Voici l`article de la Tribune De Genève

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Voici l`article de la Tribune De Genève
28Culture
Tribune de Genève | Vendredi 23 décembre 2011
Comédie musicale
«Willkomen, bienvenue, welcome
au Cabaret!» On y parle français…
tacle. Mais, remplacée au pied
levé par Diane Dassigny, Claire Pérot a été privée de tournée. Pour
quelle raison?
Ce grand classique de
Broadway s’arrêtera
au Théâtre du Léman
en 2012. Rencontre
avec Claire Pérot, alias
Sally Bowles
De «Mozart» au cinéma
Jean-Daniel Sallin Paris
Plantons le décor! Un jeune écrivain américain, Cliff Bradshaw, débarque à Berlin en quête d’un sujet
pour son prochain roman. Sans le
sou, il trouve à loger chez Fräulein
Schneider et découvre le Kit Kat
Club – la boîte de nuit la plus courue de la capitale: fumer n’y est pas
(encore) interdit et le sexe se conjugue à l’infini. «Ici, la vie est magnifique… Les filles sont magnifiques…
Même l’orchestre est magnifique!»
explique Emcee, alias le Maître de
cérémonie, sorte de Monsieur
Loyal à la fois cynique, charmant et
débauché. Cliff tombe éperdument
amoureux de Sally Bowles, starlette du Kit Kat Club. Mais, sur fond
de liberté sexuelle et de métissage
social, l’Américain assiste, impuissant, à la montée du nazisme.
Une seconde jeunesse
«Willkommen, bienvenue, welcome to Cabaret!» Créée en 1966 à
Broadway, cette comédie musicale est devenue un classique du
genre. A l’image de West Side Story
ou de Grease. Alors que Liza Minelli lui a ouvert les portes de Hollywood, en interprétant le rôle de
Sally Bowles sur grand écran, Sam
Mendes a su lui offrir une seconde
jeunesse. Avec un décor dépouillé
et une mise en scène, innovante,
qui place les spectateurs au cœur
du Kit Kat Klub. Sous ses atours
provocants et extravagants, derrière sa trame historique, ce spectacle aborde surtout des sujets
contemporains: le racisme, la
crise économique, le désespoir
des jeunes… A l’opposé de
Mamma Mia!, on ne sort pas forcément du théâtre avec la banane.
Les dates
1951: création d’une pièce de théâtre, I Am a Camera, écrite par John
van Druten, inspirée du livre de
Christopher Isherwood: Sally
Bowles.
1966: première à Broadway de la
comédie musicale mise en scène
par Harold Prince: Cabaret. Le spectacle restera trois ans à l’affiche,
soit 1165 représentations.
1972: sortie de la version cinématographie réalisée par Bob Fosse.
Avec Liza Minelli dans le rôle de
Sally Bowles. John Kander et Fred
Ebb écrivent de nouvelles chansons pour le film: Mein Herr, Money
Money et Maybe This Time.
1998: reprise de la comédie musicale au Henry Miller Theater de
Broadway. Associé à Rob Marshall
(Chicago), Sam Mendes (American
Beauty, Les sentiers de la perdition)
propose une version contemporaine de Cabaret. Résultat: 2377 représentations et quatre Tony
Awards!
2006: après des reprises à Madrid,
puis à Amsterdam, Stage Entertainment adapte la comédie musicale
en français. La troupe s’installe aux
Folies-Bergère pour trois ans. Bilan:
350 000 spectateurs et sept nominations aux Molières.
2011: reprise du spectacle Cabaret
au Théâtre Marigny. J.-D.S.
Contrôle qualité
Au Kit Kat Klub, «les filles sont magnifiques…» Emmenées par Sally Bowles, alias Claire Pérot, Lulu, Frenchie et les autres chantent l’un des
classiques de «Cabaret» en claquant des bottes: «Auf Wiedersehen, Mein Herr!» PHOTOS STAGE ENTERTAINMENT FRANCE/BRINKHOFF/MÖGENBURG
Il y a cinq ans, Stage Entertainment – bien avant Le Roi Lion et…
Mamma Mia justement – s’est attaqué à l’adaptation française de Cabaret. Un sacré défi! Comment traduire Mein Herr ou Maybe This
Time sans en perdre la substantifique moelle? Ne pas trahir le livret
originel de Joe Masteroff? La critique s’est pourtant montrée unanime. Le public a suivi le mouvement. 450 représentations, plus
de 350 000 spectateurs, sept nominations aux Molières… Les chiffres parlent d’eux-mêmes.
Coupe au carré, regard pétillant, Claire Pérot faisait déjà partie de cette aventure. Se glissant
dans le déshabillé de Sally Bowles
de 2006 à 2008. «Je n’avais que
24 ans et ce rôle m’a aidé à mesurer la valeur de ce métier», analyse-t-elle. «Mais Sally m’a surtout
permis de laisser ma féminité
s’épanouir. En portant des talons,
des bas et des guêpières. Avant
j’étais un vrai garçon manqué! Devenir une femme en passant par
un personnage haut en couleur,
c’est certainement plus facile à
faire que dans notre société, avec
tous ces diktats, de poids ou de
mode, qu’il faut affronter.»
Trois ans plus tard, Claire Pérot n’a donc pas hésité à reprendre du service au Kit Kat Club.
Avec une certaine jubilation. Sa
vie sans Sally s’est pourtant révélée plutôt riche. La Française a
tourné deux films: Les aventures
extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec,
puis A bout portant. Au Palais des
Sports, elle a surtout incarné
Constance Weber, femme de Wolfgang Amadeus Mozart, dans
l’opéra-rock de la paire Attia-Cohen. Son nom apparaît d’ailleurs
sur l’album et sur le DVD du spec-
«J’avais été engagée sur un film
(ndlr: «A bout portant» de Fred Cavaye), je ne pouvais pas laisser
passer cette opportunité, car je ne
veux pas m’enfermer dans ce rôle
de fille de comédie musicale», explique Claire Pérot. «J’ai passé
trois mois de rêve, mais c’était impossible de lier les deux…» En
grattant un peu, on comprend
que cette séparation n’a pas été
aussi limpide qu’elle en a l’air.
«Dans une troupe, il y a des affinités qui se créent avec certaines
personnes. Avec d’autres, c’est
plus difficile. Dans ces cas, on se
fait la bise et on poursuit sa route
chacun de son côté. Avec l’expérience, on apprend à se détacher
de tout ça. Sinon, on perd des plumes!»
De l’histoire ancienne… Claire
Pérot a pris de la bouteille. Elle a
«nourri son jeu» à plusieurs sources. «Plus qu’une comédienne, je
suis une interprète», préciset-elle aujourd’hui. «Ce mot a été
tellement galvaudé que j’aime
l’utiliser. Je joue, je danse, je
chante… Je touche à tous les arts!
Le plus jouissif, c’est que rien
n’est acquis; que, chaque soir,
tout est à réenvisager.» Sur scène,
sous ses (faux) airs de Liza Minelli, la Française ne joue plus,
elle est Sally Bowles. «Plus je dis
mes textes, plus je me rends
compte que je pourrais les assumer dans la vie», admet-elle.
Lorsqu’elle termine le spectacle
en pleurs, ce ne sont donc pas des
larmes de crocodile qui coulent
sur ses joues. L’émotion est vraie.
Et partagée.
«Cabaret», comédie musicale de
Sam Mendes et Rob Marshall, avec
Claire Pérot, Emmanuel Moire et
Catherine Arditi. Du 13 au 15 avril
2012 au Théâtre du Léman. Billets:
Fnac.
Une Suissesse dans le Kit Kat Klub
U Elle a un petit quelque chose de
Jodie Foster. Dans le regard. Dans
les expressions du visage. Lorsqu’elle s’installe dans le foyer du
Théâtre Marigny, quelques heures avant le spectacle, Pia Lustenberger n’est pas encore devenue
Lulu, danseuse et saxophoniste
au célèbre Kit Kat Klub. Elle jette
un œil dans le rétroviseur pour
tenter d’expliquer comment une
institutrice, née à Zoug, se retrouve en petite tenue sur une
scène parisienne. Dans ce Cabaret
en mode français.
«J’ai toujours rêvé de devenir
comédienne. Mais mes parents
voulaient d’abord que je me
trouve un vrai boulot pour gagner
ma croûte», raconte-t-elle. Une
réaction très suisse, en somme!
Son diplôme en poche, Pia assure
quelques remplacements dans les
écoles de la région. Elle finit par
pousser les portes de la Swiss Musical Academy à Berne. Non pas
comme prof, mais bien comme
apprentie saltimbanque! «Je
n’avais pas d’objectifs précis,
j’avais juste envie de faire de la
scène…»
Son vœu sera exaucé. Assez
rapidement. Après un passage à
l’Académie internationale de co-
Pia Lustenberger a quelque
chose de Jodie Foster, non? DR
médie musicale à Paris, Pia Lustenberger est en effet choisie pour
«entrer» au Kit Kat Klub en 2006.
L’aventure Cabaret aux FoliesBergère durera trois ans. «J’étais
dans le swing, je jouais donc tous
les rôles des filles en rotation»,
précise-t-elle. Pour le coup, la
Zougoise a aussi dû apprendre le
saxophone. En empruntant celui
de son père. «Au casting, on m’a
demandé de quel instrument je
savais jouer, mais la flûte traversière, ça ne collait pas trop avec
l’orchestre…»
Aujourd’hui, alors que Cabaret
cartonne à Marigny, Pia Lustenberger ne «tourne» plus: elle est et
restera Lulu. Même sur la route.
«Je me réjouis de venir jouer en
Suisse romande», souligne-t-elle.
«J’ai déjà appelé mes proches
pour les avertir des dates de spectacles.» Si elle conjugue le français
au «presque-parfait», la Zougoise
s’est surtout illustrée outre-Sarine. Une comédie musicale, The
Buddy Holly Story, en Allemagne,
une pièce de théâtre à Zurich…
L’été dernier, Pia a tenu l’un des
rôles principaux dans Gotthelf –
joué sur le lac de Thoune. Au
cours d’un mois de juillet pourri.
«Ce n’était pas évident à gérer,
parce que les répétitions pour Cabaret ont eu lieu quasi en même
temps.»
Intermittente hyperactive du
spectacle, la Zougoise ne craint
pas les «trous» dans son agenda.
Elle passe des auditions. Apprend
les langues. Part à Séville se familiariser avec le flamenco. «Je n’ai
encore jamais travaillé pour la télévision ou le cinéma, parce que je
n’ai pas eu le temps de m’en occuper», dit-elle. Pia Lustenberger a
encore des rêves à réaliser. Des
réseaux à activer. Une fois qu’elle
en aura fini avec Lulu… J.-D.S.
www.pialustenberger.ch
Après avoir été Louis XIV dans «Le Roi-Soleil», Emmanuel Moire incarne
Emcee, alias le Maître de cérémonie, aux côtés de Claire Pérot.

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