Cour de cassation de Belgique

Transcription

Cour de cassation de Belgique
18 JUIN 2015
C.13.0485.F /1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.13.0485.F
GALERIES SAINT LAMBERT, société anonyme dont le siège social est
établi à Bruxelles, avenue des Arts, 46,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l’Empereur, 3, où il est fait élection
de domicile,
contre
FNAC BELGIUM, société anonyme dont le siège social est établi à Evere,
avenue Jules Bordet, 142,
défenderesse en cassation,
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représentée par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le
cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 480, où il est fait élection de
domicile.
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 24 mai
2013 par le tribunal de commerce de Liège, statuant en degré d’appel.
Le 30 avril 2015, l’avocat général Jean-François Leclercq a déposé des
conclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et l’avocat général
Jean-François Leclercq a été entendu en ses conclusions.
II.
Le moyen de cassation
Dans la requête en cassation, jointe au présent arrêt en copie certifiée
conforme, la demanderesse présente un moyen.
III.
La décision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par la défenderesse et
déduite de son imprécision :
En énonçant que l’article 1068 du Code judiciaire ne permet pas au juge
d’appel de confirmer une mesure d’instruction et de renvoyer la cause au
premier juge sans statuer sur les contestations élevées sur la pertinence de cette
mesure d’instruction, le moyen indique avec précision en quoi consiste la
violation alléguée.
La fin de non-recevoir ne peut être accueillie.
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Sur le fondement du moyen :
Selon l’article 1068, alinéa 1er, du Code judiciaire, tout appel d’un
jugement définitif ou avant dire droit saisit le juge d’appel du fond du litige.
En vertu de l’article 1068, alinéa 2, du Code judiciaire, le juge d’appel
ne renvoie la cause au premier juge que s’il confirme, même partiellement, une
mesure d’instruction ordonnée par le jugement entrepris.
Cette exception à l’effet dévolutif de l’appel est limitée aux
contestations dont l’appréciation dépend des résultats de la mesure
d’instruction.
Après avoir décidé que les travaux de renforcement des sols et de leur
mise en conformité aux normes incendie incombent à la demanderesse et
condamné celle-ci à titre provisionnel au paiement de 584.708 euros
représentant, selon l’expert préalablement désigné, leur coût incontestable, le
premier juge a confié à l’expert la mission complémentaire de « donner son
avis sur les éléments du préjudice éventuellement subi par [la défenderesse]
autres que [ce coût] ».
Dans ses conclusions d’appel, la demanderesse demandait de « dire
pour droit que ne relèvent de [sa] responsabilité […] que les frais relatifs au
renforcement des sols proprement dits […], et non (i) ceux relatifs aux travaux
de pose et repose et de finition […], (ii) ceux liés à l’occupation provisoire […]
et (iii) ceux liés aux pertes en termes de marge d’exploitation ».
Elle soutenait, pour le poste (i) qu’« il résulte [des] différentes
dispositions [du second bail] que, mis à part les travaux de gros œuvre, les
autres postes dont [la défenderesse] réclame le remboursement sont à sa
charge », pour le poste (ii) que la défenderesse a « accepté de conclure une
convention temporaire d’exploitation en date du 25 juillet 2008 par laquelle
elle s’est engagée à payer tous les travaux d’aménagement nécessaires, sans
qu’une quelconque indemnité lui soit due à la fin de la convention » et, pour le
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poste (iii) que, outre l’article 15.2 du second bail, il n’existe pas de lien causal
entre la diminution des ventes de la défenderesse et sa faute.
La demanderesse demandait de « débouter [la défenderesse] pour le
surplus de ses demandes [et dès lors de] réformer le jugement entrepris en ce
qu’il ordonne un complément d’expertise pour déterminer les frais relatifs [à
ces] points ».
Le jugement attaqué énonce que « le premier juge n’a pas statué sur le
fait que [la demanderesse] serait responsable des travaux de finition et des
parties b et c du dommage […], a réservé à statuer et [a] confié une mission
complémentaire à l’expert » et considère que, « confirmant la décision du juge
de paix, l’évaluation des différents éléments du dommage doit être renvoyée au
juge de paix, seul compétent pour apprécier les résultats de l’expertise
ordonnée ».
Le jugement attaqué, qui s’abstient de statuer sur les contestations de la
demanderesse portant sur sa responsabilité et sur la pertinence de l’expertise
complémentaire et les renvoie au premier juge, au seul motif qu’il confirme
cette mesure d’instruction, sans examiner si l’appréciation de ces contestations
dépend des résultats de cette mesure, viole l’article 1068 du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est fondé.
Et la cassation du jugement attaqué entraîne l’annulation du jugement
du juge de paix du 2e canton de Liège du 13 novembre 2014, qui en est la suite.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaqué en tant que, sans se prononcer sur la
responsabilité de la demanderesse quant aux éléments du dommage invoqué
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par la défenderesse, il confirme le jugement entrepris qui a ordonné un
complément d’expertise en vue de l’évaluation des travaux de finition, du coût
des travaux exposés dans la partie « provisoire » et des pertes de marge
d’exploitation et renvoie la cause au juge de paix ;
Annule le jugement du juge de paix du 2e canton de Liège du
13 novembre 2014 ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement
partiellement cassé et du jugement annulé ;
Réserve les dépens pour qu’il soit statué sur ceux-ci par le juge du
fond ;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de commerce
francophone de Bruxelles, siégeant en degré d’appel.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Didier
Batselé, Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononcé en
audience publique du dix-huit juin deux mille quinze par le président de section
Albert Fettweis, en présence de l’avocat général Jean-François Leclercq, avec
l’assistance du greffier Patricia De Wadripont.
P. De Wadripont
M.-Cl. Ernotte
M. Lemal
M. Regout
D. Batselé
A. Fettweis