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INTERVIEW
Le Paris de
GÉRALDINE PAILHAS
Ce printemps, Géraldine Pailhas est à l’affiche de Céline ! Deux clowns pour une catastrophe,
Mobile Étoile et Marseille. Elle y interprète des rôles très différents qui montrent
l’étendue de sa palette de jeu. Pour Paris Capitale, elle évoque Lucette, compagne du romancier
Céline qu’elle incarne dans le film d’Emmanuel Bourdieu, ainsi que sa vie parisienne
partagée entre gastronomie japonaise, salles de cinéma, art… et foot. PAR MICHEL DOUSSOT
E
n 1948, Céline est en exil au Danemark. Plein
d’enthousiasme, un jeune universitaire américain et juif, Milton Hindus vient le visiter. Il se
trouve alors jeté dans les griffes du romancier et
de sa compagne Lucette qui espèrent que cet admirateur
va les aider à revenir en France, où l’homme de lettres est
considéré, à juste titre, comme un collaborateur des nazis.
Peu à peu, l’innocent Hindus (Philip Desmeules) prend
la mesure de l’antisémitisme qui ronge l’esprit tourmenté
de son héros. Adapté de l’ouvrage de l’essayiste, mis en
scène avec sobriété et efficacité, le film d’Emmanuel
Bourdieu ne dédouane nullement Céline, magistralement
incarné par Denis Lavant. Tout à la fois maternelle, séductrice, dompteuse, Géraldine Pailhas alias Lucette pose un
regard scrutateur sur les deux hommes.
© MARCEL HARTMANN / CONTOUR BY GETTY IMAGES , 2012.
Lucette est un personnage très ambigu…
Son rôle est d’être vigilante, de limiter les excès voire les
explosions de son compagnon. Je la vois comme quelqu’un de bonne foi, qui cherche à ce que les choses s’arrangent. Mais il n’en reste pas moins qu’elle forme un
couple infernal avec Céline.
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Les rôles dans lesquels on va vous voir
ensuite sont loin de cet univers…
Effectivement, dans Mobile Étoile de
Raphaël Nadjari (sortie le 26 avril) je
suis une chanteuse qui veut faire revivre
des musiques juives du xIxe siècle. Et
puis, je suis dans Marseille (sur Netflix
le 5 mai), série dans laquelle j’interprète
la femme de Gérard Depardieu alias le
maire, Robert Taro.
Marseille est votre ville natale. Quel souvenir gardezvous de votre première venue à Paris ?
J’avais 6 ans. J’étais fascinée par la tour Eiffel et je le suis
toujours maintenant que je suis Parisienne. Mais comme
beaucoup d’habitants de la capitale, où je vis depuis vingtcinq ans, je n’y suis toujours pas montée !
Comment vous êtes-vous acclimatée à Paris ?
Grâce à toutes ces salles de cinéma où l’on peut voir des
films du monde entier. Elles sont devenues des refuges
pour moi. J’y vais encore beaucoup, à tel point que que
j’entretiens quasiment des relations avec les ouvreuses ! Je
fréquente surtout les salles qui sont près de chez moi,
mais j’ai une tendresse particulière pour L’Arlequin et le
Saint-Germain qui sont de beaux endroits. Et j’apprécie
aussi l’engagement des 3 Luxembourg où l’on maintient
longtemps des films à l’affiche.
Le rôle de Denis Lavant en Céline l’amène à être extravagant, mais la mise en scène vous permet d’exister…
Nous n’avons pas la même présence à l’écran, même si nos
rôles sont physiques – Lucette est une femme costaude,
qui marche, danse, coupe du bois, etc. Lui se répand, elle
est droite comme une flèche.
À part les cinémas, quels lieux fréquentez-vous ?
Même si je suis aventureuse, j’ai tendance à creuser un
même sillon. Par exemple, je suis passionnée par tout ce
qui se mange de bon. Aller au restaurant est essentiel pour
moi, surtout dans les japonais. Notamment au Yen (22,
rue Saint-Benoît, 6e) dont la spécialité est les soba, des
nouilles au sarrasin, ou le Kunitoraya (5, rue Villedo, 1er)
où là, ce sont les nouilles udon qui sont exceptionnelles.
Pour les pâtisseries, japonaises toujours, je vais chez Toraya
(10, rue Saint-Florentin, 1er).
Êtes-vous une lectrice de Céline ?
Bien sûr. Comment ne pas être saisi par son langage? Et
aussi choqué par ce qu’il a pu écrire. Quand je le lis, je ressens mon corps se mettre en action, autant que mon esprit.
Allez-vous dans d’autres boutiques ?
Je ne suis pas une grande shoppeuse. Le Bon Marché et
la Grande Épicerie me conviennent bien car j’y trouve
quasiment tout ce dont j’ai besoin. Depuis qu’on y a fait
des travaux, c’est un lieu éblouissant, qui n’a rien à envier
aux plus belles adresses de Tokyo ou New York.
Avez-vous des lieux culturels préférés ?
Le Palais Garnier, c’est toujours une fête d’y aller pour moi
qui suis une ancienne danseuse. J’aime aussi le Louvre: s’y
perdre est délicieux, on y trouve ce qu’on n’y cherchait pas.
Et le centre Pompidou, pour ce que l’on y voit autant que
pour le bâtiment que je trouve toujours audacieux.
Vous rendez-vous dans des galeries ?
Mon rapport à l’art contemporain est complexe car mon
père était galeriste. Après sa mort, j’ai eu beaucoup de réticence à m’aventurer hors du champ qu’il défendait, comme
si cela était une offense faite à sa mémoire. Cela dit, je me
sens bien chez Kamel Mennour (47, rue Saint-André des
Arts, 6e), ce qui est logique dans la mesure où sa démarche
est proche de celle de mon père, ou encore chez Laurent
Godin (5, rue du Grenier Saint-Lazare, 3e).
Des images fortes ?
Paris la nuit, au retour d’un voyage, c’est à couper le souffle.
Sinon, j’adore mon arrondissement, le 14e, où l’on peut voir
des maisons d’architecte où l’on a envie d’entrer! J’aime les
quartiers qui sortent du rythme haussmannien. Si cela m’était
possible, c’est du côté du Palais-Royal que j’habiterais.
Et ce que vous n’aimez pas du tout ?
Le parc des Princes ! En toute bonne foi, car je ne suis
pas anti-PSG bien que Marseillaise d’origine. Non, ce
stade est d’une rare mocheté, il n’est pas à la hauteur de
l’équipe qui, je trouve, est magique. Mais j’y vais de temps
en temps, ainsi qu’au Stade de France et au Vélodrome. ■
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Dans Mobile Étoile
de Raphaël Nadjari,
Géraldine Pailhas
incarne une
chanteuse qui, avec
son mari, peine à
garder à flot la
chorale que tous
deux dirigent. Sortie
en salle le 27 avril.

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