TPIY : requiem pour un tribunal
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TPIY : requiem pour un tribunal
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Le tribunal de La Haye a réécrit l’histoire de la dissolution de la Yougoslavie en morcelant, pour des raisons politiques, la responsabilité entre les anciens belligérants. Cette nouvelle interprétation de l’histoire aura des conséquences néfastes de long terme. L’analyse de Srđa Pavlović et Christophe Solioz. Par Srđa Pavlović et Christophe Solioz [1] En 2011, le Tribunal pénal international pour l’ancienne Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye, déclarait coupable l’ancien chef de l’état-major de l’Armée yougoslave, le général Momčilo Perišić, pour complicité dans des crimes de guerre perpétrés en Croatie et en Bosnie-Herzégovine. Il fut condamné à une peine de 27 ans de prison. La véritable tragédie de Panaït Istrati Retrouvez notre dossier : Après Gotovina, Haradinaj, Momčilo Perišić acquitté : le TPIY lave plus blanc que blanc ! Pourtant, le 28 février 2013, la Cour d’appel du TPIY l’acquittait de toutes les accusations retenues contre lui. Cette décision de la Cour d’appel n’est que la dernière en date d’une longue série de jugements hautement controversés émis par cette instance judiciaire internationale. Ambiance fin de règne à La Haye. Aussi les puissances qui agissaient en coulisses ont décidé de pardonner, d’oublier et de boucler les dossiers relatifs aux récentes guerres yougoslaves. La communauté internationale et le TPIY sont fatigués de voir défiler les fantômes de l’effondrement de la Yougoslavie. Tous souhaitent s’extraire de ce bourbier au plus vite. Chaque camp a reçu des « cadeaux d’adieu » du TPIY. Il s’agit notamment du jugement portant sur l’opération croate « Tempête », du manque de culpabilité (juridiquement établie) de la Serbie dans le génocide de Srebrenica, de l’acquittement de l’ancien officier de l’Armée bosnienne Naser Orić, ainsi que de ceux des généraux croates Gotovina et Markač et de l’ancien Premier ministre du Kosovo, Ramush Haradinaj. On peut seulement espérer que la dernière volteface au regard de la sentence initiale de Momčilo Perišić soit vraiment l’ultime cadeau avant que la boutique de La Haye ne ferme ses portes pour de bon. Du 19 avril 2013 au 21 avril 2013 Welcome in Tziganie 2013 Auch (32000) Association L’air des Balkans Du 22 mars 2013 au 25 mars 2013 Les Lettres roumaines à l’honneur au Salon du livre de Paris Paris (75015) Salon du Livre 27 mars 2013 Théâtre : Journal d’une femme du Kosovo Bruxelles (Belgique) ASBL Konitza En dépit de toutes les controverses entourant le travail effectué par le TPIY, force est de reconnaître qu’un certain nombre de bonnes choses ont été accomplies durant ces vingt années de procédures à La Haye. Ainsi l’accumulation de preuves concernant le génocide et les crimes de guerre perpétrés – ce qui devait permettre l’incrimination de nombre de coupables. L’ensemble des preuves à charges, aujourd’hui disponible dans les archives du Tribunal, représente un corpus considérable d’informations cruciales pour les chercheurs qui souhaiteront comprendre exactement toute la complexité des guerres yougoslaves. N’oublions pas que le TPIY a établi un précédent en obligeant le président d’un pays à comparaître. De plus, et à l’extérieur du périmètre du TPIY, les experts de la cour ont travaillé à la modernisation et au renforcement des structures judiciaires des États qui ont succédé à la Yougoslavie. Ils ont notamment contribué à l’établissement de nouvelles institutions judiciaires locales chargées des crimes de guerre. Il importe cependant d’insister sur le fait que de nombreuses décisions prises par la Cour d’appel ont porté ombrage au mandat dont se réclamait précisément ce Tribunal. L’acquittement du général Momčilo Perišić a encore assombri le tableau et donné un nouveau souffle aux sempiternels arguments claironnés par les nationalistes — qui ont toujours reproché au TPIY d’être un tribunal politique. Si la nature politique du TPIY ne diffère que peu de celle d’autres instances judiciaires internationales ayant eu à traiter de crimes de guerre et de génocides, la libération de Momčilo Perišić a mis en lumière plusieurs défauts structurels du Tribunal et révélé la politique à courte vue qui avait présidé à sa fondation. Dès sa création, le TPIY a suscité des espoirs irréalistes au sein des communautés locales. Celles-ci ont cru que leurs souffrances personnelles et collectives allaient être intégralement entendues, et que des mesures seraient prises pour condamner les individus s’étant directement rendus coupables de ces souffrances ainsi que les dirigeants ayant élaboré les politiques à l’origine de ces mêmes crimes de guerre. En outre, le TPIY avait été présenté comme l’instance qui non seulement pouvait, mais qui allait rendre une justice absolue à tous ceux à qui on avait fait du tort. Guerres et conflits TPI Á lire également La Croatie, la Serbie et l’accusation de génocide après les acquittements de Gotovina et Perišić TPIY : l’acquittement de Perišić, un nouveau coup de tonnerre dans les Balkans TPIY : remise en liberté de Tuta, l’ancien chef des milices croates d’Herzégovine « Le TPIY fermera à la fin du procès de Ratko Mladić » Bilan des guerres dans l’ancienne Yougoslavie : établir les faits TPIY : prison à vie pour Zdravko Tolimir, reconnu coupable de génocide TPIY : après l’acquittement d’Haradinaj, qui a commis ces crimes de guerre au Kosovo ? Acquittement de Gotovina : la Croatie à l’heure du choix TPIY : l’acquittement de Perišić, un nouveau coup de tonnerre dans les Balkans Après Gotovina, Haradinaj, Momčilo Perišić acquitté : le TPIY lave plus blanc que blanc ! seulement pouvait, mais qui allait rendre une justice absolue à tous ceux à qui on avait fait du tort. Mais le TPIY n’a rempli aucune de ces attentes ; son travail aura été avant tout guidé par des considérations politiques ainsi qu’une logique de compromis. Ces considérations ont souvent causé de profonds désaccords entre les procureurs et les juges quant à la meilleure façon de faire triompher la justice. A l’examen des acquittements susmentionnés, la promesse initiale de défendre toutes les victimes et de châtier tous les coupables — y compris les personnalités à l’origine des politiques de « nettoyage ethnique » et génocidaires — a du plomb dans l’aile. Les acquittements en série n’ont pas seulement érodé la confiance de plus en plus mince en l’impartialité de la justice internationale, mais ont une fois de plus blessé les survivants de l’opération de nettoyage ethnique « Tempête », du génocide de Srebrenica, des bombardements de Zadar et de Mostar, du siège de Sarajevo, ainsi que ceux de tant d’autres boucheries en Bosnie et en Croatie. Ces victimes se sentent littéralement abandonnées par la loi internationale. Cependant, si l’on veut être juste avec le TPIY, il faut rappeler que les victimes n’ont pas connu un meilleur sort dans leur propre pays. Les gouvernements nationaux de Croatie, de Serbie et de Bosnie-Herzégovine ont tous fait preuve d’une considérable indifférence face aux besoins de leurs propres vétérans, réfugiés et « personnes déplacées ». Tandis qu’ils dépensaient des sommes conséquentes pour assurer la défense de leurs anciens responsables politiques et militaires embourbés dans des procès à La Haye, ces gouvernements n’ont pas levé le petit doigt pour atténuer les souffrances des milliers de citoyens ordinaires dont la vie a pourtant été brisée par la guerre. Au cours de ces deux dernières décennies, les diplomates occidentaux ont surtout jonglé avec la question suivante : comment mettre un terme au conflit déchirant l’ancienne Yougoslavie ? Et, plus important encore, comment parvenir à une sorte de paix ? La politique de pacification et la projection dans un avenir déterminé par le processus d’intégration européenne ont ainsi orienté l’action du Tribunal. Il était notamment vital de démontrer l’impartialité du TPIY et l’absence de tout parti pris national en son sein. On aura atteint cet objectif en acquittant à la fois des officiers croates et serbes lors de décisions fort controversées. L’idée derrière ces choix est de faciliter la paix et de prévenir de futures représailles. Au final, une logique perverse visant avant tout à imposer la paix a pris le dessus sur l’espérance, et la nécessité, de rendre justice aux victimes. La communauté internationale n’a pas hésité à se compromettre avec les élites politiques nationales, à ménager leurs intérêts, ceci dans le but d’obtenir leur coopération avec les instances judiciaires internationales. Illustrent le propos notamment la décision de ne pas utiliser les procès-verbaux des réunions du Conseil suprême de la Défense, dans la cause de la Bosnie-Herzégovine contre la Serbie, ou encore celle de rejeter l’infâme « Mémo de Brioni », dans le cas de l’opération « Tempête ». Ce faisant, les instances judiciaires concernées ont conforté les élites nationalistes des anciennes républiques yougoslaves dans leurs rhétoriques proclamant la nature défensive de leurs guerres, caricaturant l’autre en agresseur. Cela rendra également difficile, sinon impossible, pour les tribunaux internationaux, de juger de futures affaires de crimes de guerre. Le TPIY ayant acquitté les anciens responsables politiques et les officiers kosovars, croates, bosniens et serbes, il devient difficile d’imaginer, dans l’un de ces pays, un éventuel tribunal se chargeant de juger de futurs crimes de guerre, puisque les acquittements furent tenus pour des absolutions définitives. Tout dépend du compromis minimal que chacun sera prêt à faire avec la vérité. Le TPIY aura contribué à établir l’histoire des guerres yougoslaves, au cours desquelles la plupart des victimes sont mortes soit par balle, soit de la main de membres d’unités paramilitaires menées par des psychopathes et des tueurs en série affiliés à aucun État ni à aucune armée. Les décisions de la Cour auront aussi un fort impact sur le développement des méta-discours qui relateront un jour le passé récent au sein des différentes communautés nationales de l’ancienne Yougoslavie. Ces discours seront, sans aucun doute, des récits victimaires, où « l’autre » deviendra le coupable automatique, tandis que la communauté concernée n’aura rien entendu de mal, rien vu de mal, rien fait de mal. Grâce à la politique à court terme de la communauté internationale et à son impatience à résoudre les enjeux complexes des guerres yougoslaves, le TPIY, au final, aura surtout réussi à créer, aux yeux de chaque communauté et de chaque État, des héros et des méchants. Ceux-ci peupleront les nouvelles histoires nationales et leurs biographies deviendront des composantes essentielles des manuels scolaires. Voilà la recette parfaite pour reconduire la haine et alimenter le désir de vengeance, plutôt que d’inviter à un dialogue ouvrant sur la réconciliation. Réagir à cet article [1] Respectivement professeur d’Histoire moderne des Balkans à l’Université d’Alberta et secrétaire général du Centre européen pour la stratégie d’intégration (CEIS). © 1998-2008 Tous droits réservés Le Courrier des Balkans (balkans.courriers.info) - Le Courrier des Balkans, Centre Marius Sidobre, 26 rue Emile-Raspail, F-94110 Arcueil - Tél.: 09 50 72 22 26 (prix d'une communication locale) - Ce site est réalisé avec SPIP associé à des squelettes spip Rizom, logiciel libre sous licence GNU/GPL - À propos du Courrier des Balkans - - Politique de confidentialité Gestion de l'abonnement au Bulletin d’information bihebdomadaire