Il faut plus de paysans en Suisse

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Il faut plus de paysans en Suisse
avenue du Grammont 9, 1007 Lausanne –Suisse [email protected] - www.uniterre.ch
Edito du journal de janvier 2004
Il faut plus de paysans en Suisse !
Contrairement à l’opinion dominante du moment, nous sommes convaincus à Uniterre qu’il
n’y a plus assez de paysans en Suisse, et que nous devons combattre le dogme du moment qui
prétend qu’il y en a toujours trop.
Une telle affirmation déclenche presque invariablement des réactions de scepticisme,
d’incrédulité, voire de méfiance de la part de ceux qui l’entendent pour la première fois. A la
limite, les personnes les plus proches de notre vision de l’agriculture et de son rôle dans la
société restent plutôt perplexes et se demandent si nous ne sommes pas en train de devenir un
peu trop rêveurs ou détachés de la réalité.
Et ils ont probablement raison tant qu’ils pensent que les préceptes économiques actuels sont
immuables, incontournables et impossibles à modifier, en tous cas en ce qui concerne
l’agriculture. Dans cette optique, seuls les plus compétitifs, ceux qui arrivent à survivre avec
des prix de plus en plus bas pour leur travail, peuvent envisager l’avenir dans le métier,
jusqu’à ce qu’ils soient à leur tour remplacés par d’autres. Et la diminution du nombre de
paysans se poursuit alors logiquement à un rythme accéléré.
Ces mêmes personnes, au demeurant sympathisantes d’une agriculture durable et respectueuse
de l’environnement, n’imaginent d’ailleurs pas un instant que si leur propre travail devait être
payé selon les mêmes critères de compétitivité que les paysans soumis aux importations à bas
prix, elles auraient déjà été remplacées depuis longtemps par des ressortissants des quatre
coins de la planète compétents et prêts à remplir les mêmes tâches au quart, à la moitié ou au
dixième de leurs salaires actuels.
Le problème majeur: la sous rémunération et non pas la sous productivité
Sous rémunération massive du travail paysan
Il existe au moins une raison qui justifie sans discussion possible une augmentation
considérable du nombre de paysans et de personnes actives en agriculture. La durée du travail
normale du commun des mortels varie en gros de 1600 à 1800 heures par année, alors que
celle du paysan est standardisée à 2800 heures, soit 54 heures par semaine et 52 semaines par
année. Les paysans travaillent donc en gros de 55 à 75 % plus longtemps que les autres
catégories de la population, pour un revenu moyen plus bas, qui atteint péniblement 30000
francs par année, y compris les paiements directs. Il y a donc un problème majeur, qui n’a
plus rien à voir avec le degré de compétitivité des uns et des autres, mais avec la sousrémunération massive du travail paysan sur le marché par rapport aux autres catégories de
personnes actives de la population. La productivité du travail paysan n’est pas en jeu,
contrairement à ce qui est allégué souvent de façon erronée: elle augmente régulièrement,
voire même plus vite que dans d’autres secteurs de l’économie. Mais ce sont d’autres acteurs
qui en confisquent presque systématiquement la valeur ajoutée!
Et comme les jeunes paysans revendiqueront de plus en plus souvent d’avoir des horaires de
travail à peu près normaux en comparaison avec les jeunes de leur âge, il faudra
impérativement augmenter progressivement le nombre de paysans et les prix des produits
pour rétablir un minimum d’équité dans les conditions de travail dans l’agriculture par rapport
au reste de l’économie.
Utopiste peut-être, mais personne en dehors de l’agriculture n’a vraiment conscience de la
situation complètement surréaliste des horaires de travail des paysans dans notre société des
40 à 42 heures par semaine.
La revendication de l’augmentation du nombre de paysans est parfaitement raisonnable et
justifiée, à partir de critères d’analyse tout simplement objectifs et factuels. Au prix d’une
augmentation des prix de l’alimentation et d’une plus juste répartition des marges dans les
filières agro-alimentaires.
Gérard Vuffray

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