Fluctuat nec mergitur ! Les économies asiatiques en 2008
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Fluctuat nec mergitur ! Les économies asiatiques en 2008
TOPIC Juin 2008 Fluctuat nec mergitur ! Les économies asiatiques en 2008 Les pays émergents d’Asie résistent bien aux turbulences actuelles. Les économies émergentes d’Asie résistent bien au tassement actuel de l’économie mondiale. Elles vont certes perdre entre 0,6 et 2 points de croissance en 2008. Mais on part de niveaux exceptionnels par rapport aux performances de l’Europe ou des Etats-Unis. La Chine va passer de 11,9% de croissance en 2007 (record absolu) à un peu moins de 10%. L’Inde, de 9% à 8%. Le reste de l’Asie émergente, du Sud-Est et du Nord-Est, de 5,6% à 5%. La résilience de l’Asie aux turbulences actuelles est donc remarquable. Ces pays émergents d’Asie sont en général pauvres (PIB par habitant : 2.400 US$ en Chine, 1.000 US$ en Inde). Ils sont donc dans des stratégies de rattrapage qui ne s’analysent pas selon les critères des économies matures. Néanmoins ils sont immergés dans la mondialisation et souvent plus que d’autres, pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur : l’usine du monde fait tourner sa machine à exporter et profite à fond de l’accroissement global des échanges, qui progresse deux fois plus vite que la croissance des PIB nationaux. Pour le pire : le tassement sévère de l’économie américaine et le troisième choc pétrolier ne lassent pas d’inquiéter. Lorsque l’Amérique a un rhume, la Chine peut avoir la grippe. La poursuite du boom chinois ne se dément pas, mais à un rythme décroissant (+10,6% de croissance au premier trimestre, +10,1% au deuxième). On craint depuis un an la dangereuse dépendance des exportations chinoises au marché américain. Lorsque l’Amérique a un rhume, la Chine peut avoir la grippe. L’Amérique est bien en récession rampante, comme en témoigne la hausse continue du chômage depuis six mois consécutifs. La frilosité actuelle des ménages américains a porté un rude coup aux ventes chinoises de vêtements et autres biens de consommation courante. Les exportations chinoises dans ces produits n’ont progressé que de 5% en valeur, au cours des six derniers mois, contre +18% l’année dernière. Mais la montée en gamme de la Chine dans les produits sophistiqués atténue largement le problème. Les ventes internationales d’électronique L’Europe s’est progressent actuellement de +23% en rythme annuel (grâce notamment aux opportunément investissements taïwanais en Chine). Sait-on que la Chine, par exemple, est substituée aux Etats-Unis comme devenue le quatrième producteur mondial de logiciels ? Dans un contexte relai de croissance. américain morose, l’Europe s’est opportunément substituée aux Etats-Unis comme relai de croissance, pour l’instant. Et si l’on a des craintes sur la trop grande dépendance de la Chine à ses exportations, on relève avec satisfaction que la demande intérieure chinoise reste très soutenue, avec 21% de croissance en valeur, et +13% de croissance annuelle en volume ces derniers mois. Le grand problème, le nouveau problème, c’est l’inflation. Les mauvais souvenirs du milieu des années 90 ressurgissent. Avant même le troisième choc pétrolier, la Chine a dû faire face à trois difficultés concomitantes. En 2007, la L’inflation est de grippe porcine a drastiquement raréfié l’offre. Le prix de la viande de porc retour en Chine, (produit chinois de base) s’est envolé de 50%, dans un pays qui consomme de enclenchée par la plus en plus de protéines animales. Les tempêtes hivernales inouïes, suivies grippe porcine, les d’inondations massives au printemps, font peser une menace de même nature tempêtes hivernales sur les récoltes actuelles. Enfin, pour calmer l’excès de liquidités qui emballait et la hausse des la machine financière chinoise, les autorités ont entrepris de resserrer crédits. sévèrement l’accès au crédit. Cela ne marche d’ailleurs pas très bien. Malgré les six hausses de taux d’intérêt et de nouvelles exigences sur l’attribution de prêts, ceux-ci ont tout de même progressé très au-delà de la croissance maximale de 15% décrétée par le gouvernement. Il en résulte une cascade d’augmentation des prix dans tous les domaines. Les terrains ont augmenté en moyenne de 15%. Les exigences salariales diverses ont provoqué des hausses souvent supérieures à 10%. Les coûts de production industrielle ont progressé de plus de 8% ces derniers mois. Le tout allié à une réévaluation rampante, mais continue du Yuan chinois, de l’ordre de 7% par an en valeur internationale, non seulement vis-à-vis du dollar, mais aussi de l’Euro. Là-dessus arrive l’explosion des prix mondiaux des matières premières. L’Etat chinois ne peut éternellement subventionner lesdites matières premières Le gouvernement comme il l’a fait jusqu’alors, même s’il est riche parce que fort bien géré. En chinois tente juin 2008, le gouvernement a cédé aux exigences de Rio Tinto : +20% d’encadrer d’augmentation des prix du minerai de fer, dont la Chine consomme un tiers de l’inflation, mais le la production mondiale. Pour le pétrole, c’est encore pire. Le gouvernement troisième choc chinois vient de décider d’une augmentation massive des prix du fuel (+18%), pétrolier complique de l’essence (+16%) et du kérosène (+25%). Même dans ces conditions, le prix sa tâche. final pour les Chinois reste à l’équivalent de 90 US$ le baril (après subventions étatiques) alors que le cours mondial a dépassé 140 US$. L’inflation est donc une grosse épine dans le pied. Même si elle a légèrement baissé récemment, elle s’établit en moyenne nationale à plus de 8% au cours des six derniers mois, et on ne voit pas bien comment cette tendance pourrait être corrigée, sauf à la marge (sans doute +7% pour l’ensemble de l’année 2008). Ces dérapages sont dangereux pour l’économie, à l’évidence, mais aussi politiquement. L’Inde n’est pas mieux lotie. Il s’y ajoute pour ce pays une gestion publique traditionnellement beaucoup moins bien encadrée qu’en Chine, démocratie oblige. Que l’Inde continue à progresser de l’ordre de 8% par an, que ses classes moyennes (plus proches de 50 millions de consommateurs L’ensemble des indicateurs indiens sérieux que des 200 millions souvent annoncés) s’accroissent de 5 millions de sont moroses, et les nouveaux entrants par an, tout cela n’est pas suffisant pour assurer un mesures prises par développement sain et pérenne. L’ensemble des indicateurs indiens sont moroses. La production industrielle ne s’accroît depuis six mois que de +5% le gouvernement (en rythme annuel), contre + 12% en 2006 et +8,8% en 2007. Les exportations ont un impact – dix fois plus faibles que celles de la Chine – n’ont progressé que de +7,5% en limité. 2007/2008 (année fiscale d’avril à mars) contre +15% l’année précédente. La balance courante indienne s’est brutalement dégradée (déficit : -1,6% du PIB en 2007, sans doute -4,7% en 2008). La Roupie s’est dépréciée de manière inquiétante – par rapport à une situation de réévaluation l’année précédente, signe que les autorités laissent filer la monnaie. L’inflation réelle est à deux chiffres. Pour faire face à la tension sur les matières premières mondiales, le gouvernement a entrepris de baisser les droits de douane à l’importation, tout en limitant les exportations de denrées essentielles, en particulier le riz. Mais ces mesures ont un impact limité. Les soubresauts indiens sont à surveiller de près, surtout en période pré-électorale (élections générales en 2009), même si l’ouverture et le dynamisme des entrepreneurs sont très positifs. L’Asie du Sud-Est s’en tire mieux malgré des hausses brutales de prix du fuel qui a fait descendre la population dans la rue, et une chute générale des bourses locales. Certaines situations politiques locales sont devenues volatiles, notamment en Malaisie, en Indonésie et en Thaïlande, par suite de lacunes dans le leadership au sommet. Le développement « à la chinoise » du Vietnam est confirmé, mais les indicateurs sont préoccupants. Le Vietnam est en situation délicate. Ce pays, semble-t-il, était enfin en train d’émerger « à la chinoise ». L’investissement global a été remarquable, avec une croissance de +40% en 2007 (partant de seuils faibles). L’explosion de l’entreprise privée est également remarquable, avec 60.000 nouvelles créations au cours des douze derniers mois (+26%). Avec ou sans Organisation Mondiale du Commerce (admission du Vietnam début 2007), les exportations se sont accrues de 27%, faisant de ce pays un substitut de la Chine pour les biens d’entrée de gamme. Mais la balance courante vietnamienne vient de basculer brutalement dans le rouge. En même temps, l’inflation réelle a doublé pour atteindre des seuils préoccupants de l’ordre de +20% annuels à l’heure actuelle. Tout se passe comme si les autorités manquaient singulièrement d’outils de contrôle macro-économique. Pour autant, la croissance pour 2008 sera sans doute de +8%, mais appliquée à un PIB encore modeste de 70Md US$. L’Indonésie est, hormis le problème général de l’inflation, en meilleur état. Elle profite à plein du cours mondial des matières premières, dont elle est L’Indonésie profite fortement exportatrice (sauf pétrole raffiné, dont elle est maintenant de la hausse du cours des matières lourdement importatrice). La croissance en 2008 devrait rester aux alentours de +6%, presque comme l’an dernier. premières. Le cas de la Thaïlande illustre l’importance du leadership politique. Malgré l’inflation importée, mais grâce à ses exportations de riz, l’économie est la seule de la zone à croître plus que l’an dernier, à sans doute +5% en La Thaïlande 2008. L’incompétente junte militaire issue du coup d’Etat de 2006 a cédé retrouve une démocratiquement la place à un gouvernement plus rassurant pour les stabilité politique et investisseurs étrangers, qui reviennent dans le pays à un rythme soutenu. avec, la confiance Même si le leadership politique actuel n’est pas passionnant, périodiquement des investisseurs entaché de rumeurs sur le retour de l’ancien Premier ministre Thaksin, la étrangers. Thaïlande semble être revenue à une place centrale dans l’ASEAN après deux ans de flottements. L’Asie restera en 2008 le rempart de la croissance mondiale. J. G. La croissance du PIB réel des économies émergentes d’Asie résiste bien % 12 2007 10 2008 (est.) 8 6 4 2 Vietnam Thaïlande Indonésie Inde Corée du Sud Chine 0 Source: Goldman Sachs Economics Research L’inflation s’envole (Mesurée par l’indice des prix à la consommation, à l’exception de l’Inde) % 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 2007 Source: Goldman Sachs Economics Research Vietnam Thaïlande Indonésie Inde Corée du Sud Chine 2008 (est.)