Le privilège du transporteur
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Le privilège du transporteur
T&B205_150_expert_fr_flash 24/04/08 10:30 Page 20 Expertise MAUVAIS PAYEURS Le privilège du transporteur On entend souvent les plaintes de commerçants qui, dans la récupération des impayés, constatent que leur créance est ‘primée’ par celles des banques, de l’administration fiscale ou de l’ONSS. Qu’en est-il dans le secteur du transport ? Le privilège permet aux transporteurs de retenir les marchandises pour obtenir le paiement de leurs créances de transport. ans la chasse aux mauvais payeurs, tous les opérateurs économiques ne sont pas égaux. Pour différents motifs, budgétaires ou autres, la loi a créé des privilèges et permis la création de sûretés conventionnelles (hypothèque, gage sur fonds de commerce…) accordant à ceux qui en bénéficient d’être payés en priorité lors de la vente d’un bien précis ou de plusieurs biens du patrimoine du débiteur. D Un privilège spécial A l’instar du réparateur (sur le bien réparé), du sous–traitant (sur la créance à l’égard du maître de l’ouvrage) dans la construction, le ‘voiturier’ (c’est le terme) bénéficie d’un privilège pour les frais de transport et les dépenses accessoires, privilège qui s’exerce sur ‘la chose voiturée’ (article 20.7° de la loi hypothécaire). Ce privilège s’exerce donc sur la 20 - Truck&Business 205 marchandise transportée, même si elle n’appartient pas au donneur d’ordres et quelle que soit la valeur de cette marchandise, même si cette valeur dépasse très largement le coût du transport. Il pourra donc résulter de la mise en œuvre de ce privilège quelques difficultés pour le donneur d’ordres à devoir se justifier et à rembourser la valeur de cette marchandise au propriétaire de celle-ci. Autre particularité de ce privilège : il ne peut s’appliquer que si la marchandise se trouve en sa possession ou qu’il l’a livrée depuis moins de 24 heures. Ce privilège s’accompagne d’un accessoire sans lequel il ne serait rien : le droit de rétention. Le transporteur peut donc conserver la marchandise qui lui a été confiée pour faire valoir son privilège. Attention cependant à ce qu’il est évidemment nécessaire de confirmer le droit de rétention par un courrier au débiteur et par une saisie conservatoire en bonne et due forme. Reste le rang de ce privilège : comme il s’agit d’un privilège spécial (qui porte sur un bien déterminé), il prime les privilèges généraux (qui portent sur un ensemble de biens) comme le sont les privilèges fiscaux ou sociaux (ONSS, salaires, cotisations sociales). Il n’est primé que par les privilèges des frais de justice, de conservation de la chose et du vendeur impayé de la chose transportée (à condition qu’il sache que cette chose n’était pas payée). D’un usage certes relativement compliqué, le privilège du transporteur est un moyen de récupération et de pression trop peu utilisé. Il est vrai qu’il requiert dans le chef du transporteur réactivité et rapidité. N’oubliez pas : « Le privilège ne dure qu'aussi longtemps que le transporteur a la chose en sa possession - et pendant les 24 heures qui suivent la remise au propriétaire ou au destinataire. » Me Ghislain Royen, membre du réseau Multijuris. A L’ÉTRANGER D’autres pays que la Belgique appliquent également le privilège du transporteur. En France, par exemple, ce privilège est décrit dans l’article L.133/7 du code du commerce. Créé par une loi de 1998, ce privilège est cependant tout aussi difficile à mettre en œuvre. (CY)