Le privilège du transporteur

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Le privilège du transporteur
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24/04/08
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Expertise
MAUVAIS PAYEURS
Le privilège du transporteur
On entend souvent les plaintes
de commerçants qui, dans la
récupération des impayés,
constatent que leur créance est
‘primée’ par celles des banques,
de l’administration fiscale ou de
l’ONSS. Qu’en est-il dans le secteur
du transport ?
Le privilège permet aux
transporteurs de retenir les
marchandises pour obtenir
le paiement de leurs
créances de transport.
ans la chasse aux mauvais
payeurs, tous les opérateurs économiques ne sont
pas égaux. Pour différents motifs,
budgétaires ou autres, la loi a créé
des privilèges et permis la création
de sûretés conventionnelles (hypothèque, gage sur fonds de commerce…) accordant à ceux qui en
bénéficient d’être payés en priorité lors de la vente d’un bien précis ou de plusieurs biens du patrimoine du débiteur.
D
Un privilège spécial
A l’instar du réparateur (sur le bien
réparé), du sous–traitant (sur la
créance à l’égard du maître de
l’ouvrage) dans la construction,
le ‘voiturier’ (c’est le terme) bénéficie d’un privilège pour les frais de
transport et les dépenses accessoires, privilège qui s’exerce sur
‘la chose voiturée’ (article 20.7°
de la loi hypothécaire).
Ce privilège s’exerce donc sur la
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marchandise transportée, même
si elle n’appartient pas au donneur
d’ordres et quelle que soit la valeur
de cette marchandise, même
si cette valeur dépasse très largement le coût du transport.
Il pourra donc résulter de la mise
en œuvre de ce privilège quelques
difficultés pour le donneur d’ordres
à devoir se justifier et à rembourser
la valeur de cette marchandise au
propriétaire de celle-ci. Autre
particularité de ce privilège : il ne
peut s’appliquer que si la marchandise se trouve en sa possession ou qu’il l’a livrée depuis moins
de 24 heures.
Ce privilège s’accompagne d’un
accessoire sans lequel il ne serait
rien : le droit de rétention. Le transporteur peut donc conserver
la marchandise qui lui a été confiée
pour faire valoir son privilège.
Attention cependant à ce qu’il
est évidemment nécessaire de
confirmer le droit de rétention par
un courrier au débiteur et par une
saisie conservatoire en bonne et
due forme.
Reste le rang de ce privilège :
comme il s’agit d’un privilège spécial (qui porte sur un bien déterminé), il prime les privilèges généraux (qui portent sur un ensemble
de biens) comme le sont les
privilèges fiscaux ou sociaux
(ONSS, salaires, cotisations
sociales). Il n’est primé que par
les privilèges des frais de justice,
de conservation de la chose et du
vendeur impayé de la chose transportée (à condition qu’il sache que
cette chose n’était pas payée).
D’un usage certes relativement
compliqué, le privilège du transporteur est un moyen de récupération et de pression trop peu utilisé. Il est vrai qu’il requiert dans
le chef du transporteur réactivité
et rapidité. N’oubliez pas : « Le privilège ne dure qu'aussi longtemps
que le transporteur a la chose en
sa possession - et pendant les
24 heures qui suivent la remise au
propriétaire ou au destinataire. »
Me Ghislain Royen,
membre du réseau Multijuris.
A L’ÉTRANGER
D’autres pays que la Belgique appliquent également le privilège du
transporteur. En France, par exemple,
ce privilège est décrit dans l’article
L.133/7 du code du commerce.
Créé par une loi de 1998, ce privilège
est cependant tout aussi difficile à
mettre en œuvre. (CY)

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