Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet Avocats

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Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet Avocats
Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet
Avocats
La trace laissée dans l’Histoire par nos trois derniers présidents de la
République s’inscrit selon une certaine idée de la justice, comme de
Gaulle parlait d’une certaine idée de la France.
Car que restera-t-il de François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas
Sarkozy ?
Pour François Mitterrand : l’alternance, l’abolition de la peine de mort, et un art dialectique
qui a élevé la culture française au-dessus de tout. Les affaires aussi. Donc un Mitterrand
avocat et machiavel.
Pour Jacques Chirac : le non à la guerre en Irak et le discours sur la Shoah. Mais aussi son
élection obtenue au bénéfice de l’affaire Schuller / Maréchal (qui a inversé les courbes des
sondages en février 1995), puis ses adieux marqués d’une condamnation à deux ans de
prison avec sursis. La justice encore, au centre de tout, du début à la fin.
Pour Nicolas Sarkozy : trois réformes des institutions - la composition du CSM - la QPC - la
présence de l’avocat en GAV (obtenue par le barreau contre l’exécutif). Et l’augmentation de
20 % du budget de la justice, ce qui en période de crise financière, relève de l’exception
budgétaire. On retiendra aussi une force et une éloquence. Donc un président avocat ! Mais
il y a les déclarations à l’emporte-pièce violant la présomption d’innocence (Colonna,
Clearstream), les interventions de l’Elysée devenu Ministère de la justice, les effets
annonces sur les peines planchers ou les rétentions de sûreté qui relèvent d’une mauvaise
idée de la justice !
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La justice au cours du prochain quinquennat devra modifier son centre de gravité.
D’abord les institutions. Un CSM dont la nouvelle composition est satisfaisante mais dont les
avis devront être conformes, qu’il s’agisse du siège ou du parquet - Un Conseil
constitutionnel dont la composition devra évoluer - Une Ecole de la magistrature et du
barreau commune, pour constituer un corps et réconcilier les professions - Un parquet qui ne
peut être indépendant puisqu’il faut bien que la politique pénale soit dirigée et un juge
d’instruction maintenu (sur ces deux derniers points les programmes des principaux
candidats sont finalement d’accord).
Ensuite la politique pénale. La prison républicaine ne doit plus en être l’épicentre. Son échec
est assumé : 66 500 prisonniers pour 57 200 places de prison, avec un taux de 50 % de
retour (stable depuis deux siècles). Et des prisonniers à raison d’un tiers en attente d’être
jugés donc présumés innocents, d’un tiers illettrés de telle sorte que le sens du procès leur
échappe, d’un quart relevant d’une pathologie mentale qu’il faudrait soigner mieux
qu’enfermer. Ainsi faudra-t-il travailler en amont et en aval, en éducation et en rééducation en utilisant les mesures substitutives d’enfermement non plus comme des mesures
cumulatives de contrôle judiciaire (ainsi que cela se fait actuellement pour le bracelet
électronique). Il faudra réformer l’ordonnance de 1945 sur la délinquance des mineurs non
par effet de calque sur le droit applicable aux majeurs, mais au contraire en sortant du
carcan de la prison, puis en y calquant la politique pénale des majeurs. Donc un
renversement de tendance, du tout au tout : c’est la refonte de l’ordonnance de 1945 qui
inspirera et deviendra le modèle de réforme du droit pénal.
Enfin les libertés publiques et les avocats.
• Il faudra défendre la présence effective de l’avocat dans la société et dans les affaires. Or
même dans le judiciaire, il reste du chemin à accomplir (par exemple en garde à vue), tandis
qu’il faudra tendre vers une procédure toujours plus accusatoire à égalité des armes, mais
dont les actes d’investigation seront pris en charge par le budget de la justice.
• Il faudra défendre le secret professionnel, en particulier dans la lutte contre le blanchiment,
et toutes les valeurs de la profession d’avocat parce qu’elles relèvent des libertés publiques.
• Il faudra défendre la viabilité micro-économique des structures d’avocats dévolues à la
défense des personnes physiques (les charges sociales, la TVA), parce qu’elles sont en
péril.
• Il faudra défendre l’accès au droit et restructurer son financement en référence avec
l’Angleterre dont le budget de l’aide juridictionnelle est six fois plus important que celui de la
France à population équivalente.
• Il faudra s’écarter du « populisme pénal » pour la défense des victimes et redéfinir en droit
leur place au procès entre le civil, le pénal et l’indemnitaire (CIVI), tandis qu’il faudra réfléchir
à cadrer les éventuelles actions de groupe.
• Il faudra défendre la profession d’avocat « réglementée », car la Commission européenne
mène des travaux critiques d’évaluation sur la libre concurrence des professions
réglementées, tandis que l’Angleterre a mis en place un legal act qui tend vers une
dérèglementation…
• Il faudra poursuivre le mouvement entrepris depuis la seconde guerre mondiale qui
concentre la finance à Londres, les instances communautaires à Bruxelles, et une certaine
prééminence du droit et de l’arbitrage international à Paris qui doit demeurer l’une des
principales places du droit dans le monde.
Pierre-Olivier Sur et Laurent Martinet
Avocats au Barreau de Paris
Source :
http://www.justice2012.org