René Collamarini, Louis Neillot et Jean

Transcription

René Collamarini, Louis Neillot et Jean
René Collamarini, Louis Neillot et Jean-Daniel Maublanc
Louis Neillot (1898-1973) est un peintre particulièrement apprécié pour ses paysages et ses natures
mortes, pour sa palette chaude et lumineuse.
En 1914, il a 16 ans, lorsque son père est mobilisé pour combattre dans la première Guerre
mondiale. Louis cesse alors ses études pour subvenir aux besoins de la famille avant d’être lui-même
mobilisé en 1917 : gazé, il est réformé après onze mois d’hôpital.
En 1919, il vient à Paris, travaille en usine la journée et se forme le soir dans une académie d’art. La
découverte de Cézanne est une révélation. A partir de 1921, il expose au Salon des Indépendants, et au
salon des Tuileries dès sa création en 1923.
Il obtient le prix Blumenthal en 1932 (Collamarini en fut lauréat en 1930).
Il s’installe à La Ruche en 1928 (Passage Dantzig), puis obtient un atelier à la Cité des artistes en
1934 (boulevard Arago, aujourd'hui Cité fleurie) où il vivra jusqu'à la fin de sa vie.
Son œuvre compte 3 000 huiles et aquarelles. Après une période cézannienne (1930-1945),
succède une période où la touche s'allonge, devient souple, puis ondulante, marquée par une exaltation de
plus en plus vive de la couleur. C’est une peinture pleine d’allégresse, de puissance explosive.
Est-ce au Salon des Tuileries que Louis Neillot et René Collamarini se sont rencontrés, toujours est-il
qu’ils noueront une amitié à vie, bien que de tempéraments différents.
Collamarini sculpta le buste de Neillot vers 1930 : un visage racé, aux traits anguleux, d’une beauté
romantique (écrira-t-il en 1975), taillé dans la pierre.
La représentation de Collamarini s’accorde avec les autres témoignages de l’époque : un dessin de 1929 de
Jean-Emile Du Marboré (1896-1933) et une photographie de l’artiste peignant sur le motif à Saint-Ouensur-Morin1. Pierre Béarn décrit lui aussi le peintre au début des années 1930 : « Grand, osseux, pâle, tête de
mystique sur un corps trop tôt poussé, Neillot, de ses petits yeux trop ancrés dans leurs orbites, peut
considérer l’avenir avec calme. »2
En 1935, Jean-Daniel Maublanc réunit les deux artistes dans un article élogieux de la Revue Pro
Medico, « Quelques artistes du temps présent : René Collamarini et Louis Neillot ».
Dans la monographie posthume consacrée à Louis Neillot en 1975, René Collamarini évoque
l’homme et le peintre :
« Devant les yeux un paysage, une vue de Cusset, son pays. Nous l'avions échangé, au temps déjà lointain
où je n'avais pu résister au désir de faire son buste, tant sa personne était attachante.
1
Les deux images sont extraites du livre Louis Neillot 1898/1973, Paris, 1975, p.10 et p.17
Pierre Béarn, « Louis Neillot », in René Édouard-Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains 19101930, Tome 3 Mc-Z, Paris, 1934, p.71
2
Notice Valérie Montalbetti, juillet 2015
Il avait une beauté romantique, mais où l'on sentait un sérieux, une réflexion profonde, un besoin de faire
part des émotions que lui procurait son contact avec la vie. La peinture, sa passion, fut pour lui un moyen
de communiquer avec les hommes et de témoigner de sa générosité de cœur.
D'une modestie excessive, surtout dans notre époque, il n'a pas eu le rayonnement qui lui était dû. Je crois
qu'il a été heureux de vivre, avec sa femme et ses deux filles, soit au temps de la Ruche, soit plus tard,
boulevard Arago dans son atelier ou sur le motif, essayant de rendre compte des jeux de lumière et
d'ombre et d'une joie de vivre certaine.
Il est à souhaiter que l'on puisse faire connaître son œuvre afin que les nouvelles générations profitent des
sentiments d'un peintre authentique et d'un homme d'une grande valeur humaine.
Heureux celui qui dans sa vie a eu un ami de cette qualité. »3
On apprend ainsi qu’en échange du buste, Collamarini avait choisi une toile de Neillot, représentant
une Vue de Cusset (petite ville d’Auvergne, dans laquelle Neillot peint de nombreux paysages).
En 1976, la femme du peintre, Suzanne Neillot, contacte Collamarini pour lui demander de lui
indiquer un mouleur : le musée Mandet de Riom organise une rétrospective Neillot pendant l’été à laquelle
elle souhaite envoyer un moulage du buste.
Le mécène Jean-Daniel Maublanc (1892-1965) s’intéressa aux deux artistes. Maublanc est un
industriel ayant fait fortune dans le charbon de bois. Critique d'art et de littérature, il a publié recueils de
poèmes et essais. Il réunissait un cénacle poétique et artistique, que Michel Ragon évoque ainsi :
« Il y avait un autre cénacle, plus secret, plus esthète, […] celui de Jean-Daniel Maublanc. […] Maublanc
était, à Paris, un industriel heureux et mécène, intellectuel mondain fréquentant une équipe de poètes, de
peintres et de musiciens qu’il soutenait à la fois de son argent et de ses relations. » 4
Maublanc fonda deux revues de poésie, Point et virgule et les Cahiers de la pipe en écume.
Collamarini réalisa le portrait de Jean-Daniel Maublanc, dont le bronze fut présenté au Salon des
Indépendants de 1934 (n°938) et celui de sa fille, Jeanine Maublanc, en marbre.
Vers 1936-1937, il exécuta le buste de Madame Maublanc, en bois. Les Collections de la Fondation
de Coubertin conservent la version en plâtre, qui a servi de modèle pour la taille de l’œuvre en bois. Il s’agit
d’un buste à l’italienne, format rarement utilisé par Collamarini, mais qu’il a également choisi pour le buste
de Marguerite Gazagne, peintre, en 1929, d’Henri Allingry, architecte, en 1932, de Zéphirin Camélinat,
homme politique, en 1937, ou de Marc Moalic, dessinateur, en 1945.
Jean-Daniel Maublanc5
Jeanine Maublanc
Madame Maublanc
3
Ibid., p.15
Michel Ragon, D'une berge l'autre, Albin Michel, 1997, p.77
5
Photographies issues des Archives Collamarini, Bibliothèque de l’Institut National d’Histoire de l’Art (BINHA).
4
Notice Valérie Montalbetti, juillet 2015

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