Pionnière, l`Alsace croit en la géothermie

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Pionnière, l`Alsace croit en la géothermie
n PROJET DE GÉOTHERMIE PROFONDE EN HAUTE-SORNE
Pionnière, l’Alsace croit en la géothermie
V Si la résistance à la géo-
par une forte concentration
d’huiles tout à fait officielles,
la ministre a fait le déplacement pour inaugurer ce ruban
de Moebius, une boucle sans
fin symbolisant la pérennité
de la géothermie. «Avec cette
montée en puissance des
énergies renouvelables, nous
vivons un moment historique», a-t-elle lancé.
thermie profonde se creuse en Haute-Sorne, l’Alsace
voisine a, elle, choisi de
s’investir pleinement dans
cette énergie renouvelable.
V Dans le petit village de
Rittershoffen, la première
centrale géothermique
à vocation industrielle au
monde et sa grande pompe
ont été inaugurées mardi,
en grande pompe, par la ministre française de l’Environnement Ségolène Royal.
V Une première mondiale
Aucun dégât sur le bâti
Le bâtiment affiche haut et fort son ambition.
La flambant neuve centrale de géothermie profonde de Rittershoffen, côté jardin.
PHOTOS TLM
qui ne semble provoquer,
dans ce territoire au riche
patrimoine bâti, que des
tremblements de sourire.
«Bienvenue dans la terre des
énergies, bienvenue à l’énergie de la terre.» Pierre Mammosser, le maire de Soultzsous-Forêts, aime à rappeler
que l’Alsace a toujours su tirer
profit de son sous-sol. Au
Moyen-Âge, les gisements de
sel ont fait la fortune de son vil-
Côté cour, les puits où circule l’eau géothermale. Et dedans, un inextricable entrelacs de tubes. La ministre française Ségolène Royal a coupé le ruban.
lage (dont il tire son nom). À
l’aube de l’ère industrielle, ce
ne sont pas moins de cinq mil-
le forages qui ont, avant le reste du monde, troué la région
en quête de pétrole.
Or blanc et or noir laissent
aujourd’hui la place à l’or
bleu-rouge. Dans les entrailles
sismiques du fossé rhénan, de
l’eau très chaude circule. Elle
est captée à 177°C par un puits
qui s’enfonce à 2500 m de
profondeur. Cette eau géothermale chauffe un second
circuit, puis retourne dans la
terre à la basse température de
70°C, injectée grâce à un
deuxième puits.
L’eau du second circuit
court dans un pipeline enterré
de 15 km de long, jusqu’à la
rive du Rhin. Là, une immense usine utilise cette précieuse
chaleur pour fabriquer de
l’amidon, composant essentiel
à la pharmaceutique, l’alimentation et l’industrie. Gourmand en énergie, ce procédé
s’alimente désormais aux trois
quarts de sources renouvelables, la biomasse et la géothermie.
Six mois après la signature
de l’accord de Paris sur le climat, cette inflexion vers un développement durable ne peut
que satisfaire Ségolène Royal.
Flanquée d’une escorte digne
de la République, et baignée
Un moment historique aussi
pour Daniel Pflug, le maire de
Rittershoffen, heureux comme
ses administrés d’accueillir cette première mondiale. «Les
choses ici se sont passées on ne
peut plus sereinement. Il n’y a
pas eu de fracturation en profondeur, donc pas de séisme
en surface», explique l’élu.
Pierrot Sitter, son homologue de Kutzenhausen, voisin
de Soultz-sous-Forêts, tempère: «Au début du projet, dans
les années 1990, les vitres
tremblaient quand ils faisaient
leurs explosions souterraines.
Mais aucun dégât n’a été
constaté sur les maisons.»
Les ravissantes maisons alsaciennes à colombage n’ont
donc pas pris la moindre fissure. Peut-être juste une ride, à
côtoyer ces installations à la
pointe de la modernité.
THOMAS LE MEUR
À Soultz, l’expérience se concrétise
V Active depuis 1987, la centrale géothermique expérimentale
de Soultz-sous-Forêts, à seulement 6,5 km à vol d’oiseau de Rittershoffen, change de nature. Elle qui a servi de laboratoire européen à ciel ouvert depuis 30 ans va devenir une vraie centrale
de production électrique d’une puissance de 1,7 MW. Elle sera
opérationnelle début juillet, avec – ce qui n’était pas le cas jusqu’alors – un réel objectif de rentabilité.
V Sa vocation scientifique lui a amené au long des années beaucoup de visiteurs, principalement chercheurs et étudiants. On a
pu y éprouver les méthodes d’exploiter la chaleur de la terre, en
apprenant des bonnes comme des mauvaises expériences.
V Neuf personnes vont s’occuper de la maintenance de Soultz et
Rittershoffen. «Ce n’est que durant ces opérations qu’il faut se
protéger de la radioactivité», souligne le responsable technique
Wilfrid Moeckes, en bras de chemise dans la centrale. Une centrale très silencieuse, où l’on peine à percevoir le chuintement
de la pompe et des aérorefroidisseurs. TLM
F Trois questions à
André Irminger, 63 ans, de Glovelier,
président de l’association Géothermie Jura
Irminger, vous êtes garde forestier
VàAndré
la retraite, et actuellement chauffeur de taxi.
Quels sont les proVchains
rendez-vous
Pourquoi donc vous engager activement
dans la promotion de la géothermie?
De 2010 à 2015, j’étais responsable de la sécurité et
guide au laboratoire souterrain du Mont Terri. On y
effectue des expériences sur les argiles à Opalinus,
pour évaluer la capacité de ces roches à l’enfouissement des déchets issus des centrales nucléaires.
C’est à cette occasion que j’ai réalisé le péril que nous
faisait courir l’énergie nucléaire, pour des milliers
d’années. Mais cette incursion dans la géologie m’a
également ouvert les yeux sur l’inépuisable potentiel du sous-sol. La géothermie profonde délivre une
énergie propre et constante. C’est une solution
d’avenir, et le Jura a l’opportunité d’être pionnier en
Suisse. C’est une chance à saisir!
de l’association
Géothermie Jura?
Nous proposons une conférence intitulée «Géothermie: de la politique à la réalité» mercredi 7 septembre, au Collège de Delémont.
Et le jeudi 10 novembre, après notre assemblée générale, une conférence aura pour thème les ébranlements, toujours au Collège.
Que retirez-vous de la visite à Rittershoffen?
V
C’est extrêmement intéressant de voir que l’on peut
développer du géothermique au bénéfice de tout le
monde: la population, l’industrie, l’environnement.
Et je suis content d’avoir pu apporter les salutations
des socialistes de Haute-Sorne à Ségolène Royal!
n L’HOMME DU JOUR
André Irminger, 63 ans, de Glovelier,
président de l’association Géothermie Jura
Ce solide originaire de Soulce, fondateur de la société
d’embellissement du village, a été responsable de la sécurité et guide au laboratoire souterrain du Mont Terri.
Cette expérience lui fait prendre conscience des dangers
de l’énergie nucléaire. Voyant dans la géothermie une solution au défi énergétique, il lance en 2014 l’association
Géothermie Jura. À ce titre, il visitait mardi la nouvelle
centrale géothermique de Rittershoffen, en Alsace. TLM
L
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