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INTERNATIONAL Xxxxxxxxx A Melbourne, le tramway se cherche une nouvelle Où en est Yarra Trams, le réseau de tramway de Melbourne, l’un des plus importants au monde, depuis que Keolis en a pris l’exploitation il y a dix-huit mois, succédant à un autre Français, Transdev ? Après avoir pris ses marques et répondu aux exigences quotidiennes de son contrat, le groupe se fait force de proposition auprès du gouvernement du Victoria. Il souhaite convaincre de la nécessité de redonner à ce réseau plus que centenaire de Street Cars, une nouvelle dynamique par la création de sites propres, la priorité aux feux, la création de stations... Q uand on se promène dans le centre de Melbourne, on ne voit qu’eux. Il y en a partout. Sur Swanston Street, l’artère principale de la ville, ils se suivent même à la queue leu leu, à l’heure de pointe, mêlés au flot des voitures, des cyclistes et de piétons. D’époque, de formes et de couleurs variées, ils composent la plus importante flotte de tramway au monde avec près de 500 rames et circulent sur le troisieme réseau le plus long avec 254 km de voies. Un réseau plus que centenaire de 30 lignes qui a résisté à la vague de démantèlement de l’aprèsguerre qui a touché les autres cités australiennes et qui est devenu un des symboles de la ville. Une icône même, saluée par ce slogan que l’on trouve affiché un peu partout «Love your trams». Mais une icône que Keolis, qui exploite le réseau Yarra Trams depuis un peu plus d’un an après avoir succédé à Transdev, aimerait sortir un peu de sa tour d’ivoire. Pas qu’une curiosité touristique Enfin, tout est relatif parce que le réseau de Melbourne n’est pas qu’une curiosité touristique, il transporte 170 millions de voyageurs par an (100 en 1995) et a accompagné le développement de Melbourne depuis sa création à la fin du XIXème siècle jusqu’aux années 40, époque où l’utilisation de l’automobile a stoppé son développe58 TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 ment. Sa fréquentation a lentement baissé avant de repartir à la hausse à la fin des années 90 (120 millions de voyages en 1998). Le réseau a un peu une forme d’araignée avec un corps étroit qui couvre le centre de la ville, le CBD (Central Business District) et dont les pattes, qui convergent toutes vers le centre s’étirent d’une part vers le nord-ouest et d’autre part vers le sud-est. En gros la forme de la ville au milieu du siècle INTERNATIONAL Xxxxxxxxxxx y voie Swanston Street et Victoria Street, deux des artères principales de Melbourne, sont désormais en partie interdites aux voitures pendant la journée. Les trottoirs ont été agrandis, le stationnement sur voirie en partie supprimé et certains arrêts de tram modernisés et accessibles. Un exercice de style unique à Melbourne que certains voudraient voir se multiplier. Le concept de lignes Premium pourrait y aider. dernier. Il couvre le centre de Melbourne et la proche banlieue, soit 300 km² et un million d’habitants dont 500 000 vivant à moins de 200 mètres d’un arrêt du tram. Le problème, c’est que la Melbourne du XXIème siècle compte 4 millions d’habitants et qu’elle en gagne 80 000 de plus chaque année. Des habitants qui, comme partout ailleurs, se sont installés en zone périurbaine peu dense, créant des migrations alternantes quotidiennes qui congestionnent la ville. Michel Masson, directeur général de KDR, la joint venture Keolis et de son associé australien Downer Rail. 15% de sites propres «Résultat : aujourd’hui, la vitesse moyenne des trams n’est que de 19 km/h et même de 11 km/h en hyper-centre», précise Michel Masson, directeur général de KDR, la joint venture du nom de Keolis et de son associé australien Downer Rail, chargé des aspects de maintenance, qui exploite le réseau Yarra Trams. Une faiblesse due au fait qu’il ne s’agit pas de lignes en site propre mais de ce que les anglo-saxons appellent des «Street Cars». Les tramways sont mélangés à la circulation automobile et il n’est pas rare de voir une longue file de voitures sur les rails précédant ou suivant les trams. Aujourd’hui, seules 15% des lignes sont en site propre. Un handicap qui crée également des problèmes de sécurité puisque beaucoup des 1743 arrêts du réseau sont situés directement sur la chaussée, sans quai d’embarquement et souvent dépourvus de protection contre le flot de voitures. «Chaque jour, nous déplorons deux à trois accidents de tram et tous les mois une moyenne de cinq piétons blessés soit sur la voie publique soit dans le tram à cause de freinages intempestifs dus à la circulation automobile», déplore Michel Masson, qui précise que «l’amélioration de la sécurité fait partie de nos grandes priorités.» Enfin, autre difficulté : la vétusté des infrastructures et la très grande hétérogénéité du parc (voir encadré) qui compte six types de matériels (bientôt 7) dont les plus anciens datent de 1945. Résultat : une part de marché du tram qui atteint 14% en moyenne. Un chiffre faible mais qui est en progression de 4% depuis le début de la privatisation. Une croissance du trafic qui vient ajouter aux difficultés d’exploitation du réseau. TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 59 INTERNATIONAL Xxxxxxxxx Si le VLS est encore balbutiant à Melbourne, la part de marché du vélo a doublé en huit ans (de 4% en 2002 à 9% en 2010), ce qui fait dire à Michel Masson qu’en centre-ville, le deux-roues et la marche à pied sont devenus les principaux concurrents du tram. Moderniser le réseau Le challenge à relever par KDR n’est pas mince. Fort de son expérience dans l’exploitation de tramways en Europe et fidèle à sa stratégie qui est d’avancer Des trams qui ont le bourdon La flotte de 478 tramways de Yarra Trams accuse un âge moyen qui dépasse les 25 ans. Les plus anciennes rames, les W Class, datent même de 1945. 38 d'entre elles circulent encore aujourd’hui. Mais la majorité du parc, soit 282 rames, a été acquises entre 1975 et 1984 (100 Z Class, 132 B Class et 50 A Class). C’est en 2001 que le réseau a reçu ses premiers tramways à plancher bas, 60 Citadis Alstom suivis en 2002 de 40 Combino Siemens. En attendant les 50 Bombardier Flexity qui seront livrés à partir d’octobre 2002. A noter une curiosité locale : 4 rames louées à Mulhouse, qui sont restées aux couleurs jaunes du réseau alsacien et qui ont tout de suite été adoptées par les habitants de Melbourne et baptisées «Bumblebee», ce qui signifie bourdon. La location de ces rames devrait se transformer en achat ferme cette année. «étape par étape», comme le souligne Michel Bleitrach, le groupe français, en place depuis juin 2009, s’est immédiatement mis au travail pour résoudre les problèmes les plus criants. «D’abord, nous avons constitué une équipe uni- que composée des gens de Keolis de Downer et de Siemens pour mieux répondre aux problèmes de maintenance et de gestion quotidienne. Désormais, dans une même équipe sont regroupés des responsables de l’exploi- A côté de Yarra Trams cohabitent deux autres réseau de transport public gérés chacun par un exploitant différent. Les trains de banlieue sont exploités par le Hong-kongais MTR. Il s’agit d’un réseau de 15 lignes qui pénètrent jusqu’au centre-ville et qui transporte chaque année 225 millions de personnes. Un réseau vétuste à cause du sous-investissement de ces dernières années et sur lequel Veolia mais aussi les Anglais de National Express avant lui se sont cassés les dents. Le réseau d’autobus dont les lignes viennent combler les vides laissés par les réseaux de trains et de tram transportent 100 millions de passagers par an. 60 TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 INTERNATIONAL Xxxxxxxxxxx Les tramways sont mélangés à la circulation automobile et il n’est pas rare de voir une longue file de voitures sur les rails précédant ou suivant les trams. tation et de la maintenance des véhicules et de l’infrastructure, ce qui permet de mieux coordonner le travail de chacun et d’éviter, comme cela pouvait être le cas auparavant, que, par exemple, la gestion de la maintenance ne se fasse Melbourne, à l’instar des agglomérations européennes, a son système de vélos en libre-service. Un contrat remporté par l’Automobile club australien, le RACV, face à Decaux. Un système encore peu utilisé parce que la réglementation australienne oblige tout cycliste à porter un casque. Pour résoudre ce problème, le RACV a passé un accord avec la chaîne de magasins «Seven Eleven» pour fournir des casques aux utilisateurs du système. au détriment de l’exploitation», explique Michel Masson. A la tête de cette équipe, un ancien directeur de la gare de Lyon, Clément Michel, nommé Chief Operating Officer, responsable de l’exploitation en quelque sorte : «La vétusté de certains équipements et la diversité des matériels roulants sont un véritable casse-tête pour nos ateliers. Nous avons mis en place, une nouvelle politique de maintenance plus industrialisée et introduit la notion de maintenance préventive», explique-t-il. Autres actions menées à bien pendant cette première année, la mise en place de 480 nouveaux services pour les lignes le plus fréquentées, la création d’une ligne de rocade pour desservir les Docklands, un quartier en pleine expansion, le renouvellement de la livrée de 180 rames pour donner une certaine unicité au réseau, «alors que nous nous étions engagés sur 60», précise Michel Masson, et la création d’un institut de formation, «seul budget que je veux voir dépensé en totalité», insiste-t-il. En tout, sur les 42 promesses faites en début de contrat, 40 ont été tenues et une a été renégociée avec l’Etat. Les premiers résultats sont au rendezvous : «Nous affichons une performan- ce record en matière de ponctualité et nous venons d’être élus l’entreprise de transport la plus respectée d’Australie par 371 grands patrons du pays», se réjouit Michel Masson. Côté fréquentation, après une lègère baisse au premier trimestre 2010, due aux effets de la crise, la croissance est repartie au rythme de 2,2% par an. Moins d’articles négatifs dans les journaux Même le tout nouveau ministre des Transports et des Routes du Victoria, Terry Mulder, qui est l’autorité organisatrice des transports de Melbourne, salue les résultats de Keolis-KDR qualifiés d’«excellents» et «qui atteignent leurs objectifs.» Pour le ministre, un des signes de la qualité apportée par Keolis est «le fait qu’il y ait moins d’articles négatifs dans les journaux.» Une référence à la violente campagne de presse qu’avait dû subir Veolia Transport quand le groupe exploitait les trains de banlieue. Mais Keolis ne se contente pas de gérer au quotidien. L’entreprise, fidèle à sa démarche, réfléchit au deve- Beaucoup des 1743 arrêts du réseau sont situés directement sur la chaussée, sans quai d’embarquement et souvent dépourvus de protection contre le flot de voitures. TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 61 INTERNATIONAL Xxxxxxxxx nir du réseau et aux meilleurs moyens à mettre en œuvre pour le développer. Elle propose notamment de créer des lignes de rocades pour casser le caractère radial du réseau qui oblige à passer systématiquement par le CBD où se crée une sorte de nœud gordien. «Quatre tramways sur dix passent par Swanston Street. Il faut désengorger cet axe en créant des lignes «orbitales» qui pourraient notamment desservir le sudest de la ville en fort développement sans passer par le CBD», explique Michel Masson. Autre projet plus immédiat, la création de lignes «Premium», des lignes structurantes choisies en fonction de leur importance de trafic. Ces axes majeurs seraient mis en site propre, bénéficieraient de la priorité aux feux, seraient dotés de véritables stations offrant un meilleur accès aux handicapés et verraient circuler les matériels les plus modernes du réseau. «Jusque-là, les nouveaux matériels que nous recevons étaient saupoudrés sur tout le réseau. Nous voulons montrer qu’en focalisant nos efforts sur quelques lignes structurantes, les plus chargées du réseau, et en donnant la priorité aux feux, nous décuplons son efficacité», explique Clément Michel. Aujourd’hui, les tramways de Melbourne passent 17% Terry Mulder, ministre des Transports et des Routes du Victoria, en grande discussion avec Michel Belitrach, président du directoire de Keolis. de leur temps arrêtés aux feux contre 1% dans des villes comme Bordeaux dont les trams ont la priorité. Dans un premier temps, trois lignes devraient bénéficier de ce traitement. La première pourrait être mise en œuvre d’ici la fin 2012. «Nous espérons bien qu’au vu de l’efficacité de ces lignes, d’autres suivront», indique Clément Michel. Un opérateur qui s’implique Du côté du gouvernement, cette implication de l’opérateur dans l’évolution du réseau semble plutôt bien accueillie Le réseau de tramway couvre le centre de Melbourne et la proche banlieue, soit 300 km² et un million d’habitants dont 500 000 vivant à moins de 200 mètres d’un arrêt du tram. 62 TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 et même souhaitée, comme nous l’explique Norman Gray, le vice-directeur des transports publics de Melbourne pour qui la priorité aux feux et la généralisation d’un réseau en site propre «sont autant nos priorités que celles de l’opérateur» (voir article suivant). Si l’administration est acquise à cette notion, on ne sait pas trop ce qu’il en est du nouveau gouvernement libéral élu un peu à la surprise générale en novembre dernier. Pour l’instant, Terry Mulder qui fut «shadow» ministre des Transports entre 2006 et 2010, énumère ses priorités : «Rendre le réseau de tram accessible aux handicapés», «rendre plus sûrs les trains de banlieue», «investir dans la rénovation des infrastructures», mais sans dire pour le moment à quel niveau. Le gouvernement précédent avait voté un plan d’un milliard de dollars australiens d’investissements sur cinq ans pour l’achat de 50 nouveaux tramways Bombardier qui vont être livrés à partir de 2012, la construction d’un nouveau dépôt et la rénovation des infrastructures, notamment celles de distribution d’énergie électrique jugées beaucoup trop anciennes et trop faibles par rapport aux besoins des trams modernes. Certaines sous-stations datent en effet des années 20. De son côté, KDR s’est engagée par contrat à rénover 10 km de lignes par an contre 5 dans le précédent contrat. Sans doute pas suffisant pour rattraper le retard accumulé ces dernières années. INTERNATIONAL Xxxxxxxxxxx Vers une autorité multimodale Plus concrètement, Terry Mulder travaille avec ses équipes à la constitution d’une autorité des transports de Melbourne composée d’experts qui auraient compétence sur les tramways mais aussi sur les trains régionaux et sur les bus. Cette coordination était en effet jusque-là quasi inexistante, sauf en matière de billettique avec la carte MYKI qui est loin d’être la réussite escomptée (voir article). Chaque réseau travaillait donc dans son coin en igno- rant le voisin. Résultat : un niveau d’intermodalité très faible, de l’ordre de 5,5% (bus/train 2,2%, tramway/train 1,6%, VP/train 1,7%). Une situation d’autant plus curieuse que, comme le souligne Michel Bleitrach, le business modèle de Melbourne est très particulier : «Les revenus du transport public vont dans un panier commun puis sont redistribués aux opérateurs selon une clé de répartition déterminée dans le contrat. Ça signifie que chaque opérateur a interêt à voir ce panier commun augmenter.» Un intérêt que Keolis comme MTR, qui gère les trains de banlieue, ont bien compris. Les deux entreprises qui se côtoient depuis qu’ils ont repris en même temps leurs franchises respectives ont noué des contacts étroits pour mieux coordonner leurs actions et éviter par exemple, comme cela arrivait dans le passé, que les trains modifient entièrement leur grille horaire sans en informer Yarra Trams. L’avenir des transports publics de Melbourne est, on le voit, encore incertain. Mais le nouvel engouement que les habitants portent à leurs tramways pourraient pousser les autorités à réagir. Robert Viennet Melbourne va-t-elle mettre MYKI sous la porte ? Le gouvernement du Victoria réfléchit de plus en plus sérieusement à remplacer dans les prochains mois le système de ticketing intégré MYKI, commun aux différents modes de transports publics de cet Etat d’Australie. I ntroduit avec près de trois ans de retard en juillet dernier, pour une facture qui dépasse déjà de plusieurs centaines de millions d’euros le coût initial d’un projet estimé à l’époque à 350 millions d’euros, MYKI n’a pour l’instant été introduit que dans le réseau de trains de l’agglomération de Melbourne. Son implantation dans l’ensemble des réseaux de bus, de tramways et de trains régionaux se fait toujours attendre, suite à des problèmes techniques récurrents. Au point que le système a été qualifié de «désastre» par le nouveau Premier ministre du Victoria, le libéral Ted Baillieu, élu en novembre dernier et qui n’a pas tardé à ouvrir l’enquête pour tenter de comprendre les raisons d’un tel fiasco. Un audit, dirigé par le cabinet Deloitte, a été lancé à la fin du mois de décembre. Les résultats initialement attendus fin février ont été repoussés par le gouvernement qui préfère attendre, selon l’actuel ministre des Transports, Terry Mulder, «d’avoir toutes les cartes en En plus des difficultés techniques de mise au point, MYKI pose un probleme aux exploitants. Il s'agit d'une carte qui doit être validée en entrée et en sortie du réseau. Dans les trams, c'est un véritable casse-tête. Aussi, les dirigeants de KDR ont fini par convaincre le gouvernement de renoncer au «touch off». TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 63 INTERNATIONAL Xxxxxxxxx mains avant de prendre une décision finale.» Elle pourrait coûter cher aux pouvoirs publics, obligés de débourser près de 200 millions d’euros de dommages et intérêts si le gouvernement décidait de mettre un terme au contrat de quatorze ans signé avec l’opérateur du système, le consortium Kamco dirigé par l’américain Keane. Les options possibles Bien que jouant la prudence, le gouvernement commence déjà à regarder les options possibles. Il a notamment rencontré le 22 février dernier, les dirigeants de Vix Technology, dont la proposition n’avait pas été retenue en 2004 lors du choix du système par le gouver- Peu de stations de tram sont équipées d'information voyageur dynamique. KDR a développé «Timetracker», un système d'information en temps réel sur iPhone qui permet de connaître le passage des prochains trams à tous les arrêts. Ce sytème fonctionne également avec un téléphone classique grâce à un serveur vocal. nement travailliste précédent. Baptisé Metsmart, cette nouvelle smartcard pourrait faire économiser «près de 100 millions de dollars au gouvernement», selon Steve Gallagher, le directeur-général de Vix Technology. Sa mise en place pourrait intervenir «en dix-huit mois sur l’ensemble des différents modes de transport public du Victoria», a insisté le patron de l’opérateur lors de son audition. Il a par contre refusé de révéler le coût d’une telle opération pour les pouvoirs publics. Selon le porte-parole du ministère des Transports, deux autres compagnies internationales ont contacté le ministre Mulder, qui a pour l’instant refusé de les recevoir, préférant «attendre les conclusions de l’audit en cours.» Aucune date n’a encore été communiquée quant à la diffusion de ces résultats, mais selon plusieurs observateurs, le gouvernement pourrait faire connaître son verdict avant juin prochain. D’ici là, il gardera un œil attentif sur les sondages qui se multiplient ces dernières semaines dans la presse du Victoria. Selon le dernier publié cette semaine par le quotidien de Melbourne The Age, 56% des passagers interrogés souhaitent le retrait de MYKI. Olivier Caslin Melbourne, une saga française Melbourne, les transports publics ont pris l’accent français depuis plus de dix ans. Lorsqu’en 1999, le gouvernement du Victoria décide de privatiser les transports de la ville, c’est à Veolia qu’il confie les clefs des trains de banlieues et à Transdev, celles de Yarra Trams pour le réseau de tramways. Quatre ans plus tard, la privatisation se transforme en partenariat public-privé et les deux compagnies françaises en profitent pour se partager les dépouilles du britannique National Express qui vient de jeter l’éponge. «On peut donc en effet 64 TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 parler de French Touch», plaisante Norman Gray, le vice-directeur des transports publics de Melbourne, en charge justement des franchises depuis l’appel d’offres de 2009. Entre temps, les cartes ont en effet été redistribuées et depuis l’année dernière, les trains de banlieue se sont mis au chinois, le hongkongais MTR ramassant la mise dans le réseau suburbain, appelé dorénavant Metro. Yarra Trams a gardé son nom et poursuit son apprentissage de la langue Norman Gray, vice-directeur des transports publics de Melbourne, est en charge des franchises depuis l’appel d’offres de 2009. INTERNATIONAL Xxxxxxxxxxx Parmi les principaux dossiers soumis par Keolis à l'autorité organisatrice, la priorité aux feux et la généralisation d’un réseau en site propre, française, mais change de professeur au profit de Keolis, nouveau venu en Australie et qui a signé pour un bail de sept ans, plus huit optionnels. «Ils ont proposé une véritable vision du réseau, avec des idées nouvelles et rafraîchissantes», explique Norman Gray. Difficile pour ce dernier de faire des comparaisons avec les opérateurs français précédents, mais il apprécie la volonté affichée par son nouveau partenaire «de travailler en consensus plutôt que de tenter de passer en force comme pourraient le faire les compagnies anglo-saxonnes». Une caractéristique «liée à la culture française», estime encore Norman Gray, qui la pratique depuis 2006 et son passage à la direction de Thalès Australia. Compréhension du contexte local «Le secteur des transports publics est très important en France, les opérateurs ont donc une vraie expertise à nous apporter», reprend Norman Gray, qui qualifie les différences entre opérateurs de «subtilités», qui, au bout du compte, «apportent des changements profonds dans l’organisation.» Il observe avec beaucoup d’attention les retouches déjà apportées par Keolis en douze mois, «en matière de maintenance et d’opération de la flotte, de gestion des dépôts et des hommes ou de contrôle du réseau.» Sa stratégie «tournée avant tout vers le passager» est déjà jugée «gagnante» par Norman Gray, qui rend hommage au management «pour sa très bonne compréhension du contexte local.» Pour être sûr de profiter du savoir-faire français, le gouvernement du Victoria aurait même imposé au futur opérateur la présence de ressortissants de l’Hexagone sur place, «afin d’assurer un meilleur niveau d’échange.» Depuis, les pouvoirs publics ne sont pas déçus. Des quatre coins du monde, le flux des visites rendues en Australie par les ingénieurs de Keolis et de sa maison-mère la SNCF Le traumatisme National Express «Quand nous discutons avec l’administration du Victoria, leurs responsables s’inquiètent toujours de savoir si nous nous en sortons bien financièrement, si nous gagnons bien notre vie», s’amuse Michel Bleitrach. Il faut dire que le gouvernement du Victoria est encore traumatisé par l’affaire National Express. Le groupe anglais qui avait gagné deux appels d’offres en 1999 (la moitié du réseau de tramway et la moitié du réseau de trains de banlieue) s’était purement et simplement retiré en 2002, parce qu'il ne gagnait pas suffisamment d'argent, laissant le gouvernement du Victoria s’occuper seul de la gestion de ces deux réseaux. Résultat : deux ans plus tard, ces deux franchises étaient attribuées d'une part à Transdev, qui devenait ainsi l’opérateur unique des tramways de Melbourne, et d'autre part à Veolia, celui des trains de banlieue. est permanent. «Ils disposent des ressources et d’un savoir-faire acquis sur les différents modes à l’échelle mondiale qui leur permettent d’apporter les bonnes solutions», constate Norman Gray, qui note également la passion de l’opérateur «pour la collection et l’analyse de données.» Une bonne habitude qui, d’après l’ancien officier de l’armée de l’air australienne, «permet de mieux comprendre et de mieux expliquer les problèmes rencontrés par le réseau.» «Leurs priorités sont nos priorités» Parmi les principaux dossiers soumis par Keolis, la priorité aux feux et la généralisation d’un réseau en site propre, «sont autant nos priorités que celles de l’opérateur», assure le représentant des pouvoirs publics. «Nous avons déjà gagné des batailles importantes face aux lobbies de la route», affirme Norman Gray, qui reconnaît également que «le chemin s’annonce encore long» dans une métropole qui depuis quarante ans a confié son destin au tout-voiture. Il l’est encore aussi pour l’opérateur, «qui doit compter sur la culture d’entreprise et les résistances au changement héritées de l’époque du service public», explique Norman Gray. Il se félicite là aussi de la qualité du dialogue entre la direction «qui souhaite impliquer» et les salariés «qui ont le sentiment d’être pris en compte.» Là où Transdev s’est parfois pris les pieds dans le tapis, Keolis assure au contraire «une vraie gestion des négociations salariales, peut-être apportée par la SNCF», constate Norman Gray, qui voit également d’un très bon œil le partenariat qui se dessine sur certains dossiers communs avec MTM. Selon lui, tout cela confirme «l’engagement sur le long terme d’un opérateur qui est aujourd’hui bien plus qu’un simple prestataire de services». Et qui espère bien «en prendre pour quinze ans», pour reprendre la formule de Michel Masson, directeur général de Yarra Trams et interlocuteur privilégié de Norman Gray. Olivier Caslin TRANSPORT PUBLIC - Mars 2011 - N° 1111 65