Maxime Alexandre, écrivain surréaliste
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Maxime Alexandre, écrivain surréaliste
CHARLES FICHTER Maxime Alexandre, écrivain surréaliste Conversion et «déconversion» Quand nous avons rouvert le petit livre sur Maxime Alexandre paru en 1975 à l'occasion du cinquantenaire du surréalisme, nous y avons trouvé d'une part des essais de définition de son style: léger, aéré pour les uns, musical pour les autres, comparable au romantisme de Nerval, ou encore visionnaire(1)... Nous n'avons pas pu nous empêcher d'autre part de relever, au fil des contributions, des reproches, l'ensemble finissant par créer un malaise dans cette littérature secondaire. Charles Fichter Professeur d'allemand Strasbourg rouge D ans tel article, on lui reproche d'avoir réussi en littérature alors que d'autres de sa génération furent sacrifiés dans leur devenir littéraire à cause de la situation linguistique de l'Alsace, tout en mettant en doute un peu plus loin la valeur littéraire du surréalisme. On lui demande ailleurs pour quoi il ne voulut pas accepter, dans les années 70, la discipline du Conseil des écrivains, alors qu'il s'était plié à celle, beaucoup plus dure, du groupe surréaliste(2). On le ques tionne encore ici sur son passage au français, sur son refus de la découverte émerveillée d'un certain passé comme source d'inspira tion littéraire(3)... En somme, est-il digne d'être Alsacien ? « Certes, pour un écrivain né en Alsace...»(4), on a l'impression que le label surréaliste est un peu tabou(5). Maxime Alexandre a-t-il fait plus que la chronique un peu tardive - quoique fort utile - du groupe autour de Breton ? Nous avons interrogé son œuvre pour sa voir qui il était véritablement. Cela semblait a priori simple, car la plupart de ses livres sont autobiographiques. Or l'entreprise de vait s'avérer plus complexe qu'il n'y pa raissait de prime abord. Nous avons pris à la lettre quelques clés qu'il nous livre luimême: Au commencement était la Suisse. Si, étudiant à Strasbourg, Maxime Alexandre a la tête pleine de la Russie mythique dont la révolution d'Octobre est le centre, c'est qu'il a vu des exilés en Suisse. Car à 15 ans, le 1er août 1914, il est à Zurich, en famille(6). Puis à Montreux, seul Revue des Sciences Sociales de la France de l'Est, 1993 23 avec son père qu'il est «allé chercher» après le retour de sa mère à Strasbourg. Enfin, à partir de 1916, à Lausanne, indépendant, le père étant rentré en Alsace. La Suisse pendant la première guerre mondiale a été maintes fois décrite. Dans les Mémoires d'un surréaliste, il raconte que, grâce à la Freie Presse, journal socialiste qui publiait aussi les communiqués de guerre français dans l'Alsace allemande, il était prêt à recevoir cette atmosphère. Le Journal de Genève publie des textes de Romain Rolland, Maxime Alexandre va littérale ment dévorer Jean-Christophe, en français, à raison d'un volume par jour. C'est ici aussi qu'il lit Rimbaud préfacé par Claudel, «la fracassante préface de Claudel ». Pendant un an, il va essayer de traduire en allemand Une saison en enfer(7) Rimbaud sera longtemps sa référence. La «vraie vie», en Suisse, c'est déjà le poker, les femmes, la fréquentation de per sonnages interlopes. C'est aussi la première rencontre avec le mouvement Dada. En effet, Maxime Alexandre rencontre Arp. C'est, selon son propre témoignage, la première fois, au café Bellevue à Zurich, en 1917. Il devait le re trouver plus tard chez Breton, au café Cyrano, nous dit-il. Le café Bellevue était le rendez-vous des réfugiés, c'est-à-dire des artistes(7). Il faut bien se rendre compte du décalage qui existait entre lui et le mouvement Dada, étant donné qu'il est beaucoup plus jeune, qu'il n'a encore rien publié. Il s'agit de rat traper le temps perdu, il faudrait nouer des contacts, mais Maxime Alexandre est seul, car il arrive à maturité pendant la guerre, dans une situation où certes il mène une vie dorée, mais il ne peut que recevoir, se for mer individuellement, tandis que l'époque est aux groupes. 1917, c'est aussi l'année où Jean Arp et Max Ernst se retrouvent à Cologne pour y fonder le mouvement Dada. Max Ernst est né en 1891, Arp en 1886. Plus tard, en 1919, Alexandre publiera dans Der Strom(9) la revue de Ernst. Il ne parle pas de sa rencontre avec René Schickelé, qui a dû pourtant avoir lieu, mais qui, bien que ce dernier lui confie la revue pacifiste Clarté(10), comme nous allons le voir, a dû le laisser insatisfait. Schickelé est un intellectuel reconnu, plus âgé également puisque né en 1883, d'autant plus courtisé qu'il dirige la revue des Weissen Blätter(11). Rentrant à Strasbourg en 1918, il fallait songer à l'avenir et (re-)commencer des études qui étaient sans doute largement pas sées au secon plan. En Suisse, il s'était ins crit comme étudiant en philosophie, français et allemand; de retour à Strasbourg en 1918, il s'inscrit en droit et lettres, «suivant l'an cien usage strasbourgeois»(l2). Il retrouve Theo Singer, ami d'enfance. Nos deux «révolutionnaires de Wolfisheim» comme il aime à se définir, fon dent les Etudiants Socialistes. La politique entre dans leur vie au moment où se joue l'unité du mouvement ouvrier, sur la base du bilan de l'attitude face à la première guerre mondiale, et à la révolution russe. Maxime Alexandre sera communiste, avant les autres surréalistes, communiste à Strasbourg, et journaliste à l'Humanité. «En même temps, pensant obéir à l'une des exigences du surréalisme, et précédant en cela tous mes amis, je me mis à la dispo sition des communistes strasbourgeois. » Il va faire «des conférences devant les ou vriers métallurgistes, écrire dans l'Humanité de langue allemande paraissant à Stras bourg, entre autres des attaques d'une ex trême violence contre les socialistes »(13). Maxime Alexandre raconte comment il assiste au congrès socialiste du printemps 1920 qui précède celui de Tours, où naîtra le PC. Retour d'URSS de Cachin et Frossard, arbitrage de Blum entre les deux, la question de l'adhésion à la Troisième Internationale tient la vedette, avec Raymond Lefèvre, son plus chaud partisan: «Le visage tourmenté, les gestes accusateurs, l'éloquence tragique de Raymond Lefèvre reflétaient la souf france et la colère de notre génération »(14). Le congrès se termine par la grève générale, raconte Maxime Alexandre, un train spécial est affrété pour les congressistes ! Le jeune homme est visiblement attiré par ce monde nouveau, et très excitant, qu'il découvre. Un agitateur, Zalewsky, le fascine, il est re cherché par la police, c 'est un héros. Un jour «Mon premier contact, en rentrant en Alsace en 1919, avec la flicaille. Je revenais de Suisse, où j'avais été en relation avec René Schickelé, ce qui signifiait pour la po lice le groupe autour de Romain Rolland... Pour se renseigner sur mes lectures sans doute, les poulets firent le tour de tous les li braires de Strasbourg qui s'empressèrent naturellement de m'en informer.»(17) Maxime Alexandre est en effet chargé de représenter la revue Clarté à Strasbourg. D'après sa fille(18), c'est bien par Schickelé qu'il devient responsable de Clarté, et c'est par Clarté qu'il fait un certain nombre de rencontres intéressantes comme celle de A. Germain, beau-frère de Léon Daudet, propriétaire du Crédit Lyonnais, comme celle encore d'Alfred Valette, directeur du Mercure de France. Lui-même note que, si le groupe Clarté connut un certain succès(19), en revanche une revue franco-allemande qui devait paraître parallèlement ne vit, elle, jamais le jour. Une rencontre Maxime Alexandre aussi, un secrétaire de syndicat propose à Maxime Alexandre d'aller à Paris assassiner Poincaré(15). La police avait aussi ses provo cateurs... Moins passionnantes sont les notes sur la situation allemande. Si la révolution était perçue comme un phénomène européen, elle devait bientôt avoir ses revers et ses martyrs, après l'euphorie de 1918. «Les Allemands en qui on avait mis quelque espoir commençaient à être assas sinés l'un après l'autre. »(16) Mais notre héros aura ses propres ennuis avec la police, non pas semble-t-il à cause de ses activités militantes, mais parce qu'il ve nait de ce milieu suisse pacifiste qui, en France, n'avait pas bonne presse. 24 Le surréalisme de Maxime Alexandre commence par sa rencontre avec Aragon. Il existe de cette dernière deux versions: d'après Maxime Alexandre, c'est chez la fiancée de Georges Levy que, pendant l'été 1923, il rencontra Aragon(20). Et Strasbourg n'est alors supportable que parce qu'il y a Aragon. Cet été 1923, «Louis Aragon dé barqua chez Denise ». Les deux amis se dé couvrent des goûts communs en littérature, en morale, en amour et en gastronomie : ils vont manger au Crocodile, danser au SavoyHannong et prendre l'apéritif au Café de la Paix, ce «magnifique édifice». Louis Aragon nous livre une autre version des faits: «Strasbourg, on m'y avait envoyé... (...) Il faisait encore froid et je m'ennuyais. Au café où j'allais écrire, parce que la chambre d'hôtel était mal chauffée, je me trouvai deux ou trois fois à côté d'une tablée qui jouait au poker, un capitaine, des mes sieurs d'âge et un drôle de type, de mien d'âge, ou à peu près, avec une tignasse ébouriffée et un profil d'aigle, qui parlait fort, avec l'accent de là-bas, et qui se tapait les cuisses quand il parlait, avec des excla mations. Une fois, lassé des culottes qu'il prenait, il repoussa un bock, et se tourna vers moi, tenant sur le hasard des propos désillu sionnés. C'est comme ça que nous avons fait connaissance. »(21) Cette rencontre avec Aragon et, à travers lui, avec les surréalistes, est décisive. Maxime Alexandre n'a cessé de le souligner. Il semble que pour Aragon, elle se situe aussi à un moment décisif de son évolution, ce qui expliquerait sa disponibi lité à ce moment-là. Il est en effet très par tagé entre son désir de s'intégrer au groupe de Breton d'une part, et celui de faire œuvre originale d'autre part, à travers le roman.(22) Strasbourg noir «Après, on se baladait dans la ville qu'il connaissait comme sa poche (c'est Aragon qui parle ), il aurait voulu me présenter à René Schickelé, l'homme après tout le plus capable de me renseigner question patois, hein, mais Schickelé était en voyage quelque part. Mon nouvel ami, le drôle c'était qu'il s'appelait Alexandre, (...) Maxime seule ment, un prénom rare, qui fait Gorki. Il ha bitait chez ses parents, faisait je ne sais trop quoi, dans une librairie, avait des amis à Paris du côté Dada. »(23) Ce témoignage est intéressant car, si Aragon insiste sur la par faite connaissance que Maxime Alexandre avait de la ville, ce dernier rapporte qu'il dé couvrit Strasbourg de cette manière avec Aragon. Comment? Avec les catégories de la modernité, certes, mais surtout avec un dé coupage du temps qui nous semble intéres sant. Si les romantiques, divisant la nuit en état de veille et en sommeil, divisant ensuite le sommeil en plusieurs phases - dont le rêve - purent explorer des continents nou veaux, nous avons, dans les descriptions que Maxime Alexandre nous livre de Strasbourg, un transfert des catégories noc turnes sur le jour, qui n'est pas sans rappe ler celui des romantiques. Maxime Alexandre va adorer les bains, l'eau favorisant les rêves(24), tout comme le cinéma, qu'il considère comme son incar nation. Ainsi en est-il du cinéma de la place Broglie à Strasbourg, qui devient le théâtre d'une anecdote surréaliste, d'une rencontre inespérée. Le cinéma, «j'y allais deux fois par jour, pendant des années. Stupéfiante in vention, où se retrouvaient toutes les condi tions du rêve. La nuit, qui ne se différenciait en rien de la nuit du sommeil, déclenchait un défilé d'images silencieuses, symboles, le plus souvent, de deux sentiments élémen taires : l'amour, la poésie. A la faveur de ce rapprochement du désir et de la réalité, des couples se formaient, aussitôt défaits par l'irruption du jour»(25). Le café va bien sûr jouer un rôle de pre mier plan. Mais revenons un instant sur les cartes, comme pour la rencontre avec Aragon. Ce sont brusquement les joueurs qui sont entourés de mystère. «Un parte naire de poker, revenu blessé et désemparé, de la guerre, m'avait introduit dans un petit cercle se réunissant chaque jour entre une heure et trois heures dans un café.» Les joueurs de cartes sont aussi franc-maçons. «Je n'appris qu'un plus tard, oh très sim plement, lorsqu'on me demanda d'y entrer, que tous mes compagnons de table en fai saient partie. » Pour que le mystère prolifère, Maxime Alexandre s'inspire d'Aragon dans sa vision de la ville moderne'26'. Nous avons évoqué le cinéma, les bains. L'emploi du temps de la journée se déroule selon l'ordre du désir: «L'après-midi, je jouais aux cartes, au café de l'Univers; vers cinq heures, j'allais au "thé dansant" de l'hôtel de la Maison Rouge, et le soir, après une nouvelle station au café de l'Univers, je me transportais d'une boîte de nuit à l'autre. »(27) Strasbourg est une ville chaude. «Strasbourg, dois-je le préci ser, est une ville où l'on aime s'amuser et, le besoin créant la fonction, les occasions de ce que l'on appelle s'amuser étaient nom breuses. La nuit, une des rues les plus com merçantes de la ville, la Grand-rue, devenait le rendez-vous d'un public assez équi voque. » La prostitution la plus basse s'y éta lait à une certaine époque à côté de petits pa lais des mille et une nuits. «Ce sont des établissements de luxe - de luxe noir. » Le promeneur raconte: «Y pénétrant un soir vers dix heures, je suis tombé dans une so ciété de femmes peu ordinaires, à mi-chemin sans doute entre les professionnelles et... je ne saurais vraiment, même aujourd'hui, dire quoi. Parmi elles un être ensorcelant, reconnaissable au premier coup d'œil comme une créature engendrée par le feu. »(28) «Entre la Grand-rue (...) et la rue du 22-Novembre, il y a plusieurs ruelles étroites, l'une plus sin gulière, pour ne pas dire plus mystérieuse que l'autre. Dans l'un de ces passages, la rue des Aveugles, s'ouvrit un jour une boutique, qui ne pouvait pas ne pas attirer par sa vi trine, véritable petit musée de la misère. Une paire de bretelles usagées tombées là à tout hasard, des jarretières effilochées, gisant 25 tout aussi élégamment au milieu d'un désert gris (...) La première fois j'eus beau ap puyer la poignée, la porte resta fermée. La seconde fois je fus accueilli par une petite blonde mutine (...) Sans bavardage super flu, la préposée de ce cabinet du rien m'in troduisit dans une pièce attenante, dont un large divan formait l'ameublement. »(29) Le vécu auquel il est fait référence là est le même que celui du Paysan de Paris d'Aragon en 1924. Alors que ce dernier dé poétise au maximum, respectant la vérité physique, déshabillant son héros, relatant un anti-amour dans un anti-roman(30), Maxime Alexandre poétise ce monde qui pourrait tout aussi bien apparaître comme sordide. En fait, si nous essayons de préciser un petit peu quels furent les milieux fréquentés alors par Maxime Alexandre à Strasbourg, nous rencontrons un autre personnage, et par lui nous retournons aux cartes, et au vivier du surréalisme. Il s'agit de Georges Lévy, étudiant en médecine. «Un de mes partenaires de poker, G.L. (...) semblait partager les tendances des deux révolutionnaires de W.; ce qui était plus exceptionnel : il collectionnait des ta bleaux et possédait déjà plusieurs Klee, des Fernand Léger, un Picasso, un Braque. » Nous savons par ailleurs que Georges Lévy épousa, dans l'été de 1921, une jeune femme nommée Denise(31), ce qui corres pond à ce que note Maxime Alexandre, qui dit que son ami avait une fiancée nommée Denise dont la cousine était elle-même ma riée à André Breton(32). Cette deuxième jeune femme, nommée Simone Kahn, était la fille d'un importateur strasbourgeois(33). La correspondance entre les deux cousines est connue et le personnage qui, semble-t-il, est le plus intéressant pour notre propos, est celui que Maxime Alexandre fréquentait précisément : Denise. Avant de se marier à Strasbourg, elle ha bitait Sarreguemines. «D'une vaste culture, aussi bien allemande que française, elle a contribué à intéresser les surréalistes au ro mantisme allemand et à le leur faire connaître. (...) Son intelligence, sa finesse, mais aussi une sensibilité qu'on devinait in tense dans son extrême retenue, tout faisait d'elle un être d'une haute harmonie.»(34) « Chaque année, Simone Breton allait faire à Strasbourg un ou deux séjours de plusieurs semaines; Denise venait également à Paris. Après avoir divorcé, elle épousa Pierre Naville. Elle est morte en janvier 1970. »(35) Bureau de recherches surréalistes, rue de Grenelle, décembre 1924. De gauche à droite, debout : Charles Baron, Raymond Quenau, Pierre Naville, André Breton, J.-A. Boiffard, Giorgio de Chirico, Roger Vitrac, Paul Eluard, Philippe Soupault, Robert Desnos, Louis Aragon ; assis ; Simone Breton, Max Morise et Mick Soupault Avec les surréalistes parisiens La première rencontre avec Breton s'était faite grâce à Denise, la cousine strasbourgeoise de sa femme, dès 1920. Mais Maxime Alexandre devait «rater son exa men» d'entrée dans le groupe des surréa listes, car il n'était pas conforme à «la my thologie rhénane et romantique en cours »(36). C'est encore chez Denise, la fiancée de Georges Lévy, que, pendant l'été 1923, il rencontrera Aragon(37). Cette fois-ci est la bonne, Aragon lui servira de guide. C'est plus qu'une conversion, c'est un engage ment total, lui-même essayant vainement, plus tard, de retrouver la même fougue pour le catholicisme(38). Etre surréaliste en effet impliquait toute une façon de vivre. A l'inverse, il me semble qu'on a souvent mal interprété, en particulier en Alsace, l'im portance de son œuvre littéraire propre ment surréaliste(39). Ses contributions aux deux revues principales se limitent en effet à peu de choses(40). Dans leur chronologie, H. Béhar et M. Carassou(41) considèrent qu'il est membre du groupe de 1924 à 1932 et citent Mythologie personnelle paru en 1934, Cassandre de Bourgogne paru en 1939 ( 4 2 ) et Mémoires d'un surréaliste paru en 1968 comme ses trois œuvres surréa listes. Ces dates sont surprenantes, car sa production surréaliste est postérieure à son engagement dans le groupe, à part quelques textes tout petits, ou quelques signatures au bas d'un manifeste. La participation d'Arp est finalement beaucoup plus active, étant donné que ses dessins paraissent dans pra tiquement tous les numéros de La révolution surréaliste. Il faut bien entendu avoir en tête sa jeunesse, mais elle n'explique pas tout. La langue allemande était jusqu'ici son moyen d'expression, le passage d'une langue à l'autre est très problématique sans doute, et, même après avoir surmonté le si lence, la production restera un filet très mince. Voici ce que dit l'intéressé : «Après tout, je faisais partie du groupe, initialement du moins, bien plus comme révolté que comme écrivain ou poète. La preuve: en 1923, il [Breton] ne connaissait pas une ligne de moi. Mon premier texte français a paru trois ans plus tard. » Il s'agit du Corsage(43). 26 A propos de ce premier recueil de poèmes, Le corsage, paru aux Editions sur réalistes, Maxime Alexandre note le 25 oc tobre 1972 dans son journal : «Là où les cri tiques n'ont vu que du feu, c'est quand nous avons collaboré ensemble, et même parfois échangé des poèmes : dans Le corsage par exemple, figurent quelques parties de poèmes qui sont d'Eluard, et inversement, certains fragments de poèmes de moi figu rent dans des recueils d'Eluard. » L'écriture et le rêve Le surréalisme et l'écriture automatique sont une véritable planche de salut pour le jeune homme déséspéré(44) dont parle Ara gon et pour l'écrivain qui, après la guerre, est pris entre deux langues, l'allemand et le français. Mais c'est en français qu'il veut faire œuvre littéraire. «Ce fut le 2 janvier 1925 que j'eus le coup de foudre, si l'expression se justifie à propos de ma première inspiration dans la langue que je croyais ne jamais arriver à ap prendre et que, sans fausse modestie, je n'ai peut-être jamais vraiment apprise. J'ai dit inspiration. J'aurais pu risquer le mot nou veau et plus précis d'écriture automatique, car c'est en me fiant à elle que j'ai enfin et pour la première fois réussi à m'exprimer de manière satisfaisante. (...) Cette fois, en me relisant, je rencontrais quelqu'un d'étranger, et cet étranger, c'était moi tel que je souhaitais être. »(45) C'est un usage nouveau de l'écriture automatique que fait Maxime Alexandre. C'est lui aussi qui tient le plus régulièrement, dans le groupe, le journal de ses rêves(46). Dans Cassandre de Bourgogne, son grand texte publié en 1939, il pratique l'auto-analyse. Nous avons déjà signalé que ce texte était en fait très tardif. Aussi convient-il de souligner quelques points, d'en faire une lecture plus précise. «Le train venait de traverser la Bour gogne. Dans mon rêve, le mot était doué d'une puissance insigne et provoquait en moi des résonances multiples. »(47) Et: « Cassandre évoquait pour moi le destin désespéré, drapé dans la robe du remords et de la sensibilité. »(48) Le train fonce vers Saint-Tropez, la mer, fusion avec l'univer sel, l'acte de se baigner rappelle l'acte d'amour. Une femme l'accompagne, Hertha l'Allemande, dans cette quête du sens: «Hertha, en vivant à côté de moi de l'existence d'une plante ou d'un animal, m'aidait à établir l'unité entre le rêve et la vie, l'essentiel pour tout être un peu haut.»(49) Le poète essaye d'aller aux sources de la poésie, des images. Pour nous livrer sa clef, exprimée, il faut le noter, en trois mots alle mands : «Wort sucht Tat. (...) Le verbe (...) constitue le passage de la parole à l'ac tion. »(50) Pour illustrer cela, il évoque les comp tines enfantines comme Pomme de reinette. .. qui seraient comme une trace d'un stade magique où le verbe aurait un pouvoir, sans pour autant que la direction où l'on veut aller soit consciente : « Ces mots sont encore englués, pour ainsi dire, de sommeil. »(51) Dans le chapitre intitulé Le dialogue de la nuit et du jour, la nuit dit au jour : « La vérité de mon délire dépasse la vérité de tes re cherches confuses et sans espoir. »(52) Le voyage en train à travers la Bourgogne en 1937 avait produit le rêve qui fut à l'origine de cette méditation sur sa vie passée, initiant avec le nom Cassandre de Bourgogne une quête de l'autre et à travers l'autre une quête de soi. L'œuvre étant une manière de journal, nous trouvons, un an après, dans le même texte, l'idée que ce nom ne signifiait pas une femme unique, mais que toutes les femmes de sa vie (et il nous en présente beaucoup dans son œuvre!) «donnent une figure»(53). Si la femme n'a pas été trouvée, cette quête d'un an qui n'est certes pas contradic toire avec «l'exploration du continent inté rieur» que pratiquaient les surréalistes(54), est marquée très fortement pourtant de l'em preinte romantique, et plus particulièrement du romantisme allemand. Nous avons vu à cet égard le rôle de Denise Lévy. Breton luimême s'y réfère à plusieurs reprises(55), mais Maxime Alexandre donne l'impression de s'abandonner plus complètement à ce cou rant quand il parle de Hertha et de son être organique, de la fusion avec la nature à tra vers cette femme qui est allemande. Quand il met en scène un dialogue entre la nuit et le jour, n'est-ce pas également une discus sion sur l'héritage culturel allemand qu'il ouvre, au moment où le nazisme menace ? C'est bien de la tradition de Novalis et des Hymnes à la nuit qu'il est question, de celle de tous les grands poètes qui ont puisé aux sources du Cor enchanté de l'enfant, de celle de la poésie populaire des comptines. La recherche d'une mythologie person nelle nous conduit à un autre point. Il semble que dans ses conclusions Maxime Alexan dre soit plus proche de C.G. Jung que de Freud. Cela est visible dans les leçons pour l'individu qu'il tire à la fin du petit livre : «Pour l'individu solitaire, perdu dans le flux et le reflux des foules inconnues, parmi les attaques auxquelles il est sans cesse livré, dans le tourbillon des sensations et des pensées, il ne resterait pas une possibilité de conservation de soi-même, si la nuit ne se chargeait d'effacer les intrigues et les obs tacles, et de choisir pour lui ce dont il a be soin pour durer. S'il arrive à lire dans son rêve, il connaît le rôle qui lui est dévolu parmi les vivants. »(56) Enfin, la façon d'aborder les rapports entre le langage et l'action, si elle est bien sûr compatible avec le surréalisme(57), n'en rappelle pas moins dans sa formulation même la langue hébraïque, où le même mot désigne la parole et l'action, et l'origine juive du poète. Mais cela nous conduit à évoquer sa description de la Côte d'Azur un 27 an après y être arrivé. Au matin du 17 mai 1938, Saint-Tropez devient le centre d'un monde nouveau, celui des «bords bénis de la Méditerranée». Cette vision nouvelle, le poète lui-même ne semble pas en voir les implications(58), mais son texte le trahit : « Ce paysage me rappelle la terre où cou lent le lait et le miel, la terre dont les mes sagers de Moïse, ayant pris dans leurs mains des fruits du pays, dirent : ce pays est bon. C'est un souvenir de mon enfance, cela: Jacob et Rachel au bord du puits. Jacob, appuyé sur sa houlette, regarde amoureuse ment la jeune fille aux boucles brunes, belle à voir, Rachel, pour laquelle il lui faudra ser vir deux fois sept ans. »(59) L'élucidation de soi C'est en 1932 qu'il se sépare des surréa listes, l'année de l'«affaire Aragon» : après la publication de Front Rougé(60), Aragon est inculpé par la justice militaire, une pétition est signée en sa faveur à l'initiative de Breton, qui rédige en outre une brochure (Misère de la poésie), où il énumère les cri tères d'une poésie surréaliste. Mais l'Humanité reproche en même temps aux surréalistes leur révolutionnarisme verbal, les fonctionnaires du Parti Communiste les accusent de «puer la décomposition bour geoise». Breton veut publier une mise au point qu'Aragon réprouve, sous prétexte qu'on ne doit pas rendre public un débat in terne au Parti. Aragon menace de rompre. Breton passe outre, Aragon réplique en condamnant le contenu théorique et les at taques de la brochure, les jugeant « objecti vement contre-révolutionnaires »(61). Les choses s'enveniment et Aragon, Sadoul, Alexandre et Pierre Unik, tous membres du PC, rompent avec le surréalisme. Cela se passe en mars 1932. Mythologie personnelle(62) paraît en 1933. C'est en fait un journal précisément daté de l'automne 1932, du 5 septembre au 10 octobre. Le narrateur est dans la mon tagne, seul avec une femme, Hertha, une Allemande. La préhistoire de cette relation est intéressante. Nous apprenons qu'en mai de la même année, Maxime Alexandre s'était fait opérer de l'appendicite à la clinique Bethesda de Strasbourg. Il avait alors eu envie de revoir un amour de jeunesse à Berlin, désir qu'il devait réaliser. Mais il constate qu'il est «moins bouleversé», et il rencontre Hertha à Dresden. Or des diffi cultés avec le père d'Hertha le conduisent en prison où, dit-il, il fait ses plus beaux rêves(63). Ce ne sont pourtant pas ces rêves qui nous sont racontés, mais ceux de la mon tagne. Dans ce livre déjà, il définit le rêve, mais sa définition est autre qu'en 1939. «C'est ainsi que le rêve n'est pas un mi roir où se réfléchissent les événements, mais un tableau où ils s'insèrent.»(64) Cette définition évoque d'emblée la peinture, surréaliste, et n'a rien d'original. Les rêves sont notés au jour le jour, dans un souci de vérité surréaliste. Il est difficile de dégager une constante. Reviennent plusieurs fois des rêves avec Hertha et les parents de Maxime Alexandre, où l'on sent la crainte d'une confrontation. Remarquons aussi le motif de la synagogue et de la femme juive, ou celui du village de Wolfisheim. Les deux rêves les plus intéressants me paraissent être les suivants. La scène se passe en Allemagne, dans un tramway. «Des hommes, en uniforme, que je crois des hitlériens, passent dans la rue, mais le contrôleur ainsi que son compagnon les saluent comme si c'étaient des hommes du "Front Rouge". Mais d'autres arrivent, qui cette fois portent des brassards à la croix gammée. » Maxime Alexandre est le seul à être conscient du danger. La deuxième scène se passe dans une chambre d'un rez-dechaussée. Les nazis se multiplient, Maxime Alexandre prend peur, va dans le couloir où se trouvent des policiers, qui ne font rien. Il a un passeport français, c'est d'autant plus dangereux, mais on ne lui permet pas de té léphoner au consulat. «Tout à coup, par une charge de dynamite que j'avais portée dans un sous-main de cuir que je possède depuis mon enfance, je pulvérise les cent hitlériens. Le policier en civil se lève, balaie de sa main droite un peu de poussière de dynamite res tée sur la table et dit : "Il y a encore assez de hitlériens, c'est pas dommage !" Je me lève et lui serre la main en disant : "C'est la pre mière fois de ma vie que je serre la main à un policier ».(65) On ne peut s'empêcher de retrouver dans ce rêve l'épisode d'Aragon, mais avec une réorientation du feu, en fonction de quelque chose qui commence à être très inquiétant : les hitlériens. Le second rêve(66) se passe à Strasbourg, dans une rue mal famée. Maxime Alexandre est assis sur un banc, entre deux femmes, une jeune à qui il fait la cour, et une vieille, laide. La première femme est aussi devenue vulgaire et laide: «La vieille commence à me masturber, mais elle le fait comme on ar rache les plumes d'une volaille, ou plutôt comme je voyais autrefois notre bonne en foncer le maïs dans le bec des oies, quand elle les engraissait pour obtenir de beaux foies. Pendant ce temps, je masturbe l'autre femme (...) Mon sexe se détache complète ment de mon corps, très proprement, et je l'enveloppe dans mon mouchoir que je glisse dans la poche de mon pantalon. Je me trouve avec ma mère dans la rue, avec l'atroce hantise d'avoir perdu mon sexe. (...) Je songe que si je ne puis me faire opérer immédiatement, je me suiciderai. Puis je pense que l'année 1932 verra déci dément ma mort. (...) Tout à coup, nous ren controns le docteur Wennagel, revenant de la synagogue avec un de ses amis. (En réa lité, le médecin qui m'a soigné pendant l'opération s'appelle Nonnenmacher - fai seur de nonnes! - n'est pas Juif, et Wennagel est le nom du médecin dont il a pris la succession)...» Ce qui se joue dans ce rêve, entre les deux femmes d'une part, l'apparition de la mère de l'autre, c'est certainement la ques tion d'une liaison durable, peut-être d'un conflit avec la mère. Est-ce la castration du mariage ou est-ce la circoncision dont il est question là? L'un et l'autre sans doute, dans la mesure où le médecin est associé au ju daïsme, que celui-ci est à nouveau associé à la question religieuse tout court à travers la référence au « faiseur de nonnes ». Ce rêve aurait dû - ou aurait pu - le rap procher du judaïsme. Nous savons au contraire que Maxime Alexandre va se convertir au catholicisme. Pour bien saisir les raisons de cette conversion, il me semble qu'il faut comprendre que Maxime Alexandre était un être extrêmement contra dictoire. Nous avons vu qu'il rompit en 1932 avec André Breton. Ce n'est pas pour autant qu'il se rappprocha d'Aragon. En dehors du groupe des surréalistes, chacun allait faire carrière à sa façon. Pour Maxime Alexandre, la crise avait été précédée par une crise per sonnelle. Envoyé comme enseignant à Lectoure, il eut des démêlés avec l'adminis tration du fait de ses engagements syndicaux proches du PC. L'organe surréaliste publie alors un article signé de sa main, Un professeur révoqué(67), dont la langue de bois est 28 aux antipodes des textes que nous avons vus et dont la violence n'a rien à envier aux textes surréalistes les plus radicaux. En voici un extrait : «Communiste, je m'excuse de parler un instant à la première personne du singulier. J'ai été professeur de français et d'allemand pendant l'année scolaire 1930-31 dans un collège d'une petite ville du sud-ouest. J'ai mangé à la table d'hôte avec d'ignobles pe tits fonctionnaires bourgeois. Leurs conver sations imbéciles, les haricots, le veau braisé, les choux fleurs, la France, le géné ral, l'officier de gendarmerie, et vous com prenez, et le sport, et nous courons plus vite, et nous mangeons mieux, et je, et tu, et merde, m'ont pesé sur l'estomac. Mes élèves, enfants de petits bourgeois, à part les plus jeunes, les plus indociles, étaient déjà pleins d'un sens du profit et de l'intérêt bien de leur classe. Je n'ai réagi que faiblement. Cependant ces réactions ont suffi à M. Mario Roustan, socialiste français et historien de Lamartine, autre socialiste, pour me révoquer. Tout comme un ouvrier qui crache à la figure de son patron, j'ai été congédié. Tout comme un ouvrier, j'ai trouvé cela normal et suis rentré dans le rang de la lutte révolution naire. »(68) Ceci dit, les petites villes ne lui conve naient pas plus qu'à son maître de toujours, Rimbaud. Et l'épisode de Lectoure nous oblige presque à évoquer ses sentiments d'attirance-répulsion envers Strasbourg. Ses notes à ce sujet sont aussi fréquentes que contradictoires et dépourvues de nuances. Elles vont du sentiment d'insatisfaction clas sique, ou du trouble d'appartenance analysé par Frédéric Hoffet, à de véritables impré cations. Nous n'en citerons que quelquesunes, ainsi qu'une remarque concernant la cathédrale: «Mes compatriotes n'arrivant pas à me classer dans leur fichier intellec tuel, ils semaient le mystère sous mes pas. »(69) «Strasbourg qui m'attirait lorsque j'étais loin, réunissait suffisamment d'in convénients pour m'en faire passer le goût dès que j'y avais mis les pieds. »(70) Parfois, c'est moins gentil, et quand il ré plique à ses compatriotes qui le traitent de «farceur» ou de «voyou»(71), il appelle Rimbaud à la rescousse : « Ma ville natale est supérieurement idiote parmi les villes de province »(72). Au début des années 30, il a l'occasion de faire visiter la cathédrale à Maurice Thorez: «En échangeant des plaisanteries sur le sort futur du monument, Thorez me dit qu'on en ferait un musée, point de vue que je considérais comme trop modéré»(73). En fait, on a l'impression que le fond de son attitude est le désespoir. Comme pour Rimbaud, pour lui il n'y a «pas une main amie»(74). Parlant de ses errances à travers Strasbourg, et malgré tout le mystère de la ville, Maxime Alexandre conclut «Les ren contres faciles, trop faciles surtout - on s'en douterait - ne manquaient pas. Mais ai-je fait comprendre (...) que (...) de rue en rue, jusqu'aux premières lueurs du matin, je pro menais, pour me servir d'un euphémisme, mon mal du siècle ? Plus exactement, je pro menais le néant. (...) Pantelant de fatigue, je luttais contre la tentation de rentrer me cou cher, soutenu par quel espoir? Qu'une pro meneuse, faite à mon image, me prenne par la main et me libère de mon affreux senti ment de solitude? Qu'un tremblement de terre recrée le monde et le rende accep table?»(75). Dans les années 30 cette attitude envers Strasbourg semble à première vue évoluer au contraire vers une reconnaissance du poète par son pays. En effet Maxime Alexandre obtient le Grand Prix de Poésie de l'Alsace littéraire, présidé par Paul Valéry(76). L'année 1936 est aussi l'année de la mort de son père. Est-ce pour faire face à une solitude encore plus grande qu'il se lie à ce moment-là à des Alsaciens ? Le premier de ces Alsaciens est Frédéric Hoffet, qui obtient le même Grand Prix, en 1936, pour La damnation de Bruckner(77). F. Hoffet est pasteur à Altkirch. Maxime Alexandre et lui se retrouveront dans une publication commune intitulée Les soirées d'Altkirch, en 1938. Dans son Journal ainsi que ses Mémoires, la référence à Hoffet est fréquente jusqu'à la fin de sa vie. Le deuxième de ces Alsaciens qu'il ren contre est un Alsacien «en exil», René Schickelé. Certes, dans L'amour Image, il écrit: «...C'était Tamino avec sa flûte en chantée», mais on lit entre les lignes une manière de regret d'une amitié manquée(78). «R.S., la dernière année de sa vie, étaitil devenu mon ami ? C'est à 16 ans que j'au rais eu véritablement besoin de son amitié. Il avait seize ans de plus que moi, c'était donc impossible. (...) Enfant du soleil et de l'air, et enfant aussi de la lourde terre hu mide où pousse un vin qui rend clairvoyant, R.S., le plus pur des hommes, m'a montré à 16 ans, par son exemple, le rôle d'élection du poète, et il m'a apppris à me diriger dans les solitudes de l'esprit. Quand je l'ai ap proché de plus près, pendant l'été qui a pré cédé la guerre, quelques mois seulement avant sa mort, son enthousiasme à chaque instant renouvelé donnait de la vie à chaque pierre du chemin.»(79) était de plus de vingt ans son aîné, mais « af fable, accueillant, il parlait d'abondance au jeune garçon que j'étais. (...) A la sortie du lycée, quand nous arpentions à la tombée de la nuit le trottoir de la rue de la Mésange, qui servait de promenoir - ou "Bummel" - à la jeunesse des écoles strasbourgeoises lors des mois d'hiver 1937-38, je voyais briller un peu de la "vraie vie" sur son visage mi-félin, mi-oiseau, aux traits marqués, finement ci selés, sur l'épaisse et sombre crinière qui casquait son front de poète, sur ses vête ments élégants de dandy, sa cravate de soie flottante aux reflets bigarrés. »(82) Vigée rend compte de discussions avec Maxime Alexandre sur les « grandes options de la pensée et du cœur». «Maxime s'indi gnait de mes blasphèmes contre l'esprit aé rien d'Ariel (c'est-à-dire de l'imagination poétique libre), il défendait l'idole contre mes attaques de petit Caliban agrippé à son écorce natale, à sa motte d'argile adamique. »(83) Cette discussion montre que le poète est pleinement conscient du fait que son œuvre est à l'opposé d'une poésie du terroir, ce qui n'est pas sans importance dans ces annéeslà(84). Conversion au catholicisme André Breton dans les années 20 Nous connaissons les circonstances de cette rencontre par la fille de R. Schickelé. En 1937-38, Maxime Alexandre s'achète une voiture, séjourne à Vence et rend visite régulièrement à René Schickelé. Quand en 1939 il rencontre sa future femme, Berthe Dietrich, ils partent tous deux pour la Côte d'Azur. Ils séjournent à Tourette et voient René Schickelé tous les jours(80). D'après sa fille, 1939 est l'année à la fois de la publication de Cassandre - Maxime Alexandre a une vitrine entière à la librairie Berger Levrault - et l'année où il achève son travail de présentation de Hölderlin avec un choix de poèmes traduits. Le manuscrit est prêt le 31 août 1939, littéralement à la veille de la guerre(81). Et puis il y a Claude Vigée. Claude Vigée avait 16 ou 17 ans et faisait sa philo au Lycée Fustel à Strasbourg, où Maxime Alexandre enseignait les lettres. Ce dernier 29 La conversion au catholicisme se fera après la deuxième guerre mondiale. Les faits paraissent simples. Quand la guerre éclate, Maxime Alexandre est mobilisé comme 2e classe au 2e RRP en Lorraine, dans une compagnie disciplinaire. Le jour nal de cette époque est à la base du roman P.R. Présumé Révolutionnaire. La révolte contre l'absurdité de la «drôle de guerre», qu'il explique par une complaisance de la bourgeoisie française envers le nazisme, complaisance qu'il avait d'ailleurs dénoncée dès 1936(85), cette révolte se double d'une ré volte contre l'institution militaire. «Sous le prétexte que j'avais manifesté mon hostilité contre l'injustice - dix ans avant la mobili sation ! - on me colle dans une compagnie disciplinaire. »(86) Mais très vite, c'est la dé bâcle, et dès le mois de juin, il est au camp de Baccarat, prisonnier des Allemands. Et c'est là qu'il rencontre un chrétien actif, pri sonnier lui aussi(87). Cette rencontre ne portera pourtant ses fruits, en termes de conversion au catholi cisme, qu'après la démobilisation, parce que le génocide lui fait prendre conscience qu'il est d'abord juif. «J'étais devenu juif »(88), écrit-il. En effet «le signe était sur mon front, je faisais par tie du troupeau du sacrifice. Ce n'était pas le moment d'abandonner mes pareils.»(89) En 1948, la situation a changé, une nouvelle vie commence : c'est une des façons d'interpré ter la conversion. L'autre façon consiste à dire que 1948 est la fin des espoirs d'après-guerre, de la libé ration. En 1946 en effet, il essaye de re prendre contact avec Breton, pour qui il a gardé une grande estime, mais cela ne réus sit pas. Une note exprime très bien la dé ception de ces années-là : «Il y avait juste un an, quelque chose d'unique m'était arrivé: quinze jours durant, je m'étais senti chez moi dans mon pays. Les hommes qui s'étaient battus contre les nazis allaient créer - ils en donnaient l'assurance - une société honnête, sans trahison, sans lâcheté, sans es prit de compromission. Quinze jours ! Après la ruée vers les places disponibles, somme toute explicable, ils s'y étaient solidement agrippés, puis tout de suite avaient montré les dents et, de jour en jour, d'heure en heure, les canines s'étaient allongées, jusqu'à ressembler à celles de leurs prédé cesseurs. »(90) L'autre version consiste donc à dire que la conversion se fait sur fond de désespoir: tout d'abord, il va régulièrement à la messe'91'. Il se fait ensuite baptiser le 8 décembre 1949 à la Chapelle des Œuvres de Versailles, pour être confirmé deux ans plus tard, le 3 mai l951(92). En fait, la religion connaît un regain de faveur après la guerre, après les attaques énormes qu'elle a subies avant 1939. Il y a certainement une volonté de la part des écri vains de se distancier de l'Antéchrist par ex cellence qu'a été Hitler. Nombreuses sont les critiques du nietzschéisme, de la réfé rence à Faust. Dans Juif catholique(93), Maxime Alexandre revient sur cette ques tion, sur l'influence de Nietzsche sur la gé nération surréaliste, une influence de troi sième main à travers l'Homme libre de Barrès. «Devant la décrépitude de ce que Nietzsche appelait les valeurs anciennes, l'égoïsme et la cruauté prenaient figure de vertu. » Il fait une distinction entre la réception de Nietzsche en France et en Allemagne : la formule selon laquelle Dieu était mort «a abouti en France à de la littérature, tantôt bonne, tantôt exécrable, et en Allemagne, aux camps de concentration. Juifs et Chrétiens - croyants fidèles ou hérétiques et avec eux les "poisons doux et lugubres(94) qu'ils avaient versé dans l'âme des hommes, devaient être supprimés, et il fallait que la suppression se fasse avec un raffinement dionysiaque.» Maxime Alexandre conclut en rapprochant le dionysiaque de la «beauté convulsive» chère à Breton. Notons que ce détour par Nietzsche per met a contrario de légitimer l'alliance entre les Juifs et les Chrétiens et constitue un ultime ar gument en faveur de la conversion. Aussi le livre dans lequel cette argumentation est dé veloppée s'appelle-t-il Juif catholique. Le discours de la conversion Voyons à présent le discours de la conversion. Alexandre commence par dé crire ce qu'il appelle l'orgueil juif : «Depuis deux mille ans, les Juifs refusent d'aban donner le fardeau.» Dans Sagesse de la folie(95), il discute sur le mystère des Juifs, ci tant à ce propos Le salut par les Juifs de Léon Bloy(96). «Les Juifs ne se convertiront que lorsque Jésus sera descendu de sa Croix, et précisé ment, Jésus ne peut en descendre que lorsque les Juifs se seront convertis.» Le moment semble donc venu à Maxime Alexandre de rompre ce cercle infernal. A d'autres endroits, se plaçant dans la perspective juive, il parle de tentation : «Pourtant, il y a, depuis deux mille ans, une grande, une terrible tentation juive, un rêve séduisant, toujours repoussé. C'est la récon ciliation avec Jésus-Christ. »(97) Caïn se réconciliant avec Abel, Benjamin à qui Joseph pardonne de l'avoir trahi, tous les textes sont revisités et réinterprétés. Il faut dire que Maxime Alexandre a un par rain puissant: Paul Claudel. Ce dernier l'avait déjà impressionné par sa préface à Une saison en enfer. A présent, c'est Le pain du(98) qui le bouleverse, et sa traduction nouvelle de l'Evangile d'Isaïe. Certes l'argumentation de Claudel ne manque pas d'audace, quand il s'en va convaincre son filleul. D'après lui, les six mil lions de Juifs ne sont pas morts pour rien, «... mais comme saints et martyrs, même s'ils n'ont pas su eux-mêmes ce qui leur arrivait. Il aurait voulu que le Saint Père instituât une journée de commémoration pour eux »(99). 30 Dans leur correspondance, dont une partie est publiée à la fin du livre, Claudel fournit au jeune converti une liste de textes «jaculatoires», c'est-à-dire, selon les ter mes de Claudel «de puissants entraîneurs de la dévotion»(100). Maxime Alexandre est obligé de revenir sur la période surréaliste, où les professions de foi, les attaques et les blasphèmes n'ont pas manqué. «Je venais de quitter un univers impitoyable. Je venais de quitter la compa gnie des grandes personnes, sûres d'ellesmême, c'est-à-dire sûres de rien ! L'homme sans Dieu est une vilaine maladie de la croûte terrestre, sans plus. Sans le fils de Dieu descendu sur terre pour sanctifier nos souffrances, les singes brutaux que nous sommes ne savent aller que de jouissance en désespoir, de désespoir en jouissance, dans un cercle sans fin»(101). Son baptême sera suivi de son mariage re ligieux. Et du baptême de ses enfants. Le 15 août 1954, il constatera pourtant, prévenant l'argument de la sublimation dans le mariage, que contrairement à Pascal et Claudel, dont le premier fut «embrasé par le feu divin» et le second eut «la révélation d'un Dieu qui me tendait les bras», «c'est l'amour profane, à dix-huit comme à trente ans, qui me procurait certitude, joie, pleurs de joie... » Quels sont alors les motifs de sa conver sion ? Un certain renoncement à changer le monde, nous l'avons évoqué. Et puis, le de voir de solidarité avec les Juifs était devenu bien abstrait, après la mort de sa mère cette année-là(102). La conscience d'une responsa bilité nouvelle envers ses deux enfants nés durant la guerre, dont il fallait garantir la sé curité, avec tout ce qui venait de se passer, a certainement joué un rôle : en septembre 1944 en effet, les deux enfants avaient dû être confiés à la Croix Rouge(103). C'est sans doute pour cimenter cette fa mille qu'il a «cru avoir besoin de religion ». «Quand j'ai eu besoin, ou cru avoir besoin, de religion, la religion juive, si tièdement pratiquée dans mon entourage, n'entrait plus en ligne de compte. Et je me suis lancé dans l'inconnu, dans ce que je ne connaissais que par le lyrisme occidental.»(104) A propos de « lyrisme occidental » préci sément, on va lui reprocher de privilégier les auteurs catholiques dans les travaux sur la littérature allemande qu'il réalise à la de mande de Queneau(105). Ailleurs, il dira que la religion catholique est la seule à même de combiner la raison et le merveilleux. En fait, si nous prenons ses tra vaux littéraires effectués avant sa conversion, c'est bien un fil rouge qui se détache. Son at tirance pour Novalis, ce chantre du Moyen Age chrétien d'avant la Réforme, était telle que Breton appelait Maxime Alexandre « un mélange de Staline et de Novalis »(106) La bio graphie de Hölderlin constitue son dernier tra vail juste avant la seconde guerre. Quelques remarques sur Hölderlin sont intéressantes pour notre propos. En effet, nous apprenons que c'est René Schickelé qui lui a prodigué des conseils de lecture. «L'esprit devra se mettre dans un état de clairvoyance et de clair entendement où les associations affleurent li brement.»(107) Quelles associations Maxime Alexandre va-t-il faire ? Il insiste sur le trésor que constitue l'en fance pour Hölderlin, trésor que l'on perd au fil des ans et dont la perte est irrémédiable(108), sur la comparaison avec Baudelaire et Rimbaud, les affinités avec l'œuvre de Nerval, l'importance de la Révolution française pour ce poète. On a somme toute l'impression qu'Alexandre trouve là un poète auquel il peut s'identifier. Ce qui surprend chez ce surréa liste, c'est qu'il insiste sur la volonté du pro phète Hôlderlin de réaliser une synthèse entre l'hellénisme et le christianime et que dans son choix de poèmes merveilleusement traduits fi gure le Fragment d'un hymne à la Madone... N'oublions pas enfin le cas de Clemens Brentano(109), qui n'est pas cité explicitement, mais qui est l'exemple de quelqu'un à qui le retour dans le giron de l'Eglise, à une foi simple dans la tradition piétiste, a donné un nouveau souffle poétique. Et l'on sait enfin que Claudel a fait œuvre de prosélytisme en écrivant après la guerre un livre sur Job, et un autre livre que Maxime Alexandre a traduit en allemand, 1'Evangile d'Isaïe. Ce texte marque justement la victoire du christianisme sur le judaïsme. La tradition catholique, c'est en fait un changement radical d'orientation, c'est le passage à un lyrisme complètement différent des œuvres précédentes, et c'est bien une conversion totale qu'elle demande : le surréa lisme avait été une forme de poésie plutôt in tellectuelle, Maxime Alexandre allait écrire à présent dans un style proche du néoroman tisme(110). Tout cela semble lié au retour à l'al lemand. S'agit-il d'un retour à la langue ma ternelle à partir d'un certain âge, d'un retour à la langue des débuts littéraires quand il faut recommencer, après «la boue de ces an nées»(111)? Ou s'agit-il d'une tentative ou mission de sauver ce qui peut l'être de cet hé ritage germanique maintenant que la «bête immonde» est abattue? Ou d'une volonté de repartir à zéro dans et avec la littérature alle mande qui connaît sa «Stunde null», son Année zéro ? Avec la tradition romantique, le lyrisme occidental et catholique, il retrouve la langue qui correspond pour lui à cette culture, l'allemand(112), qui est en plus sa langue ma ternelle(113). Au pays du catholicisme réel Après sa conversion, Maxime Alexandre cherche à percer les mystères de cette nouvelle Couverture réalisée par René Magritte religion qui, depuis son enfance, lui était in terdite. Il va à la messe, veut se former, s'ap proprier cet enseignement nouveau. Or il se trouve qu'on n'en attend pas tant de lui. «Mes exigences dépassaient les prévi sions des organisations paroissiales. »(114) Partout il dérange, et, dans ce qu'il espère être sa nouvelle communauté «[l]es cir constances, à la suite de la rupture avec mes anciens amis, m'obligèrent de jeter un re gard sur ceux qui auraient dû les remplacer. Ce regard ne rencontrait guère de ré ponse.»(115) Pourtant, il montre de la bonne volonté; il estime être meilleur catholique que beaucoup de ces gens qui le regardent avec méfiance. 31 Maxime Alexandre réplique par l'accu sation de sclérose et d'embourgeoisement. Ne voulant pas céder au pessimisme, il est à l'écoute de tout ce qui, dans le catholicisme, pourrait contredire son impression première et illustrer la dimension sociale du catholi cisme, celle dont il espérait la grande syn thèse pendant la guerre, entre catholicisme et communisme. C'est ainsi qu'il fait le voyage d'Assise, qu'il salue le courage des prêtres ouvriers. Mais c'est en vain qu'il cherche une fraternité, une solidarité, une complicité, telles qu'il les avait connues chez les surréalistes et les communistes. Il est significatif que ce soit au moment même où il confirme sa conversion qu'il commence à écrire son journal, qui couvrira les années de 1951 à 1975 et qu'il tiendra jusqu'au seuil de sa mort. Tout ce que nous venons d'évoquer s'y trouve. Un autre livre important paraît entre-temps: Mémoires d'un surréaliste. Par conséquent, l'œuvre de conversion n'est pas le terme ultime de sa vie. La quête continue. Dans sa préface à Juif catholique paru aux éditions du Cerf, A. M. Carré fait une série de remarques du plus grand intérêt et que nous résumerons ainsi: depuis trente ans, les conversions sont fort nombreuses et les récits de conversion constituent un genre littéraire à part qui s'apparente parfois au genre du conte de fée; la plupart du temps ces récits sont suivis de silence, car une fois le mariage réalisé, l'histoire s'arrête; or Maxime Alexandre n'est pas un voyageur sans ba gage, «en cet adulte, l'enfant ne cesse d'éle ver la voix » pour se plaindre de ce qui est ad venu, c'est-à-dire de la solitude, solitude que l'auteur de la préface explique en articulant une manière d'autocritique catholique: «Catholiques de vieille souche, nous com prenons mal dans quel isolement nous lais sons les nouveaux baptisés. (...) Inconsciemment, une certaine crainte nous maintient à distance des ouvriers de la on zième heure. Parce qu'ils n'ont pas porté le poids du jour - ou du moins le même poids que nous - leur joie nous paraît manquer de retenue ; leur turbulence nous inquiète ». Cette autocritique ne manque pas de critique aux nouveaux convertis, ni de sel en ce qui concerne les fardeaux respectifs. L'auteur constate pour finir que la foi de Maxime Alexandre ne défaille pas quand même, grâce à Saint François et à «quelqu'un» qui porte les souffrances. «Celui-là», conclut-il, «la fille de Maxime Alexandre, sœur Marie Esther, l'a choisi pour époux, lorsque s'ou vriront les portes de Sion». Le livre luimême est suivi d'un petit texte intitulé Le sceptre d'Esther, référence à l'Esther biblique et au nouveau nom de la fille de Maxime qui entre ainsi en littérature en même temps qu'au couvent. Le narrateur se transforme. Il devient le père de Marie Esther, et celle-ci de vient la «petite sœur» que Maxime Alexandre n'a jamais eue. «[J]usqu'au jour où je l'ai enfin trouvée, à plus de soixante ans!»(116) On ne peut s'empêcher de penser que sa fille aide Maxime Alexandre à assu mer le poids de la conversion. Aussi, quand cette expérience échouera, l'échec aura une influence sur les opinions du père. Le 21 janvier 1973, il écrit dans son jour nal: «Il y a dix ans, ma fille est entrée au couvent. Pour elle, comme pour moi, c'était le coup de clairon claudélien: "Que c'est beau de vivre ! et que la gloire de Dieu est immense !" Cela s'est terminé par un couac, traduit parfaitement par cette exclamation de La religieuse de Diderot, ouvrage que je considérais il y a quatre mois encore comme une polissonnerie : "Je suis accablée de fa tigue, la terreur m'environne, et le repos me fuit."» Et le 24 janvier, il écrit encore: «Oui, je me suis converti, j'ai fait l'expé rience de l'Eglise, à la suite de quoi il m'est devenu de plus en plus pénible de voir des curés ou des moines, et les bonnes sœurs ont achevé de me déconvertir. » sur les yeux. Il y a cinq ans depuis ma confirmation. » Qu'on n'aille pas s'imaginer que la conversion au catholicisme l'ait rendu aveugle au point de se réconcilier à bon compte avec Strasbourg, sa ville natale. «Je me suis installé à Strasbourg le 1er janvier 1953. Je me serais peut-être méfié davan tage, en relisant les Actes des Apôtres où il est question d'un certain Paul revenu après sa conversion dans la ville où il avait été élevé et instruit!»(118) A travers les éloges et les critiques adres sées à son parrain Claudel, on peut lire d'autres raisons qui tempèrent ses convic tions nouvelles : « sa foi était foudroyante », «je pouvais tout lui dire», «il répondait tou- La déconversion La déconversion n'a pas été un processus linéaire. Souvent dans son journal, nous pouvons lire des coups de colère, des décla rations définitives, suivies de retours en ar rière. Pourtant, c'est la fille de Maxime Alexandre elle-même qui, dans son étude, met le doigt sur ses difficultés par rapport à l'Eglise, et évoque le terme de déconversion. C'est la cathédrale de Strasbourg qui ouvre le livre Juif catholique. La nuit descend sur la cathédrale est le titre du premier chapitre, mais c'est la synagogue qui re vient, avec un point d'interrogation, à la fin : Un bandeau sur les yeux ? Dans une lettre à Claudel citée à la page 131, Maxime Alexandre écrit : « Un bandeau sur les yeux ? Un portrait de moi où j'ai les yeux fermés (...) a été reproduit dans un des numéros de la Révolution surréaliste(117). Mais aujour d'hui, je ne devrais plus avoir un bandeau Max Ernst, Objet mobile recommandé aux familles, 1936-1970 32 jours par retour de courrier», «aussi long temps que j'habitais Paris, il venait chez moi tous les 8 décembre, jour de l'Immaculée conception et anniversaire de mon bap tême »(119), mais plus loin, lui reprochant son avarice, Maxime Alexandre le traite d'«esprit saint dans un coffre fort»(120). Dans la correspondance entre Maxime Alexandre et Claudel, il est déjà question d'argent, Maxime Alexandre lisant l'évangile comme un évangile pour les pauvres et Claudel au contraire insistant sur la seule loi d'amour. Lisons Claudel: «Avec quoi bienfaisonsnous sinon avec de l'argent ?(...) Avec quoi satisfaisons-nous à nos devoirs, non seule ment envers le prochain, mais envers le plus prochain, proximus, c'est-à-dire notre famille?... Que nous enseigne la religion? Sacrifier un bien présent pour un autre plus grand, futur. N'est-ce pas la définition de l'épargne?»"2" Mais le converti réplique: «Je n'avais pas quitté les Juifs pour me mettre à l'abri des persécutions pour la jus tice. »(122) Et encore: «Le problème du pau vre et du riche (...) ne m'a jamais laissé de repos. (...) La sagesse des nations a plutôt embrouillé les choses. A ceux qui crient après le pain, l'écho leur répond : voici la li berté, et aux autres qui crient après la liberté, il est répondu que le pain suffit.»(123) Claudel d'autre part, sans doute pour couper Maxime Alexandre radicalement des surréalistes, mesure ce mouvement à l'aune des doctrines de l'Eglise. Le suicide est une question sur laquelle il revient à plusieurs re prises. L'écriture automatique est pour sa part comparée à l'évocation du diable(124). Quand on sait comment Maxime Alexandre la valorise au contraire, combien il était luimême désespéré, quand on sait que précisé ment il publiera les Mémoires d'un surréaliste en 1968, on peut penser que les arguments de Claudel ont plutôt contribué à l'éloigner. Il y a enfin les scrupules du Juif qui n'est pas sûr de ne pas avoir trahi ses frères en se convertissant. Certes, il recherche la syn thèse et se prétend Juif catholique, mais sa théologie n'étant pas reconnue universelle ment, et sa conception du catholicisme n'étant pas celle des catholiques, les re mords sont souvent là, à le ronger. Une question le préoccupe par rapport à Claudel. «J'avais entendu dire que Claudel, en certaines circonstances, aurait fait preuve d'antisémitisme. Je pense que, bourgeois et opposé à une certaine forme de vulgarité du laïcisme, il avait parfois dû céder à des im pulsions héréditaires. » Maxime Alexandre parvient à la conclusion qu'il ne l'est plus(125). Mais l'Eglise catholique, elle, est bien antisémite dans son discours. Pourquoi ne dit-elle pas que Marie, Joseph, que tous étaient Juifs? De l'antisémitisme de cer taines personnalités ou de l'institution ca tholique, il analyse celui de l'ensemble du corps social, tout comme il note dans son journal ce qui se passe en Israël. Para doxalement, c'est sa situation particulière à l'intérieur du catholicisme qui lui fait per cevoir cela de façon si aiguë. «En cet adulte, l'enfant ne cesse d'élever la voix» Le 23 mai 1951, quelques jours après son baptême, il note un rêve: «Cette nuit, en rêve, j'ai été ému comme je ne l'avais plus été depuis bien longtemps. Dans le jardin de Wolfisheim (village où je suis né), le soleil donnait tout leur éclat aux arbres, aux vignes, aux fleurs et aux légumes. J'ai la cer titude que c'est cela l'éden perdu. Même au réveil, je ne peux pas m'imaginer que le pa radis pourrait être autre chose. J'en ai fait un poème, en allemand, ma langue natale, à la quelle très curieusement je suis revenu de puis quelque temps. » Mais nous savons que cette nouvelle langue n'aura pas plus de suc cès que sa nouvelle vie. L'enfant qui élève ainsi sa voix, c'est le début d'une remémoration que l'auteur ne va pas contrôler. On pouvait avoir l'impres sion que le baptême avait déclenché effecti vement une nouvelle vie, assortie d'une nouvelle langue, l'allemand. En réalité, l'en fant qui revient lui fera revivre un monde en foui, celui du judaïsme, le judaïsme de Wolfisheim, près de Strasbourg1126'. «Le paradis terrestre n'est pas loin non plus, dans le même village que la syna gogue. (...)I1 s'agit de la maison où je suis né, ou plus exactement, du jardin qui en fait partie. (...) A quelques kilomètres de là, le vieux cimetière juif où mes ascendants ont été enterrés - a-t-on laissé leurs ossements en paix?»(127) L'enfant fréquente l'école juive du vil lage de six à huit ans. Ses parents sont plu tôt atypiques. La famille est aisée, le père, né en 1857, est l'un des fondateurs de la syna gogue de Wolfisheim, où le nom de l'abbé Grégoire est gravé en lettres d'or. Il a des illusions sur la France, et voue un véritable culte à Napoléon, note Maxime Alexandre dans son journal, à la date du 4 mars 1957. Et il a des préventions contre l'Allemagne : «Comme la plupart des Juifs alsaciens, il avait toujours fait profession de mépriser et de dénigrer, plus malicieusement que mé chamment, tout ce qui était allemand. »(128) Jamais il n'a eu, lui, le sentiment du ghetto. «Mon père voulait que je devienne agricul teur. Il disait que nous étions originaires de Westhoffen, village alsacien autrefois peu plé uniquement de paysans juifs. Il me semble qu'il n'avait pas le sentiment du ghettto. Son fils par contre... »(129) Maxime n'en finit pas de croquer le père: «Tous ceux qui le connaissaient par laient de lui comme d'un drôle de corps. Misanthrope et sentimental, dandy, brillant valseur, ténor dans la société de musique de Wolfisheim, amateur du sexe», nous dit-il. «Mais, à l'heure du crépuscule, il s'enfer mait dans une chambre (...) et il chantait. Ses deux chansons préférées étaient le Heidenrôslein de Schubert et Auprès de ma blonde (ma mère et sa maîtresse attitrée étaient brunes) »(l30) Quoique juive, sa mère est «presque ou trageusement campagnarde et paysanne», mais avec «un petit côté séditieux»(13l). Ce penchant à la rébellion lui vaudra d'ailleurs deux mois de prison, en janvier 1915, quand elle est condamnée par le conseil de guerre pour avoir manifesté des sentiments anti-al lemands. C'est la propriétaire de la maison où ils habitaient qui l'avait dénoncée: elle avait parlé en effet de la «déconfiture im minente de l'empire germanique»(132). Très tôt, Maxime Alexandre a le sentiment d'être différent des autres. Comme juif d'abord, comme artiste ensuite. Ce double isolement revient à la fin de sa vie, à la suite de sa conversion ratée, quand il se redécouvre une âme de surréaliste, et retrouve les idées des années 20 en 1968. Pour lui, il existe en Alsace une hostilité entre juifs et chrétiens. «Pendant mon en fance, dans l'entourage de mes parents, il était mal vu de prononcer seulement le nom de Jésus. Les uns niaient qu'il eût existé, les autres lui attribuaient tous les malheurs d'Israël depuis la crucifixion, donnant ainsi la réplique aux chrétiens qui rendaient les juifs responsables de la mort de JésusChrist.»(133) Alors, en lisant son journal, on ne sait pas très bien s'il se déconvertit réel lement. A plusieurs reprises, on croit qu'il a 33 tourné définitivement la page. Et cela re vient. Le processus de déconversion est lent et cahotique, nul ne sait s'il y est arrivé, même si c'est satisfaisant pour l'esprit de le croire. Ce sont les surréalistes, n'est-ce pas, qui, à propos d'un converti, disaient: «même s'il devait changer d'avis, la force de l'Eglise catholique avec ses registres de baptême est telle, que de toute éternité on dira de lui : il fut catholique. » Ce qui est sûr, c'est que spirituellement il devient un mendiant, car, dira-t-il, «ma foi est en loques ». Il s'accroche aux espoirs de la génération de mai 68, s'émeut du sort ré servé à Gabrielle Russier et dénonce l'hy pocrisie. Mais surtout, il retrouve les his toires juives, les contes hassidiques(134), et continue à ne pas se sentir chez lui. Car sa vie durant, il n'a cessé d'être un juif errant. Le 24 mai 1974, il fera un bilancatalogue(135) d'une trentaine de déménage ments. «Je suis trop tourmenté / Quand je suis arrêté», dit-il dans sa Complainte du juif' errant(136). Conclusion Maxime Alexandre, né à Wolfisheim en 1899, mourut à Strasbourg en 1976. Un cer tain retard par rapport à la génération des surréalistes, dû pour une part au hasard de sa date de naissance, d'autre part à son origine alsacienne, aurait dû lui faire entonner le dis cours de la génération sacrifiée. Or le sur réalisme, à travers l'amitié d'Aragon et de Breton, devint véritablement sa planche de salut, sa communauté spirituelle, avant qu'il n'y trouve son inspiration poétique. Quand ses plus beaux textes parurent dans les an nées 30, ils portaient déjà la marque d'autre chose, d'une nouvelle solitude. Il avait quitté le groupe, pour se laisser emporter, par ses rêves, vers ses origines. Il rencontra alors le romantisme allemand de Hôlderlin, et une certaine Alsace, mais pour y porter un débat urgent dans les deux cas, sur le rôle du poète dans une situation dé sespérée, sur l'alternative à la littérature du terroir qui allait révéler ses dangers. Mais déjà il était trop tard. Assumer sa condition juive devenait pour lui une affaire de dignité. A la Libération le danger semblait écarté. La dernière tentation à laquelle il devait alors succomber fut la conversion au catholicisme. Or il ne trouva pas plus de catholiques conformes à son idée de la foi que Lot ne trouva de justes à Sodome. La déconversion allait être l'œuvre impossible, un monde poé tique fait de fragments, où le paradoxe de ce catholique se rejudaïsant allait ouvrir un es pace pour une remémoration du jardin de son enfance, et de l'exigence surréaliste. Notes 1 Voir les contributions d'A. Kern, p. 58, de Yanette Deletang-Tardif, p. 40, de Gustave Degen, p. 39 et d'Edmond Jaloux, p. 58, in Maxime Alexandre vu par ses amis, Editions Henry Fagne, Paris, 1975. 2 Guy Heitz, ibid, p. 47. 3 J.-P. Sorg, ibid, p. 79. 4 Maxime Alexandre, ibid, p. 11. 5 Gustave Degen, ibid, p. 38 : «Dans ce grouille ment anarchique, il n'y a pas de place pour une œuvre. » 6 Maxime Alexandre, Mémoires d'un surréaliste, Paris, 1968, p. 9. 7 Ibid., pp. 15-17. 8 Ibid., p. 20. 9 Son texte s ' intitule Der Mond im Relier. 10 La revue Clarté devait succéder au journal du même nom dont Henri Barbusse avait voulu faire en 1919 l'organe de liaison de son mouvement « Clarté », « Internationale de la pensée ». Elle de viendra une revue d'intellectuels communistes. Voir Marguerite Bonnet, Archives du surréalisme, 2, Paris, 1988, p. 151. 11 Cette revue était devenue sous sa direction, entre 1915 et 1920, le lieu d'expression privilégié du mouvement expressionniste. Voir l'étude de Julie Meyer, Vom elsässischen Kunstfrühling zur utopischen Civitas Hominum, Munich, 1981, pp. 317-327. 12 Maxime Alexandre, Mémoires d'un surréaliste, op. cit. (note 6), pp. 25-27. Maxime Alexandre raconte aussi qu'il prépare une licence de philo sophie à Strasbourg. «Nous avions un professeur de psychologie, ancien psychiatre, (...) qui nous emmenait tous les samedis après-midi à l'asile d'aliénés de Stephansfeld. J'étais le seul à avoir lu Freud (en allemand), et je dois souligner que vers ces années 1919-1920, Freud était aussi bien vu par les professeurs de psychologie et les psy chiatres que Karl Marx par les professeurs d'éco nomie politique. » Grâce à Freud, écrit-il, «(...) je disposais d'un microscope (et c'était ennivrant) là où mes maîtres et mes condisciples se servaient d'une loupe d'enfant». Maxime Alexandre ajoute que Breton fut reçu par Freud en 1921 mais qu'il ne voulut pas en entendre par ler jusqu'aux Vases communiquants (ibid., p. 170). 13 Ibid., p. 92. 14 Ibid., p. 33. 15 Ibid., p. 119. 16 Ibid., p. 34. 17 Maxime Alexandre, Journal (1951-1975), Librairie José Corti, Paris, 1976. Texte du 27 mai 1951. 18 Sylvia Alexandre, L'itinéraire spirituel de Maxime Alexandre, Thèse de théologie catho lique, Strasbourg, 1985, p. 20. 19 Maxime Alexandre, Mémoires op. cit. (note 6), p. 30. 20 Maxime Alexandre, Mémoires d'un surréaliste, op. cit. (note 6), p. 39. 21 Maxime Alexandre vu par ses amis, op. cit. (note 1), p. 29. 22 Pierre Daix, Aragon. Une vie à changer, Paris, 1975, pp. 151-153. A cette époque en effet, Aragon prend ses distances par rapport à Breton qui est en pleine expérience des «sommeils et séances d'écriture automatique», et ce depuis 22, tandis qu'Aragon éprouve à la fois le besoin d'écrire un roman, genre «interdit» chez les sur réalistes et celui de se maintenir coûte que coûte dans le groupe. «Le groupe, c'est sa famille, le seul lieu d'une insertion dans une société qu'il rejette absolument ». Cette remarque sur Aragon pourrait s'appliquer à Alexandre... 23 Maxime Alexandre vu par ses amis, op. cit. (note 1), p. 29. 24 Mémoires d'un surréaliste, op. cit. (note 6), p. 43. 25 Ibid., p. 160. 26 Le roman qu'Aragon écrivait alors, Défense de l'infini, annonce le Paysan de Paris dont la pre mière partie date de 1924 et qui se rattache à une tradition inspirée du romantisme. Voir aussi ses descriptions de Berlin qui annoncent Döblin. Pierre Daix, op. cit. (note 22). 27 Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 90. 28 Ibid., p. 116. 29 Ibid.,p. 115. 30 Pierre Daix, op. cit. (note 22), p. 180. 31 Marguerite Bonnet, André Breton. Naissance de l'aventure surréaliste, Librairie José Corti, Paris, 1975, p. 231, note 159. 32 Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 29. 33 Pierre Daix, op. cit. (note 22), p. 126. 34 Marguerite Bonnet, op. cit. (note 31), p. 231. «Breton lui a dédié L'Herbage rouge dans Clair de terre et Aragon Le Ciel brûle dans Le mouvement perpétuel. Elle passe également dans Capitale de la douleur d'Eluard (Denise disait aux merveilles). Enumérant, dans Une vague de rêves, les surréalistes de 1924, Aragon interroge : «Denise... se tue-t-on toujours dans le canal, dans la rue longue, partout où vous menez votre ombre pure et vos yeux clairs ? » 35 Marguerite Bonnet, op. cit. (note 31). 36 Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), pp. 51-53. 37 ibid., p. 39. 38 Maxime Alexandre, Journal, op. cit. (note 17), texte du 2 avril 1952. 39 Maxime Alexandre vu par ses amis, op. cit. (note 1). 40 La révolution surréaliste. Ed. J.-M. Place, Paris, 1975: dans le n° 2, il participe à l'en quête sur le suicide (publié le 15 janvier 1925), dans le n° 5 du 15 octobre 1925, l'article Le 34 41 42 43 44 45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 rêve d'abord et toujours est cosigné. Dans le n° 7 du 15 juin 1926, un petit article, Liberté, liberté chérie. Dans le n° 12 du 15 décembre 1939 paraît un petit article A propos de morale, ainsi qu'une courte réponse au questionnaire sur l'amour. Le surréalisme au service de la révolution, Ed. J. M. Place, Paris, 1976. Dans le n° 1, de 1930, il signe un manifeste de soutien au second ma nifeste de Breton ainsi qu'un article Athéisme et révolution. Le n° 3 présente Un professeur révoqué dont nous parlerons plus loin, cette foisci en pleine page. C'est son article le plus im portant, et le dernier. Henri Béhar et Michel Carassou, Le surréalisme, nouvelle édition, Paris, 1992 (l re édition de 1984). Le 2 septembre 1975, Maxime Alexandre écrit dans son journal : «La notion de luxe se perd. J'ai vu pour la dernière fois un paon en 1938, à l'hôtel de Klingenthal où j'ai écrit le dernier cha pitre de Cassandre de Bourgogne». Le 15 avril 1961, il parle de l'endroit où il commença à écrire ce texte: l'Hôtel de la Pinède à SaintTropez. Journal, op. cit. (note 17), texte du 4 novembre 1958, mais il ajoute en note: «Je viens d'ap prendre, en lisant l'excellent ouvrage de Marguerite Bonnet : André Breton, Naissance de l'aventure surréaliste, que j'ai publié des textes français dèsl923, dans Paris-Journal, hebdoma daire ayant été dirigé par Aragon (17 juillet 1975).» Ailleurs, Maxime Alexandre décrit le climat littéraire de l'époque, disant bien qu'il écrit dans Paris-Journal ( !) (Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 67). « Maxime Alexandre ? Il croit que je l'oublie. On n'oublie pas le désespoir!», in Aragon, Une vague de rêves, 1924. Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 92. Maxime Alexandre, Cassandre de Bourgogne, Préface d'Edmond Jaloux, de l'Académie fran çaise, Ed. Corréa, Paris, 1939, p. 191. Ibid., p. 14. Ibid., p. 15. Aid., p. 20. Ibid., p. 42. Ibid., p. 45. ibid., p. 121. Ibid., p. 127. Béhar et Carassou, op. cit. (note 41), p. 156. En particulier dans son introduction aux Contes bizarres d'Achim d'Amim, in Breton, André, Point du jour, Paris, 1934. Ce passage est également cité par Béhar et Carassou, op. cit. (note 41), p. 191. Ibid., chapitre sur L'action, sœur du rêve, p. 13. Tout comme il ne voit pas les implications du mot même de Cassandre. Le 15 avril 1961, il écrit: «Cassandre, ce fut bel et bien l'annoncia trice du malheur, sans erreur possible. Ce n'est pas l'année qui a suivi l'apparition de ce nom en rêve qui pouvait me fournir l'explication. Il me fut accordé un sursis de deux ans. J'aurais dû tenir compte de l'avertissement. Sans l'écart constant entre l'instinct et le genre de vie qui 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 nous est imposé à tous, j'aurais compris qu'il s'agissait d'une mise en garde. » Cassandre, op. cit. (note 46), p. 143. En juillet 1931 dans une revue soviétique Littérature de la révolution mondiale «Feu sur Léon Blum / Feu sur Boncour, Frossard, Déat / Feu sur les ours savants de la social-démocra tie... ». Henri Béhar, André Breton, le grand indésirable, Paris, 1990, p. 251. Henri Béhar, op. cit. (note 60), p. 253 et sui vantes. Maxime Alexandre, Mythologie personnelle, Ed. des Cahiers Libres, Paris, 1933. Ibid., p. 28. ibid, p. 13. Ibid., p. 43. Ibid., pp. 52-53. Voir, plus haut, note 40. Un professeur révoqué, in Le surréalisme au service..., 1931, op. cit. (note 40). Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 118. Ibid., p. 86. Ibid., p. 90. Jbid., p. 89. Ibid., p. 207. Ibid., p. 114. ibid., p. 91. Sylvia Alexandre, L'itinéraire spirituel de Maxime Alexandre, Thèse de théologie catho lique, Strasbourg, 1985, p. 50 et p. 271. D'après l'Encyclopédie de l'Alsace, F. Hoffet (1906-1969) est le fils d'un pasteur né à Ulzach, dans le Haut-Rhin et d'une mère suisse de Winterfhur. Il est contre son gré obligé de faire des études de théologie, ce qu'il fera à Strasbourg, Montpellier, Paris et New York. Il est consacré à Altkirch en 1932, dans une pa roisse calviniste. Sa femme est pasteur égale ment. En 1940, il s'établit à Cannes, résigne ses fonctions de pasteur, et commence des études de droit à Aix, qu'il terminera à Clermont. A la Libération, il sera pendant deux ans à Berlin en tant que commandant chargé de l'information. Démobilisé en 1947, il s'établit à Strasbourg comme avocat spécialisé dans le droit pénal. Il est l'auteur du best seller des années 50, Psychanalyse de l'Alsace. Son père avait été, entre 1894 et 1900, rédacteur de Die Heimat. Maxime Alexandre, L'amour image, Ed. du Sagittaire, Paris, 1946, pp. 110 ss. Ibid., p. 111. II lui dédiera son livre sur Hölderlin dont il sera question plus loin, Hölderlin le poète, qui ne de vait paraître qu'en 1942. Maxime Alexandre, Hölderlin le poète. Etude critique suivie d'un choix de poèmes. Ed. Robert Laffont, Marseille, 1942. Il restera en contact avec sa veuve, comme l'atteste une note du 7 septembre 1951, Badenweiler étant un lieu de cure qu'il fréquentera encore après la guerre. Maxime Alexandre vu par ses amis, op. cit. (note 1), p. 81. Ibid., p. 83. C'est pour cette raison aussi qu'il publie dans la Revue du Rhin en 1938, revue qui paraît depuis 1937 aux Editions Sébastian Brant à Strasbourg, 85 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 avec des contributions d'Yvan Goll, René Schickelé, et qui veut proposer une alternative aux Strassburger Monatshefte de Spieser, revue qui vise à rallier au nazisme tous les écrivains d'expression allemande en Alsace. Sylvia Alexandre, op. cit. (note 18), p. 50 cite Europe n° 167 du 15 novembre 1936. Maxime Alexandre, Sagesse de la folie. Présenté par Paul Claudel, Ed. de la Revue des Jeunes, Paris, 1952, p. 59. ibid, p. 62. ibid, p. 77. Ibid., p. 67. Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 58. Maxime Alexandre, Sagesse..., op. cit. (note 86), p. 92. Ibid., p. 106. Maxime Alexandre, Juif catholique. Le sceptre d'Esther, Ed. du Cerf, Paris,1965, pp. 86-88. Selon la formule de Nietzsche dans Généalogie de la morale. Op. cit. (note 86), p. 75. D'après Juif catholique, p. 77, la lecture de Léon Bloy et de Charles Péguy remonte à la pre mière guerre, en Suisse. Maxime Alexandre, Sagesse..., op. cit. (note 86), p. 75. Cette pièce a paru en 1918. Maxime Alexandre, Sagesse..., op. cit. (note 86), p. 101. ibid, pp. 111-112, pour une liste complète. ibid, p. 45. C'était une Bloch. Sylvia Alexandre, L'itinéraire..., op. cit. (note 18), p. 65. Elle rejoint Maxime et sa femme pendant la guerre à Tourette en 1941, où ils sont allés après Nice. Quand Maxime est libéré le 25 octobre 1940, il rejoint sa femme et son fils à Nice. A la nais sance de leur fille en 1942, la vie devient diffi cile, ils ont faim et se réfugient dans la mon tagne, à Saint-Etienne-de-Tinée, près de la frontière italienne, et ce jusqu'en février 1944. Ils ne sont plus inscrits comme Juifs et ont de fausses cartes. A l'arrivée des Allemands, ils par tent pour le Lot, à Goujounac, près de Cahors. D'après Sylvia Alexandre, op. cit. (note 18), Maxime Alexandre s'occupera ensuite de la sec tion du FN à Montpellier, où il est rédacteur à La voix de la patrie. Il sera ensuite, toujours pour le FN au bureau d'accueil des Alsaciens qui veu lent rentrer, puis correspondant de guerre à la Première Armée (voir aussi Juif catholique, p. 103) auprès de De Lattre. Enfin à Innsbruck, à la section culturelle du service d'information de l'armée d'occupation. En mai 1946, il revient en Alsace. Ne retrouvant pas ses affaires, il re part pour Paris. En 1947, il est proposé par Bourdet pour le poste de Radio-Strasbourg. On le lui refuse parce qu'il est juif, écrit-il. 19 janvier 1973 II s'agit, selon Sylvia Alexandre, op. cit. (note 18), d'une Histoire de la littérature allemande, entre 1956 et 1960. Il écrira effective ment, dans les années 60 et toujours à la de mande de Queneau et pour la Pléiade, une introduction aux romantiques allemands. 35 106 Maxime Alexandre, Juif catholique, op. cit. (note 93), p. 80. 107 Maxime Alexandre, Hölderlin..., op. cit. (note 81), p. 94. 108 ibid, p. 12. 109 Adrien Finck, Das deutschsprachige Werk Maxime Alexandres, in Recherches germaniques, 10, 1980, pp. 225-238 évoque l'influence de Brentano. 110 Ibid. 111 C'est un petit peu ce qui se passe pour Yvan Goll aussi. Mais, chez lui, pas de conversion. Au contraire, il retrouve le judaïsme et l'allemand. Voir Charles Fichter, étude dans Revue des Sciences sociales de la France de l'Est, n° 19, 1991-92, pp. 104-115. 112 Finck Adrien, op. cit., note 109. 113 Faut-il souligner que l'Allemagne négative est représentée pour les Alsaciens par la Prusse protestante et non par le catholicisme, qui a gardé vivace en Alsace la tradition du Zentrum catholique. Voir la force d'impact de cette tradi tion sous la République de Weimar. 114 Maxime Alexandre, Juif catholique, op. cit. (note 93), p. 16 115 Ibid., pp. 15-16. 116 ibid, p. 68. 117 Numéro 12, décembre 1929. 118 Maxime Alexandre, Juif catholique, op. cit. (note 93), p. 21. 119 ibid, p. 115. 120 ibid, p. 122. 121 Maxime Alexandre, Sagesse..., op. cit. (note 86), p. 117. 122 Ibid., p. 56. 123 Ibid., p. 58. 124 Ibid. 125 Maxime Alexandre, Juif catholique, op. cit. (note 93), pp. 123-124. 126 Dont il nous décrit les « personnalités » dans son Journal, texte du 27 février 1954. 127 Ibid., p, 55. 128 Maxime Alexandre, Mémoires d'un surréaliste, op. cit. (note 6), p. 9 129 Journal, texte du 21 août 1951. 130 Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), pp. 136-137 et L'Amour image, op. cit. (note 78), p. 143. 131 Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), pp. 136-137 132 Maxime Alexandre, Mémoires..., op. cit. (note 6), p. 9. 133 Maxime Alexandre, Juif catholique, op. cit. (note 93), pp. 80-81. 134 A Salonique en 1921, il lit les ouvrages de Martin Buber sur les hassidim, trouve qu'ils sont très proches des premiers chrétiens et des Esseniens dans leur façon de mettre en pratique l'amour du prochain. Juif catholique, op. cit. (note 93), p. 80-81. 135 Maxime Alexandre, Mémoires d'un surréaliste, op. cit. (note 6), p. 136. 136 Ce thème du juif errant a commencé à le préoc cuper dès la première guerre. A l'époque, il au rait écrit une version allemande, mais celle-ci a disparu.