Long est le parcours pour franchir le seuil du conseil d`administration

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Long est le parcours pour franchir le seuil du conseil d`administration
L’ECHO JEUDI 25 AVRIL 2013
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Long est le parcours pour franchir
le seuil du conseil d’administration
dre le candidat administrateur, sur
les expertises et les expériences
professionnelles nécessaires à
l’exercice du mandat et, finalement, sur les qualités complémentaires qui distinguent l’excellence
d’un candidat.
Esprit d’équipe
L’exercice n’est pas fini. L’élaboration du profil du futur administrateur n’ira pas sans tenir compte de
paramètres plus subtils: le caractère et la personnalité du candidat
administrateur. Après tout, les
membres du conseil forment un
collège, ils fournissent un travail
où l’esprit d’équipe doit prévaloir
dans son mode de fonctionnement
et sa prise de décision. Cet esprit
d’équipe ne tombe pas du ciel. Il
prend racine et se renforce grâce
aux personnalités au sein du
conseil.
Le profil du futur administrateur presque défini, les membres
du conseil s’interrogeront sur la
composition de leur organe, sa
taille, son degré de diversité au regard des ambitions stratégiques,
du développement économique et
des parties prenantes de l’entreprise.
HNIA BEN SALAH
Senior Research Associate, Guberna,
Institut des administrateurs.
L’
assemblée générale des actionnaires est l’occasion
pour les candidats administrateurs d’entrer au
cœur de l’entreprise, par la grande
porte. Pour les actionnaires réunis
en assemblée, c’est le moment de
s’exprimer: accorder, s’abstenir ou
refuser leur confiance au candidat
administrateur proposé par le
conseil d’administration. Ce face à
face entre actionnaires et candidat
administrateur marque la fin d’un
processus de recrutement et de sélection au terme duquel le candidat espère obtenir la confiance, ce
sésame pour siéger comme administrateur au conseil d’administration. La proposition de nomination faite aux actionnaires ne révèle cependant pas les coulisses du
recrutement. Quant au candidat
présenté à l’assemblée, il n’est pas à
l’abri d’un coup de théâtre.
Influences multiples
Un mandat
d’administrateur ne
se négocie pas à la
criée, au marché, le
dimanche matin.
qu’il s’agisse d’un actionnaire
unique, majoritaire, familial ou
dispersé.
Ensuite, la culture et les traditions développées au sein du
conseil lui-même façonnent un filtre destiné à infléchir le degré de liberté du recrutement, à graduer
l’ouverture du conseil aux administrateurs externes ou non exécutifs.
Enfin, le recrutement des administrateurs doit s’accommoder du
législateur national, européen et
des autorités sectorielles qui
conjuguent les critères obligatoires applicables au candidat administrateur souhaitant siéger
dans un comité spécialisé, une société cotée, une entreprise publique ou encore dans une institution financière.
Le candidat doit
passer par le réseau
social des
administrateurs, par
les comités
de nomination
et parfois, par
les chasseurs de têtes.
Montrer patte
blanche ne suffit pas.
Marché invisible
Mais montrer patte blanche ne suffit plus. Le chemin qui mène le candidat administrateur au conseil
d’administration est long, il passe
par le réseau social des administrateurs, par les comités de nomination et parfois, par les cabinets de
chasseurs de têtes.
Encore faut-il être informé de
l’offre. L’émergence d’un marché
où s’exprimeraient l’offre et la demande de mandats d’administrateur demeure aujourd’hui une abstraction. C’est que la principale ressource d’un tel marché est le
réseau social lui-même. La
confiance justifiant le réflexe, l’entreprise recrute plus aisément ceux
et celles qu’elle connaît ou qu’on
lui recommande.
Parfois mal connotée, la technique de la recommandation ne
porte en son essence aucun caractère négatif. C’est son intensité, sa
répétition et son usage exclusif
comme technique de recrutement
d’administrateurs qui produisent
un effet pervers et confisquent les
règles d’un marché ouvert. Le mécanisme laisse croire, à tort ou à
raison, que le candidat doit détenir
quelques mandats pour entrer de
plain pied sur le marché. C’est
donc la rencontre de l’offre et la
demande de mandats d’administrateur qui est perfectible. Etant
entendu que de tels mandats ne se
négocient pas à la criée, au marché,
le dimanche matin.
L’entreprise recrute
plus aisément ceux et
celles qu’elle connaît
déjà ou qu’on lui
recommande...
Toutes les entreprises considèrent
comme nécessaire de définir précisément le profil, les qualités et la
personnalité du CEO qui conviendra le mieux à la gestion opérationnelle de l’entreprise. Dans
quelle mesure ce processus peut-il
inspirer celui des administrateurs
non exécutifs ? La question n’est
pas inopportune eu égard aux responsabilités assumées par le
conseil d’administration.
L’exercice touche à sa fin. Il faut
encore dire que le conseil d’administration ne recrute pas comme il
l’entend. La meilleure volonté et les
bonnes intentions ne suffisent pas.
Dans la pratique, la liberté de recruter des administrateurs est impactée par divers facteurs.
D’abord, le choix du candidat
traduit l’équilibre des intérêts en
présence, et celui des actionnaires
n’est pas le moindre. Plus précisément, l’actionnaire témoignera de
sa présence et de son influence
dans le processus de recrutement
avec une intensité variable, selon
Le B.A.-ba
C’est que le recrutement d’un administrateur est un sujet qui
concerne bien plus de monde que
les membres du conseil d’administration.
Quels sont donc les principes de
base d’un recrutement professionnel d’administrateur? Le B.A.-ba.
consiste d’abord à dresser le profil
objectif de l’administrateur recherché en répondant à la question des
compétences dont le conseil a besoin. L’interrogation portera aussi
sur les attentes du conseil à court,
moyen ou long terme, à l’égard du
futur administrateur.
Cet exercice préliminaire est en
réalité une (saine) réflexion du
conseil d’administration sur les critères de base auxquels doit répon-
À ÉPINGLER
Eric Domb, le bâtisseur
de «mondes» heureux
Le fondateur de Paradisio, devenu
depuis Pairi Daiza («paradis terrestre» en vieux persan), n’aime
pas écrire. Eric Domb l’affirme
d’emblée à la première page d’un
petit opus qu’il vient de cosigner
avec Jean-Marie Postiaux, membre
du groupe Solvay et vice-président
du WWF-Belgium, qui a accepté
de tenir la plume pour faire passer
la philosophie d’action de l’ancien
président de l’Union wallonne des
Entreprises (2006-2009). Eric
Domb aime à se présenter d’abord
comme patron de PME qui emploie plus de 100 personnes.
Sa réflexion se déploie au départ du cas particulier de Pairi
Daiza, qu’il voit comme un modèle «développement durable», et il
élargit son propos vers une définition de la «responsabilité sociétale
des entreprises».
Dans l’ouvrage sous-titré, un
peu mystérieusement, «le lotus emblématique», Domb structure son
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raisonnement au départ de cette
plante «qui plonge ses éléments
dans la vase horizontale où sont nos
matières premières, notre matérialisme et qui tend vers le ciel, sa pureté et sa verticalité
car il (le lotus) veut
s’éloigner mais ne
peut jamais vraiment
se séparer de la vase».
À travers l’histoire
du parc botanique
et animalier Pairi
Daiza, dont on fêtera déjà, l’an prochain les 20 ans
d’existence, Eric
Domb, bâtit des
«mondes» (Chine,
Afrique, Indonésie,…). Il dit ne
poursuivre qu’un seul et unique
objectif: «Le Parc doit donner du
bonheur. Cela est sa mission.» À le
suivre, «l’activité du parc n’a pas
d’obsolescence» car, une fois tous
les «mondes» construits, «on fera
vivre les lieux, notamment la nuit,
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qui est ici vraiment magique».
Domb, avec de telles visées, se
défend énergiquement d’une
quelconque stratégie de communication ou de marketing. Il s’agit
tout simplement,
souligne Postiaux,
de «la transcription
du rêve de son propriétaire, de sa vision,
des valeurs qu’il souhaite transmettre à
ses visiteurs». Le message sous-jacent qui
répond à la question devenue fondamentale pour Domb
– «Quel monde voulons-nous?» – est que
son parc, son entreprise ne montre pas
que de jolies choses mais
«peut aussi produire du bonheur à
l’infini».
Très concrètement, au niveau
de l’engagement sociétal de Pairi
Daiza, Eric Domb entend libérer,
un mois sur l’année, chaque tra-
Directeur Général
Dirk Velghe
vailleur du parc (CDI) ou son
équivalent salarial, pour concrétiser une activité sociale ou d’intérêt collectif. «Un dispositif qui ne
doit toutefois léser personne», insiste-t-il, «ni l’actionnaire, ni l’entreprise, ni les employés, ni les clients».
Lancé il y a deux ans à peine, ce
«Club du 12e» ne fonctionne encore qu’à 30% de ses potentialités
«mais il illustre ce que devra être la
citoyenneté de demain», veut croire
Eric Domb. Quelque 250.000 euros, sur une période de 5 ans, seront affectés dans la province de
Riau, au plein cœur de Sumatra,
au sauvetage d’un troupeau d’éléphants. Sur un autre registre, l’engagement sociétal de la PME de
Brugelette est passé par la mise à
disposition de quasi tout le personnel dans la dernière opération
«Cap 48».
HUGO LEBLUD
«L’engagement sociétal de Pairi Daiza»,
Jean-Marc Postiaux et Eric Domb, Éditions Academia/l’Harmattan, 98 p., 13
euros.
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Editeur Responsable: Dirk Velghe
Avenue du Port 86c Boîte 309 - 1000 Bruxelles
Le contrat de gestion de portefeuille n’échappe pas à la règle: la
relation de confiance et la qualité
de la communication sont les clés
du succès. Un arrêt récent de la
cour d’appel de Mons en fournit
une illustration.
M. X conclut, en février 2000,
une convention de gestion de portefeuille avec une banque. On se
rappellera que l’année 2000 se caractérise par des sommets historiques au cours du premier semestre, suivis par un effondrement des
cours dans le sillage des valeurs
TMT. Le portefeuille apporté en
2000 par Monsieur X s’élevait à
1.800.000 euros. Après deux années de gestion, la perte s’élève à
plus de 60% (plus d’un million
d’euros) et M. X dénonce la convention.
Estimant que la banque a commis des fautes dans l’exécution du
contrat, il l’assigne devant le tribunal de commerce de Bruxelles en
paiement d’un million d’euros en
dommages et intérêts. Il est débouté par le tribunal de commerce
puis par la cour d’appel de
Bruxelles: l’un comme l’autre déclarent que la preuve de la faute n’est
pas rapportée. M. X ne se décourage
pas et, sur pourvoi en cassation, obtient la cassation totale de l’arrêt attaqué au motif que la juridiction
d’appel n’a pas répondu à certains
arguments développés en conclusion (arrêt du 28 mars 2011,
C.10.0528.F). La procédure recommence devant la Cour d’appel de
Mons qui, dans un arrêt du 18 février 2013 (inédit, R.G. 2011/
RG/813), déclare la demande fondée et accorde au demandeur une
indemnisation de 482.000 euros.
une bonne connaissance de son
client puisque le gestionnaire avait
écrit que l’objectif «n’était en aucune
façon de spéculer, mais de faire fructifier raisonnablement le patrimoine
dont (nous) avons la charge». La Cour
constate aussi ceci: dans sa proposition qui précède la conclusion du
contrat, la banque avait indiqué
que, dans le cadre d’un contrat de
gestion de fortune, «la banque proposait lorsque le climat financier devient trop incertain, de prendre des
couvertures sur change, titres ou indices boursiers (par ex. par l’achat de
‘put’).
De l’analyse de l’exécution
concrète du mandat de gestion, la
Cour retient les fautes suivantes:
1. Un investissement «massif» en actions (99%), alors qu’un portefeuille à haut risque ne devrait pas
dépasser 70 à 85% en actions et que
la banque ne démontre pas ici qu’il
s’agissait d’un portefeuille à haut
risque;
2. Une surpondération des actions
TMT à concurrence de 85% à l’encontre des engagements contractuels et du devoir de tout professionnel de répartir les risques;
3. Une inertie fautive qui se manifeste par le fait que 70% des pertes
proviennent de 10 titres dont 5
n’ont fait l’objet d’aucun mouvement d’achat ou vente pendant la
durée de la convention;
4. Une passivité face à la conjoncture due sans doute à la restructuration des services de la banque;
5. L’absence de réaction aux nombreux courriers du client et l’absence de toute opération entre septembre 2011 et février 2012;
6. L’absence d’avertissement
lorsque les pertes ont dépassé 30%
alors que le contrat exigeait l’envoi
d’une mise en garde au client.
La cour écarte les moyens de défense de la banque. Ainsi, l’absence
de réaction du client à la réception
des relevés de compte ne signifie
pas un quitus ou une approbation
quant à la composition du portefeuille. «S’agissant d’une gestion discrétionnaire, il est normal que le client
fasse confiance au gestionnaire et ne
contrôle pas systématiquement la nature des opérations effectuées et des
placements opérés, particulièrement
lorsqu’il vise un objectif de placement
à long terme.» De même, il ne peut
être fait grief au client de s’être
montré patient dans l’espoir que la
banque prendrait des initiatives
pour reprendre en mains la gestion
et limiter les pertes.
La Cour conclut donc que la
banque a commis des fautes dans
la répartition de l’investissement,
dans l’exercice du devoir de conseil
et d’information ainsi qu’un
manque de diligence dans la gestion.
Le raisonnement de la Cour
Quid du préjudice?
Gestion de
portefeuille:
la négligence
du gestionnaire
peut coûter
cher!
FRÉDÉRIC DE PATOUL
Avocat Cairn Legal
Rappelons qu’on se situe avant
l’adoption des règles issues de directives européennes MiFID dont
les textes de droit belge sont entrés
en vigueur le 1er novembre 2008.
L’arrêt reste néanmoins d’actualité
sur des questions au cœur des débats portant sur les devoirs des gestionnaires. Et tout d’abord, la détermination du but de la gestion, l’objectif de placement.
Le contrat visait un «portefeuille
de croissance» précisé comme suit:
«Investir en valeurs mobilières (…) de
toute nature en poursuivant un objectif de croissance élevée, tout en respectant le principe de répartition des
risques». Il s’agissait, relève la Cour,
de privilégier les plus-values en capital sans garantie de rendement
par opposition au «portefeuille de
rendement» orienté vers des placements au rendement élevé. La
banque soutenait que cette définition correspondait à celle d’un portefeuille à haut risque exclusivement investi en actions.
Selon la Cour, cette qualification
ne concerne pas le niveau de risque
accepté par le client, «le fait de privilégier la croissance plutôt que le rendement, n’étant pas nécessairement associé à un risque plus élevé». De plus
la mention manuscrite
«selon la conjoncture» ajoutée à deux
reprises par le client, imposait au
gestionnaire «d’adapter le choix des
placements et la composition du portefeuille au regard de la conjoncture». Le
contrat visait une gestion active et
réactive selon les aléas des marchés.
La Cour relève que la banque avait
La banque soulevait, à juste titre,
que le dommage ne pouvait en aucun cas excéder la différence entre
la perte subie et la baisse moyenne
des indices boursiers de référence
sur la même période.
La méthode retenue par la Cour
est de comparer la perte enregistrée
par le portefeuille avec la perte de
valeur moyenne d’un portefeuille
de croissance sur la même période.
Pour la Cour, la perte moyenne de
valeur est de 30% (appréciation ex
aequo et bono). Elle condamne
donc la banque à indemniser la
perte supérieure à 30% ce qui en
l’espèce fixe le montant du préjudice à 482.000 euros.
Que retenir de cette décision? La
définition des objectifs de placement, la détermination de la composition du portefeuille et le degré
d’acceptation du risque par le client
étaient et restent des critères fondamentaux d’appréciation de l’exécution du contrat par le gestionnaire.
Un bon dialogue avec le client permet de s’assurer que les décisions
de gestion sont comprises par lui et
restent en ligne avec l’objectif.
L’erreur de la banque est de
n’avoir pas respecté l’objectif de
placement tel qu’il ressort des documents contractuels (par ailleurs
imprécis) et parce que son organisation ne s’est pas montrée à la hauteur des engagements souscrits. Ces
principes restent valables depuis la
transposition des directives MiFID
qui ont encore renforcé les devoirs
des professionnels en matière de
gestion de portefeuille.