la fiche de salle n°1
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la fiche de salle n°1
En 2012, la Régie culturelle régionale PACA déposait 138 œuvres au musée Ziem. Parmi celles-ci figuraient 27 affiches de David-René Dellepiane. Ne pouvant être exposées de façon permanente pour des raisons de conservation, le musée Ziem vous en propose ici une sélection. Né à Gênes en 1866, David Dellepiane arrive à Marseille en 1875. Issu d’une famille d’artisans, il s’inscrit dès 1880 à l’école des Beaux-Arts de la ville. Il se fait rapidement connaître en tant que paysagiste et portraitiste. Pour parfaire sa formation, il suit les cours de Jules Chéret à Paris, artiste considéré comme le « père de l’affiche en couleur » et « l’inventeur de l’affiche moderne » durant la Belle Époque. Dellepiane s’intéresse très rapidement aux différents courants d’avant-garde : japonisme, impressionnisme, divisionnisme… qu’il introduit dans son esthétique. Il se forme aussi à la lithographie. De retour à Marseille, il commence à se spécialiser dans la création d’affiches ce qui lui vaut un grand nombre de commandes de la part des compagnies maritimes et industrielles. Il acquiert une réputation solide qui lui permet d’exercer aussi bien en tant que décorateur, que peintre de marines et de paysages dans une veine « Art nouveau », mouvement artistique qui s’appuie sur l’esthétique des lignes courbes. Pendant la guerre de 1914, il se lance dans la création de santons en argile. En 1925, il se consacre à son plus grand projet : la décoration du Grand Hôtel de Juan les Pins. Il disparaît en 1932, unanimement salué par la presse. Dellepiane affichiste Dellepiane utilise ce mode d’expression dès 1896. « Dellepiane avait habité Paris vers 1890 au moment où le Modern Style, lancé par les affiches d’Alphonse Mucha sous la protection de Sarah Bernhard, avait connu un immense succès. » (in Régis Bertrand, David Dellepiane, Maître de l’affiche provençale et images de santons, 1982). L’influence de Jules Chéret n’est pas très visible dans sa production. On sait qu’il a surtout appris à se former aux techniques de l’affiche auprès des nombreux praticiens qui entouraient le maître. Comme de nombreux artistes à cette époque, il a été véritablement fasciné par les estampes japonaises qu’il collectionnait. Il leur doit l’épuration progressive de son dessin, les perspectives panoramiques et des audaces de mise en page. Les affiches de Dellepiane sont aisément reconnaissables tant leur facture est personnelle. L’artiste ne cherche pas à étonner, ni à surprendre le passant, s’adresse plutôt à son imagination et à sa sensibilité. D’abondantes commandes ont fait appel aux talents reconnus de David Dellepiane en tant que lithographe. Elles lui ont permis tout au long de sa carrière de concevoir un grand nombre de publicités, programmes de spectacles, partitions musicales, menus, calendriers et diplômes. Pour les publicités, il a œuvré pour différentes entreprises telles que la crème de beauté Berthuin, les parfums Sauzé, la banque Bonnasse, le vin Moskoff, la Grande Blanchisserie hygiénique du Var ou les biscuits Coste… Affiches des expositions coloniales de 1906 et 1922 Pour l’exposition coloniale de 1906, Dellepiane s’inspire des œuvres des orientalistes, notamment du Prisonnier (1861) de Jean-Léon Gérôme (Nantes, musée des Beaux-Arts). Il crée une affiche haute en couleurs avec une composition dans laquelle les divers peuples de la France d’Outre-Mer se pressent sur une pirogue à balancier qui pénètre dans la rade de Marseille. Il est à nouveau sollicité pour l’exposition coloniale de 1922. Il conçoit une affiche de style Art nouveau autour d’un groupe de trois femmes traitées de manière monumentale. Ces femmes originaires d’Asie et d’Afrique, témoignent de l’union de la France avec ses colonies et de l’importance de Marseille, représentée en arrière-plan, pour son rôle de témoin dans les échanges entre la nation et ces lointaines contrées. Affiche de l’exposition internationale de caoutchouc de 1927 Il reprend cette composition avec des formes semblables mais simplifiées pour l’exposition internationale de caoutchouc de 1927. Les couleurs sont franches, inhabituelles dans sa palette. Les personnages traités de façon synthétique, inspirés par Gauguin, se détachent du fond composé de grands aplats cernés de noirs. Il s’agit de la dernière affiche de sa carrière. Affiches PLM Grasse et Corse Dellepiane travaille dans différents styles et crée pour ses affiches des paysages lumineux et colorés. Il est notamment sollicité par la Compagnie des chemins de fer PLM, l’un des ancêtres de la SNCF, avec sa ligne principale de Paris-Lyon à Marseille-Saint-Charles. Pour le PLM Grasse, il conçoit une affiche pittoresque. Derrière une femme rêveuse, assise dans son jardin, on voit au loin un paysage avec la ville de Grasse et dans un médaillon, l’artiste représente des cueilleuses de fleurs liées à l’industrie du parfum. Il utilise la même formule pour le PLM Corse. Derrière une jeune paysanne cheminant à dos de mulet, se dessine la ville d’Ajaccio entourée d’un paysage désertique alors que dans le médaillon, Dellepiane représente les grands arbres de Vizzavona . Affiche Compagnie Fraissinet A l’aube d’un siècle nouveau, les compagnies maritimes Paquet, Fraissinet et Transatlantique font appel à Dellepiane pour vanter leurs services. Pour l’armement Fraissinet, Dellepiane crée une œuvre avec trois images juxtaposées. Un vieux pêcheur halé sous son bonnet, une paire de bottes montée sur sabots aux pieds, accoudé sur des filets et deux casiers à poissons dit « jambins », sur sa bouffarde, fourbu après une nuit passée en mer. Derrière lui, un steamer sort des bassins. Dans un médaillon, on distingue la passe du Vieux-Port, les forts SaintJean et Saint-Nicolas. Affiche du Petit Marseillais Au printemps 1897, l’imprimeur Samat & Cie, lui demande de concevoir une affiche pour annoncer aux lecteurs du Petit Marseillais une parution dominicale passant à six pages au prix inchangé de 5 centimes. Fondé en 1868, ce journal avait longtemps été le seul quotidien d’information de la région. Avec le temps, la concurrence était devenue vive. Pour fidéliser ses lecteurs et répondre à l’abondance des nouvelles non traitées, le Petit Marseillais, inaugura la formule de six pages à partir du 16 mai 1897. Avec l’affiche du Petit Marseillais, Dellepiane révèle son sens de l’humour. Des citadins en promenade sont surpris découvrant l’annonce placardée sur un mur : Monsieur qui se veut sportif, porte casquette ronde, culotte cycliste et chaussettes montantes, Madame tout en rondeurs est coiffée d’un bibi orné de plumes, et leur enfant est affublé d’un costume marin. Seul le chien, regarde les passants. Affiche : 25e centenaire de la fondation de Marseille La notoriété de Dellepiane affichiste apparaît dès 1899 avec son travail pour la commémoration du 25e centenaire de la fondation de Marseille. Comme à ses débuts en tant qu’illustrateur, il reprend la formule qui lui avait déjà réussi, à savoir une illustration élégante sur un texte imposé, avec une recherche particulière sur les lettrines. Transposant une formule du livre illustré, le texte du programme, rassemblé dans le tiers inférieur gauche, équilibre la composition. Il choisit comme sujet un épisode qui raconte la fondation légendaire de Marseille, l’instant où Gyptis, fille du chef des autochtones propose une coupe d’eau, symbole de l’hymen à Protis, marin originaire de Phocée. La princesse choisit donc d’épouser l’étranger. La coupe qu’elle lui tend symbolise leur union. Les vêtements représentés sont somptueux et richement décorés, tels qu’on pouvait se les imaginer à la fin du 19e siècle. Seule la coiffe de Gyptis est la transposition du couvre-chef du buste de la Dame d’Elche que les archéologues venaient de découvrir en Espagne. Pour réaliser cette affiche, Dellepiane a demandé à son entourage de lui servir de modèle. Sa compagne devient ainsi Gyptis. Protis est son oncle Luigi et le chef des Ségobriges à la longue barbe est son père Vittorio. Cette affiche va connaître un très grand succès auprès des Marseillais. Il recevra par la suite de nombreuses commandes de la part de groupes industriels ou pour des événements organisés par la ville de Marseille. « Cette affiche fut, durant quelques semaines, le pavois radieux de nos murailles. On l’avait répandue un peu partout dans la ville entre les horribles placards politiciens, les grossières réclames des fabricants de poisons et les révoltantes images du snobisme parisien. Elle fleurissait de printemps les plus humbles ruelles ; elle arrêtait les passants pour leur jeter aux yeux la joie colorée d’un peu d’art. Par elle, une des plus fraîches épopées de l’antique amour a revécu, soudain, après vingt siècles, sous notre ciel de pur satin, devant la mer ensommeillée sous les transparentes ramures d’arbres pacifiques et glorieux. Le peuple marseillais, en un coup d’œil de surprise charmée sur l’affiche de Dellepiane, apprit mieux la genèse de son incomparable cité, qu’il ne l’eut apprise au cours de longues conférences érudites. » (Elzéard Rougier in Régis Bertrand, David Dellepiane, Maître de l’affiche provençale et images de santons, 1982)