Synthèse du Projet Scientifique et Culturel

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Synthèse du Projet Scientifique et Culturel
Dominique Séréna-Allier
Directrice du Museon Arlaten
Septembre 2007
Un parcours muséographique renouvelé :
le “ musée du musée ” ou les mises en scène de l’ethnographie provençale
Dans la plupart des cas de rénovation de musées de société, le parcours
muséographique s’organise à partir d’un propos scientifique, se référant à des
recherches ethnologiques ou anthropologiques, qui se construit dans l’espace à l’aide
d’objets, de documents iconographiques et audiovisuels. Il peut être sans difficulté
développé selon des scénarii multiples dans des lieux dont la configuration spatiale peut
être modifiée à loisir.
La refondation du propos du Museon Arlaten relèvera d’une autre logique.
En effet, ce musée d’ethnographie, l’un des tout premiers en France, porte encore
aujourd’hui témoignage de l’histoire de la discipline ethnographique et de son usage au
musée, de la fin du XIXème au milieu du XXème siècle. Au fil des salles se révèle
aussi, en filigrane, le rôle successif assigné aux collections, aux mises en scène
d’objets quotidiens pour décrire et/ou exalter une culture populaire, pour façonner une
identité régionale.
Aussi s’est imposée l’idée d’un parcours muséographique qui prendrait en compte, de
manière globale, la réalité matérielle de ce musée, né au XIXème siècle, grâce à un
poète.
Le “ Museon Arlaten ”, considéré comme “ objet patrimonial”, au même titre que les
objets provençaux d’usage réunis depuis plus d’un siècle, servira de trame à ce
nouveau parcours.
En effet, cette institution centenaire est devenue vitrine précieuse de l’histoire muséale
qui s’est construite autour de la Provence et s’avère être le fondement d’un discours
illustré, visant à faciliter l’approche du musée et à brosser le contexte culturel et
idéologique qui a permis sa création et ses mutations.
La rénovation du Museon Arlaten s’inscrit dans une patrimonialisation de l’héritage
légué par F.Mistral et sans cesse enrichi ; elle visera à préserver, voire à reconstituer
selon les cas, les présentations successives, et à en proposer une lecture
circonstanciée.
Le nouveau discours illustrera, à travers l’exemple provençal, l’histoire des musées
d’ethnographie en France, éclairera les mutations des disciplines scientifiques en usage
dans ce type d’institution et dressera un portrait nuancé de la Provence. Des mises en
scène significatives ou innovantes comme les dioramas, le mobilier muséographique
réalisé sur mesure au XIXème siècle, certains parti-pris didactiques (notamment les
cartels) seront conservés tout en s’adaptant aux exigences actuelles de la conservation
préventive et de la didactique.
Parcourir le “ Museon Arlaten ” rénové s’apparentera à un voyage étonnant dans le
temps des musées d’ethnographie tout en permettant une approche distanciée de la
Provence d’hier, approche qui s’impose dans une institution culturelle de ce type.
Cependant, le Museon Arlaten, dans la continuité de son histoire, se doit aussi d’étudier,
de réunir, de conserver et de restituer un patrimoine ethnographique en cours de
constitution.
Premier musée de ce type dans le Midi de la France, le Museon Arlaten, devenu musée
départemental, se doit tout à la fois d’enrichir les collections existantes, souvent
appréhendées comme des “ primitifs ” de l’ethnographie, mais aussi de réunir, à une
échelle géographique élargie, des collections matérielles et immatérielles révélant la
société contemporaine qui vit en Provence.
Or, de génération en génération, l’image de la Provence qui s’est élaborée, entre
mémoire et histoire, au sein du Museon Arlaten pour répondre aux aspirations du
mouvement félibréen et des érudits ethnographes, s’est construite autour de la notion de
tradition et a pris toute sa place dans la mémoire collective.
C’est encore une fois cette spécificité qui légitimera la constitution raisonnée de
patrimoine que mènera le Museon Arlaten dans les années à venir.
Les inventions de la tradition :
une thématique contemporaine
Matrice d’une “ tradition provençale ” définie au XIXème siècle, revivifiée dans les
années 1930, puis interprétée par une population locale, le Museon Arlaten s’attachera
à étudier dans les Bouches du Rhône le patrimoine matériel et immatériel, faisant
référence au concept de tradition, et en organisera une collecte raisonnée. Les
“ inventions de la tradition ” constitueront le fil rouge de recherches, de collectes
d’objets, d’images, d’enregistrements sonores ; elles feront l’objet de restitutions
diverses au public, au premier rang desquelles figure l’exposition temporaire.
La notion de “ tradition ”, telle que la définit notamment Gérard Lenclud, sera retenue :
“ la tradition n’est pas le produit du passé, une œuvre d’un autre âge que les
contemporains recevaient passivement mais, selon les termes de Pouillon, un point de
vue, que les hommes du présent développent sur ce qui les a précédés, une
interprétation du passé conduite en fonction de critères rigoureusement
contemporains ”.
« La tradition n’est plus ce quelle était » - revue Terrain, carnets du patrimoine
ethnologique n°9 1987 p110-123.
Une telle acception rendra possible l’interrogation de toute une société dans un espace
géographique en adéquation avec la mission départementale assignée dès l’origine au
musée.
Cette grille d’analyse permettra d’intégrer au propos contemporain du musée l’approche
des comportements sociaux, les représentations mentales des gens de cette région dés
lors qu’ils réinterprètent leur histoire, réinventent des traditions dont les origines sont
souvent à rechercher au sein même des premières collections du musée. Elle permettra
tour à tour d’aborder les nouveaux aspects d’une agriculture régionale, d’établir des
comparaisons, toujours fécondes, entre les nouveaux rituels festifs qui renvoient à une
certaine représentation de la Provence. Elle autorisera des enquêtes approfondies sur
les variations toutes contemporaines de vêtures, qui redéfinissent au présent une mode
régionale, adoptée pour perpétuer, pour soi et sous le regard des autres, un “ paraître
provençal ”.
Enfin, cette grille contribuera à dresser un inventaire raisonné des formes renouvelées
d’expressions : celles dont se réclament les artisans d’art (santonnier, ferronnier,
faïencier, ébéniste…) ou les professionnels du tourisme ; celles qui s’esquissent dans
les créations musicales contemporaines qui élaborent de nouveaux répertoires pour des
instruments d’autrefois, ou métissent musique traditionnelle et musique d’ailleurs, celles
qui se construisent sur la Provence, dans l’imaginaire collectif, entre discours et images
publicitaires.
Ces orientations ambitieuses ouvriront le Museon Arlaten à des collaborations élargies
avec les associations, les acteurs culturels de notre département, les lieux
d’enseignement, le réseau des musées de société…
Au fil des années, elles devraient permettre au nouveau Museon Arlaten d’affirmer sa
place prééminente dans la vie culturelle de notre région, au sein des communautés
scientifiques, mais surtout un tel projet devrait répondre aux attentes légitimes de toute
une population, tout en revisitant le propos mistralien…

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