PDF Piquet - Brendan Troadec

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PDF Piquet - Brendan Troadec
Vivre sa passion
( CHIRURGIE )
Philippe Piquet
C’est au 3e étage de l’hôpital
de La Timone, niché au cœur
de Marseille, que se trouve le
service de chirurgie cardiovasculaire du Pr Piquet et son
équipe. Ici, on est spécialisé
dans les interventions
complexes. Chaque année,
près de 2.500 personnes
confient leur vie à ces
spécialistes, en prenant la
direction du bloc opératoire.
La vie dans les veines
À la tête d’une équipe de référence, Philippe Piquet dirige l’un des meilleurs
services de chirurgie vasculaire de France à l’hôpital de La Timone.
Itinéraire d’un enfant de Marseille. Par Margot Romand et Brendan Troadec
CHEF DU SERVICE DE CHIRURGIE VASCULAIRE À L’HÔPITAL DE LA TIMONE
SA VIE
EN DATES
1954 Naissance à Marseille
de Philippe Piquet.
1973 Il réussit sa première
année de médecine.
1983 Rencontre avec le
Professeur Edouard Kieffer
à l’occasion d’un congrès à
Londres.
1998 Nomination à la tête
du service de chirurgie
vasculaire de l’hôpital Sainte
Marguerite.
2012 Création du centre
aortique de l’hôpital de la
Timone dont il est le chef de
service.
V
oilà six heures qu’il opère dans la salle numéro2, du huitième étage de l’hôpital de la
Timone et maintenant il en sort, imperturbable. Le professeur Philippe Piquet s’engouffre dans un labyrinthe de couloirs. Un
crochet par la famille du patient : «Tout va
bien, tout s’est bien passé.» Quelques portes plus loin et
cinq niveaux plus bas, il s’offre un déjeuner en discutant
de la possibilité d’ouvrir une formation universitaire.
Devenu chef de l’un des principaux services de chirurgie vasculaire de France, il prend les dernières nouvelles
des décisions de l’Assistance Publique des Hôpitaux de
Marseille. Et ainsi, chaque jour de sept à 21 heures, se
succèdent visites des malades, consultations, réunions de
service et interventions au bloc opératoire.
Un rythme intense, mais si le Pr Philippe Piquet, presque
sexagénaire, a embrassé la carrière de chirurgien c’est
précisément pour être dans l’action. «Je ne peux pas
m’imaginer assis derrière un bureau toute la journée»,
confie-t-il.
Pourtant, si vous aviez demandé au jeune Philippe Piquet, 17 ans, ce qu’il voulait faire une fois le bac en poche,
comme la plupart des adolescents, vous l’auriez trouvé
hésitant. Sa vocation est née au fil des rencontres : «Et
pourquoi pas médecine ?» lui souffle son professeur de
physique au lycée du Sacré-cœur de Marseille. Il s’embarque dans les études et réussi cette fameuse première
année, celle qui recale près de 80 % des étudiants. «Mon
père était aux anges», en sourit-il aujourd’hui.
«LE SOIR, J’ÉCRIVAIS CHAQUE DÉTAIL DE
CHAQUE OPÉRATION POUR NE RIEN OUBLIER.
JE REPRODUISAIS LES GESTES VUS DANS LA
JOURNÉE AU BLOC ET J’ÉTUDIAIS SANS ARRÊT.»
16 I JUIN 2013 I
MARSEILLE
1976, nouvelle rencontre. Il prépare le concours de l’internat des hôpitaux et croise la route de Georges Chiche.
Cet interne organise un tutorat musclé pour préparer les
épreuves. Philippe Piquet passera deux ans à bachoter
sans relâche sous sa houlette. «Il nous a tiré les oreilles
jusqu’à l’échéance. On travaillait beaucoup et puis on
révisait, on révisait...» Aujourd’hui encore, ses courriers adressés à celui qui deviendra cardiologue dans les
quartiers nord de Marseille débutent toujours par «Cher
maître». Une marque de respect qui replonge le Pr Piquet
dans ses souvenirs : «C’est mon maître, tout simplement.
C’est l’une des belles facettes de notre métier».
La deuxième rencontre capitale aura lieu de l’autre côté
de la Méditerranée, en Tunisie. Mohamed Hedi Balti,
chirurgien, le prend comme assistant durant les seize
mois de son service militaire à l’hôpital de Monastir : «Il
m’a donné la passion de son métier et m’a apporté les
bases pour devenir un bon chirurgien.»
«Adressez-vous au chef du service» : cette phrase sèche et
impérieuse fait basculer une nouvelle fois la vie de Philippe Piquet. L’homme qui la prononce, c’est Edouard
Kieffer, l’un des grands manitous parisiens de la chirurgie artérielle des années quatre-vingt. En 1983, au milieu d’un congrès à Londres, le jeune interne tombe sous
le charme de celui qui sera son troisième maître. Celui
qu’on appelle le Marseillais, dès son premier jour à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, bûche non-stop : «Le soir,
j’écrivais chaque détail de chaque opération pour ne rien
oublier. Je reproduisais les gestes vus dans la journée au
bloc opératoire et j’étudiais sans arrêt.» Philippe Piquet
passera six mois aux côtés d’Édouard Kieffer. Ce dernier
lui proposera même de rester auprès de lui, mais grandir
à l’ombre d’un géant n’est pas du goût de cet amoureux
du soleil de Provence. Il fera ses preuves dans sa ville natale, près de ses racines.
Retour au présent, dans son bureau de la Timone, en
consultation, le Pr Philippe Piquet passe en revue une
cinquantaine de radios sur l’écran de son ordinateur.
LE 22 JUIN, JOURNÉE
DU DON D’ORGANES
arce qu’y penser c’est
bien, mais en parler c’est
mieux, la journée nationale de
réflexion sur le don d’organes
est l’occasion de faire savoir
à ses proches sa position
sur la question. Si 80 % des
Français se déclarent pour
le don d’organes, ils ne sont
qu’un sur deux à avoir fait la
démarche d’en parler à leurs
proches. En cas de décès,
c’est pourtant à l’entourage de
prendre la décision d’autoriser
ou pas le prélèvement. La carte
de donneur, disponible dans
les établissements de santé,
permet également de mieux
faire connaître son choix.
En 2012, en région PACA,
974 personnes ont eu besoin
d’une greffe et seules un tiers
d’entre elles en ont bénéficié.
Pour en parler et ouvrir le
débat, l’Assistance PubliqueHôpitaux de Marseille (AP-HM),
sera présente samedi 22 juin
sur le Vieux-Port de Marseille.
Un moment pour s’arrêter,
poser quelques questions et
pourquoi pas se procurer une
carte de donneur.
P
C’est le secret de la méthode Piquet que d’avoir parfaitement assimilé les progrès de la radiologie médicale.
Une approche découverte lors de voyages d’observations
dans des hôpitaux américains à la pointe. Mais surtout le
fruit d’une nouvelle rencontre. Celle du Professeur JeanMichel Bartoli, radiologue et ami de trente ans. «Nous
avons grandi ensemble, nous avons les mêmes idées,
nous essayons de coordonner un centre de référence au
service de la population» analyse le praticien. «Nos travaux de recherches, nous les faisons ensemble. Nous fédérons nos équipes autour de projets communs».
Autre innovation rapportée d’outre-Atlantique, la mise
en place à Marseille, l’année dernière, d’un Centre Aortique. Ce concept réunissant toutes les spécialités disponibles pour le traitement des pathologies cardio-vasculaires manquait sérieusement en France. «Les Américains
fonctionnent comme ça depuis quinze ans !» s’exclame le
Pr Piquet.
Et quand au milieu de cette fièvre de projets et de journées sans fin, l’on demande à cet enfant du Vieux-Port ce
qui le fait courir, il répond après une hésitation : «Pouvoir me dire que je suis un mec bien ?!» Tout simplement.
I JUIN 2013 I 17

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