La santé des téléopérateurs en centre d`appels téléphoniques
Transcription
La santé des téléopérateurs en centre d`appels téléphoniques
Les Études d’AHI 33 • • • Comprendre pour mieux agir La santé des téléopérateurs en centre d’appels téléphoniques Synthèse Évolutions et grands changements - 5 ans après Que s’est-il passé entre 2004 et 2009 pour la santé et les conditions de travail des téléocon pérateurs érat ? Face à ce métier nouveau, pour ur lequel il existe peu de références, éfér le Service de Santé au T Travail - AHI 33 a réalisé en 2004 une étude épidémiologique sur la santé des téléopérateurs en centre d’appels téléphoniques. Cette étude a porté sur une population d’entreprises et de salariés conséquente et représentative : plus de 20 centres d’appels et un panel de près de 500 téléopérateurs. Les résultats ont donné lieu à 2 publications et surtout à une sensibilisation des entreprises et des médecins du travail, et à des conseils de prévention spécifiquement adaptés à ce métier. En 2009, afin de connaître les évolutions et les grands changements pour la santé et les conditions de travail des téléopérateurs, l’AHI 33 a réalisé une nouvelle étude auprès de 14 centres d’appels qui avaient participé en 2004. Ce document présente la synthèse des changements qui ont pu être observés sur cette période de 5 ans. Population et poste de travail Les grandes évolutions Un métier en fort développement L’effectif total des téléopérateurs dans les 14 entreprises suivies a augmenté de 22 %, passant de 1987 à 2420 entre 2004 et 2009. Un turn-over nettement diminué (34 % contre 54,6 %). Un taux d’absentéisme augmenté, passant de 7 % à 11 %, mais le nombre d’arrêts maladie est relativement stable. Les arrêts doivent ainsi vraisemblablement être plus longs. Une plus grande professionnalisation dans ce métier avec allongement de la durée moyenne de la formation interne qui est passée de 23 à 29 jours. Les nouvelles caractéristiques des postes de travail Les équipements des postes de travail ont tous progressé. Les améliorations constatées concernent en partie, également, l’ambiance thermique des locaux de travail. L’installation a été complèment modifiée dans certaines entreprises. Des agrandissements de locaux et un déménagement ont également été réalisés. En revanche, il n’y a pas de progression en ce qui concerne l’ambiance sonore et l’ambiance lumineuse. Or ces paramètres étaient impliqués dans la genèse du stress et liés significativement à l’existence d’une pathologie en 2004. Les compétences médicales au plus près des besoins des salariés et des entreprises Prévention des risques professionnels Agir à vos côtés Cette enquête épidémiologique en milieu de travail a été entièrement conçue et réalisée par AHI 33 en lien direct avec les entreprises adhérentes et les salariés. 14 médecins d’AHI 33 ont participé à cette étude. Elle a été effectuée dans le cadre du tiers temps médical. Ce dispositif renforcé par la réforme de 2004 permet aux médecins de se rendre dans les entreprises afin de prendre en compte la dimension globale des problématiques de santé au travail et conseiller ainsi au mieux les employeurs dans l’intérêt de la santé des salariés. Les Études d’AHI 33 • • • Comprendre pour mieux agir Organisation du travail Contrôle du travail En 2009, aucun salarié ne travaille plus de 6 jours consécutifs. Ce nombre de jours travaillés d’affilée est important. En effet, il y avait un lien fortement significatif avec les signes de souffrance mentale, les arrêts maladie, les pathologies à caractère professionnel lorsqu’il se situait au-delà de 6 jours successifs. Par ailleurs, l’allongement de la durée des pauses qui est un facteur positif a concerné 8 entreprises sur 14 en 2009. Annualisation du temps de travail Nombre moyen de jours travaillés d’affilée 2004 2009 50,0 % (e) 42,8 % (e) En 2009, si l’affichage du nombre d’appels en attente est moins fréquent, le formatage impliquant de répondre par des phrases types l’est davantage. Dans l’enquête sur la population professionnelle générale de l’INSEE-DARES de 2005, 45 % des salariés sont soumis à des procédures de qualité strictes et 30 % à des objectifs chiffrés précis. Dans notre étude en 2004 et en 2009, 90 % des services pratiquaient le contrôle quantitatif. Le contrôle qualitatif qui existait pour déjà 90 % des services s’est généralisé en 2009. 5,5 j 5,2 j Horaires classiques de bureau 45,0 % (s) 49,0 % (s) 2004 2009 Horaires de repas classiques 70,0 % (s) 73,7 % (s) Affichage du nombre d’appels en attente 55,0 % (s) 42,0 % (s) 10’ à 30’ 20’ à 35’ Contrôle quantitatif 90,0 % (s) 90,0 % (s) Extrêmes : 0’ / 60’ Extrêmes : 0’ / 56,45’ Contrôle qualitatif 91,0 % (s) 100,0 % (s) Formatage imposant de répondre par des phrases types 10,0 % (s) 25,0 % (s) Indicateurs de résultats individuels 85,0 % (s) 95,0 % (s) Indicateurs de résultats visibles uniquement par les TO 5,5 % (s) 55,0 % (s) Attribution de primes individuelles de résultats 71,0 % (s) 68,7 % (s) Pauses (durée moyenne) (s) : des services (e) : des entreprises Il est intéressant de comparer certains éléments à ceux indiqués au sein de la population professionnelle générale en 2005 dans l’enquête « Conditions de travail de 2005 » INSEE-DARES, dont les résultats concernant les horaires atypiques et les contraintes de travail ont été publiés en mai 2009. Ces résultats sont meilleurs que dans la population générale, sauf en ce qui concerne l’annualisation du temps de travail. Contenu du travail La polyvalence des tâches semble moins habituelle qu’en 2004, mais elle est jugée toujours largement satisfaisante. Ceci est une donnée positive car les salariés qui étaient satisfaits de cette polyvalence présentaient moins souvent des signes de souffrance mentale. La possibilité d’intervenir sur le contenu du travail ne semble pas plus fréquente en 2009 qu’en 2004. Or ce paramètre avait une incidence forte sur l’existence de signes de souffrance mentale. 2004 2009 Polyvalence des tâches 100,0 % (s) 81,0 % (s) Polyvalence jugée satisfaisante 81,5 % (sa.) 83,3 % (s) Possibilité d’intervenir sur le contenu du travail 58,1 % (sa.) 58,3 % (s) Existence d’injonctions paradoxales 30,0 % (s) 29,7 % (s) Durée moyenne attendue des appels 30’’ à 7’ 1’ à 60’ Durée moyenne réelle des communications 2’ à 28’ 2’ à 11’30’’ Durée de la temporisation entre 2 appels 3’’ à 1’ 0’’ à 5’ (variable dans 1/3 des services en 2004 et 2009) (s) : des services (s) : des services En 2009, dans 10 fois plus de services qu’en 2004, les indicateurs de résultats sont uniquement montrés aux seuls téléopérateurs concernés et non plus à l’ensemble de l’équipe. Est-ce pour assurer une certaine confidentialité des résultats ? Les performances individuelles seraient-elles privilégiées au détriment du sentiment d’appartenance à un groupe, ou d’une émulation en fonction des résultats des autres ? Ceci sera-t-il à l’origine d’un certain sentiment d’isolement, de sélection ? En 2004, lorsque les salariés bénéficiaient de primes individuelles de résultats, 57,4 % avaient été en arrêt maladie contre 45,7 % chez ceux qui n’en bénéficiaient pas. Ce résultat avait amené à s’interroger sur cette course à la performance qui serait épuisante. Les salariés qui se sentent moins performants préférent-ils s’arrêter plutôt que d’être « mal notés » ? Evolution professionnelle En 2004, la possibilité de mutation était est un élément positif qui rendait moins fréquents les signes de souffrance mentale. 2004 2009 Mutation possible vers un autre poste de TO 70,0 % (s) 80,0 % (s) Mutation possible vers un poste autre que TO 68,4 % (s) 92,5 % (s) (sa.) : des salariés Si la fourchette de la durée attendue des communications est plus importante en 2009, la durée moyenne réelle des communications est inférieure à celle de 2004 dans la moitié des services et elle est plus souvent variable. Or en 2004, les salariés pour lesquels la durée des appels était la plus courte présentaient significativement plus souvent des signes de souffrance mentale (alors que ceux dont la durée des appels se situait dans la tranche la plus longue étaient plus souvent en arrêt maladie). (s) : des services Ainsi, en 2009, l’amélioration des perspectives de mutation devrait avoir un effet posititif sur la santé des téléopérateurs. Les Études d’AHI 33 • • • Comprendre pour mieux agir Évaluation de l’impact de cette enquête Souvenir de l’existence de cette enquête : - de la part de l’employeur : - de la part des T0 : 50,0 % 45,0 % Résultats de cette enquête ayant pu être présentés par le médecin du travail : si oui, - à l’employeur seul : - au CHSCT : - aux salariés ayant participé : - à partir de restitutions formelles : - à partir de restitutions informelles : - à partir des plaquettes de l’AHI : - certains résultats ont soulevé des commentaires : - certains résultats ont soulevé des contestations : non = 75,0 % Prise en compte des résultats lors de l’évaluation des risques et relevés dans le document unique : 15,0 % Médecins ayant le sentiment personnel que ce type d’intervention est utile pour l’entreprise : 65,0 % Médecins ayant le sentiment personnel que ce type d’intervention est utile pour le médecin du travail : 75,0 % 55,5 % 35,0 % 35,0 % 40,0 % 45,0 % 65,0 % 10,0 % 55,0 % Sinon, méthodes plus appropriées pour améliorer la connaissance des risques et la prévention dans ce type d’entreprise : - analyse détaillée des causes d’arrêt maladie et des motifs de sortie des salariés - contact direct avec les salariés présentant ces besoins. Grands changements Locaux Management • Agrandissement des locaux, nouveaux locaux, isolation phonique plus adaptée (5 entreprises) • Aménagements internes : cloisons, ouvertures, réfection de la climatisation, du système d’éclairage (2 entreprises) • Davantage d’écoute, de reconnaissance, d’autonomie • Mise en place d’entretiens d’évaluation (2 entreprises) • Plus de possibilités d’évolution (2 entreprises) • Facilitation du contact téléphonique avec les superviseurs Matériel Mais également : • Majoration de la pression managériale • Responsabilisation des salariés par rapport à la dégradation des résultats • Sentiment de dégradation des conditions sociales, même effectif avec augmentation du travail (2 entreprises) • Modification des règles de gestion du personnel, de l’organisation des horaires, nouveau système de bonus, d’attribution des congés payés (2 entreprises) • Formatage imposé par la certification • Modification du matériel téléphonique, prise en compte de la gêne phonique, changement de matériel informatique (2 entreprises) • Ergonomie des logiciels plus satisfaisante (1 entreprise) Population, structure de l’entreprise • Montée en puissance de l’activité, renforcement de l’équipe, nouvelle équipe et effectif doublé (5 entreprises) • Rachat de l’entreprise, changement de direction, de politique commerciale (5 entreprises) • Mutations effectives, spécialisation des plus anciens (1 entreprise) Activités, tâches • Activités complémentaires : traitement des mails • Nouveaux types d’opérations, évolution des activités, gamme de produits plus étendue, développement ou création d’un service ou de nouveaux services • Evolution des activités de réception des appels Si les injonctions paradoxales se retrouvent globalement dans une même proportion, elles touchent des entreprises différentes et leur existence apparaît, maintenant, admise. Les Études d’AHI 33 • • • Comprendre pour mieux agir Conclusions Toutes les questions posées avaient, en 2004, un lien significatif avec au moins un des indicateurs du stress. L’évolution dans ces entreprises est rapide : les rachats d’entreprise, changements de direction, turn-over, mais également changements de locaux, aménagements, évolution technologique positive du matériel, sont une réalité. Cependant, l’inconfort lié aux ambiances thermique et sonore domine toujours. Si, 5 ans après, le turn-over a, malgré tout, fortement diminué, le taux d’absentéisme, lui, a augmenté. Bien que ce dernier phénomène ait des causes très diverses, il traduit fréquemment un problème d’organisation ou de management persistant ou aggravé. Il a pu être relevé la notion d’intensification du travail, d’injonctions paradoxales, d’observance d’un langage formaté. Le regard du groupe sur le travail individuel semble moins prégnant. Une meilleure prise en compte des difficultés rencontrées et des besoins d’information des salariés semble exister. La durée moyenne de la formation a été renforcée, les pauses allongées dans plus de la moitié des entreprises, l’aspect qualitatif du travail pris en compte dans toutes les entreprises. Il est à noter qu’en 2009 aucune entreprise ne travaille au-delà de 6 jours consécutifs et un peu plus souvent selon des horaires classiques de bureau. Il y aurait davantage de facilité à obtenir une mutation. Une diversification des activités à gérer par les téléopérateurs semble amorcée. Cependant, les salariés n’interviennent pas plus souvent sur le contenu de leur travail. La notion de risques psychosociaux n’est pas contestée. Elle peut même, dans certaines entreprises, être réellement prise en compte. Pistes de réflexion • Nécessité de l’analyse des arrêts de travail en vue de trouver des solutions préventives, en coopération éventuelle avec la Caisse Régionale d’Assurance Maladie (CRAM). • Poursuite de l’étude du retentissement ORL d’un travail avec casque téléphonique. • Incitation des entreprises à la prise en compte de la notion de « Génération » afin que les managers apprennent à gérer les salariés, entre autres, en fonction de cette particularité. • Extension des études aux managers. Remarques méthodologiques : L’étude a été confrontée aux limites de ce type d’enquête. Il est en effet difficile de dépasser le cap des 2-5 ans pour le suivi des salariés en raison du turn-over. De plus, l’introduction d’une nouvelle notion de certification ayant entraîné de nouvelles contraintes, l’organisation de l’entreprise n’est plus comparable à celle d’avant. Ainsi, en 2009, un certain nombre de paramètres n’ont pu être recueillis à l’identique. Cette étude a été réalisée par un groupe de médecins de l’AHI 33 animé par Mme le Dr Domecq auquel ont participé les Drs Attouche, Bardet, Caillet, Charmois, Colinmaire, Erésué, Faure, Feuillard, Guidon, Gouze, Hardy, Igel, Jenczewski, Lacoste, Lacroix, Prissé, Puginier, Trézeguet, Velly. Les 3 documents déjà publiés sur cette étude et celui-ci peuvent être consultés sur le site internet de www.ahi33.org : - la première partie de l’étude - la deuxième partie de l’étude - les conseils généraux de prévention pour la santé des téléopérateurs AHI 33 Service de Santé au Travail 50, cours Balguerie Stuttenberg 33000 Bordeaux Tél. 05 57 87 75 75 Imprimé sur papier recyclé Crédit photos : AHI 33 - Fotolia - Décembre 2009 • Recueil systématique des motivations de départs volontaires bien que la réalisation de cette approche, son analyse et son interprétation restent difficiles.