il existe plusieurs types de LRPG MF à translation Pour la gamme de puissances et de paramètres, se reporter au Contact 2006. Les LRPG bifocales à segments sont prismées pour être stables sur la cornée La surface de la lentille comportant deux parties, celle-ci ressemble à un verre bifocal. Ses deux tiers supérieurs sont dédiés à la VL et son tiers inférieur à la VP. La BIB Comfort (Precilens) est tronquée en bas pour optimiser l’appui sur la paupière inférieure (figures 1 et 2). En revanche, la techno Bifocal (Technolens) n’est pas tronquée. Contactologie Plus l’addition est importante, plus le diamètre de la zone optique VL diminue, d’où la nécessité, comme toujours en matière d’adaptation du presbyte en lentilles, de ne pas surcorriger la presbytie (figure 4). Figure 1. BIB Comfort : - en position primaire, la lentille affleure la paupière inférieure (la transition VL/VP est tangente au bas de la pupille) ; - en position de lecture, la troncature prend appui sur le bord de la paupière inférieure. Une fois translatée vers le bas, la pupille se trouve recouverte par la zone optique de VP. Figure 4. Image fluo sous la lentille Menifocal Z. Figure 2. Image fluo sous la lentille BIB Comfort. En LRPG bifocale concentrique : attention plus que jamais à ne pas surcorriger le presbyte Il existe une LRPG bifocale concentrique : c’est la Menifocal Z (Menicon). La zone optique de VL se situe au centre de la lentille et son diamètre varie dans le sens inverse du gradient d’addition (figure 3). Zone de vision de loin Add. + 1,00 Zone de transition Add. + 1,50 LRPG progressives : la vision intermédiaire est très appréciée des porteurs Les LRPG progressives offrent quant à elles une réelle progression de puissance du centre de la zone optique VL vers la périphérie (VP). Il existe donc une vision intermédiaire (VI). Ici aussi, le patient doit abaisser le regard pour utiliser la zone de VP. Il s’agit des : -MVB (Precilens) (figure 5) -Presby’s (Precilens (figures 5 et 6) -Proxya (LCS). Vision de loin Zone de vision de près Add. + 2,00 Add. + 2,50 Figure 3. Face antérieure de la LRPG bifocale concentrique Menifocal Z (Menicon) : la taille des zones optiques varie avec l’addition. Vision de près Vision intermédiaire Figure 5. Zones optiques des LRPG progressives MVB et Presby’s. Les Cahiers 15 Contactologie Figure 6. Image fluo sous la lentille Presby’s. Une exception intéressante Fondée sur un autre concept optique que celui de la translation, une LRPG MF à vision simultanée et VP centrale est encore utilisée avec grand intérêt. Il s’agit de la C2Flex Torique Interne (Precilens) (figure 7), proposée dès que l’astigmatisme cornéen pur dépasse 2,5 à 3 dioptries. La toricité de sa face postérieure permet une excellente stabilisation de la lentille sur la cornée, une mobilité minimum qui permet au cortex occipital de sélectionner la bonne zone visuelle en fonction du jeu pupillaire. Figure 7. C2Flex Torique interne (Precilens) : lentille rigide progressive à vision simultanée.Les images des objets situés sur l’axe visuel se forment sur la rétine. Trois points essentiels pour réussir l’adaptation Il s’agit du bilan pré-adaptation, du respect des règles d’adaptation de chaque LRPG MF et de la qualité de l’optimisation des résultats. 16 Les Cahiers Le bilan préadaptation associe kératométrie, réfraction soigneuse, recherche des dominances et mesure de la presbytie L’autokératoréfractomètre renseigne sur la kératométrie avec ses axes, la valeur de l’astigmatisme total théorique et l’astigmatisme cornéen. On reconnaît ainsi facilement un astigmatisme interne qui compromettrait une adaptation en LRPG. L’analyse de la réfraction doit être précise, sphéro-cylindrique, et utiliser la méthode du brouillard en monoculaire afin de saturer l’hypermétrope et de ne pas sur-corriger le myope. La valeur et l’axe du cylindre sont ajustés avec précision, puis la réfraction contrôlée aux tests duochromes, d’abord en monoculaire, puis en binoculaire. Il faut impérativement aboutir pour chaque œil à l’égalité de netteté rouge/vert, voire à une légère prévalence du rouge. Le test rouge/vert polarisé permet d’affiner cette prévalence, nécessaire si l’on ne veut pas risquer de surestimer l’addition du presbyte. L’œil dont l’acuité visuelle chute au passage du verre de + 0,75 est l’œil préférentiel de loin Les dominances doivent être recherchées dès cette étape afin de pouvoir, en fin d’adaptation, optimiser si besoin le résultat visuel. On utilise la méthode du flou réfractif. Le patient porte sa correction sphéro-cylindrique VL en binoculaire, et on lui passe alternativement un verre de +0,75 devant chaque œil en lui demandant: « De quel côté êtes-vous le plus gêné par le verre? » Pour cela, il suffit de regarder la ligne du 7/10: l’œil dont l’acuité visuelle chute au passage du verre de +0,75 est l’œil préférentiel de loin. La mesure de la presbytie est fondée sur la méthode de l’addition minimale, et non sur l’âge du patient En effet, il ne faut pas risquer de surestimer cette presbytie, surestimation qui serait une source de mauvaise acuité visuelle en VL (réduction du diamètre de la zone optique VL à mesure que l’addition augmente pour la majorité des LRPG MF). La méthode de l’addition minimale repose sur la notion de réserve accommodative qui équivaut au tiers de l’accommodation nécessaire pour lire P2 à 40cm, à savoir 2,50 dioptries. La réserve accommodative est donc estimée à une dioptrie environ, à 40 cm. Nous demandons au patient, qui porte à nouveau sa correction VL en binoculaire et sous un bon éclairage, de déchiffrer P2 avec effort en ajoutant progressivement des verres de +0,25 en +0,25 en binoculaire. La somme des +0,25 ajoutés représente l’addition minimale. En ajoutant une dioptrie (réserve accommodative), nous obtenons l’addition totale du presbyte. Contactologie Par exemple, si l’on ajoute progressivement des verres de +0,25 pour s’arrêter à +1,00 quand le patient déchiffre P2, l’addition minimale est de +1,00 dioptrie. La presbytie est donc de +2,00 dioptries. Cette méthode permet de choisir au mieux l’addition de la LRPG à poser. Respecter les règles d’adaptation de chaque LRPG Une fois la lentille à poser choisie, en fonction de la gamme proposée, de la nécessité ou non d’une lentille torique interne, etc., il faut impérativement respecter la règle kératométrique d’adaptation conseillée par le fabricant (figures 8 et 9). Figure 8. Image fluo d’une lentille BIB trop plate. Afin d’illustrer leur importance, ces règles ont été résumées ci-dessous (tableau 1). Tableau 1. Valeur du Ro de la première lentille d’essai en fonction du modèle choisi BIB géométrie FB (sphéro-asphérique face postérieure) diamètre 9,5 K moyen + 0,05 MFZ (sphéro-asphérique) diamètre 9,80 K plat +0,10 si cornée sphérique K plat si cornée torique (maxi 2,5) MVB (sphéro-asphérique face postérieure) diamètre 9,60 K moyen Presby’s (asphérique face postérieure) diamètre 9,60 K plat -0,10 si toricité < 0,35 K plat- 0,20 si toricité > 0,35 L’optimisation des résultats clôt l’étape d’adaptation Si la VP n’est pas satisfaisante, vérifier d’abord le centrage interpalpébral et la bonne translation de la lentille dans le regard en bas. En effet, il est inutile de modifier l’addition si la lentille n’adopte pas le comportement souhaité sur l’œil. L’analyse de l’image fluo amène parfois à changer le diamètre, ou plus souvent le Ro, pour améliorer l’alignement et donc le comportement de la LRPG. Généralement, une LRPG décentrée vers le haut est trop plate : on la recentre en resserrant le Ro de 10/100e demm (en pensant à modifier de -0,50 la valeur de la sphère). Avec les LRPG, l’optimisation s’effectue en monoculaire, puis est confirmée en binoculaire. Il est parfois nécessaire d’ajouter -0,25 sur l’œil préférentiel de loin pour améliorer la VL ou +0,25 sur l’œil préférentiel de près pour améliorer la VP. En bref L’adaptation des presbytes en LRPG ne se conçoit qu’en connaissant les concepts optiques des différentes lentilles et leurs règles d’adaptation respectives. Ensuite, ce n’est rien d’autre qu’une adaptation de LRPG chez un presbyte. L’examen clinique préadaptation, standardisé et reproductible, est en effet celui qui est utilisé pour tout candidat aux lentilles MF, qu’elles soient souples sphériques, souples toriques ou rigides. Bibliographie Figure 9. Image fluo d’une lentille Presby’s trop plate. 18 Les Cahiers C. Peyre et coll. Presbytie et lentilles de contact. Rapport de la SFOALC, 1999. Mise à jour 2002. JJ Saragoussi et coll. Chirurgie réfractive. SFO et Masson, Paris 2001;131.l