Communes - Gestion et Finances Publiques

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Communes - Gestion et Finances Publiques
Communes
Commune - Police municipale - Tranquillité publique - Liberté du commerce et de l’industrie - Référéliberté
CE, ordonnance du 8 juin 2005, Commune
de Houilles, req. nº 281084 (décision mentionnée aux Tables du Recueil Lebon)
[extraits]
Considérant qu’en vertu de l’article L. 521-2
du Code de justice administrative, « le juge
des référés, saisi d’une demande en ce sens
justifiée par l’urgence peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde
d’une liberté fondamentale à laquelle une
autorité administrative aurait porté, dans
l’exercice d’un de ses pouvoirs, une
atteinte grave et manifestement illégale » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction
que, par arrêté du 13 avril 2005, le maire de
Houilles a, sur le fondement de ses pouvoirs
de police générale, pris une mesure qui doit
s’analyser
comme
une
interdiction
d’ouverture par la société Cassandre d’un
sex shop, au motif que l’établissement projeté portait atteinte à la tranquillité de la
population et se trouvait situé à proximité
d’équipements destinés à la jeunesse ;
Considérant que l’article 99 de la loi du
30 juillet 1987 modifiée interdit l’installation
à moins de cent mètres d’un établissement
d’enseignement maternel, primaire ou
secondaire, d’un établissement dont l’activité principale est la mise en vente ou à la
disposition du public de publications dont
la vente aux mineurs de dix-huit ans est
prohibée ; que l’article 227-24 du Code
pénal réprime par ailleurs le fait de permettre à un mineur de voir un message de
caractère pornographique et interdit en
conséquence la présentation en vitrines
ouvrant sur l’extérieur d’articles présentant
un tel caractère susceptibles d’être vus par
un mineur ;
Considérant qu’indépendamment de ces
dispositions législatives, il appartient au
maire, chargé de la police municipale en
vertu de l’article L. 2212-1 du Code général
des collectivités territoriales, de prendre à
ce titre, conformément à l’article L. 2212-2
de ce code, les mesures permettant d’assurer dans la commune le bon ordre, la
sûreté, la sécurité et la salubrité publiques ;
que le maire peut faire usage des pouvoirs
de police générale dont il dispose à l’égard
d’un établissement qui, sans tomber sous
le coup ni de l’interdiction édictée par la loi
du 30 juillet 1987 ni de l’incrimination prévue par l’article 227-24 du Code pénal, présenterait, en raison des circonstances locales, des dangers particuliers pour la
jeunesse ou pour la tranquillité de la
population ;
Considérant qu’en l’espèce la décision
d’interdiction du maire de Houilles est fondée sur des motifs tirés d’une part de la
tranquillité de la population, d’autre part de
la présence à proximité du commerce litigieux d’établissements scolaires et d’équipements destinés à la jeunesse ;
Considérant, sur le premier point, qu’il
appartient au juge des référés de se placer,
pour apprécier l’existence d’une atteinte
grave et manifestement illégale à une
liberté fondamentale, à la date à laquelle il
se prononce ; qu’à cet égard, si l’ouverture,
à la suite de la décision du juge des référés
du tribunal administratif, du sex shop n’a
pas entraîné de troubles particuliers, il
résulte de l’instruction que la population du
quartier d’habitation de caractère pavillonnaire où se situe le projet de la société Cassandre a témoigné d’une hostilité à ce projet qui s’est traduite par une pétition
signée, à la date de l’audience publique, par
1 600 personnes ;
Considérant, sur le deuxième point, qu’il
résulte de l’instruction, et qu’il a été
confirmé au cours de l’audience publique,
qu’une école maternelle et une école primaire sont situées certes à plus de cent
mètres mais tout de même non loin du
commerce litigieux ; que, surtout, la commune aménage à proximité de ce commerce un pôle jeunesse, destiné à abriter
des services d’animation, d’information et
de loisirs à l’intention des jeunes ; que les
travaux de réalisation de cet équipement
public doivent s’achever dans les prochains
mois ;
Considérant qu’eu égard à l’ensemble de
ces éléments, et même s’il n’est pas
contesté que le projet de la société Cassandre ne tombe sous le coup ni de l’interdiction édictée par la loi du 30 juillet 1987 ni
de l’incrimination prévue par l’article 227-24 du Code pénal, la mesure prise
par le maire de Houilles, qui repose sur des
motifs qui sont au nombre de ceux que les
autorités chargées de la police municipale
peuvent légalement retenir, apparaît fondée sur des éléments d’appréciation tirés
de la tranquillité de la population et de la
protection de la jeunesse qui ne font pas
apparaître d’atteinte manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue la liberté du commerce et de l’industrie ; que la commune de Houilles est, dès
lors, fondée à soutenir que c’est à tort que,
par l’ordonnance attaquée, le juge des
référés du tribunal administratif de Versailles a estimé réunies les conditions auxquelles l’article L. 521-2 du Code de justice administrative subordonne la mise en œuvre des
pouvoirs qu’il confère au juge des
référés ; (...)
Note
La décision Commune de Houilles du
8 juin 2005, qui sera mentionnée aux
Tables du Recueil Lebon, est particulièrement intéressante dans la mesure où non
seulement elle contribue à fixer l’interprétation à donner aux dispositions de l’article L. 521-2 du Code de justice administrative (CJA) relatif au référé-liberté mais
aussi où elle traite de la conciliation entre
la défense d’une liberté fondamentale, en
l’espèce la liberté du commerce et de
l’industrie, et les nécessités de la tranquillité publique.
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Jean-Luc PISSALOUX
Maître de conférences à l’Université
du Littoral - Côte d’Opale
Il convient tout d’abord de rappeler brièvement les faits de l’espèce.
Par un arrêté du 13 avril 2005, le maire de
la commune de Houilles a, sur le fondement de ses pouvoirs de police générale,
pris une mesure s’analysant comme une
interdiction d’ouverture par la société
Cassandre d’un sex shop, au motif que
l’établissement projeté portait atteinte à
la tranquillité de la population et se trouvait situé à proximité d’équipements destinés à la jeunesse. La société Cassandre a
alors saisi, en application de l’article L. 521-2 du CJA, le juge des référés du
tribunal administratif de Versailles : celuici, par une ordonnance du 12 mai 2005, a
fait droit à la requête de ladite société tendant à ce qu’il soit enjoint au maire de
Houilles de suspendre l’exécution de son
arrêté du 13 avril 2005. C’est cette ordonnance que le juge des référés du Conseil
d’Etat, statuant avec une remarquable
rapidité il convient de la souligner, casse
avec sa décision du 8 juin 2005.
Cette décision permet de préciser une
nouvelle fois les conditions de mise en
œuvre du référé-liberté (illustrée par
d’importantes
décisions
survenues
récemment ; cf. notamment : CE, ordonnance du 28 février 2003, Commune de
Pertuis, req. nº 254411, publié au Recueil
Lebon ; AJDA 2003, p. 1171, note P. Cassia
et A. Béal ; -, 9 avril 2004, M. Vast c/ Commune de Drancy, req. nº 263759, publié
au Recueil Lebon ; Gazette du Palais,
nº 11, 12 janvier 2005, note J.-L. Pissaloux
et D. Linotte) au regard des nécessités de
l’ordre public : plus précisément en
l’espèce, étaient en jeu, d’une part, la
défense d’une liberté expressément qualifiée de liberté fondamentale dans l’arrêt,
à savoir la liberté du commerce et de
l’industrie, et, d’autre part, les pouvoirs
de police administrative générale du
maire agissant au titre de la police de la
tranquillité publique.
Quels étaient les arguments en présence ?
D’un côté, la société Cassandre soutenait
que l’arrêté municipal du 13 avril 2005
portait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté du commerce et
de l’industrie et que la condition
d’urgence était bien remplie ; elle soulignait en effet qu’elle avait réalisé des travaux d’aménagement importants, qu’elle
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
avait signé un bail commercial l’engageant à payer à son bailleur un loyer pour
une durée minimale de trois ans et que
l’arrêté litigieux faisait obstacle à l’exercice
de l’activité dont elle tirait ses revenus ;
elle soulignait encore qu’aucun impératif
d’ordre public ne commandait l’interdiction de son activité, et qu’aucune circonstance locale particulière ne justifiait selon
elle la décision contestée ; elle faisait
observer que les pétitions invoquées par
la commune pour justifier de l’opposition
de la population locale étaient postérieures à l’intervention de l’arrêté, que la décision du maire ne pouvait pas non plus être
prise sur le fondement des dispositions
de l’article 99 de la loi du 30 juillet 1987 (le
magasin n’est pas situé dans un secteur
particulièrement fréquenté par des
mineurs) ou de l’article 227-24 du Code
pénal, et que dès lors, elle était dépourvue
de base légale.
De l’autre, la commune mettait en avant
plusieurs points : en premier lieu, l’existence d’une école maternelle et d’une
école primaire situées non loin du commerce en question ; en deuxième lieu, à
proximité de celui-ci, l’aménagement en
cours mais très avancé d’un « pôle jeunesse » destiné à abriter des services
d’animation, d’information et de loisirs à
l’intention des jeunes ; et enfin, en troisième et dernier lieu, l’hostilité de la
population à l’égard de l’implantation de
la boutique, hostilité concrétisée par une
pétition signée à la date de l’audience
publique par 1 600 personnes.
En l’espèce, le problème était en somme
de savoir si, indépendamment des dispositions législatives particulières constituées par l’article 99 de la loi du 30 juillet
1987 modifiée et l’article 227-24 du Code
pénal, le maire de la commune avait, dans
l’exercice de ses pouvoirs de police administrative générale, pris une mesure
d’interdiction grossièrement illégale susceptible de justifier la mise en œuvre des
dispositions de l’article L. 521-2 du CJA
relatif au référé-liberté.
Rappelons les principales dispositions de
l’article L. 521-2 du CJA : « Saisi d’une
demande en ce sens justifiée par
l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à
laquelle une personne morale de droit
public (...) aurait porté, dans l’exercice de
l’un de ses pouvoirs, une atteinte grave
et manifestement illégale (...) ». La mise en
œuvre du référé-liberté requiert donc la
réunion des conditions cumulatives suivantes : il faut une atteinte à une liberté
fondamentale ; il faut que cette atteinte
soit grave et manifestement illégale ; et il
faut enfin que la demande soit justifiée
par l’urgence, laquelle peut résulter de
circonstances particulières (cf. jurisprudence Commune de Pertuis précitée)
et semble être d’une signification différente de celle exigée pour que soit
prononcée une suspension au titre de
l’article L. 521-1 du CJA (cf. même
jurisprudence).
En l’espèce, il apparaît qu’en raison des
circonstances locales particulières ci-dessus rapportées, lesquelles doivent
s’apprécier à la date à laquelle le juge des
référés se prononce (apport de la décision, d’où prise en compte de la pétition
postérieure à l’arrêté attaqué), « la mesure
prise par le maire de Houilles, qui repose
sur des motifs qui sont au nombre de
ceux que les autorités chargées de la
police municipale peuvent légalement
retenir, apparaît fondée sur des éléments
d’appréciation tirés de la tranquillité de la
population et de la protection de la jeunesse qui ne font pas apparaître
d’atteinte manifestement illégale à la
liberté fondamentale que constitue la
liberté du commerce et de l’industrie » :
dès lors, l’ordonnance de suspension du
premier juge des référés n’était pas justifiée, et est en conséquence annulée.
Dans cette affaire, le juge des référés du
Conseil d’Etat a fait en quelque sorte, au
vu des circonstances locales appréciées à
la date de la décision, la balance entre les
nécessités de l’ordre public et de la tranquillité publique et l’objectif de protection
de la jeunesse d’une part, et la défense
d’une liberté fondamentale, à savoir la
liberté du commerce et de l’industrie,
d’autre part, pour estimer qu’en l’espèce,
il n’y avait pas d’atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté : de ce
point de vue, cette décision apparaît dans
le prolongement de la jurisprudence bien
connue Société Les films Lutetia (CE, Sect.,
18 décembre 1959, Rec. p. 693 ; AJDA
1960, p. 21, chr. Combarnous et Galabert ;
S. 1960, p. 94, concL. Mayras).
Commune - Expropriation d’utilité
publique
CE, 22 juin 2005, Association Clermont-Ferrand, Transport en commun et Emploi de
l’agglomération, req. nos 264294, 264771 et
274798 (décision mentionnée aux Tables du
Recueil Lebon) [extraits]
Considérant que, sous le nº 264294, l’Association Clermond-Ferrand, Transport en
commun, M. YX et la société Centre Spécialités pharmaceutiques demandent l’annulation du décret du 4 décembre 2003 déclarant d’utilité publique les acquisitions et
travaux nécessaires à la réalisation par le
syndicat mixte des transports en commun
de l’agglomération clermontoise de la première ligne de tramway de l’agglomération
clermontoise ; que, sous le nº 264771, la
SA Transpal Auvergne, la Confédération
générale des petites et moyennes entreprises
du
Puy-de-Dôme,
l’Association
Clermont-Ferrand, Transport en commun,
demandent l’annulation de la délibération
en date du 19 décembre 2003 par laquelle
le syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération clermontoise a
décidé, dans le cadre de la réalisation du
projet de création de la première ligne de
tramway, de porter de 1,6 à 1,7 % à compter du 1er mars 2004 le taux du versement
destiné au financement des transports en
commun, dit versement transport ; que,
sous le nº 274798, M. et Mme Y, M. BY et
Mme Y demandent l’annulation de l’arrêté
du 3 septembre 2004 par lequel le préfet
du Puy-de-Dôme a déclaré cessibles les
immeubles nécessaires à la réalisation de la
première ligne de tramway de l’agglomération clermontoise ; que ces dossiers présentent à juger des questions semblables ;
qu’il y a lieu, de les joindre et de statuer par
une même décision sur l’ensemble des
décisions attaquées ;
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En ce qui concerne les conclusions tendant
à l’annulation du décret du 4 décembre
2003 portant déclaration d’utilité publique
du projet :
Sur les interventions :
Considérant que Mmes Y et Y, MM. Y, CY,
MM. et Mmes ZY et BY ont intérêt à demander l’annulation du décret du 4 décembre
2004 déclarant d’utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires à la réalisation
par le syndicat mixte des transports en
commun de la première ligne de tramway
de l’agglomération clermontoise en application duquel a été pris l’arrêté du 4 août
2004 prononçant la cessibilité des terrains
nécessaires à la réalisation de la ligne de
tramway dont ils demandent par ailleurs
l’annulation ; que leur intervention dans
l’affaire nº 264294 est par suite recevable ;
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité des requêtes :
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Sur le moyen tiré de l’irrégularité de
l’enquête publique :
Considérant qu’aux termes de l’article 11-8
du Code de l’expropriation pour cause
d’utilité publique : « (...) les observations sur
l’utilité publique de l’opération peuvent
être consignées par les intéressés directement sur les registres d’enquête. Elles peuvent également être adressées par écrit, au
lieu fixé par le préfet pour l’ouverture de
l’enquête, au commissaire-enquêteur ou
au président de la commission d’enquête,
lequel les annexe au registre mentionné à
l’article précité » ; qu’il ressort des pièces du
dossier que les observations adressées le
17 juin 2002 à la commission par M. YX ont
été enregistrées et annexées aux registres
ouverts par les commissaires-enquêteurs ;
qu’aucune disposition ne fait obligation
d’annexer ces observations au rapport de
la commission d’enquête ;
Sur les moyens tirés de l’insuffisance du
dossier soumis à l’enquête publique :
En ce qui concerne l’étude d’impact :
Considérant qu’aux termes de l’article 2 du
décret du 12 octobre 1977 pris en application de l’article L. 122-1 du Code de l’environnement : « (...) L’étude d’impact présente successivement : (...) 2º Une analyse
des effets directs et indirects, temporaires
et permanents sur l’environnement (...) et
le cas échéant sur la commodité du voisinage (...) ou sur l’hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité publique ; (...) 6º Pour les
infrastructures de transport, l’étude
d’impact comprend en outre une analyse
des coûts collectifs des pollutions et nuisances et des avantages induits pour la collectivité ainsi qu’une évaluation des
consommations énergétiques résultant de
l’exploitation du projet, notamment du fait
des déplacements qu’elle entraîne ou permet d’éviter ; que le document soumis à
l’enquête publique contient en particulier
dans sa partie intitulée impacts directs et
indirects permanents et temporaires
l’ensemble des analyses qui en vertu du 2º
de l’article 2 du décret du 12 octobre 1977
doivent obligatoirement figurer dans
l’étude d’impact au titre des effets temporaires et permanents sur l’environnement
urbain et la santé publique ; qu’il comporte
en outre les données prévues au 6º de cet
article en matière d’analyse des coûts de
pollution ainsi que l’évaluation des consommations énergétiques résultant de l’exploitation du nouvel équipement ; qu’il analyse
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chronique administrative
en particulier avec une précision suffisante
compte tenu du caractère prévisionnel des
données en cause l’incidence de la mise en
exploitation du tramway sur les autres
modes de transport et sur la circulation
générale ;
En ce qui concerne les éléments du dossier
relatifs au coût du projet :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 11-2 du Code de l’expropriation pour
cause d’utilité publique : « L’expropriant
adresse au préfet pour être soumis à
l’enquête un dossier qui comprend obligatoirement : I.- Lorsque la déclaration d’utilité publique est demandée en vue de la
réalisation de travaux ou d’ouvrages :
5º L’appréciation sommaire des dépenses
(...) 7º L’évaluation mentionnée à l’article 4
du décret nº 84-617 du 17 juillet 1984 pris
pour l’application de l’article 14 de la loi
nº 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs, lorsque les
travaux constituent un grand projet
d’infrastructures (...) » ; que selon l’article 4
du décret du 17 juillet 1984 : « L’évaluation
des grands projets d’infrastructure comporte : 1º Une analyse des conditions et des
coûts de construction, d’entretien,
d’exploitation et de renouvellement de
l’infrastructure projetée ; 2º Une analyse
des conditions de financement et, à chaque
fois que cela est possible, une estimation
du taux de rentabilité financière » ; qu’il
résulte de la combinaison de ces dispositions que le dossier d’enquête publique
relatif à un grand projet d’infrastructures
comporte deux analyses financières,
l’appréciation sommaire des dépenses
d’une part et l’évaluation économique et
sociale d’autre part, dont les finalités et les
méthodes de chiffrage sont distinctes ;
Considérant en premier lieu qu’il n’est pas
contesté que le coût global de la réalisation
initiale du projet, estimé à 257 millions
d’euros lors de l’enquête publique menée
du 10 juin au 12 juillet 2002, figure dans le
dossier soumis à l’enquête publique dans la
partie intitulée appréciation sommaire des
dépenses ; que si, selon des données portées ultérieurement à la connaissance des
requérants ce coût s’établissait à la date de
la déclaration d’utilité publique à 290 millions d’euros, cette évolution de 13 % ne
révèle pas une sous-évaluation manifeste
qui entacherait la régularité de l’enquête
publique ;
Considérant, en second lieu, que l’évaluation économique et sociale figurant à la
page 266 du dossier d’enquête compare les
coûts et recettes annuels d’exploitation de
l’ensemble du réseau de transports publics,
selon qu’il inclut ou non le tramway projeté ; qu’il en ressort d’une part que les
coûts d’exploitation respectifs de la ligne
de tramway et du réseau d’autobus si cette
ligne est réalisée seront de 41,1 millions de
francs (soit 6,27 millions d’euros) et de
159 millions de francs (soit 24,2 millions
d’euros), soit un coût d’exploitation total
de 200,1 millions de francs (soit 30,51 millions d’euros) qui, rapproché de recettes
d’exploitation de 105 millions de francs (soit
16 millions d’euros), implique un déficit
d’exploitation annuel de 95,1 millions de
francs (soit 14,5 millions d’euros), et d’autre
part que, en l’absence de tramway, le coût
et les recettes d’exploitation du seul réseau
d’autobus s’élèveraient respectivement à
167 millions de francs (25,46 millions
d’euros) et 72 millions de francs (soit
10,98 millions d’euros), laissant donc
inchangé le déficit d’exploitation de 95 millions de francs (soit 14,48 millions d’euros),
pour des charges d’exploitation inférieures
de 32,8 millions de francs (soit 5 millions
d’euros) ; que si ne figure pas dans ce chiffrage une estimation distincte des coûts de
renouvellement de l’infrastructure, cette
circonstance ne l’entache pas d’insuffisance, dès lors qu’il est indiqué au paragraphe 3 de la page 265 du même document
que les durées respectives de vie des infrastructures, du matériel roulant et des équipements retenues pour évaluer le coût de
leur renouvellement, inclus dans les calculs,
sont respectivement de 50, 30 et 15 ans et
que le coût correspondant contenu dans
l’estimation des coûts annuels d’exploitation peut se déduire de ces informations ;
qu’il suit de là que doit être écarté le moyen
tiré de la méconnaissance de l’article 4 du
décret du 17 juillet 1984 ;
En ce qui concerne les autres indications du
dossier d’enquête publique :
Considérant, en premier lieu, que l’indication que le matériel roulant retenu pour le
projet de transport en cause n’a pas encore
été exploité sur un réseau urbain n’est pas
une mention obligatoire du dossier
d’enquête ; que le défaut de cette mention
n’entache donc pas la régularité de
l’enquête publique ;
Considérant, en deuxième lieu, que s’il ressort des pièces du dossier que le projet
déclaré d’utilité publique n’était plus, à la
date du décret attaqué, assuré de bénéficier de la subvention de l’Etat de l’ordre de
24 % du coût total d’opération que mentionnait l’appréciation sommaire des
dépenses figurant dans le dossier
d’enquête, cet élément nouveau relatif au
financement, eu égard notamment aux
possibilités de recours à l’emprunt et de
hausse du versement de transport, n’impliquait pas en l’espèce une modification
substantielle des conditions d’exploitation
de l’ouvrage ni de l’économie générale du
projet, dont le coût global n’était pas sensiblement accru et dont les caractéristiques
physiques demeuraient inchangées, et ne
rendait donc pas nécessaire de procéder à
une nouvelle enquête avant la déclaration
d’utilité publique ; qu’ainsi, cette circonstance n’est pas de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie ;
Sur la légalité interne du décret :
En ce qui concerne la compatibilité avec le
plan de déplacement urbain de la ville de
Clermont-Ferrand :
Considérant que le moyen tiré de ce que la
déclaration d’utilité publique attaquée
serait incompatible avec le plan local de
déplacements urbains manque en tout état
de cause en fait ;
En ce qui concerne l’utilité publique du
projet :
Considérant qu’une opération ne peut être
légalement déclarée d’utilité publique que
si les atteintes à la propriété privée, le coût
financier et, éventuellement les inconvénients d’ordre social ou l’atteinte à d’autres
intérêts publics qu’elle comporte ne sont
pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle
présente ;
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Considérant que la création de la première
ligne de tramway de Clermont-Ferrand a
pour objet d’améliorer sensiblement la desserte et la sécurité dans cette agglomération de 260 000 habitants, tout en diminuant les nuisances sonores ; que ni les
atteintes alléguées à la propriété et au
cadre de vie des riverains ou à la fluidité de
la circulation des véhicules particuliers et de
services publics, ni le coût du projet, s’élevant à 290 millions d’euros y compris les
travaux de reconfiguration du domaine
public rendus nécessaires par le projet, ne
sont excessifs au regard des avantages
attendus de l’opération ; que celle-ci n’est
donc pas dépourvue d’utilité publique ;
En ce qui concerne le tracé retenu :
Considérant que si les requérants soutiennent que d’autres tracés auraient offert des
avantages supérieurs à ceux du tracé
retenu par le décret attaqué, au prix
d’inconvénients moindres et qu’ainsi aurait
été commise une erreur manifeste
d’appréciation, il n’appartient pas au
Conseil d’Etat, statuant au contentieux,
d’apprécier l’opportunité du tracé retenu ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés
à demander l’annulation du décret
attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation
de l’arrêté de cessibilité :
Considérant que les requérants demandent
l’annulation de l’arrêté du 3 septembre
2004 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme
a déclaré cessibles les immeubles nécessaires à la réalisation de la première ligne de
tramway de l’agglomération clermontoise
par suite de l’illégalité dont se trouve selon
eux affecté le décret du 4 décembre 2003
déclarant d’utilité publique le projet de
construction de cette infrastructure de
transport ; qu’ils reprennent à l’appui de
leur argumentation les mêmes moyens que
ceux qui viennent d’être écartés ; que par
suite leurs conclusions dirigées contre
l’arrêté mentionné ci-dessus ne peuvent
qu’être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation
de la délibération du syndicat mixte relevant le taux du versement transport :
Considérant que la SA Centre Spécialités
pharmaceutiques tient de sa qualité de
contribuable local un intérêt à l’annulation
de la décision attaquée ; que son intervention dans l’affaire nº 274798 est, par suite,
recevable ;
Considérant, en premier lieu, que la délibération attaquée en date du 19 décembre
2003 du comité syndical du syndicat mixte
de transports en commun de l’agglomération clermontoise comporte le nombre des
personnes ayant délibéré ; qu’aucune disposition de ses statuts n’obligeait ledit
comité à mentionner dans sa délibération
son effectif théorique ; qu’ainsi, le moyen
tiré de ce que les mentions de cette décision ne feraient pas la preuve de la régularité de la composition de l’instance qui l’a
rendue, doit être écarté ; qu’il n’est pas allégué que les conditions statutaires de quorum n’auraient pas été remplies ;
Considérant, en deuxième lieu, que si aux
termes de l’article L. 2333-67 du Code
général des collectivités territoriales, dans
sa rédaction applicable à la date de la
délibération attaquée, l’augmentation du
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
versement transport au-delà du taux de
1 % n’est possible qu’à la condition que
l’Etat ait notifié un engagement de principe
sur le subventionnement de l’investissement correspondant, il ressort des pièces
du dossier que cet engagement de principe
a bien été pris par l’Etat sous la forme d’une
lettre du 15 mai 2002 du préfet du Puy-deDôme annonçant l’éligibilité du projet au
régime des aides de l’Etat aux transports
collectifs urbains de province ; que si ce
régime d’aide a été ultérieurement supprimé par la loi de finances pour 2004, ainsi
d’ailleurs que la condition correspondante
pour le relèvement du versement transport, l’engagement de l’Etat sur la subvention à apporter au projet était constitué à
la date de la délibération attaquée ;
Considérant, en troisième lieu, que le
moyen tiré d’une violation de la règle
d’affectation du versement transport des
employeurs édictée par l’article L. 2333-68
du Code général des collectivités territoriales ne peut être utilement invoqué qu’à
l’encontre d’une délibération budgétaire
portant utilisation de cette recette et non
de la fixation du taux local de cette contribution, dont la légalité n’est soumise qu’à
la condition d’adoption d’un projet
d’infrastructure de transport conformément à l’article L. 2333-67 cité plus haut ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés
à demander l’annulation de la délibération
attaquée ; (...)
Contentieux
Contrôle de légalité - Délai de
recours - Loi du 12 avril 2000 (art. 18
à 20) - Inapplicabilité des articles 18 à
20 de la loi du 12 avril 2000 aux déférés
préfectoraux
CE, 1er juillet 2005, Ville de Nice, req.
nº 258509 (décision publiée au Recueil
Lebon) [extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article 18
de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits
des citoyens dans leurs relations avec les
administrations : « Sont considérées
comme des demandes au sens du présent
chapitre les demandes et les réclamations,
y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressés aux autorités administratives. » ; qu’aux termes de l’article 19 de la
même loi : « Toute demande adressée à une
autorité administrative fait l’objet d’un
accusé de réception délivré dans des conditions définies par décret en Conseil d’Etat.
(...) Les délais de recours ne sont pas opposables à l’auteur d’une demande lorsque
l’accusé ne réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier
alinéa. » ; qu’aux termes de l’article 20 de la
même loi : « Lorsqu’une demande est
adressée à une autorité administrative
incompétente, cette dernière la transmet à
l’autorité administrative compétente et en
avise l’intéressé (...) » ;
Considérant que le législateur, qui a eu
pour objectif d’améliorer et d’accélérer le
traitement des demandes adressées par les
usagers des administrations, n’a pas
entendu régir par ces dispositions les relations entre les représentants de l’Etat dans
les départements et les régions et les collectivités territoriales dans le cadre du
contrôle de légalité ; qu’il en résulte que ces
dispositions ne sont pas applicables aux
demandes adressées par le représentant de
l’Etat aux collectivités territoriales dans ce
cadre ;
Considérant qu’il suit de là qu’en jugeant
que le préfet des Alpes-Maritimes était
recevable à demander au tribunal administratif de Nice, par un déféré en date du
1er juillet 2002, l’annulation de la délibération du conseil municipal de Nice en date
du 20 décembre 2001 et de l’avenant nº 20
à la convention de concession des 11 et
24 juillet 1952 modifiée signé le 24 décembre 2001, au motif qu’aucun délai de
recours contentieux ne lui était opposable
faute pour la ville de Nice, destinataire du
recours administratif qu’il avait formé le
22 février 2002 à l’encontre de cette délibération, de lui avoir adressé l’accusé de
réception prévu à l’article 19 de la loi du
12 avril 2000, et que le préfet était, dès lors,
recevable à demander la suspension de ces
actes, alors que les dispositions de cet article n’étaient pas applicables à cette
demande du préfet des Alpes-Maritimes à
la ville de Nice dans le cadre du contrôle de
légalité, la cour administrative d’appel de
Marseille a entaché son arrêt d’une erreur
de droit ; que, par suite, la ville de Nice est
fondée à demandé qu’il soit annulé pour ce
motif ;
Considérant qu’aux termes de l’article
L. 821-2 du Code de justice administrative,
le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation
d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort peut
« régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une
bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de
l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au titre
de la procédure de référé engagée ; (...)
Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 2131-6 du Code général
des collectivités territoriales : « Le représentant de l’Etat peut assortir son recours
d’une demande de suspension. Il est fait
droit à cette demande si l’un des moyens
invoqués paraît, en l’état de l’instruction,
propre à créer un doute sérieux quant à la
légalité de l’acte attaqué. (...) » ;
Considérant que, ainsi qu’il a été dit, les dispositions de l’article 20 de la loi du 12 avril
2000 relative aux droits des citoyens dans
leurs relations avec les administrations, en
vertu desquelles une autorité administrative à qui est adressée une demande ne
relevant pas de sa compétence la transmet
à l’autorité administrative compétente et
en avise le demandeur, ne sont pas applicables aux demandes adressées par le
représentant de l’Etat aux collectivités territoriales dans le cadre du contrôle de légalité ; que, par suite, la ville de Nice, qui ne
détenait plus la compétence en matière de
distribution de l’eau depuis le 1er janvier
1982, n’était pas tenue de transmettre à la
Communauté d’agglomération Nice-Côte
d’Azur, à qui cette compétence avait été
transférée, le recours gracieux que le préfet des Alpes-Maritimes avait formé le
22 février 2002 à l’encontre de la délibération de son conseil municipal en date du
20 décembre 2001 qui autorisait le maire à
signer l’avenant au contrat de concession
pour l’exploitation du service public de
l’eau dans la ville de Nice ; qu’ainsi, le
recours administratif du préfet des
155
Alpes-Maritimes, adressé à une autorité
incompétente, n’a pu conserver le délai du
recours contentieux ; que dès lors, son
déféré, formé contre la délibération du
conseil municipal du 20 décembre 2001 et
l’avenant du 24 décembre 2001, enregistré
le 1er juillet 2002, était tardif et, par suite,
irrecevable ; qu’ainsi, la ville de Nice et la
Communauté d’agglomération de NiceCôte d’Azur sont fondées à soutenir que
c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée,
le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice a suspendu
l’exécution de l’avenant du 24 décembre
2001 à la concession des 11 et 24 juillet 1952
modifiée ; (...)
Contrats et marchés
Contrats - Contrat entre un EPIC et
une société commerciale - Présence
de clauses exorbitantes de droit
commun - Contrat administratif
TC, 20 juin 2005, Société hôtelière guyanaise, req. nº 3446 (décision mentionnée
aux Tables du Recueil Lebon) [extraits]
Considérant que le Centre national d’études spatiales (CNES), propriétaire à Kourou
(Guyane) d’un hôtel et du terrain attenant,
a, à la suite d’une consultation ayant pour
objet l’extension de cet hôtel dont la capacité était devenue insuffisante en raison du
développement de l’activité spatiale, signé
en 1989 avec le groupe Factorim-Vidal,
agissant pour le compte de la Société hôtelière guyanaise (SHG) devant être créée,
divers accords et en particulier deux promesses de vente de l’hôtel existant et du
terrain destiné à son extension ; qu’en
1991, la société SHG a assigné le CNES, qui
avait renoncé à la poursuite de l’opération,
aux fins d’obtenir réparation de son
préjudice ;
Considérant que le CNES est, selon la loi du
19 décembre 1961 qui l’institue, un établissement scientifique et technique de caractère industriel et commercial assurant sa
gestion financière et présentant sa comptabilité selon les usages du commerce, et
qu’en conséquence, les contrats qu’il signe
sont soumis au droit privé , à l’exception de
ceux comportant des clauses exorbitantes
du droit commun ; que contiennent de telles clauses les accords conclus qui confèrent au CNES un pouvoir de contrôle sur
son cocontractant, en lui imposant des
modalités d’exploitation, en se réservant,
postérieurement à la vente, l’appréciation
de la qualité du projet architectural ainsi
que des normes et du prix des chambres
de l’ensemble hôtelier dont la réalisation
était à entreprendre avant la réitération des
actes définitifs de vente, en garantissant un
taux d’occupation des locaux, et en prévoyant des conditions de remboursement
pouvant aboutir à une revente en faveur du
CNES à un coût déterminé et non au prix
du marché ; qu’il suit de là que la demande
en réparation relève de la compétence des
juridictions de l’ordre administratif ; (...)
Note
Le principal intérêt de cette décision du
Tribunal des conflits Société hôtelière
guyanaise c/ CNES, qui sera mentionnée
aux Tables du Recueil Lebon, est de
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
donner une illustration par l’exemple de
la notion délicate à cerner de « clauses
exorbitantes du droit commun ».
Rappelons brièvement d’abord les faits de
l’espèce.
Dans cette affaire, la Société hôtelière
guyanaise (SHG) avait assigné devant les
juridictions judiciaires le Centre national
d’études spatiales (CNES), « établissement
scientifique et technique de caractère
industriel et commercial », afin d’être
dédommagée du préjudice par elle subi,
à la suite de la rupture par le CNES de
relations contractuelles nouées en vue de
l’extension et de la rénovation d’un hôtel
à Kourou. Mais la cour d’appel de Paris
devait se déclarer incompétente le
5 novembre 1996 ; et la Cour de cassation
rejetait le pourvoi contre cette décision le
16 mars 1999 (cf. Cass. civ. 1re, 16 mars
1999, B. civ. 1999 I, nº 102).
La Cour de cassation a en effet estimé que
le pouvoir de contrôle du CNES sur la SHG
caractérisait l’existence d’un contrat
administratif.
La décision du Tribunal des conflits, intervenue sur renvoi du tribunal administratif
de Cayenne, statue dans le même sens
que la Cour de cassation en énumérant
les diverses clauses, qui, en conférant au
CNES un pouvoir de contrôle sur la SHG,
constitue un ensemble de clauses
exorbitantes.
On le sait, tous les contrats conclus par les
personnes publiques ne sont pas des
contrats administratifs : nombre d’entre
eux sont de droit privé. Dans le silence de
la loi, la jurisprudence qualifie de contrats
administratifs les contrats qui comportent au moins une clause exorbitante du
droit commun ou qui ont un lien étroit
avec l’exécution du service public, étant
rappelé que le critère de la clause exorbitante s’est dégagé à partir du fameux
arrêt Société des granits porphyroïdes des
Vosges (CE, 31 juillet 1912, concL. Léon
Blum), même si l’expression n’y est point
employée.
La jurisprudence s’est rarement risquée à
donner une définition de cette notion, à
l’exception notable d’une décision du Tribunal des conflits Société des combustibles (TC, 19 juin 1952, Rec. p. 628), où l’on
peut lire cette observation : « La situation
réciproque des contractants n’est pas de
celle qui, normalement, serait résultée
d’un accord conclu conformément au
droit commun ».
En vérité, les conclusions du commissaire
du Gouvernement Léon Blum sur l’arrêt
Société des granits porphyroïdes des Vosges restent toujours d’actualité pour
essayer de cerner cette notion, et sont du
reste souvent reprises par la doctrine (cf.
notamment, R. Chapus, Droit administratif général, tome I, Précis Domat Montchrestien) : il peut s’agir soit de clauses
mettant en œuvre des prérogatives de
puissance publique, soit de clauses inusuelles dans les conventions entre personnes privées.
Néanmoins, l’incertitude subsiste dans
bon nombre de cas, d’autant que les clauses réputées exorbitantes – car anormales – se sont banalisées comme l’illustrent
en particulier les « contrats » d’assurances.
C’est pourquoi l’on ne peut plus se fier à
la présence d’une seule clause exorbitante
pour estimer que tel ou tel contrat est
administratif : il faut en fait analyser l’économie générale du contrat et voir s’il comporte une série de clauses inusuelles en
droit privé, par exemple un cahier des
charges (cf. CE, 13 janvier 1984, Société
Dubigeon-Normandie, Rec. p. 533.).
Tel est le cas en l’espèce dans cette décision du Tribunal des conflits du 20 juin
2005, qui n’hésite pas à énumérer les
diverses clauses qui confèrent au CNES un
pouvoir de contrôle sur son cocontractant, à savoir :
– celle
imposant
d’exploitation ;
des
modalités
– celle réservant, postérieurement à la
vente, l’appréciation de la qualité du projet architectural ;
– celle réservant encore le contrôle des
normes et du prix des chambres de
l’ensemble hôtelier ;
– celle garantissant un taux d’occupation
des locaux ;
– et enfin celle prévoyant des conditions
de remboursement pouvant aboutir à
une revente en faveur du CNES à un coût
déterminé et non au prix du marché.
Il s’agit là d’une véritable batterie ou
panoplie de clauses jugées exorbitantes
du droit commun, dont il est intéressant
de noter qu’elle ne comprend point celle
pourtant souvent citée en exemple, à
savoir la possibilité de résiliation de plein
droit.
Cette décision du Tribunal des conflits est
aussi d’autant plus intéressante que les
EPIC (établissements publics à caractère
industriel et commercial) comme le CNES
ne sont plus soumis au Code des marchés
publics, et qu’en conséquence, les dispositions de l’article 2 de la loi MURCEF du
11 décembre 2001 aux termes duquel
« les marchés passés en application du
Code des marchés publics ont le caractère
de contrats administratifs » ne leur sont
point applicables.
Marché public - Procédure adaptée
(art. 28 du CMP) - Ampleur de la publicité dans le cadre de la procédure
adaptée - Référé précontractuel
CE, 7 octobre 2005, Région Nord - Pas-deCalais, req. nº 278732 (décision publiée au
Recueil Lebon) [extraits]
Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être
saisi en cas de manquement aux obligations
de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des contrats de partenariat,
des contrats visés au premier alinéa de
l’article L. 6148-5 du Code de la santé publique et des conventions de délégation de
service public. / Les personnes habilitées à
agir sont celles qui ont un intérêt à conclure
le contrat et qui sont susceptibles d’être
lésées par ce manquement (...). / Le président du tribunal administratif peut être
saisi avant la conclusion du contrat. Il peut
ordonner à l’auteur du manquement de se
conformer à ses obligations et suspendre
la passation du contrat ou l’exécution de
toute décision qui s’y rapporte (...). / Le
156
président du tribunal administratif ou son
délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés
pré-contractuels du tribunal administratif
de Lille qu’afin de sélectionner une entreprise pour le marché relatif à la programmation de l’implantation d’une antenne du
musée du Louvre à Lens, qu’elle s’apprêtait
à passer en application des dispositions de
l’article 28 du Code des marchés publics, la
région Nord - Pas-de-Calais a, le 7 janvier
2005, procédé à l’envoi d’un avis d’appel
public à la concurrence au journal La voix
du Nord et mis en ligne cet avis sur le site
Internet du Conseil régional ; que saisi, sur
le fondement de l’article L. 551-1 du Code
de justice administrative, le juge des référés
pré-contractuels du tribunal administratif
de Lille, après n’avoir admis la recevabilité
de la demande présentée par Mme X au
nom d’un collectif de professionnels qu’en
tant que cette dernière agissait en son nom
et en sa qualité de programmiste en architecture et en aménagement, ayant intérêt
à conclure le marché, a, par une ordonnance du 22 février 2005, annulé l’intégralité de la procédure de passation du marché
objet du litige ; que la région Nord – Pasde-Calais se pourvoit en cassation contre
cette ordonnance ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés précontractuels que l’avis d’appel public à la concurrence envoyé au journal La Voix du Nord et
mis en ligne sur le site Internet du Conseil
régional prévoyait que les dossiers de candidature devaient être envoyés par courrier
au service compétent ; que si un des candidats a, de sa propre initiative, envoyé son
dossier par télécopie, il a régularisé son
dossier par un envoi ultérieur par courrier,
lequel est parvenu au service compétent du
Conseil régional avant la date limite de présentation des offres ; que, dès lors, en relevant que la région Nord – Pas-de-Calais a
admis les candidatures adressées par télécopie, pour en déduire que, ayant ainsi
modifié au cours de la procédure de passation du marché les règles de recevabilité
des offres prévues dans l’avis d’appel à candidature, elle a manqué à ses obligations de
publicité et de mise en concurrence, le juge
des référés a dénaturé les pièces du dossier
qui lui était soumis ; que, par suite, sans
qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens de sa requête, la région Nord – Pasde-Calais est fondée à demander, pour ce
motif, l’annulation de l’ordonnance attaquée en tant qu’elle a accueilli la demande
présentée par Mme X en son nom et en sa
qualité de programmiste en architecture et
en aménagement ;
Considérant que, dans les circonstances de
l’espèce, il y a lieu, dans l’intérêt d’une
bonne administration de la justice, de
régler dans cette mesure l’affaire au titre
de la procédure de référé engagée par
Mme X devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article 28
du Code des marchés publics : « I. Les marchés passés selon la procédure adaptée
sont des marchés passés selon des modalités de publicité et de mise en concurrence
déterminées par la personne responsable
du marché en fonction de leur objet et de
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
leurs caractéristiques. Ces marchés sont
soumis aux seules règles prévues par le
titre Ier, le titre II, à l’exception du chapitre 5,
les I, II, III, IV, VI et VII de l’article 40 et l’article 79 du présent titre ainsi que les titres IV
à VI. (...) / II. – Pour les marchés de fournitures et de services, les seuils en dessous
desquels la procédure adaptée est possible
sont de 150 000 d HT pour l’Etat et de
230 000 d HT pour les collectivités territoriales. ; que le II de l’article 40 du Code des
marchés publics dispose que : Pour les marchés d’un montant compris entre
4 000 d HT et 90 000 d HT, la personne publique choisit librement les modalités de
publicité adaptées au montant et à la
nature des travaux, des fournitures ou des
services en cause. » ;
autres moyens de la demande de Mme X,
que celle-ci est fondée à soutenir que la
région Nord – Pas-de-Calais a méconnu les
obligations de publicité et de mise en
concurrence qui lui incombaient et à
demander, pour ce motif, l’annulation des
actes relatifs à la procédure de passation du
marché en litige ; (...)
Considérant qu’il résulte de ces dispositions
que les marchés passés selon la procédure
adaptée prévue par l’article 28 du Code des
marchés publics sont soumis, et ce, quel
que soit leur montant, aux principes généraux posés au deuxième alinéa du I de l’article premier du même code, selon lesquels
les marchés publics respectent les principes
de liberté d’accès à la commande publique,
d’égalité de traitement des candidats et de
transparence des procédures (...) par la
définition préalable des besoins de l’acheteur public, le respect des obligations de
publicité et de mise en concurrence et le
choix de l’offre économiquement la plus
avantageuse ; que si la personne responsable du marché est libre, lorsqu’elle décide
de recourir à la procédure dite adaptée, de
déterminer, sous le contrôle du juge administratif, les modalités de publicité et de
mise en concurrence appropriées aux
caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré
de concurrence entre les entreprises
concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé, ce choix, toutefois, doit lui
permettre de respecter les principes généraux précités qui s’imposent à elle ;
Il convient d’abord de rappeler brièvement les faits de l’espèce relatifs à l’ouverture à Lens en 2008 d’une antenne du
Musée du Louvre.
Considérant que le marché en cause a pour
objet la programmation de l’implantation
d’une antenne du musée du Louvre à Lens,
comprenant un bâtiment muséographique
et des annexes, pour laquelle l’avis d’appel
à la concurrence exigeait des candidats la
présentation de références récentes en
matière de conception et de programmation de grands musées ; que pour passer ce
marché, d’un montant prévisionnel de
35 000 c, selon la procédure adaptée prévue par l’article 28 du Code des marchés
publics, la région Nord – Pas-de-Calais a
choisi d’envoyer à la publication dans le
journal régional La Voix du Nord un avis
d’appel public à la concurrence le 7 janvier
2005 et de diffuser cet avis par la voie de
son site Internet pendant quinze jours ;
que, compte tenu de l’objet du marché, ces
mesures ne permettaient pas d’assurer une
publicité suffisante auprès des programmistes ayant vocation à y répondre de telle
sorte que soient respectés les principes de
libre accès à la commande et d’égalité de
traitement des candidats ; que la circonstance, qu’indépendamment de la volonté
de la région Nord – Pas-de-Calais, l’avis
d’appel public à la concurrence a été mis
en ligne sur le site du journal Le Moniteur
du bâtiment et des travaux publics, est sans
influence sur la régularité des mesures de
publicité auxquelles elle a procédé ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède,
et sans qu’il soit besoin d’examiner les
Note
L’arrêt du 7 octobre 2005 Région Nord –
Pas-de-Calais, qui sera publié au Recueil
Lebon, est intéressant dans la mesure où
il montre les limites de la liberté reconnue
aux collectivités publiques par l’article 28
du Code des marchés publics de 2004 en
matière de publicité préalable.
Dans ce but, la région Nord – Pas-de-Calais
a décidé de recourir à un architecte programmiste, dont le coût de la prestation
a été évalué à 35 000 c, et a lancé un avis
d’appel à la concurrence rendu public le
7 janvier 2005. Mme Véronique X, ellemême architecte-programmiste et présidente du Syndicat des programmistes en
architecture et en aménagement, a saisi
le juge des référés pré-contractuels du
tribunal administratif de Lille d’une
demande de suspension de la procédure
d’attribution du marché. Par une ordonnance du 22 février 2005, le juge des référés pré-contractuels a annulé tous les
actes de la procédure de passation du
marché projeté. La région Nord – Pas-deCalais s’est alors pourvue en cassation
contre cette ordonnance : le Conseil
d’Etat n’a pas accueilli ce pourvoi.
Le juge de cassation, après avoir considéré
que le premier juge avait dénaturé les pièces du dossier, a annulé l’ordonnance et
réglé l’affaire par évocation : il a dès lors
répondu à un moyen invoqué en première instance, à savoir l’inadéquation des
modalités de publicité et de mise en
concurrence choisies par la région ; il a en
effet jugé que celle-ci avait méconnu les
obligations de publicité et de mise en
concurrence qui lui incombaient.
En l’espèce, la région Nord – Pas-de-Calais
avait avisé les éventuels candidats selon
deux modalités : dès le 7 janvier 2005, elle
avait mis en ligne l’avis d’appel public à la
concurrence sur son site internet ; le
même jour, elle avait adressé pour publication l’avis à La Voix du Nord, quotidien
diffusé dans le Nord, le Pas-de-Calais et
l’Aisne, étant précisé que cet avis publié
le 11 janvier 2005 indiquait que les candidatures devaient être déposées avant le
21 janvier 2005. Il convient d’y ajouter la
publicité réalisée sur le site internet du
journal Le Moniteur faite à la seule initiative de celui-ci.
La Haute Juridiction a donc accueilli les
moyens invoqués par la requérante,
Mme X, pour lesquels les délais étaient
insuffisants et la publicité inadaptée : il a
en effet considéré que « compte tenu de
l’objet du marché, ces mesures ne permettaient pas d’assurer une publicité suffisante auprès des programmistes ayant
vocation à y répondre de telle sorte que
soient respectés les principes de libre
157
accès à la commande et d’égalité de traitement des candidats », et que « la circonstance, qu’indépendamment de la
volonté de la région Nord – Pas-de-Calais,
l’avis d’appel public à la concurrence
a(vait) été mis en ligne sur le site du journal Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics, (était) sans influence sur la
régularité des mesures de publicité auxquelles elle a(vait) procédé ».
Rappelons, que si pour les marchés de
fournitures de services et de travaux d’un
montant inférieur à 90 000 c hors taxes,
la personne publique choisit « librement »
les modalités de publicité adaptée à la
nature des prestations recherchées, elle
doit néanmoins respecter les principes
généraux de la commande publique, et se
trouve à cet égard soumise à un strict
contrôle du juge administratif.
C’était déjà le cas sous l’empire du précédent Code des marchés publics de 2001,
avec les marchés passés sans formalités
préalables créés par le décret du 7 mars
2001 (cf. CE, avis, 29 juillet 2002, Société
MAJ Blanchisserie, req. nº 246921).
C’est donc aussi désormais le cas avec les
marchés passés selon une procédure
adaptée, marchés prévus par l’article 28
du décret du 7 janvier 2004, et qui sont
des marchés passés sans formalités préalables au sens de l’article 9 de la loi MURCEF du 11 décembre 2001.
L’arrêt du 7 octobre 2005 ne constitue
point cependant une innovation jurisprudentielle, d’autant que le Conseil d’Etat
avait déjà annulé l’article 30 du nouveau
CMP qui prévoyait une absence totale de
publicité pour certains marchés (cf. CE,
23 février 2005, ATMMP, req. nº 264712 ;
cf. J.-L. Pissaloux, chron. de jurisprudence
administrative, La Revue du Trésor,
décembre 2005).
Fonction publique
Fonction publique territoriale Agent non titulaire - Contrat à durée
déterminée - Rupture - Motif d’intérêt général
CE, 8 juillet 2005, Mme D, req. nº 259615
(extraits)
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la ville
de Nantes et l’Institut national de la santé
et la recherche médicale (Inserm) ont
conclu, le 2 septembre 1991, une convention ayant pour objet de définir les conditions et les modalités de mise à disposition
par la ville de Nantes des personnels, des
locaux et des moyens nécessaires à la réalisation d’un programme épidémiologique
sur le pré-vieillissement conduite sous la
responsabilité de l’Inserm pour une durée
de six ans ; qu’en vertu des stipulations de
cette convention, l’Inserm devait remettre
à la ville de Nantes les fonds nécessaires à
la rémunération du personnel employé
pour cette étude, l’article 3.1.4 de cette
convention stipulant que « le personnel
rétribué dans le cadre de ce budget est
recruté par la ville de Nantes et soumis aux
obligations législatives et réglementaires
applicables en la matière » ; que dans le
cadre de cette convention, Mme D « a été
recrutée en qualité de vacataire », par un
arrêté du maire de Nantes en date du
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
4 juillet 1991 pour une durée de six ans à
compter du 15 mai 1991, pour effectuer
l’étude sur le vieillissement artériel ; que
Mme D a été licenciée par une décision de
l’Inserm en date du 14 décembre 1993 ;
qu’elle a saisi le tribunal administratif de
Nantes d’une demande tendant à la
condamnation solidaire de l’Inserm et de la
ville de Nantes, ou de l’un à défaut de
l’autre, à l’indemniser de son préjudice
financier et moral ; que sur appel de
l’Inserm, la cour administrative d’appel de
Nantes, par un arrêt en date du 20 juin
2003, après avoir annulé le jugement du
31 mai 2001 du tribunal administratif de
Nantes accueillant sa demande d’indemnisation de son préjudice moral et financier
a rejeté la demande formée devant ce dernier par Mme D ; que Mme D se pourvoit
contre cet arrêt ;
Considérant qu’aucune du décret du
15 février 1988 pris pour l’application de la
loi 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique territoriale et relatif aux agents
non titulaires de la fonction publique territoriale ne distingue entre les vacataires et
les contractuels, quant à la possibilité qu’a
l’Administration de résilier à tout moment
le contrat d’un agent non titulaire pour un
motif d’intérêt général ; que dès lors tant
le moyen tiré de l’erreur de qualification
juridique qu’aurait commise la Cour en
jugeant que Mme D était une vacataire et
non une contractuelle, que celui tiré de que
la Cour aurait dénaturé les termes de
l’arrêté du 4 juillet 1991 pour reconnaître à
l’intéressée la qualité de vacataire sont inopérants et doivent, par suite, être écartés ;
Considérant qu’en jugeant, par un arrêt
suffisamment motivé et exempt de dénaturation, que l’intérêt du service reposant
sur des motifs budgétaires et scientifiques
pouvait justifier qu’il soit mis fin avant le
terme de six ans aux fonctions de Mme D,
la Cour n’a pas omis de répondre au moyen
tiré de ce que la requérante bénéficiait d’un
contrat à durée déterminée de six ans et
non d’un régime de vacations ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui
précède que Mme D n’est pas fondée
à demander l’annulation de l’arrêt
attaqué ; (...)
Installations classées
Installations classées - Remise en état
du site - Prescription trentenaire
CE, Ass. , 8 juillet 2005, Société AlusuisseLonza France, req. nº 247976 (décision
publiée au Recueil Lebon) [extraits]
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres
moyens de la requête :
Considérant qu’aux termes de l’article premier de la loi du 19 juillet 1976 relative aux
installations classées pour la protection de
l’environnement, dont les dispositions ont
été reprises à l’article L. 511-1 du Code de
l’environnement : « Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers,
dépôts, chantiers et d’une manière générale les installations exploitées ou détenues
par toute personne physique ou morale,
publique ou privée, qui peuvent présenter
des dangers ou des inconvénients soit pour
la commodité du voisinage, soit pour la
santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit
pour l’agriculture, soit pour la protection
de la nature et de l’environnement (...) » ;
qu’aux termes de l’article 23 de la même
loi, dont les dispositions ont été reprises à
l’article L. 514-1 du Code de l’environnement : « I. – Indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées,
et lorsqu’un inspecteur des installations
classées ou un expert désigné par le ministre chargé des installations classées a
constaté l’inobservation des conditions
imposées à l’exploitant d’une installation
classée, le préfet met en demeure ce dernier de satisfaire à ces conditions dans un
délai déterminé. Si, à l’expiration du délai
fixé pour l’exécution, l’exploitant n’a pas
obtempéré à cette injonction, le préfet
peut : 1º Obliger l’exploitant à consigner
entre les mains d’un comptable public une
somme répondant du montant des travaux
à réaliser, laquelle sera restituée à l’exploitant au fur et à mesure de l’exécution des
mesures prescrites ; il est procédé au
recouvrement de cette somme comme en
matière de créances étrangères à l’impôt et
au domaine. Pour le recouvrement de cette
somme, l’Etat bénéficie d’un privilège de
même rang que celui prévu à l’article 1920
du Code général des impôts ; 2º Faire procéder d’office, aux frais de l’exploitant, à
l’exécution des mesures prescrites ; 3º Suspendre par arrêté, après avis de la commission départementale consultative compétente, le fonctionnement de l’installation,
jusqu’à exécution des conditions imposées
et prendre les dispositions provisoires
nécessaires » ; enfin, qu’il résulte des dispositions figurant à l’origine à l’article 34 du
décret du 21 septembre 1977, puis reprises
au I de l’article 34-1 depuis l’intervention du
décret du 9 juin 1994, qu’en cas de cessation définitive de l’activité, l’exploitant doit
remettre le site dans un état tel qu’il ne s’y
manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article L. 511-1 du
Code de l’environnement et que le préfet
peut lui imposer des prescriptions à cette
fin ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble des
dispositions de la loi du 19 juillet 1976, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du Code
de l’environnement, que l’obligation de
remise en état du site est applicable aux
installations de la nature de celles soumises
à autorisation en application du titre 1er du
livre V du Code de l’environnement alors
même qu’elles auraient cessé d’être exploitées avant l’entrée en vigueur de la loi du
19 juillet 1976, dès lors que ces installations
demeurent susceptibles de présenter les
dangers ou inconvénients énumérés à
l’article L. 511-1 de ce code ; que, dans
cette hypothèse, l’obligation de remise en
état du site imposée par l’article 34-I du
décret du 21 septembre 1977 pèse sur
l’ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu,
sur son ayant droit ; que lorsque l’exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un
tiers, cette cession ne l’exonère de ses obligations que si le cessionnaire s’est substitué à lui en qualité d’exploitant ;
Considérant qu’incombe ainsi à l’exploitant
d’une installation classée, à son ayant droit
ou à celui qui s’est substitué à lui, la mise
en œuvre des mesures permettant de
remettre en état le site qui a été le siège
de l’exploitation dans l’intérêt, notamment,
de la santé ou de la sécurité publique et de
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la protection de l’environnement ; que
l’Administration peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et,
en cas de défaillance de celles-ci, y faire
procéder d’office et à leurs frais ;
Considérant que les pouvoirs de police spéciale conférés par la loi à l’autorité administrative peuvent, par leur objet et leur
nature mêmes, être exercés par celle-ci à
toute époque et vis-à-vis de tout détenteur
d’un bien qui a été le siège de l’exploitation
d’une installation classée, dès lors que s’y
manifestent des dangers ou inconvénients
de la nature de ceux auxquels la législation
des installations classées a pour objet de
parer ;
Considérant, toutefois, que les principes
dont s’inspire l’article 2262 du Code civil
font obstacle à ce que le préfet impose à
l’exploitant, à son ayant droit ou à la personne qui s’est substituée à lui la charge
financière des mesures à prendre au titre
de la remise en état d’un site lorsque plus
de trente ans se sont écoulés depuis la date
à laquelle la cessation d’activité a été portée
à la connaissance de l’Administration, sauf
dans le cas où les dangers ou inconvénients
présentés par le site auraient été
dissimulés ;
Considérant, en outre, que cette même
charge financière ne peut être légalement
imposée au détenteur d’un bien qui n’a pas
la qualité d’exploitant, d’ayant droit de
l’exploitant ou qui ne s’est pas substitué à
lui en qualité d’exploitant ; que lorsque
l’autorité administrative entend exercer les
pouvoirs qu’elle tient de l’article L. 514-1 du
Code de l’environnement et de l’article 34-1 du décret du 21 septembre 1977
vis-à-vis du détenteur actuel du bien, elle
doit suivre la procédure prévue à l’article 18
du décret et prendre une décision
motivée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
qu’en jugeant que l’obligation pour l’ancien
exploitant de prendre en charge la remise
en état du site est insusceptible d’être prescrite, la cour administrative d’appel a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;
qu’ainsi la société Alcan Holdings France,
qui vient aux droits de la société Alusuisse
– Lonza France, est fondée à en demander
pour ce motif l’annulation ;
Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil
d’Etat de régler l’affaire au fond par application des dispositions de l’article L. 821-2
du Code de justice administrative ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction
que la société Alusuisse – Lonza France a
exploité à Marseille, jusqu’en 1968, une
usine dans laquelle elle procédait au traitement de la bauxite et que les résidus issus
de cette activité industrielle ont été déposés par ses soins, jusqu’en 1953, sur un terrain situé à proximité, chemin des Aygalades, constituant ainsi un crassier ; qu’elle a
cédé ce terrain pour partie à la société Unipol en 1980 et pour la partie restante à la
commune de Marseille en 1982 ; que le préfet des Bouches-du-Rhône, par des arrêtés
en date des 5 janvier 1994, 10 novembre
1995 et 14 novembre 1996, lui a imposé,
dans le cadre des pouvoirs qu’il tient de la
législation relative aux installations classées,
de réaliser des études et d’exécuter des travaux destinés à prévenir le risque d’éboulement du crassier situé sur la partie du terrain cédée à la commune ;
86e année - nº 2 - février 2006
chronique administrative
Sur les conclusions tendant à l’annulation
des arrêtés préfectoraux des 5 janvier 1994,
10 novembre 1995 et 14 novembre 1996 :
En ce qui concerne l’arrêté du 14 novembre
1996 :
Considérant qu’il résulte des dispositions
combinées des articles 10 et 18 du décret
du 21 septembre 1977 que, lorsque le préfet envisage de prendre un arrêté imposant
des prescriptions complémentaires à
l’exploitant ou à l’ancien exploitant d’une
installation classée, celui-ci a la faculté de se
faire entendre par le conseil départemental
d’hygiène ou de désigner à cet effet un
mandataire ; qu’il doit, à cette fin, être
informé par le préfet au moins huit jours à
l’avance de la date et du lieu de la réunion
du conseil et recevoir simultanément un
exemplaire des propositions de l’inspection
des installations classées ; que ces dispositions ont pour objet non seulement
d’informer l’intéressé de la date de la réunion du conseil, mais aussi de lui laisser un
délai suffisant pour préparer utilement ses
observations ; que, par suite, hors le cas où
l’Administration peut justifier de l’urgence
s’attachant à la réunion du conseil, leur
méconnaissance est de nature à entacher
d’irrégularité la procédure suivie ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction
que la lettre en date du 1er octobre 1996
par laquelle le préfet des Bouches-duRhône a informé la société Alusuisse –
Lonza France de ce que le conseil départemental d’hygiène se réunirait le 10 octobre
suivant ne lui est parvenue que le 4 octobre ; que l’Administration n’établit pas, ni
même n’allègue, que la méconnaissance du
délai de huit jours prescrit par l’article 10 du
décret du 21 septembre 1977 aurait été justifiée par l’urgence à réunir le conseil
départemental d’hygiène ; que, par suite, la
société Alcan Holdings France est fondée à
soutenir que c’est à tort que le tribunal
administratif de Marseille a rejeté les
conclusions dirigées contre l’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 14 novembre 1996 et à demander, outre l’annulation,
dans cette mesure, du jugement attaqué,
celle dudit arrêté ;
En ce qui concerne les arrêtés des 5 janvier
1994 et 10 novembre 1995 :
Considérant, en premier lieu, qu’ainsi qu’il
a été dit, l’obligation de remise en état du
site est applicable aux installations de la
nature de celles soumises à autorisation en
application du titre 1er du livre V du Code
de l’environnement alors même qu’elles
auraient cessé d’être exploitées avant
l’entrée en vigueur de la loi du 19 juillet
1976, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers
ou inconvénients énumérés à l’article L. 511-1 ; qu’il résulte de l’instruction,
d’une part, que l’usine exploitée par la
société Alusuisse – Lonza France aurait été
soumise à autorisation en application du
titre 1er du livre V du Code de l’environnement et l’était d’ailleurs sous l’empire de la
législation antérieure et, d’autre part, que
les résidus entreposés chemin des Aygalades
présentaient
un
risque
pour
l’environnement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’à la date
à laquelle le préfet a pris le premier des
arrêtés contestés, la cessation définitive de
l’exploitation de l’usine était intervenue
depuis moins de trente ans ; que, par suite,
la société Alcan Holdings France n’est pas
fondée à se plaindre de ce que le tribunal
administratif de Marseille a rejeté le moyen
invoqué par elle et tiré de la méconnaissance de la prescription trentenaire ;
Considérant, en troisième lieu, que l’obligation de remettre le terrain sur lequel la
société Alusuisse – Lonza France avait
déposé les résidus issus de son activité
industrielle dans un état tel qu’il ne s’y
manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l’article L. 511-1 du
Code de l’environnement reposait sur cette
société, la commune de Marseille ne s’étant
pas substituée à elle en qualité d’exploitant ; qu’est sans incidence à cet égard la
circonstance que la société a pris, avant la
cessation de l’exploitation, des précautions
pour assurer la stabilité du crassier et que
les risques de nuisance, et notamment de
pollution du ruisseau des Aygalades, ont
été aggravés par des travaux de terrassement et des dépôts faits par la commune
de Marseille, dès lors que ces risques sont
imputables à la présence même des résidus
en cause ; que la société ne peut utilement
invoquer le moyen tiré de ce que la commune de Marseille aurait méconnu l’obligation d’entretien des berges du ruisseau des
Aygalades qui pèserait sur elle en application du Code rural ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède
que la société Alcan Holdings France n’est
pas fondée à soutenir que c’est à tort que
le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation des arrêtés des
5 janvier 1994 et 10 novembre 1995 ;
Sur les conclusions tendant à ce que les
prescriptions contenues dans les arrêtés
attaqués soient imposées à la commune de
Marseille :
Considérant qu’ainsi qu’il a été dit l’obligation de remise en état du terrain pesait sur
la société Alusuisse – Lonza France ; que,
par suite, les conclusions tendant à ce que
les prescriptions fixées à cette fin par le préfet soient imposées à la commune de Marseille ne peuvent qu’être rejetées ;
Sur les frais de l’expertise ordonnée par le
juge des référés du tribunal administratif :
Considérant que le tribunal administratif de
Marseille, qui a estimé pouvoir statuer sur
la demande dont il était saisi sans attendre
que l’expert qu’il avait désigné remette son
rapport, s’est néanmoins abstenu de se
prononcer par le même jugement sur la
dévolution des frais de l’expertise ; qu’il a
ainsi méconnu la règle applicable, même
sans texte, à toute juridiction administrative, qui lui impartit, sauf dans le cas où un
incident de procédure y ferait obstacle,
d’épuiser son pouvoir juridictionnel ;
qu’ainsi le jugement en date du 5 février
1998 doit être, dans cette mesure, annulé ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de
statuer immédiatement sur la charge des
frais de l’expertise ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre ces
frais à la charge pour moitié de l’Etat et
pour moitié de la société Alcan Holdings
France ; (...)
쏋
BIBLIOGRAPHIE
La coopération intercommunale
5e édition
par Bernard PERRIN, administrateur territorial honoraire,
praticien reconnu des questions relatives à la décentralisation
et au droit de la fonction publique territoriale
La coopération intercommunale permet à plusieurs communes, sur le principe du volontariat des élus, de
se regrouper pour gérer en commun un certain nombre d’activités ou de services. Elle occupe aujourd’hui
une place essentielle dans le paysage local : au 1er janvier 2005, 88 % des communes appartenaient à un
groupement intercommunal à fiscalité propre.
Néanmoins, du fait de la grande variété des structures intercommunales existantes et de la diversité des
champs de compétence correspondants, il est parfois difficile de se repérer dans ce paysage particulièrement
composite.
Afin de clarifier l’ensemble de ces dispositifs, le présent ouvrage dresse un bilan complet de tous les
modes de coopération intercommunale existants, parmi lesquels les élus pourront choisir la formule la
mieux adaptée à leurs besoins : coopération contractuelle ou statutaire, communauté de communes ou d’agglomérations, etc.
Pratique, l’ouvrage s’appuie sur de nombreuses illustrations – cas d’école ou expériences concrètes – qui témoignent des initiatives
multiples et diverses que les données statistiques permettent de mieux qualifier.
Entièrement actualisée, notamment pour tenir compte des incidences de la loi du 13 août 2004, cette 5e édition offre à l’ensemble des
acteurs de la vie locale un panorama complet de la « carte intercommunale française ».
Berger-Levrault, 3, rue Ferrus, 75014 Paris - Site internet : www.editions.berger-levrault.fr
605 pages - Prix : 63 c - ISBN : 2-7013-1481-X
159
86e année - nº 2 - février 2006