TPIY : requiem pour un tribunal

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LE COURRIER DES BALKANS
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TPIY : requiem pour un tribunal
Traduit par Stéphane Surprenant
Kosovo
14
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Publié dans la presse : 5 mars 2013
Mise en ligne : mardi 19 mars 2013
Courrier des Balkans
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Qu’est-ce qui est le plus important ? Rendre la justice ou acheter la paix ? Le tribunal de La Haye a
réécrit l’histoire de la dissolution de la Yougoslavie en morcelant, pour des raisons politiques, la
responsabilité entre les anciens belligérants. Cette nouvelle interprétation de l’histoire aura des
conséquences néfastes de long terme. L’analyse de Srđa Pavlović et Christophe Solioz.
Par Srđa Pavlović et Christophe Solioz [1]
En 2011, le Tribunal pénal international pour l’ancienne
Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye, déclarait coupable
l’ancien chef de l’état-major de l’Armée yougoslave, le général
Momčilo Perišić, pour complicité dans des crimes de guerre
perpétrés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Il fut
condamné à une peine de 27 ans de prison.
La véritable tragédie
de Panaït Istrati
Retrouvez notre dossier :
Après Gotovina, Haradinaj, Momčilo Perišić acquitté : le
TPIY lave plus blanc que blanc !
Pourtant, le 28 février 2013, la Cour d’appel du TPIY
l’acquittait de toutes les accusations retenues contre lui. Cette
décision de la Cour d’appel n’est que la dernière en date
d’une longue série de jugements hautement controversés émis par cette instance judiciaire internationale.
Ambiance fin de règne à La Haye. Aussi les puissances qui agissaient en coulisses ont décidé de pardonner, d’oublier et
de boucler les dossiers relatifs aux récentes guerres yougoslaves. La communauté internationale et le TPIY sont fatigués
de voir défiler les fantômes de l’effondrement de la Yougoslavie. Tous souhaitent s’extraire de ce bourbier au plus vite.
Chaque camp a reçu des « cadeaux d’adieu » du TPIY. Il s’agit notamment du jugement portant sur l’opération croate
« Tempête », du manque de culpabilité (juridiquement établie) de la Serbie dans le génocide de Srebrenica, de
l’acquittement de l’ancien officier de l’Armée bosnienne Naser Orić, ainsi que de ceux des généraux croates Gotovina et
Markač et de l’ancien Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj. On peut seulement espérer que la dernière volteface au regard de la sentence initiale de Momčilo Perišić soit vraiment l’ultime cadeau avant que la boutique de La Haye
ne ferme ses portes pour de bon.
Du 19 avril 2013 au 21 avril
2013
Welcome in Tziganie 2013
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Association L’air des Balkans
Du 22 mars 2013 au 25 mars
2013
Les Lettres roumaines à
l’honneur au Salon du livre
de Paris
Paris (75015)
Salon du Livre
27 mars 2013
Théâtre : Journal d’une
femme du Kosovo
Bruxelles (Belgique)
ASBL Konitza
En dépit de toutes les controverses entourant le travail effectué par le TPIY, force est de reconnaître qu’un certain
nombre de bonnes choses ont été accomplies durant ces vingt années de procédures à La Haye. Ainsi l’accumulation de
preuves concernant le génocide et les crimes de guerre perpétrés – ce qui devait permettre l’incrimination de nombre de
coupables. L’ensemble des preuves à charges, aujourd’hui disponible dans les archives du Tribunal, représente un
corpus considérable d’informations cruciales pour les chercheurs qui souhaiteront comprendre exactement toute la
complexité des guerres yougoslaves. N’oublions pas que le TPIY a établi un précédent en obligeant le président d’un
pays à comparaître. De plus, et à l’extérieur du périmètre du TPIY, les experts de la cour ont travaillé à la modernisation
et au renforcement des structures judiciaires des États qui ont succédé à la Yougoslavie. Ils ont notamment contribué à
l’établissement de nouvelles institutions judiciaires locales chargées des crimes de guerre.
Il importe cependant d’insister sur le fait que de nombreuses décisions prises par la Cour d’appel ont porté ombrage au
mandat dont se réclamait précisément ce Tribunal. L’acquittement du général Momčilo Perišić a encore assombri le
tableau et donné un nouveau souffle aux sempiternels arguments claironnés par les nationalistes — qui ont toujours
reproché au TPIY d’être un tribunal politique. Si la nature politique du TPIY ne diffère que peu de celle d’autres instances
judiciaires internationales ayant eu à traiter de crimes de guerre et de génocides, la libération de Momčilo Perišić a mis en
lumière plusieurs défauts structurels du Tribunal et révélé la politique à courte vue qui avait présidé à sa fondation.
Dès sa création, le TPIY a suscité des espoirs irréalistes au sein des communautés locales. Celles-ci ont cru que leurs
souffrances personnelles et collectives allaient être intégralement entendues, et que des mesures seraient prises pour
condamner les individus s’étant directement rendus coupables de ces souffrances ainsi que les dirigeants ayant élaboré
les politiques à l’origine de ces mêmes crimes de guerre. En outre, le TPIY avait été présenté comme l’instance qui non
seulement pouvait, mais qui allait rendre une justice absolue à tous ceux à qui on avait fait du tort.
Guerres et conflits
TPI
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acquitté : le TPIY lave plus
blanc que blanc !
seulement pouvait, mais qui allait rendre une justice absolue à tous ceux à qui on avait fait du tort.
Mais le TPIY n’a rempli aucune de ces attentes ; son travail aura été avant tout guidé par des considérations politiques
ainsi qu’une logique de compromis. Ces considérations ont souvent causé de profonds désaccords entre les procureurs
et les juges quant à la meilleure façon de faire triompher la justice. A l’examen des acquittements susmentionnés, la
promesse initiale de défendre toutes les victimes et de châtier tous les coupables — y compris les personnalités à
l’origine des politiques de « nettoyage ethnique » et génocidaires — a du plomb dans l’aile. Les acquittements en série
n’ont pas seulement érodé la confiance de plus en plus mince en l’impartialité de la justice internationale, mais ont une
fois de plus blessé les survivants de l’opération de nettoyage ethnique « Tempête », du génocide de Srebrenica, des
bombardements de Zadar et de Mostar, du siège de Sarajevo, ainsi que ceux de tant d’autres boucheries en Bosnie et en
Croatie. Ces victimes se sentent littéralement abandonnées par la loi internationale.
Cependant, si l’on veut être juste avec le TPIY, il faut rappeler que les victimes n’ont pas connu un meilleur sort dans leur
propre pays. Les gouvernements nationaux de Croatie, de Serbie et de Bosnie-Herzégovine ont tous fait preuve d’une
considérable indifférence face aux besoins de leurs propres vétérans, réfugiés et « personnes déplacées ». Tandis qu’ils
dépensaient des sommes conséquentes pour assurer la défense de leurs anciens responsables politiques et militaires
embourbés dans des procès à La Haye, ces gouvernements n’ont pas levé le petit doigt pour atténuer les souffrances
des milliers de citoyens ordinaires dont la vie a pourtant été brisée par la guerre.
Au cours de ces deux dernières décennies, les diplomates occidentaux ont surtout jonglé avec la question suivante :
comment mettre un terme au conflit déchirant l’ancienne Yougoslavie ? Et, plus important encore, comment parvenir à
une sorte de paix ? La politique de pacification et la projection dans un avenir déterminé par le processus d’intégration
européenne ont ainsi orienté l’action du Tribunal. Il était notamment vital de démontrer l’impartialité du TPIY et l’absence
de tout parti pris national en son sein. On aura atteint cet objectif en acquittant à la fois des officiers croates et serbes lors
de décisions fort controversées. L’idée derrière ces choix est de faciliter la paix et de prévenir de futures représailles. Au
final, une logique perverse visant avant tout à imposer la paix a pris le dessus sur l’espérance, et la nécessité, de rendre
justice aux victimes.
La communauté internationale n’a pas hésité à se compromettre avec les élites politiques nationales, à ménager leurs
intérêts, ceci dans le but d’obtenir leur coopération avec les instances judiciaires internationales. Illustrent le propos
notamment la décision de ne pas utiliser les procès-verbaux des réunions du Conseil suprême de la Défense, dans la
cause de la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie, ou encore celle de rejeter l’infâme « Mémo de Brioni », dans le cas de
l’opération « Tempête ».
Ce faisant, les instances judiciaires concernées ont conforté les élites nationalistes des anciennes républiques
yougoslaves dans leurs rhétoriques proclamant la nature défensive de leurs guerres, caricaturant l’autre en agresseur.
Cela rendra également difficile, sinon impossible, pour les tribunaux internationaux, de juger de futures affaires de crimes
de guerre. Le TPIY ayant acquitté les anciens responsables politiques et les officiers kosovars, croates, bosniens et
serbes, il devient difficile d’imaginer, dans l’un de ces pays, un éventuel tribunal se chargeant de juger de futurs crimes
de guerre, puisque les acquittements furent tenus pour des absolutions définitives.
Tout dépend du compromis minimal que chacun sera prêt à faire avec la vérité. Le TPIY aura contribué à établir l’histoire
des guerres yougoslaves, au cours desquelles la plupart des victimes sont mortes soit par balle, soit de la main de
membres d’unités paramilitaires menées par des psychopathes et des tueurs en série affiliés à aucun État ni à aucune
armée.
Les décisions de la Cour auront aussi un fort impact sur le développement des méta-discours qui relateront un jour le
passé récent au sein des différentes communautés nationales de l’ancienne Yougoslavie. Ces discours seront, sans
aucun doute, des récits victimaires, où « l’autre » deviendra le coupable automatique, tandis que la communauté
concernée n’aura rien entendu de mal, rien vu de mal, rien fait de mal.
Grâce à la politique à court terme de la communauté internationale et à son impatience à résoudre les enjeux complexes
des guerres yougoslaves, le TPIY, au final, aura surtout réussi à créer, aux yeux de chaque communauté et de chaque
État, des héros et des méchants. Ceux-ci peupleront les nouvelles histoires nationales et leurs biographies deviendront
des composantes essentielles des manuels scolaires. Voilà la recette parfaite pour reconduire la haine et alimenter le
désir de vengeance, plutôt que d’inviter à un dialogue ouvrant sur la réconciliation.
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[1] Respectivement professeur d’Histoire moderne des Balkans à l’Université d’Alberta et secrétaire général du Centre européen
pour la stratégie d’intégration (CEIS).
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