La consolidation des comptes

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La consolidation des comptes
Chapitre I
Présentation de la consolidation
Établir les comptes consolidés d’un groupe consiste à présenter son patrimoine, sa situation financière et les résultats de l’ensemble des entités qui le constituent comme si il ne
s’agissait que d’une seule et même entreprise.
Si cette définition est simple à énoncer, sa réalisation demande une technicité qui sera
étudiée au fil des chapitres et sa compréhension nécessite la mise en place d’un ensemble
de concepts et de méthodes qui se décline dans le cadre international, européen et
national. C’est à sa présentation que nous nous attachons dans ce premier chapitre.
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I.A. Les bases légales et réglementaires
de la consolidation
L’obligation de consolider les comptes de groupes en France est relativement
récente puisque les premiers comptes consolidés obligatoires y datent de 1966
alors qu’ils existent aux États-Unis depuis 1892.
Cette obligation est régie par l’ensemble des textes suivants :
• la loi du 24 juillet 1966 : art. L 357-1 à L 357-10 ;
• le décret du 23 mars 1967 : art. D 248 à D 248-14 ;
• la 7e directive européenne de 1983 ;
• la loi 85-11 du 3 janvier 1985 modifiant la loi du 24 juillet 1966 : art. L 357-1
à L 357-10 ;
• le décret 86-221 du 17 février 1986 modifiant le décret du 23 mars 1967 : art.
D248 à D 248-14 ;
• le décret 90-72 du 17 janvier 1990 ;
• le règlement CRC 99-02 du 29 avril 1999 ;
• les règlements CRC 2000-04 pour les consolidations dans le secteur bancaire
et 2000-05 pour les consolidations dans le secteur des assurances et des institutions de prévoyance ;
• le règlement de la communauté européenne CE 1606/2002, du 11 septembre
2002, qui édicte le principe de l’adoption des normes internationales et
définit un certain nombre de règles d’adoption ;
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• le règlement CE 1725/2003, du 13 octobre 2003, qui adopte les premières de
ces normes ;
• le règlement CRC 2004-04 révisant à la marge le règlement CRC 99-02 ;
• le règlement CE 2236/2004, du 29 décembre 2004, imposant l’application
d’un ensemble de normes IFRS, à compter du 1er janvier 2005 pour les
groupes côtés. Cet ensemble de normes correspond à ce que ce règlement
appelle la « plate forme stable » de la pratique de la consolidation pour ces
sociétés.
Dans la succession des textes, un certain nombre de divergences sont apparues
entre textes français et textes internationaux. Ce sont les normes IFRS qui ont
vocation à s’appliquer dans leur intégralité et à l’ensemble des groupes, vraisemblablement à l’horizon 2007 si le rythme des réformes se maintient.
À l’heure actuelle, la législation française n’est pas entièrement actualisée et
l’on trouve trois situations distinctes :
Les groupes côtés ont l’obligation de consolider en appliquant les normes
IFRS ; les groupes non côtés dépassant un certain nombre de seuils sont obligés
de consolider en principe en appliquant le règlement CRC 99-02 du 29 avril
1999, mais peuvent anticiper l’application des normes internationales ; enfin
les groupes qui n’atteignent pas ces seuils, peuvent présenter des comptes
consolidés. Les comptes d’un groupe, présentés selon l’un ou l’autre des référentiels, peuvent présenter des différences notables, qui doivent être anticipées
avant le passage d’une présentation CRC 99-02 à une présentation IFRS.
Le présent ouvrage est basé principalement sur l’application des normes IFRS,
mais les divergences d’appréciation et de traitement entre les deux référentiels
sont explicitées. Le cas échéant l’évolution probable de certaines normes IFRS
sera présentée.
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I.B. Quelques précisions sur les normes internationales
L’une des premières décisions prises par le l’IASB (International Accounting
Standards Board) à sa création en avril 2001, a été de changer le nom des
normes internationales en « International Financial Reporting standards »
(IFRS), voulant ainsi élargir le champ des normes de la dimension de normalisation comptable à celle d’information financière. Ceci étant, les normes IAS
et les interprétations SIC (Standards International Committee) qui existaient au
1er avril 2001, n’ont pas vu leur nom changer. Seules les normes crées depuis
cette date ont la dénomination IFRS.
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On appelle donc « normes IFRS » l’ensemble des normes IAS, et des cinq
normes déjà créées par l’IASB, dénommées IFRS1 à IFRS5. Les interprétations de ces normes sont émises par l’IFRIC (« International Financial Reporting Standards Committee ») qui remplace le SIC depuis mars 2002. et sont
dénommées IFRICx, où x indique leur rang d’émission.
La Commission Européenne, (CE), étudie et valide ces règles : dans cet
ouvrage, l’expression « normes IFRS » désigne les normes validés par la
commission.
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I.C. Le cadre de la consolidation
I.C.1. Introduction à la notion de comptes consolidés
Selon le paragraphe 6 de la norme IAS 27 : « Une filiale est une entreprise
contrôlée par une autre entreprise (appelée mère). Une société mère (ou mère)
est une entreprise qui a une ou plusieurs filiales. Un groupe est formé d’une
mère et de toutes ses filiales.
Les états financiers consolidés sont les états financiers d’un groupe présentés
comme ceux d’une entreprise unique… »
Un groupe est un donc ensemble d’entreprises liées entre elles par des participations financières ou par des liens contractuels ou statutaires.
Par la suite, nous les représenterons souvent sous la forme schématique
suivante :
A, B et C constituent un groupe.
A est appelée Société Mère ou Société Consolidante, car c’est
elle qui exerce le contrôle.
B et C sont les entreprises filles, ou entreprises consolidées.
Établir les comptes consolidés d’un groupe consiste donc à présenter son patrimoine, sa situation financière et les résultats de l’ensemble des entités le constituant comme s’il s’agissait de ceux d’une seule et même entreprise.
Cette réalisation demande une technicité qui sera étudiée au fil des chapitres,
mais notons d’ores et déjà que cet objectif est atteint si :
• les données de toutes les entités sont prises en compte,
• les évaluations des données sont homogènes,
• les opérations entre entreprises du groupe sont éliminées,
• les dates de clôture des comptes sont identiques.
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Indépendamment de l’obligation légale d’établissement des comptes consolidés, on voit l’intérêt pour les actionnaires ou les dirigeants d’un groupe
d’établir de tels comptes, en terme de vision d’ensemble de leur patrimoine.
Ceci explique que la consolidation des comptes soit devenue un véritable
instrument de gestion et d’analyse des groupes. Cet aspect sera traité dans le
chapitre 9.
I.C.2. La définition du périmètre de consolidation
On appelle périmètre de consolidation l’ensemble des entreprises à consolider. Il est décrit de façons équivalentes dans les paragraphes 11 et 12 de la
norme IAS 27 et dans le paragraphe 10 du règlement 99-02 :
Il est formé d’une société consolidante ou société « mère », et des entreprises
sur lesquelles la société mère exerce un contrôle (exclusif ou conjoint) ou une
influence notable. Ces dernières sont appelées sociétés consolidées ou sociétés
filles. Le périmètre contient aussi bien sur des entreprises nationales qu’étrangères, quel que soit leur forme juridique ou leur secteur d’activité.
Il est prévu quelques exceptions permettant d’exclure du périmètre certaines
sociétés contrôlées.
Malgré cette définition commune les normes IFRS et le règlement 99-02 diffèrent quelque peu pour la mise en œuvre, car les notions de contrôle et, surtout,
les possibilités d’exclusions de certaines sociétés du périmètre ne sont pas les
mêmes.
Selon les normes IFRS (IAS 27, 38 et 31), les cas possibles d’exclusions du
périmètre de consolidation sont plus limités que dans le règlement 99-02 et
n’ont pas, contrairement au règlement 99-02, de caractère systématique.
Les normes IFRS prévoient quatre cas d’exclusion.
Premier cas : Acquisition en vue d’une cession ultérieure.
On peut exclure du périmètre les filiales sous contrôle conjoint ou sous
influence notable dont les titres sont détenus en vue de leur cession, à condition que ces titres répondent aux conditions de classement en « actifs destinés
à être cédés » (IFRS 5). Par contre les filiales sous contrôle exclusif dont les
titres sont détenus en vue de leur cession restent donc obligatoirement dans le
périmètre de consolidation jusqu’à la date de cession.
Dans ce cas le règlement 99-02 a une définition beaucoup plus restrictive du
périmètre puisque son paragraphe 101 prévoit que c’est un cas d’exclusion
obligatoire du périmètre de consolidation pour toutes les entreprises sous
contrôle (aussi bien exclusif que conjoint) ou sous influence notable.
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Deuxième cas : difficultés de transferts de fonds.
Selon les normes IFRS on peut exclure du périmètre de consolidation des entreprises pour lesquelles les transferts de fonds vers la consolidante sont soumis à
des restrictions sévères et durables, à condition de démontrer que cet état de
choses entraîne la perte réelle du contrôle.
Relativement à ce problème, le paragraphe 101 du règlement 99-02 exclut obligatoirement du périmètre de consolidation les entreprises sous contrôle ou
sous influence notable pour lesquelles des restrictions sévères et durables
remettent en cause substantiellement « le contrôle ou l’influence exercée sur
cette entreprise ou les possibilités de transfert de trésorerie entre cette entreprise et les autres entreprises incluses dans le périmètre de consolidation ».
Troisième cas : caractère non significatif des données.
Les normes IFRS prévoient l’exclusion facultative du périmètre d’une entreprise dont la prise en compte des données ou celles du sous-groupe qu’elle
représente a un caractère non significatif. Les critères de seuil de signification
ne sont pas imposés par les textes, ils s’apprécient au cas par cas par rapport
aux comptes consolidés et non aux comptes individuels et sont à exposer dans
l’annexe aux comptes consolidés.
Le règlement 99-02 dans ses paragraphes 1000 et 21 propose les mêmes
dispositions.
Quatrième cas : activités marginales.
La norme IAS 27 (§ 14) prévoit une possible exclusion d’une entité du périmètre de consolidation quand : « … ses activités sont dissemblables de celles
des autres entreprises du groupe » mais ne recommande néanmoins pas cette
exclusion puisque le même paragraphe se poursuit par « … Une exclusion pour
ce motif n’est pas justifiée car l’information fournie est meilleure en consolidant de telles filiales et en fournissant des informations supplémentaires dans
les états financiers consolidés sur les différentes activités des filiales… »
Le règlement 99 02 n’envisage pas ce cas.
I.C.3. L’obligation légale de présenter des comptes consolidés
L’obligation légale de présenter des comptes consolidés pour tous les groupes
français qu’ils soient cotés ou non reste pour le moment régie par la 7e directive
européenne et le règlement 99-02.
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Le texte adopté par la CE nº 1606/2002 du 19 juillet 2002 prévoit en effet
expressément que les sociétés cotées françaises qui appliquent les normes
IFRS continuent en terme d’obligations ou d’exemptions de consolider
d’être régies par la 7e directive européenne et le règlement 99-02. Ce devrait
rester le cas tant que les normes IFRS ne seront pas applicables intégralement et
pour tous les groupes.
1.C.3.a. Les seuils de l’obligation légale
L’obligation légale de produire des comptes consolidés pour un groupe est
fonction de sa taille. Cette taille est appréhendée à travers trois critères, et si
deux des trois seuils suivants sont dépassés pendant deux exercices consécutifs, alors la réalisation de comptes consolidés devient obligatoire dès l’exercice suivant (ceci reste vrai même si les seuils viennent à ne plus être dépassés).
Total Bilan
15 millions d’Euros
Seuil fixé depuis le 1er janvier 2002
Total Chiffre d’affaires
30 millions d’Euros
Seuil fixé depuis le 1er janvier 2002
Total salariés
250 salariés
Seuil fixé depuis le 1er mars 2002
Remarques sur le calcul de ces seuils :
• pour le calcul de ces seuils il est tenu compte des données des sociétés sous
contrôle exclusif pour 100 % de leur montant et des données des sociétés sous
contrôle conjoint à hauteur du pourcentage de détention directe (voir
chapitre 2). Par contre les données des sociétés sous influence notable ne sont
pas à retenir ;
• le total de bilan s’entend en valeur nette ;
• le montant du chiffre d’affaires est égal au montant des ventes de produits et
de services liés à l’activité courante, hors réductions sur ventes et taxes
collectées ;
• le nombre de salariés comprend les personnels permanents employés en CDI
au cours de l’exercice. Ce nombre pouvant fluctuer durant l’année, le nombre
à retenir est la moyenne arithmétique des effectifs à la fin de chaque trimestre
civil ;
• les montants de total de bilan et de chiffre d’affaires sont à prendre en compte
avant toutes écritures d’élimination ou de retraitement.
Une société mère qui dépasse ces seuils peut être exemptée de publier des
comptes consolidés si elle est elle-même sous contrôle d’une entreprise qui
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l’inclut dans ses comptes consolidés et que ceux-ci sont publiés (article L 357-2
de la loi 85-1321 du 14 décembre 1985, notion de sous-groupe).
Attention, cela n’est pas permis pour les entreprises qui émettent des valeurs
mobilières admises aux négociations sur un marché réglementé, et cette exemption est remise en cause si 10 % des actionnaires de la dite société demandent la
réalisation et la publication de comptes consolidés.
Le groupe ABC est composé d’un sous-groupe BC. Si on considère que les
seuils étudiés auparavant sont dépassés juste avec le sous-groupe BC, B devrait
produire des comptes consolidés.
Mais B est en fait exemptée de publier les comptes du sous-groupe BC puisque
elle est elle-même contrôlée par A qui va l’inclure dans les comptes consolidés
du groupe ABC.
Cette exemption est conforme à la norme IAS 27 § 8, qui donne les précisions
suivantes :
« Cette société mère doit indiquer les raisons pour lesquelles des états financiers consolidés n’ont pas été présentés ainsi que les bases sur lesquelles les
filiales ont été comptabilisées dans ses états financiers individuels. Le nom et
le siège social de sa mère qui présente des états financiers consolidés doivent
également être fournis. »
À noter toutefois, que tout sous-groupe exempté de présenter des comptes
consolidés doit néanmoins produire des comptes « separate financial statements » conformes à la norme IAS 27.
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