Texte inédit d`Antoine Blondin
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Texte inédit d`Antoine Blondin
Pourquoi le sujet sportif n’est pas un sujet littéraire Par Antoine Blondin L’intrigue d’abord : « L’indigence de l’alternative entre la victoire et la défaite – le match nul pourrait être considéré comme l’expédient d’un auteur rusé, soucieux de ménager une suite à son propos – réduit singulièrement les issues romanesques offertes par la compétition. Elle peut créer des situations fortes, elle ne débouche jamais que sur des perspectives limitées… L’intensité dramatique qui se dégage autour d’un stade, d’une piste ou d’un ring, le long d’une route, fournit des décors et des thèmes estimables pour la tragédie et pour la comédie. Mais celles-ci semblent éprouver toutes les peines du monde à s’arracher « au milieu », à prendre leurs distances à l’endroit du sujet. Le sport, au fond, s’épanouit dans un univers dépourvu d’imagination vraie, dévoré par la rigueur des techniques et par son propre code : c’est-à-dire un langage et une règle du jeu. » Le héros : « Il y a quelque chose de marginal dans la condition du sportif, et d’inachevé ; sa trajectoire n’excède pas son activité et l’on sait que ce moteur, dont le propre est de convertir les mouvements de l’âme en mouvements du corps, la chaleur en énergie, et inversement, est réputé s’arrêter avant la fin de la partie. Comment s’intéresser foncièrement à des êtres dans cette part d’eux-mêmes qui s’éteint vers la trentième année : ils ont une carrière, non une destinée… Le champion est un homme accaparé, qui se définit d’abord par une idée fixe. Pour l’athlète, comme pour le poète, la vie n’est qu’un second métier. Cette idée fixe, qui n’est pas celle de tout le monde, il faut en démonter le mécanisme par un documentaire technique. Une fois admise, elle n’en continue pas moins à faire du champion un « cas » qui nous demeure extérieur, pour envoutant qu’il soit… » « En affirmant d’entrée de jeux que le meilleur gagne, le sport se situe délibérément dans une perspective morale, là où Gide dit depuis longtemps qu’on ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. »